Jazz à Couches : la folle nuit des trente ans.
Hier, 8 juillet, pour la soirée du trentenaire de Jazz à Couches, Franck Tortiller réunissait un all stars de complices fidèles, habitués aux festivités de cette petite commune du chalonnais, avant de céder la place à François Corneloup et son quintette Le Peuple étincelle pour un grand bal poussière.
Je me souviens de ma première visite à Jazz à Couches et de David Liebman arrivant directement de Roissy. Assommé à la descente du train par la chaleur qui écrasait ce jour-là la gare TGV du Creusot, amusé d’entendre au loin une batucada qui s’approchait, et, avant même, de réaliser qu’elle était là pour fêter sa venue, encore sur le marchepied, son regard éberlué de se voir tendre un verre de blanc par Mimi Tortiller, père de Franck, viticulteur, panier au bras rempli de verres qu’il remplissait et distribuait généreusement à l’entour.
Jazz à Couches, c’est ça. Mimi Tortiller n’est plus là, lui qu’on a vu rompre la barrière de la langue avec Elvin Jones en trinquant plus que de raison avant un concert du batteur, mais l’esprit reste – incarné notamment par Annie, l’épouse de Mimi, toujours sur la brèche – et l’on est étonné de voir un Franck Tortiller si méticuleux dans son art animé d’un tel sens de la fête, sens de la fête qui n’est pas étranger à la culture de la vigne. Dans une interview que j’ai recueillie pour l’ouvrage dirigé par Michel Puhl Bourgogne, une terre de jazz, 1980-2010 (volume 2 d’un premier ouvrage de Michel Puhl Au fil du jazz, Bourgogne, 1945-1980, tous deux publiés par le Centre régional de Bourgogne), il raconte la genèse du festival, sa croissance grâce à un équipe (bureau associatif et bénévoles) et qui a su se renouveler tout au long de ces trente ans. On y voit parallèlement à la culture de la vigne grandir à Couches et alentours une culture du jazz qui en fait l’un des points chauds de cette Bourgogne du jazz. Et l’on ne cesse sur place, en croisant bénévoles, membres du bureau et présidents (Philippe Guillemain et son successeur Stéphane Desvignes), d’apprendre que l’un joue du saxophone, l’autre de la trompette… De quoi me faire regretter de n’avoir pas assisté, le 6 juillet, à la soirée d’ouverture de l’édition 2016 qui vit s’affronter en une amicale bataille d’orchestre le Big Band de Chalon et celui de Couches (où Mimi Tortiller eut son pupitre de trompette).
Première étape à l’hôtel, sur la place du village résonnant à des accents musicaux qui ne me sont pas inconnus. Le temps de récupérer ma clé et de poser mon balluchon, je réalise que le septette qui se produit sur la place est en train de jouer Bitches Brew dans une version qui me donnerait bien envie de m’installer si déjà l’on ne m’entrainait vers le site du concert du soir. J’apprendrai en consultant le programme qu’il s’agit d’étudiants du Conservatoire régional de Dijon qui ont constitué ce groupe 69 !… sous la direction de leur professeur Pierre-Hervé Angibert, présent à la clarinette basse aux côtés de Samuel André (trompette), Pierre Girard (saxes), Gaspar Schlich (guitare électrique), Antoine Doucy (clavier), Lucas Le Texier (basse électrique) et Yohann Sulejmani (batterie)
Les musiciens que je retrouve au chapiteau me sont plus connus, puisqu’il s’agit du All Star du 30ème réuni par Franck Tortiller, six complices de toujours ou musiciens ayant marqué Jazz à Couches de leur passage. Yves Rousseau (contrebasse) avec lequel Tortiller se fit connaître au sein du Trio à Boum de Pierre “Ti’Boum” Guignon ; Eric Séva que l’on découvrit peu après auprès de Rousseau et Tortiller au sein du quintette Ecume et de la chanteuse Senem Diyici ; Claus Stötter (trompette, bugle) qui fut présenté à Denis Badault lors d’une édition de Jazz à Couches, ce qui lui valut de se retrouver dans l’ONJ de Badault et de lancer une carrière qui ne cessa par