Isabelle Sörling, Paul Lay, Simon tailleu: un trio habité au Sunside
Mardi dernier, le trio de Paul Lay, avec Isabelle Sörling au chant, donnait un concert d’une intensité extraordinaire.
Isabelle Sörling (chant), Paul Lay (piano), Simon tailleu (basse), 23 août 2018, le Sunside, 75001 Paris
J’ai déjà eu l’occasion d’écouter Isabelle Sörling plusieurs fois (notamment avec le Radio One d’Airelle Besson) . Mais sa performance au sein du trio de Paul Lay jeudi soir dépasse tout ce que je connaissais d’elle. Sa prestation fut d’une intensité folle, fiévreuse, sauvage, en plusieurs moments.
Isabelle Sörling est une chanteuse à part. Venue de Suède, elle a imposé en quelques années son émotivité introspective. Sur scène, elle a quelque chose d’une pythie. Elle se transforme en antenne captant les flux émotionnels et les restituant avec une intensité décuplée. Elle n’est pas une chanteuse de jazz au sens traditionnel du terme car elle n’est pas en quête de swing mais d’inouï. Dans ses improvisations , on entend les échos d’un chant primitif spontané qui ne se soucie pas de se couler dans le moule du scat. C’est pourquoi elle est comme un poisson dans l’eau dans le répertoire du folk, qu’elle est capable d’emmener vers des cimes émotionnelles. Le répertoire de ce soir lui convient donc à merveille, ce sont des chansons se référant au centenaire du jazz, et évoquant l’humus qui a donné naissance à cette musique (gospel, folk song , rag time, chansons…). Dans le deuxième set, le trio ouvrira son spectre jusqu’à Nina Simone et des chansons traditionnelles suédoises.
Le pianiste Paul Lay, lui-aussi habité, vole sur les mêmes courants émotionnels ascendants que sa chanteuse. Son jeu vibrant et gorgé de swing ne quitte jamais la mélodie des yeux, tout en la poussant parfois dans ses retranchements par des attaques étonamment fortes et dures. A certains moments, ses chorus sont pris de folie, comme s’il avait mis les doigts dans la prise. Quant au troisième larron de ce trio décidément fusionnel, le bassiste Simon Tailleu, il alimente de manière indéfectible la recherche d’intensité du trio, capable à travers une note répétée ou un ostinato d’emmener la musique vers les rivages de la transe. Bref un trio à la fois sophistiqué et sauvage, dont on attend le disque avec impatience.
JFMondot