Jacques Mahieux n’est plus
Même les grands cœurs finissent par lâcher… Celui de Jacques s’est arrêté jeudi dernier, 10 mars. Ses obsèques avaient lieu aujourd’hui 14 mars, dans son village à Priches, à l’heure où nous bouclions le numéro d’avril de Jazz Magazine, en pensant à lui.
Jacques Mahieux naquit en 1946, le 24 juin, à Guise, entre Saint-Quentin et Charleville. La mandoline de son père, la clarinette, le jazz New Orleans, Louis Armstrong dont il imite a voix, les Amis du jazz de Guise aux premiers rangs desquels il est photographié à l’âge de 13 ans, au côté de son père, buvant les paroles de Frank Tenot venu parler de Duke Ellington… Arrive Ray Charles et l’adolescence, la guitare et Bob Dylan, le jazz moderne, Mingus, Monk, Roy Haynes sur l’album d’“Outward Bound” de Dolphy… la batterie avec laquelle il débarque à Paris dans les braises encore chaudes de mai 68, après avoir largué un poste de prof de français. Il sympathise avec une nouvelle scène de musiciens dans son genre, autodidactes marqués par le free jazz et le jazz électrique façon “Bitches Brew” : la bande du Cohelmec Ensemble et du Dharma. C’est avec ce dernier groupe – Patricio Villaroel, Jef Sicard, Gérard Coppéré puis Gérard Marais, Michel Gladieux – qu’il apparaît pour la première fois au dos d’une pochette de disque : “Mr. Robinson”. Il y en aura deux autres, un duo avec Mico Nissim, des années de galère, d’hésitations, de tours de chants dont témoignent deux vinyles : “Chansons à regarder en écoutant passer les trains” (1976) et “Jacques Mahieux” (1980). De retour à Lille, il a sympathisé avec le guitariste Philippe Deschepper et le bassiste Jean-Luc Ponthieux, et se remet à la batterie.
Un beau jour, Mico Nissim le rappelle pour un remplacement chez Claude Barthélémy. Revoici son nom au dos d’une disque de jazz, “Moderne” (1982), puis le voici sur un disque d’Henri Texier, “La Companera” produit en 1983 sur le label Cara de Patrice Caratini. Un disque tournant où l’on trouve Michel Marre, Louis Sclavis qui prend ici son indépendance vis-à-vis de l’Arfi où il a grandi, et l’ami Philippe Deschepper. La carrière de Jacques démarre, on commence à l’identifier et son réseau se constitué : Deschep avec qui il fonde le quartette E.A.O. (Ponthieux et le saxophoniste allemand Martin Fredebeul) et enregistre “Sad Novi Sad” en trio avec Steve Swallow ; Texier avec qui il y aura encore “Paris-Batignoles” et “Mad Nomad(s)” ; Barthé qu’il retrouve périodiquement, notamment chez Sylvain Kassap qui devient l’un de ses plus proches collaborateurs ; Gérard Marais, le compagnon des premiers pas…
Chez cet admirateur de Pete LaRoca, Roy Haynes et Paul Motian, on apprécie le drive, le toucher, la musicalité, mais aussi le bon camarade à l’humour un rien désespéré, un désespoir tendre qui a trouvé son écho dans les échanges basse et guitare sur la composition de Philippe Deschepper Sad Novi Sad, et son expression chantée sur sa propre composition Jack’s Blues et des paroles de Robert Creeley. Lorsque je prépare les enregistrements de “Paris Musette” avec Patrick Tandin et Didier Roussin en 1989, nous tombons d’accord pour faire chanter à Mahieux L’Homme à l’accordéon. Ce sera le seul morceau sans accordéon du disque, mais on lui confiera les baguettes sur le reste de l’album et sur les volumes suivants. Humainement et musicalement, il fera merveille parmi les vétérans du soufflet.