la suite de croiser celle de Tortiller, tout comme Patrice Héral (batterie, voix), Jean-Louis Pommier (trombone), François Corneloup (saxes baryton et soprano) et Yves Torchinsky (contrebasse, basse électrique) ; le guitariste Louis Winsberg que ma mémoire ne parvient plus à rattacher à cette communauté à l’heure où j’écris ces lignes, sinon par sa présence à l’affiche d’éditions antérieures ; l’accordéoniste, Eric Bijon enfin, l’enfant du pays que j’ai connu tout jeune à Jazz à Couches. Tous ont apporté leurs partitions arrangées pour la circonstance, répétées le matin même et fignolées pendant la balance pour un concert vers lequel nous serons tout à l’heure entrainé, de la buvette au chapiteau, par l’orchestre de parade néo-orléanaise fidèle à Jazz à Couches, Les Sourdines à l’huile, et qui débutera par un For Tomorrow de McCoy Tyner dont la truculente polyphonie rappellera Charles Mingus.
On ira ainsi de formats en formats, de pièces franchement jazz en folklores imaginaires en passant par de pures chansons instrumentales, ponctuées de solo où Pommier renforce les moments mingusiens, où les angularités très européennes de Corneloup voisinent avec le ténor de Séva dont les accents breckeriens se sont attendris au fil des ans, où le bugle de Stötter a une douceur de cor d’harmonie, où Tortiller mêlant le timbre de son vibraphone avec celui de Bijon fait subrepticement apparaître une boule de dancing imaginaire au-dessus de la scène, où la guitare de Winsberg met le feu au planche, où Rousseau et “Torch” s’entendent comme larrons en foire pour se répartir ou additionner leurs parties de basse qui sont comme le jour et la nuit, sans que l’on sache bien dire qui fait le soleil ni qui fait la nuit, où Patrice Héral se lance dans un grand solo vocal que n’aurait pas renié Jerry Lewis. Le tout ponctué, par Arnaud Merlin en maître de cérémonie, d’évocations, de souvenirs, d’anecdotes toutes plus émouvante ou tordantes les unes que autres, une citation de François Corneloup résumant ainsi l’esprit du festiva : « A Couches, j’ai rencontré les gens, avant de découvrir un festival. Nous nous sommes accordés en si bémol et en aligoté. »
Comme pour renchérir sur cette définition, les Sourdines à l’huile ont été invitées à rejoindre le all star pour un Honeysuckle Rose conclusif. Ce sur quoi, quittant le chapiteau, le public s’est trouvé face à une table où scintillaient dans la nuit des dizaines de verres remplis d’une merveilleuse cuvée offerte par Jean-Claude Royet, viticulteur et sax alto de Jazz à Couches. Alors que l’on dégustait, Le Peuple étincelle prenait place sur une scène couverte ouverte sur le plein air, pour un bal poussière aux airs et pas des quatre vents, des terroirs français au Cap Vert, au Brésil, aux Antilles, avec un petit côté uzestois animé par François Corneloup (soprano), Michael Gueyre (accordéon), Fabrice Vieira (g, cavaquinho, chant, porte-voix), Eric Duboscq (guitare basse), Fawzi Berge (percussion et divers) rejoint par quelques uns, tels Vincent Tortiller, batteur digne fils de son père, et Aymeric Descharrières (sax) qui après s’être brillamment invité dans Honeysuckle Rose sur la grande scène, fait monter la température au bord de la piste de danse. À quatre heures du matin, quelques silhouettes tournoyaient encore tandis que les derniers rythmes rodaient dans la pénombre et que les retardataires initiés se partageaient quelques derniers flacons de Maître Royet et quelques exo-bouteilles venues d’ailleurs par des voies impénétrables. • Franck Bergerot|Hier, 8 juillet, pour la soirée du trentenaire de Jazz à Couches, Franck Tortiller réunissait un all stars de complices fidèles, habitués aux festivités de cette petite commune du chalonnais, avant de céder la place à François Corneloup et son quintette Le Peuple étincelle pour un grand bal poussière.
