JAZZ à COUCHES 2019, seconde escale
Deuxième et dernier jour dans le festival bourguignon pour le chroniqueur avant de migrer vers ses pénates, et un condensé de l’esprit du festival : Big Band de Couches sur la place à 18h, et une soirée contrastée entre l’intimisme de Continuum et les éclats de Living Being II
Tout commence à 18h sur la Place de la République, face à l’Hôtel des 3 Maures. En fait tout a commencé vers 13h à l’apéro autour d’une bouteille à vous émouvoir, mais il ne faut pas le dire : c’est le supplément d’âme ! À 18h, donc, début des choses sérieuses avec le Big Band de Couches, vaillante phalange d’amateurs qui compte dans ses rangs trois vignerons et le chef de culture d’un domaine viticole très renommé. J’avais déjà écouté l’orchestre sur la grande scène, encadré par Jean Gobinet et d’autres professionnels, à l’issue d’un travail serré. Ici c’est bonne franquette, on n’est pas à l’issue d’un atelier stakhanoviste, mais dans le libre exercice de la passion détendue. Le programme est très éclectique : après une belle version de West End Blues qui étend au big band les échos d’Armstrong 1928, ce sera Boplicity, naguère composé par Miles Davis et arrangé par Gil Evans : exercice difficile, c’est tendu harmoniquement, il y a un sax qui joue un peu faux (je ne le dénoncerai pas….) mais tout rentre dans l’ordre et l’orchestre s’en sort plus qu’honorablement. Suivront des classiques de toutes les époques, de Duke Ellington à Weather Report en passant par Dizzy Gillespie et Count Basie ; et en rappel un bon vieux Saint Louis Blues. Un bon moment de musique, public heureux, chroniqueur compris.
DUO CONTINUUM
Yves Rousseau (contrebasse), Jean-Marc Larché (saxophones alto & soprano)
Couches, Zone de loisirs, 3 juillet 2019, 20h
La soirée commence par une musique intimiste, façon duo de chambre, avec deux musiciens qui se jouent de leurs multiples sources et racines en mêlant compositions originales et libres évocations du passé (Bach, et aussi un baroque italien transporté chez Albion, de moi inconnu, et qui me faisait penser à Purcell : ressemblance effective mais défaut de culture pour ce qui me concerne….). Le lyrisme est la constante de ce duo, de son programme et de sa façon de l’interpréter : lyrisme tendu ou serein, selon les instants, et toujours développé dans une précision musicale qui jamais n’altère l’expression. Le public paraît d’abord surpris par cette proposition à laquelle, peut-être, il ne s’attendait pas, mais l’écoute est plus qu’attentive, et manifestement l’auditoire est conquis par cette beauté irrévocable.
VINCENT PEIRANI ‘Living Being II’
Vincent Peirani (accordéon, voix), Émile Parisien (saxophone soprano, effets), Tony Paeleman (piano électrique, effets), Julien Herné (guitare basse), Yoann Serra (batterie)
Couches, Zone de loisirs, 4 juillet 2019, 21h30
Le clou du spectacle assurément, groupe attendu et déjà adulé. Et pourtant on ne commence pas le concert en montrant ses muscles et l’étendue de sa virtuosité. Début en douceur au contraire, en nuances de toutes parts, signe de goût, d’intelligence , et pour tout dire de (considérable) talent. Le répertoire du concert est celui du disque «Night Walker» (Act/Pias distribution), paru à la fin de l’été 2018. Le groupe l’a donné dans toute la France et une bonne partie de l’Europe. Je les avais écoutés à Nevers en novembre dernier. Le concert ne dupliquait pas le disque, et cette fois encore pas de redite : juste l’intensité de l’instant, l’immersion profonde dans la musique. Rituellement cela commence par Bang Bang, tube des années soixante immortalisé par Cher (celle de Sonny and Cher) puis par Nancy Sinatra, et accessoirement existant depuis plus de 50 ans en version française par l’inoxydable Sheila, et en italien par Dalida. Une véritable scie métamorphosée par une dramaturgie subtile et une expressivité plus qu’intense, mais sans tape à l’oreille. Du Grand Art ! Suivront un grand nombre de compositions originales, et aussi une sorte de medley autour de Led Zepplin, intitulé Kashmir to Heaven. Sans oublier le fameux air du Génie du Froid dans le King Arthur de Purcell, Cold Song, porté à l’extrême limite concevable de l’expressivité. Magnifique concert, où le jazz flirte avec le meilleur du rock progressif et où, comme chaque fois, au côté de Vincent Peirani, Émile Parisien subjugue par son engagement, la force de son expression, et sa musicalité. Cette musique est celle d’un groupe, création collective portée jusqu’aux limites imaginables de la cohésion. Chapeau !
La soirée se conclut par une rituelle jam session qui convoque le gratin des jazzmen bourguignons. On s’attarde au bar autour de quelques bons crus, locaux ou exotiques, tout en tendant l’oreille vers ces lascars qui jouent diablement bien. Encore une belle soirée à Couches. Le lendemain je dois partir, à regret mais avec, comme chaque fois, des souvenirs de musique et d’amitié plein la tête.
Xavier Prévost