À l’époque, il a repris l’habitude de donner de la voix au sein du collectif des Zhivaros (toujours les mêmes : Kassap, Texier, Barthé, Marais, Levallet), et bientôt il enregistre “Chantage(s)” et “Mahieux” où il mêle ses chansons à celles de Kevin Coyne, Randy Newman et Nick Drake. En 2012, il incarnera Janis Joplin dans “Janis The Pearl” de Franck Tortiller. Des répertoires qui prennent une résonnance singulière dans ce Nord-Pas-de-Calais sinistré auquel il reste attaché et où, entamant sa carrière d’instrumentiste-leader sur “Franche Musique” en 1999, il parraine la génération montante : son fils Nicolas, contrebassiste, Olivier Benoît (le guitariste aujourd’hui chef de l’ONJ) et le saxophoniste Vincent Mascart. Onze ans plus, il retourne en studio pour enregistrer “Peaux d’âmes” au sein de la Mahieux Family, soit Géraldine Laurent, Olivier Benoît, Jérémie Ternoy et Nicolas Mahieux, plus un répertoire emprunté à Shelly Manne, Denzil Best, Robert Wyatt, Joe Chambers, Manuel Denizet, Tony Williams, Joey Baron et la reprise de Jack’s Blues. Tout un programme ! Il avait émis le souhait d’un volume deux, ne serait-ce que pour pouvoir y reprendre Gwen, ballade de Philly Joe Jones, mais le cœur qu’il avait si grand l’a lâché vendredi dernier, 10 mars 2016. Franck Bergerot
Photo Jacques Mahieux : © Joël Gélys|Même les grands cœurs finissent par lâcher… Celui de Jacques s’est arrêté jeudi dernier, 10 mars. Ses obsèques avaient lieu aujourd’hui 14 mars, dans son village à Priches, à l’heure où nous bouclions le numéro d’avril de Jazz Magazine, en pensant à lui.
Jacques Mahieux naquit en 1946, le 24 juin, à Guise, entre Saint-Quentin et Charleville. La mandoline de son père, la clarinette, le jazz New Orleans, Louis Armstrong dont il imite a voix, les Amis du jazz de Guise aux premiers rangs desquels il est photographié à l’âge de 13 ans, au côté de son père, buvant les paroles de Frank Tenot venu parler de Duke Ellington… Arrive Ray Charles et l’adolescence, la guitare et Bob Dylan, le jazz moderne, Mingus, Monk, Roy Haynes sur l’album d’“Outward Bound” de Dolphy… la batterie avec laquelle il débarque à Paris dans les braises encore chaudes de mai 68, après avoir largué un poste de prof de français. Il sympathise avec une nouvelle scène de musiciens dans son genre, autodidactes marqués par le free jazz et le jazz électrique façon “Bitches Brew” : la bande du Cohelmec Ensemble et du Dharma. C’est avec ce dernier groupe – Patricio Villaroel, Jef Sicard, Gérard Coppéré puis Gérard Marais, Michel Gladieux – qu’il apparaît pour la première fois au dos d’une pochette de disque : “Mr. Robinson”. Il y en aura deux autres, un duo avec Mico Nissim, des années de galère, d’hésitations, de tours de chants dont témoignent deux vinyles : “Chansons à regarder en écoutant passer les trains” (1976) et “Jacques Mahieux” (1980). De retour à Lille, il a sympathisé avec le guitariste Philippe Deschepper et le bassiste Jean-Luc Ponthieux, et se remet à la batterie.
Un beau jour, Mico Nissim le rappelle pour un remplacement chez Claude Barthélémy. Revoici son nom au dos d’une disque de jazz, “Moderne” (1982), puis le voici sur un disque d’Henri Texier, “La Companera” produit en 1983 sur le label Cara de Patrice Caratini. Un disque tournant où l’on trouve Michel Marre, Louis Sclavis qui prend ici son indépendance vis-à-vis de l’Arfi où il a grandi, et l’ami Philippe Deschepper. La carrière de Jacques démarre, on commence à l’identifier et son réseau se constitué : Deschep avec qui il fonde le quartette E.A.O. (Ponthieux et le saxophoniste allemand Martin Fredebeul) et enregistre “Sad Novi Sad” en trio avec Steve Swallow ; Texier avec qui il y aura encore “Paris-Batignoles” et “Mad Nomad(s)” ; Barthé qu’il retrouve périodiquement, notamment chez Sylvain Kassap qui devient l’un de ses plus proches collaborateurs ; Gérard Marais, le compagnon des premiers pas…
Chez cet admirateur de Pete LaRoca, Roy Haynes et Paul Motian, on apprécie le drive, le toucher, la musicalité, mais aussi le bon camarade à l’humour un rien désespéré, un désespoir tendre qui a trouvé son écho dans les échanges basse et guitare sur la composition de Philippe Deschepper Sad Novi Sad, et son expression chantée sur sa propre composition Jack’s Blues et des paroles de Robert Creeley. Lorsque je prépare les enregistrements de “Paris Musette” avec Patrick Tandin et Didier Roussin en 1989, nous tombons d’accord pour faire chanter à Mahieux L’Homme à l’accordéon. Ce sera le seul morceau sans accordéon du disque, mais on lui confiera les baguettes sur le reste de l’album et sur les volumes suivants. Humainement et musicalement, il fera merveille parmi les vétérans du soufflet.