Je me souviens de ma première visite à Jazz à Couches et de David Liebman arrivant directement de Roissy. Assommé à la descente du train par la chaleur qui écrasait ce jour-là la gare TGV du Creusot, amusé d’entendre au loin une batucada qui s’approchait, et, avant même, de réaliser qu’elle était là pour fêter sa venue, encore sur le marchepied, son regard éberlué de se voir tendre un verre de blanc par Mimi Tortiller, père de Franck, viticulteur, panier au bras rempli de verres qu’il remplissait et distribuait généreusement à l’entour.
Jazz à Couches, c’est ça. Mimi Tortiller n’est plus là, lui qu’on a vu rompre la barrière de la langue avec Elvin Jones en trinquant plus que de raison avant un concert du batteur, mais l’esprit reste – incarné notamment par Annie, l’épouse de Mimi, toujours sur la brèche – et l’on est étonné de voir un Franck Tortiller si méticuleux dans son art animé d’un tel sens de la fête, sens de la fête qui n’est pas étranger à la culture de la vigne. Dans une interview que j’ai recueillie pour l’ouvrage dirigé par Michel Puhl Bourgogne, une terre de jazz, 1980-2010 (volume 2 d’un premier ouvrage de Michel Puhl Au fil du jazz, Bourgogne, 1945-1980, tous deux publiés par le Centre régional de Bourgogne), il raconte la genèse du festival, sa croissance grâce à un équipe (bureau associatif et bénévoles) et qui a su se renouveler tout au long de ces trente ans. On y voit parallèlement à la culture de la vigne grandir à Couches et alentours une culture du jazz qui en fait l’un des points chauds de cette Bourgogne du jazz. Et l’on ne cesse sur place, en croisant bénévoles, membres du bureau et présidents (Philippe Guillemain et son successeur Stéphane Desvignes), d’apprendre que l’un joue du saxophone, l’autre de la trompette… De quoi me faire regretter de n’avoir pas assisté, le 6 juillet, à la soirée d’ouverture de l’édition 2016 qui vit s’affronter en une amicale bataille d’orchestre le Big Band de Chalon et celui de Couches (où Mimi Tortiller eut son pupitre de trompette).
Première étape à l’hôtel, sur la place du village résonnant à des accents musicaux qui ne me sont pas inconnus. Le temps de récupérer ma clé et de poser mon balluchon, je réalise que le septette qui se produit sur la place est en train de jouer Bitches Brew dans une version qui me donnerait bien envie de m’installer si déjà l’on ne m’entrainait vers le site du concert du soir. J’apprendrai en consultant le programme qu’il s’agit d’étudiants du Conservatoire régional de Dijon qui ont constitué ce groupe 69 !… sous la direction de leur professeur Pierre-Hervé Angibert, présent à la clarinette basse aux côtés de Samuel André (trompette), Pierre Girard (saxes), Gaspar Schlich (guitare électrique), Antoine Doucy (clavier), Lucas Le Texier (basse électrique) et Yohann Sulejmani (batterie)
Les musiciens que je retrouve au chapiteau me sont plus connus, puisqu’il s’agit du All Star du 30ème réuni par Franck Tortiller, six complices de toujours ou musiciens ayant marqué Jazz à Couches de leur passage. Yves Rousseau (contrebasse) avec lequel Tortiller se fit connaître au sein du Trio à Boum de Pierre “Ti’Boum” Guignon ; Eric Séva que l’on découvrit peu après auprès de Rousseau et Tortiller au sein du quintette Ecume et de la chanteuse Senem Diyici ; Claus Stötter (trompette, bugle) qui fut présenté à Denis Badault lors d’une édition de Jazz à Couches, ce qui lui valut de se retrouver dans l’ONJ de Badault et de lancer une carrière qui ne cessa par la suite de croiser celle de Tortiller, tout comme Patrice Héral (batterie, voix), Jean-Louis Pommier (trombone), François Corneloup (saxes baryton et soprano) et Yves Torchinsky (contrebasse, basse électrique) ; le guitariste Louis Winsberg que ma mémoire ne parvient plus à rattacher à cette communauté à l’heure où j’écris ces lignes, sinon par sa présence à l’affiche d’éditions antérieures ; l’accordéoniste, Eric Bijon enfin, l’enfant du pays que j’ai connu tout jeune à Jazz à Couches. Tous ont apporté leurs partitions arrangées pour la circonstance, répétées le matin même et fignolées pendant la balance pour un concert vers lequel nous serons tout à l’heure entrainé, de la buvette au chapiteau, par l’orchestre de parade néo-orléanaise fidèle à Jazz à Couches, Les Sourdines à l’huile, et qui débutera par un For Tomorrow de McCoy Tyner dont la truculente polyphonie rappellera Charles Mingus.
On ira ainsi de formats en formats, de pièces franchement jazz en folklores imaginaires en passant par de pures chansons instrumentales, ponctuées de solo où Pommier renforce les moments mingusiens, où les angularités très européennes de Corneloup voisinent avec le ténor de Séva dont les accents breckeriens se sont attendris au fil des ans, où le bugle de Stötter a une douceur de cor d’harmonie, où Tortiller mêlant le timbre de son vibraphone avec celui de Bijon fait subrepticement apparaître une boule de dancing imaginaire au-dessus de la scène, où la guitare de Winsberg met le feu au planche, où Rousseau et “Torch” s’entendent comme larrons en foire pour se répartir ou additionner leurs parties de basse qui sont comme le jour et la nuit, sans que l’on sache bien dire qui fait le soleil ni qui fait la nuit, où Patrice Héral se lance dans un grand solo vocal que n’aurait pas renié Jerry Lewis. Le tout ponctué, par Arnaud Merlin en maître de cérémonie, d’évocations, de souvenirs, d’anecdotes toutes plus émouvante ou tordantes les unes que autres, une citation de François Corneloup résumant ainsi l’esprit du festiva : « A Couches, j’ai rencontré les gens, avant de découvrir un festival. Nous nous sommes accordés en si bémol et en aligoté. »
Comme pour renchérir sur cette définition, les Sourdines à l’huile ont été invitées à rejoindre le all star pour un Honeysuckle Rose conclusif. Ce sur quoi, quittant le chapiteau, le public s’est trouvé face à une table où scintillaient dans la nuit des dizaines de verres remplis d’une merveilleuse cuvée offerte par Jean-Claude Royet, viticulteur et sax alto de Jazz à Couches. Alors que l’on dégustait, Le Peuple étincelle prenait place sur une scène couverte ouverte sur le plein air, pour un bal poussière aux airs et pas des quatre vents, des terroirs français au Cap Vert, au Brésil, aux Antilles, avec un petit côté uzestois animé par François Corneloup (soprano), Michael Gueyre (accordéon), Fabrice Vieira (g, cavaquinho, chant, porte-voix), Eric Duboscq (guitare basse), Fawzi Berge (percussion et divers) rejoint par quelques uns, tels Vincent Tortiller, batteur digne fils de son père, et Aymeric Descharrières (sax) qui après s’être brillamment invité dans Honeysuckle Rose sur la grande scène, fait monter la température au bord de la piste de danse. À quatre heures du matin, quelques silhouettes tournoyaient encore tandis que les derniers rythmes rodaient dans la pénombre et que les retardataires initiés se partageaient quelques derniers flacons de Maître Royet et quelques exo-bouteilles venues d’ailleurs par des voies impénétrables. • Franck Bergerot|Hier, 8 juillet, pour la soirée du trentenaire de Jazz à Couches, Franck Tortiller réunissait un all stars de complices fidèles, habitués aux festivités de cette petite commune du chalonnais, avant de céder la place à François Corneloup et son quintette Le Peuple étincelle pour un grand bal poussière.
