Jazz live
Publié le 4 Juil 2024 • Par Xavier Prévost

Jazz à Couches 2024 : soirée d’ouverture

Premier soir d’une série de 4 pour le festival bourguignon, suscité voici plus de 35 ans par Franck Tortiller, enfant du pays. Et pour le chroniqueur plaisir de venir une fois encore dans ce bourg rural qui fait vivre un événement toujours digne du plus grand intérêt. Les mauvaises langues (il en est dans le micro-milieu….) y verront la trace de ma ruralité originelle et revendiquée : pas faux. Les jours suivants on écoutera sous le chapiteau de la zone de loisirs, et ailleurs, le bluesman irlandais Johnny Gallagher, la chanteuse Robin McKelle, le duo Christophe Monniot–Didier Ithursarry, et Trilok Gurtu, entre autres. Détails ici

https://www.jazzacouches.fr/programmation-2024

Mais pour l’ouverture c’est 100 % bourguignon, tendance chardonnay, aligoté ou pinot noir, selon les options personnelles. Le Big Band de Couches, belle phalange d’amateurs, est de retour, alors qu’il était absent de l’affiche 2023. Et en première partie le vibraphoniste du cru, qui généralement n’encombre pas de sa personne la programmation du festival qu’il a créé, mais qui cette fois nous présente le beau duo avec lequel il a récemment publié un disque intitulé ‘Aerial’ (label MCO https://www.labelmco.com/ )

le duo pendant la balance

ALEXANDRA LEHMLER – FRANCK TORTILLER ‘Aerial’

Franck Tortiller (vibraphone), Alexandra Lehmler (saxophones soprano, alto & baryton)

Couches, sous chapiteau, 3 juillet 2024, 20h

Nouveau duo pour le vibraphoniste, après la rencontre avec François Corneloup (baryton et soprano, déjà), puis la guitare de Misja Fitzgerald-Michel. Cette fois, comme le fait remarquer le vibraphoniste avec son humour coutumier, c’est un duo paritaire. La saxophoniste allemande est une musicienne de haut rang, peu connue dans notre hexagone, dans le groupe de laquelle Franck avait joué en Allemagne voici pas mal de temps. Le programme est pour l’essentiel celui du disque paru l’an dernier, et va commencer par une composition de la saxophoniste, au soprano, en solo et en douceur, avant l’entrée du vibraphone pour une montée en pression vers une sorte de shuffle assez endiablé. Puis c’est le sax alto pour une composition du vibraphoniste, ballade au lyrisme sinueux qui va monter en intensité expressive. Ce qui frappe chez la musicienne, outre la grande maîtrise et de très belles sonorités sur les trois instruments, c’est une formidable expressivité, sans ostentation mais avec une intensité qui nous saisit. Le vibraphoniste joue des rôles multiples : section rythmique, dispensateur d’harmonies, architecte de rythmes complexes jouant en virtuose des ressources de doubles mailloches dans chaque main, et bien sûr soliste épatant. Le concert traversera la musique de Puccini, puis une évocation par la saxophoniste de sa grand-mère Frida, un moment de blues, une chanson de Gainsbourg aux airs de bossa nova, et en rappel un thème du trop oublié Jim Pepper, saxophoniste d’origine amérindienne, qui faisait revivre dans sa musique la mémoires des peuples premiers de l’Amérique du Nord. Très beau moment de musique qui a touché, droit au cœur, tout le public, chroniqueur inclus.

BIG-BAND de COUCHES, featuring JEAN-CHARLES RICHARD

Sylvain Augy, Alain Dard, Stéphane Desvignes, Sylvain Fargeix, Bob Pleinet (trompettes) ; Olivier Boreau, Didier Chabridon, Philippe Choquet, Christian Demonmerot, Gaëlle Fasulo, Hervé Gonneaud (trombones) ; Fabien Estor, Jean-Caude Royet, Patrick Seurre (saxophones altos) ; Anne Duchêne, Stéphane Teyssier (saxophones ténors) ; Richard Legouy (saxophone baryton), Mathieu Choquet (clavier), Cécile Guillement (guitare), Benoît Keller (contrebasse), Bernard Foudrot (batterie). Jean-Charles Richard (saxophones soprano & baryton). Franck Tortiller (direction artistique, vibraphone)

invités pour la fin du concert : Joël Chausse (trompette), Alexandra Lehmler (saxophone baryton), Aymeric Descharrières (saxophone soprano)

Couches, sous chapiteau, 3 juillet 2024, 21h30

L’orchestre entre vaillamment dans le vif du sujet avec les Fables of Faubus de Charles Mingus : énergie, précision, pulsation impérieuse, tout y est. De beaux échanges de baryton entre l’invité et le titulaire de l’orchestre, avec à un moment une sorte de break ‘à l’orientale’ : musique intensément vivante, assurément. Puis c’est le Grand Wazoo de Franck Zappa, avec une sorte de chase entre l’alto de Fabien Estor et le ténor de Stéphane Teyssier : on est dans le très vif du sujet. D’autres beaux échanges entre les solistes de l’orchestre et l’invité sur un thème de Bob Mintzer. Retour à Mingus avec Nostalgia in Time Square, puis un thème du vibraphoniste Terry Gibbs (là le chef d’orchestre va se mettre au vibraphone pour un solo).

On accueille en invité le trompettiste Joël Chausse, qui s’était joint au groupe ‘Les Sourdines à l’huile’ pour l’aubade processionnelle qui conduit le public du bar au concert. Ce sera pour The Mooche, d’Ellington. Forte expressivité de jungle style prolongé. Les amateurs de l’orchestre n’ont pas l’endurance des pros, la pression tend à baisser, mais elle revient quand toutes les sections jouent debout.

Public conquis, rappel chaleureux, avec de nouvelles invitations : Alexandra Lehmler au baryton et Aymeric Descharrières, le leader des ‘Sourdines à l’huile’, au soprano. De beaux échanges, et des solos de quatre mesures qui parcourent tout l’orchestre, section après section. Enthousiasme du public, ovation verticale de rigueur, et présentation de l’orchestre, avec remerciements spéciaux au contrebassiste Benoît Keller, un pro venu au pied levé remplacer le titulaire. Très belle soirée : le chroniqueur, en vieil amateur de jazz, s’est une fois de plus réjoui à l’écoute de cette belle phalange d’amateurs chaudement encouragée, et entraînée, par des pros qui ont le sens du partage.

Xavier Prévost (texte & photos)