À l’époque, il a repris l’habitude de donner de la voix au sein du collectif des Zhivaros (toujours les mêmes : Kassap, Texier, Barthé, Marais, Levallet), et bientôt il enregistre “Chantage(s)” et “Mahieux” où il mêle ses chansons à celles de Kevin Coyne, Randy Newman et Nick Drake. En 2012, il incarnera Janis Joplin dans “Janis The Pearl” de Franck Tortiller. Des répertoires qui prennent une résonnance singulière dans ce Nord-Pas-de-Calais sinistré auquel il reste attaché et où, entamant sa carrière d’instrumentiste-leader sur “Franche Musique” en 1999, il parraine la génération montante : son fils Nicolas, contrebassiste, Olivier Benoît (le guitariste aujourd’hui chef de l’ONJ) et le saxophoniste Vincent Mascart. Onze ans plus, il retourne en studio pour enregistrer “Peaux d’âmes” au sein de la Mahieux Family, soit Géraldine Laurent, Olivier Benoît, Jérémie Ternoy et Nicolas Mahieux, plus un répertoire emprunté à Shelly Manne, Denzil Best, Robert Wyatt, Joe Chambers, Manuel Denizet, Tony Williams, Joey Baron et la reprise de Jack’s Blues. Tout un programme ! Il avait émis le souhait d’un volume deux, ne serait-ce que pour pouvoir y reprendre Gwen, ballade de Philly Joe Jones, mais le cœur qu’il avait si grand l’a lâché vendredi dernier, 10 mars 2016. Franck Bergerot
Photo Jacques Mahieux : © Joël Gélys|Même les grands cœurs finissent par lâcher… Celui de Jacques s’est arrêté jeudi dernier, 10 mars. Ses obsèques avaient lieu aujourd’hui 14 mars, dans son village à Priches, à l’heure où nous bouclions le numéro d’avril de Jazz Magazine, en pensant à lui.
Jacques Mahieux naquit en 1946, le 24 juin, à Guise, entre Saint-Quentin et Charleville. La mandoline de son père, la clarinette, le jazz New Orleans, Louis Armstrong dont il imite a voix, les Amis du jazz de Guise aux premiers rangs desquels il est photographié à l’âge de 13 ans, au côté de son père, buvant les paroles de Frank Tenot venu parler de Duke Ellington… Arrive Ray Charles et l’adolescence, la guitare et Bob Dylan, le jazz moderne, Mingus, Monk, Roy Haynes sur l’album d’“Outward Bound” de Dolphy… la batterie avec laquelle il débarque à Paris dans les braises encore chaudes de mai 68, après avoir largué un poste de prof de français. Il sympathise avec une nouvelle scène de musiciens dans son genre, autodidactes marqués par le free jazz et le jazz électrique façon “Bitches Brew” : la bande du Cohelmec Ensemble et du Dharma. C’est avec ce dernier groupe – Patricio Villaroel, Jef Sicard, Gérard Coppéré puis Gérard Marais, Michel Gladieux – qu’il apparaît pour la première fois au dos d’une pochette de disque : “Mr. Robinson”. Il y en aura deux autres, un duo avec Mico Nissim, des années de galère, d’hésitations, de tours de chants dont témoignent deux vinyles : “Chansons à regarder en écoutant passer les trains” (1976) et “Jacques Mahieux” (1980). De retour à Lille, il a sympathisé avec le guitariste Philippe Deschepper et le bassiste Jean-Luc Ponthieux, et se remet à la batterie.