Je me souviens de ma première visite à Jazz à Couches et de David Liebman arrivant directement de Roissy. Assommé à la descente du train par la chaleur qui écrasait ce jour-là la gare TGV du Creusot, amusé d’entendre au loin une batucada qui s’approchait, et, avant même, de réaliser qu’elle était là pour fêter sa venue, encore sur le marchepied, son regard éberlué de se voir tendre un verre de blanc par Mimi Tortiller, père de Franck, viticulteur, panier au bras rempli de verres qu’il remplissait et distribuait généreusement à l’entour.
Jazz à Couches, c’est ça. Mimi Tortiller n’est plus là, lui qu’on a vu rompre la barrière de la langue avec Elvin Jones en trinquant plus que de raison avant un concert du batteur, mais l’esprit reste – incarné notamment par Annie, l’épouse de Mimi, toujours sur la brèche – et l’on est étonné de voir un Franck Tortiller si méticuleux dans son art animé d’un tel sens de la fête, sens de la fête qui n’est pas étranger à la culture de la vigne. Dans une interview que j’ai recueillie pour l’ouvrage dirigé par Michel Puhl Bourgogne, une terre de jazz, 1980-2010 (volume 2 d’un premier ouvrage de Michel Puhl Au fil du jazz, Bourgogne, 1945-1980, tous deux publiés par le Centre régional de Bourgogne), il raconte la genèse du festival, sa croissance grâce à un équipe (bureau associatif et bénévoles) et qui a su se renouveler tout au long de ces trente ans. On y voit parallèlement à la culture de la vigne grandir à Couches et alentours une culture du jazz qui en fait l’un des points chauds de cette Bourgogne du jazz. Et l’on ne cesse sur place, en croisant bénévoles, membres du bureau et présidents (Philippe Guillemain et son successeur Stéphane Desvignes), d’apprendre que l’un joue du saxophone, l’autre de la trompette… De quoi me faire regretter de n’avoir pas assisté, le 6 juillet, à la soirée d’ouverture de l’édition 2016 qui vit s’affronter en une amicale bataille d’orchestre le Big Band de Chalon et celui de Couches (où Mimi Tortiller eut son pupitre de trompette).
Première étape à l’hôtel, sur la place du village résonnant à des accents musicaux qui ne me sont pas inconnus. Le temps de récupérer ma clé et de poser mon balluchon, je réalise que le septette qui se produit sur la place est en train de jouer Bitches Brew dans une version qui me donnerait bien envie de m’installer si déjà l’on ne m’entrainait vers le site du concert du soir. J’apprendrai en consultant le programme qu’il s’agit d’étudiants du Conservatoire régional de Dijon qui ont constitué ce groupe 69 !… sous la direction de leur professeur Pierre-Hervé Angibert, présent à la clarinette basse aux côtés de Samuel André (trompette), Pierre Girard (saxes), Gaspar Schlich (guitare électrique), Antoine Doucy (clavier), Lucas Le Texier (basse électrique) et Yohann Sulejmani (batterie)
Les musiciens que je retrouve au chapiteau me sont plus connus, puisqu’il s’agit du All Star du 30ème réuni par Franck Tortiller, six complices de toujours ou musiciens ayant marqué Jazz à Couches de leur passage. Yves Rousseau (contrebasse) avec lequel Tortiller se fit connaître au sein du Trio à Boum de Pierre “Ti’Boum” Guignon ; Eric Séva que l’on découvrit peu après auprès de Rousseau et Tortiller au sein du quintette Ecume et de la chanteuse Senem Diyici ; Claus Stötter (trompette, bugle) qui fut présenté à Denis Badault lors d’une édition de Jazz à Couches, ce qui lui valut de se retrouver dans l’ONJ de Badault et de lancer une carrière qui ne cessa par la suite de croiser celle de Tortiller, tout comme Patrice Héral (batterie, voix), Jean-Louis Pommier (trombone), François Corneloup (saxes baryton et soprano) et Yves Torchinsky (contrebasse, basse électrique) ; le guitariste Louis Winsberg que ma mémoire ne parvient plus à rattacher à cette communauté à l’heure où j’écris ces lignes, sinon par sa présence à l’affiche d’éditions antérieures ; l’accordéoniste, Eric Bijon enfin, l’enfant du pays que j’ai connu tout jeune à Jazz à Couches. Tous ont apporté leurs partitions arrangées pour la circonstance, répétées le matin même et fignolées pendant la balance pour un concert vers lequel nous serons tout à l’heure entrainé, de la buvette au chapiteau, par l’orchestre de parade néo-orléanaise fidèle à Jazz à Couches, Les Sourdines à l’huile, et qui débutera par un For Tomorrow de McCoy Tyner dont la truculente polyphonie rappellera Charles Mingus.
On ira ainsi de formats en formats, de pièces franchement jazz en folklores imaginaires en passant par de pures chansons instrumentales, ponctuées de solo où Pommier renforce les moments mingusiens, où les angularités très européennes de Corneloup voisinent avec le ténor de Séva dont les accents breckeriens se sont attendris au fil des ans, où le bugle de Stötter a une douceur de cor d’harmonie, où Tortiller mêlant le timbre de son vibraphone avec celui de Bijon fait subrepticement apparaître une boule de dancing imaginaire au-dessus de la scène, où la guitare de Winsberg met le feu au planche, où Rousseau et “Torch” s’entendent comme larrons en foire pour se répartir ou additionner leurs parties de basse qui sont comme le jour et la nuit, sans que l’on sache bien dire qui fait le soleil ni qui fait la nuit, où Patrice Héral se lance dans un grand solo vocal que n’aurait pas renié Jerry Lewis. Le tout ponctué, par Arnaud Merlin en maître de cérémonie, d’évocations, de souvenirs, d’anecdotes toutes plus émouvante ou tordantes les unes que autres, une citation de François Corneloup résumant ainsi l’esprit du festiva : « A Couches, j’ai rencontré les gens, avant de découvrir un festival. Nous nous sommes accordés en si bémol et en aligoté. »
Comme pour renchérir sur cette définition, les Sourdines à l’huile ont été invitées à rejoindre le all star pour un Honeysuckle Rose conclusif. Ce sur quoi, quittant le chapiteau, le public s’est trouvé face à une table où scintillaient dans la nuit des dizaines de verres remplis d’une merveilleuse cuvée offerte par Jean-Claude Royet, viticulteur et sax alto de Jazz à Couches. Alors que l’on dégustait, Le Peuple étincelle prenait place sur une scène couverte ouverte sur le plein air, pour un bal poussière aux airs et pas des quatre vents, des terroirs français au Cap Vert, au Brésil, aux Antilles, avec un petit côté uzestois animé par François Corneloup (soprano), Michael Gueyre (accordéon), Fabrice Vieira (g, cavaquinho, chant, porte-voix), Eric Duboscq (guitare basse), Fawzi Berge (percussion et divers) rejoint par quelques uns, tels Vincent Tortiller, batteur digne fils de son père, et Aymeric Descharrières (sax) qui après s’être brillamment invité dans Honeysuckle Rose sur la grande scène, fait monter la température au bord de la piste de danse. À quatre heures du matin, quelques silhouettes tournoyaient encore tandis que les derniers rythmes rodaient dans la pénombre et que les retardataires initiés se partageaient quelques derniers flacons de Maître Royet et quelques exo-bouteilles venues d’ailleurs par des voies impénétrables. • Franck Bergerot|Hier, 8 juillet, pour la soirée du trentenaire de Jazz à Couches, Franck Tortiller réunissait un all stars de complices fidèles, habitués aux festivités de cette petite commune du chalonnais, avant de céder la place à François Corneloup et son quintette Le Peuple étincelle pour un grand bal poussière.