Un beau jour, Mico Nissim le rappelle pour un remplacement chez Claude Barthélémy. Revoici son nom au dos d’une disque de jazz, “Moderne” (1982), puis le voici sur un disque d’Henri Texier, “La Companera” produit en 1983 sur le label Cara de Patrice Caratini. Un disque tournant où l’on trouve Michel Marre, Louis Sclavis qui prend ici son indépendance vis-à-vis de l’Arfi où il a grandi, et l’ami Philippe Deschepper. La carrière de Jacques démarre, on commence à l’identifier et son réseau se constitué : Deschep avec qui il fonde le quartette E.A.O. (Ponthieux et le saxophoniste allemand Martin Fredebeul) et enregistre “Sad Novi Sad” en trio avec Steve Swallow ; Texier avec qui il y aura encore “Paris-Batignoles” et “Mad Nomad(s)” ; Barthé qu’il retrouve périodiquement, notamment chez Sylvain Kassap qui devient l’un de ses plus proches collaborateurs ; Gérard Marais, le compagnon des premiers pas…
Chez cet admirateur de Pete LaRoca, Roy Haynes et Paul Motian, on apprécie le drive, le toucher, la musicalité, mais aussi le bon camarade à l’humour un rien désespéré, un désespoir tendre qui a trouvé son écho dans les échanges basse et guitare sur la composition de Philippe Deschepper Sad Novi Sad, et son expression chantée sur sa propre composition Jack’s Blues et des paroles de Robert Creeley. Lorsque je prépare les enregistrements de “Paris Musette” avec Patrick Tandin et Didier Roussin en 1989, nous tombons d’accord pour faire chanter à Mahieux L’Homme à l’accordéon. Ce sera le seul morceau sans accordéon du disque, mais on lui confiera les baguettes sur le reste de l’album et sur les volumes suivants. Humainement et musicalement, il fera merveille parmi les vétérans du soufflet.
À l’époque, il a repris l’habitude de donner de la voix au sein du collectif des Zhivaros (toujours les mêmes : Kassap, Texier, Barthé, Marais, Levallet), et bientôt il enregistre “Chantage(s)” et “Mahieux” où il mêle ses chansons à celles de Kevin Coyne, Randy Newman et Nick Drake. En 2012, il incarnera Janis Joplin dans “Janis The Pearl” de Franck Tortiller. Des répertoires qui prennent une résonnance singulière dans ce Nord-Pas-de-Calais sinistré auquel il reste attaché et où, entamant sa carrière d’instrumentiste-leader sur “Franche Musique” en 1999, il parraine la génération montante : son fils Nicolas, contrebassiste, Olivier Benoît (le guitariste aujourd’hui chef de l’ONJ) et le saxophoniste Vincent Mascart. Onze ans plus, il retourne en studio pour enregistrer “Peaux d’âmes” au sein de la Mahieux Family, soit Géraldine Laurent, Olivier Benoît, Jérémie Ternoy et Nicolas Mahieux, plus un répertoire emprunté à Shelly Manne, Denzil Best, Robert Wyatt, Joe Chambers, Manuel Denizet, Tony Williams, Joey Baron et la reprise de Jack’s Blues. Tout un programme ! Il avait émis le souhait d’un volume deux, ne serait-ce que pour pouvoir y reprendre Gwen, ballade de Philly Joe Jones, mais le cœur qu’il avait si grand l’a lâché vendredi dernier, 10 mars 2016. Franck Bergerot
Photo Jacques Mahieux : © Joël Gélys|Même les grands cœurs finissent par lâcher… Celui de Jacques s’est arrêté jeudi dernier, 10 mars. Ses obsèques avaient lieu aujourd’hui 14 mars, dans son village à Priches, à l’heure où nous bouclions le numéro d’avril de Jazz Magazine, en pensant à lui.
Jacques Mahieux naquit en 1946, le 24 juin, à Guise, entre Saint-Quentin et Charleville. La mandoline de son père, la clarinette, le jazz New Orleans, Louis Armstrong dont il imite a voix, les Amis du jazz de Guise aux premiers rangs desquels il est photographié à l’âge de 13 ans, au côté de son père, buvant les paroles de Frank Tenot venu parler de Duke Ellington… Arrive Ray Charles et l’adolescence, la guitare et Bob Dylan, le jazz moderne, Mingus, Monk, Roy Haynes sur l’album d’“Outward Bound” de Dolphy… la batterie avec laquelle il débarque à Paris dans les braises encore chaudes de mai 68, après avoir largué un poste de prof de français. Il sympathise avec une nouvelle scène de musiciens dans son genre, autodidactes marqués par le free jazz et le jazz électrique façon “Bitches Brew” : la bande du Cohelmec Ensemble et du Dharma. C’est avec ce dernier groupe – Patricio Villaroel, Jef Sicard, Gérard Coppéré puis Gérard Marais, Michel Gladieux – qu’il apparaît pour la première fois au dos d’une pochette de disque : “Mr. Robinson”. Il y en aura deux autres, un duo avec Mico Nissim, des années de galère, d’hésitations, de tours de chants dont témoignent deux vinyles : “Chansons à regarder en écoutant passer les trains” (1976) et “Jacques Mahieux” (1980). De retour à Lille, il a sympathisé avec le guitariste Philippe Deschepper et le bassiste Jean-Luc Ponthieux, et se remet à la batterie.
Un beau jour, Mico Nissim le rappelle pour un remplacement chez Claude Barthélémy. Revoici son nom au dos d’une disque de jazz, “Moderne” (1982), puis le voici sur un disque d’Henri Texier, “La Companera” produit en 1983 sur le label Cara de Patrice Caratini. Un disque tournant où l’on trouve Michel Marre, Louis Sclavis qui prend ici son indépendance vis-à-vis de l’Arfi où il a grandi, et l’ami Philippe Deschepper. La carrière de Jacques démarre, on commence à l’identifier et son réseau se constitué : Deschep avec qui il fonde le quartette E.A.O. (Ponthieux et le saxophoniste allemand Martin Fredebeul) et enregistre “Sad Novi Sad” en trio avec Steve Swallow ; Texier avec qui il y aura encore “Paris-Batignoles” et “Mad Nomad(s)” ; Barthé qu’il retrouve périodiquement, notamment chez Sylvain Kassap qui devient l’un de ses plus proches collaborateurs ; Gérard Marais, le compagnon des premiers pas…
Chez cet admirateur de Pete LaRoca, Roy Haynes et Paul Motian, on apprécie le drive, le toucher, la musicalité, mais aussi le bon camarade à l’humour un rien désespéré, un désespoir tendre qui a trouvé son écho dans les échanges basse et guitare sur la composition de Philippe Deschepper Sad Novi Sad, et son expression chantée sur sa propre composition Jack’s Blues et des paroles de Robert Creeley. Lorsque je prépare les enregistrements de “Paris Musette” avec Patrick Tandin et Didier Roussin en 1989, nous tombons d’accord pour faire chanter à Mahieux L’Homme à l’accordéon. Ce sera le seul morceau sans accordéon du disque, mais on lui confiera les baguettes sur le reste de l’album et sur les volumes suivants. Humainement et musicalement, il fera merveille parmi les vétérans du soufflet.
À l’époque, il a repris l’habitude de donner de la voix au sein du collectif des Zhivaros (toujours les mêmes : Kassap, Texier, Barthé, Marais, Levallet), et bientôt il enregistre “Chantage(s)” et “Mahieux” où il mêle ses chansons à celles de Kevin Coyne, Randy Newman et Nick Drake. En 2012, il incarnera Janis Joplin dans “Janis The Pearl” de Franck Tortiller. Des répertoires qui prennent une résonnance singulière dans ce Nord-Pas-de-Calais sinistré auquel il reste attaché et où, entamant sa carrière d’instrumentiste-leader sur “Franche Musique” en 1999, il parraine la génération montante : son fils Nicolas, contrebassiste, Olivier Benoît (le guitariste aujourd’hui chef de l’ONJ) et le saxophoniste Vincent Mascart. Onze ans plus, il retourne en studio pour enregistrer “Peaux d’âmes” au sein de la Mahieux Family, soit Géraldine Laurent, Olivier Benoît, Jérémie Ternoy et Nicolas Mahieux, plus un répertoire emprunté à Shelly Manne, Denzil Best, Robert Wyatt, Joe Chambers, Manuel Denizet, Tony Williams, Joey Baron et la reprise de Jack’s Blues. Tout un programme ! Il avait émis le souhait d’un volume deux, ne serait-ce que pour pouvoir y reprendre Gwen, ballade de Philly Joe Jones, mais le cœur qu’il avait si grand l’a lâché vendredi dernier, 10 mars 2016. Franck Bergerot
Photo Jacques Mahieux : © Joël Gélys