Je me souviens de ma première visite à Jazz à Couches et de David Liebman arrivant directement de Roissy. Assommé à la descente du train par la chaleur qui écrasait ce jour-là la gare TGV du Creusot, amusé d’entendre au loin une batucada qui s’approchait, et, avant même, de réaliser qu’elle était là pour fêter sa venue, encore sur le marchepied, son regard éberlué de se voir tendre un verre de blanc par Mimi Tortiller, père de Franck, viticulteur, panier au bras rempli de verres qu’il remplissait et distribuait généreusement à l’entour.
Jazz à Couches, c’est ça. Mimi Tortiller n’est plus là, lui qu’on a vu rompre la barrière de la langue avec Elvin Jones en trinquant plus que de raison avant un concert du batteur, mais l’esprit reste – incarné notamment par Annie, l’épouse de Mimi, toujours sur la brèche – et l’on est étonné de voir un Franck Tortiller si méticuleux dans son art animé d’un tel sens de la fête, sens de la fête qui n’est pas étranger à la culture de la vigne. Dans une interview que j’ai recueillie pour l’ouvrage dirigé par Michel Puhl Bourgogne, une terre de jazz, 1980-2010 (volume 2 d’un premier ouvrage de Michel Puhl Au fil du jazz, Bourgogne, 1945-1980, tous deux publiés par le Centre régional de Bourgogne), il raconte la genèse du festival, sa croissance grâce à un équipe (bureau associatif et bénévoles) et qui a su se renouveler tout au long de ces trente ans. On y voit parallèlement à la culture de la vigne grandir à Couches et alentours une culture du jazz qui en fait l’un des points chauds de cette Bourgogne du jazz. Et l’on ne cesse sur place, en croisant bénévoles, membres du bureau et présidents (Philippe Guillemain et son successeur Stéphane Desvignes), d’apprendre que l’un joue du saxophone, l’autre de la trompette… De quoi me faire regretter de n’avoir pas assisté, le 6 juillet, à la soirée d’ouverture de l’édition 2016 qui vit s’affronter en une amicale bataille d’orchestre le Big Band de Chalon et celui de Couches (où Mimi Tortiller eut son pupitre de trompette).
Première étape à l’hôtel, sur la place du village résonnant à des accents musicaux qui ne me sont pas inconnus. Le temps de récupérer ma clé et de poser mon balluchon, je réalise que le septette qui se produit sur la place est en train de jouer Bitches Brew dans une version qui me donnerait bien envie de m’installer si déjà l’on ne m’entrainait vers le site du concert du soir. J’apprendrai en consultant le programme qu’il s’agit d’étudiants du Conservatoire régional de Dijon qui ont constitué ce groupe 69 !… sous la direction de leur professeur Pierre-Hervé Angibert, présent à la clarinette basse aux côtés de Samuel André (trompette), Pierre Girard (saxes), Gaspar Schlich (guitare électrique), Antoine Doucy (clavier), Lucas Le Texier (basse électrique) et Yohann Sulejmani (batterie)
Les musiciens que je retrouve au chapiteau me sont plus connus, puisqu’il s’agit du All Star du 30ème réuni par Franck Tortiller, six complices de toujours ou musiciens ayant marqué Jazz à Couches de leur passage. Yves Rousseau (contrebasse) avec lequel Tortiller se fit connaître au sein du Trio à Boum de Pierre “Ti’Boum” Guignon ; Eric Séva que l’on découvrit peu après auprès de Rousseau et Tortiller au sein du quintette Ecume et de la chanteuse Senem Diyici ; Claus Stötter (trompette, bugle) qui fut présenté à Denis Badault lors d’une édition de Jazz à Couches, ce qui lui valut de se retrouver dans l’ONJ de Badault et de lancer une carrière qui ne cessa par la suite de croiser celle de Tortiller, tout comme Patrice Héral (batterie, voix), Jean-Louis Pommier (trombone), François Corneloup (saxes baryton et soprano) et Yves Torchinsky (contrebasse, basse électrique) ; le guitariste Louis Winsberg que ma mémoire ne parvient plus à rattacher à cette communauté à l’heure où j’écris ces lignes, sinon par sa présence à l’affiche d’éditions antérieures ; l’accordéoniste, Eric Bijon enfin, l’enfant du pays que j’ai connu tout jeune à Jazz à Couches. Tous ont apporté leurs partitions arrangées pour la circonstance, répétées le matin même et fignolées pendant la balance pour un concert vers lequel nous serons tout à l’heure entrainé, de la buvette au chapiteau, par l’orchestre de parade néo-orléanaise fidèle à Jazz à Couches, Les Sourdines à l’huile, et qui débutera par un For Tomorrow de McCoy Tyner dont la truculente polyphonie rappellera Charles Mingus.
On ira ainsi de formats en formats, de pièces franchement jazz en folklores imaginaires en passant par de pures chansons instrumentales, ponctuées de solo où Pommier renforce les moments mingusiens, où les angularités très européennes de Corneloup voisinent avec le ténor de Séva dont les accents breckeriens se sont attendris au fil des ans, où le bugle de Stötter a une douceur de cor d’harmonie, où Tortiller mêlant le timbre de son vibraphone avec celui de Bijon fait subrepticement apparaître une boule de dancing imaginaire au-dessus de la scène, où la guitare de Winsberg met le feu au planche, où Rousseau et “Torch” s’entendent comme larrons en foire pour se répartir ou additionner leurs parties de basse qui sont comme le jour et la nuit, sans que l’on sache bien dire qui fait le soleil ni qui fait la nuit, où Patrice Héral se lance dans un grand solo vocal que n’aurait pas renié Jerry Lewis. Le tout ponctué, par Arnaud Merlin en maître de cérémonie, d’évocations, de souvenirs, d’anecdotes toutes plus émouvante ou tordantes les unes que autres, une citation de François Corneloup résumant ainsi l’esprit du festiva : « A Couches, j’ai rencontré les gens, avant de découvrir un festival. Nous nous sommes accordés en si bémol et en aligoté. »
Comme pour renchérir sur cette définition, les Sourdines à l’huile ont été invitées à rejoindre le all star pour un Honeysuckle Rose conclusif. Ce sur quoi, quittant le chapiteau, le public s’est trouvé face à une table où scintillaient dans la nuit des dizaines de verres remplis d’une merveilleuse cuvée offerte par Jean-Claude Royet, viticulteur et sax alto de Jazz à Couches. Alors que l’on dégustait, Le Peuple étincelle prenait place sur une scène couverte ouverte sur le plein air, pour un bal poussière aux airs et pas des quatre vents, des terroirs français au Cap Vert, au Brésil, aux Antilles, avec un petit côté uzestois animé par François Corneloup (soprano), Michael Gueyre (accordéon), Fabrice Vieira (g, cavaquinho, chant, porte-voix), Eric Duboscq (guitare basse), Fawzi Berge (percussion et divers) rejoint par quelques uns, tels Vincent Tortiller, batteur digne fils de son père, et Aymeric Descharrières (sax) qui après s’être brillamment invité dans Honeysuckle Rose sur la grande scène, fait monter la température au bord de la piste de danse. À quatre heures du matin, quelques silhouettes tournoyaient encore tandis que les derniers rythmes rodaient dans la pénombre et que les retardataires initiés se partageaient quelques derniers flacons de Maître Royet et quelques exo-bouteilles venues d’ailleurs par des voies impénétrables. • Franck Bergerot