Jazz live
Publié le 20 Juil 2022

JAZZ à JUNAS : DAVE HOLLAND, ZAKIR HUSSAIN & CHRIS POTTER

Le chroniqueur a été, pour une soirée, infidèle au festival Radio France Occitanie Montpellier. Mais comme le concert du jour, avec le groupe d’Immanuel Wilkins, est en direct sur France Musique, il l’écoutera en différé et vous racontera comment il a reçu cette musique. Pour l’heure, c’est à Junas, dans le Gard, à une bonne trentaine de kilomètres du Domaine d’O, que se dirige l’amateur tenté par l’alléchante affiche de la soirée d’ouverture de Junas

Le cadre est somptueux : d’anciennes carrières. Le festival est porté par une foule de bénévoles, et il maintient sa trajectoire : une programmation originale, exigeante, pour un public qui répond présent, même en ces temps où les auditeurs-spectateurs peinent parfois à retrouver le chemin des concerts. Comme à Montpellier, la thématique de cette année est britannique. Aucun mimétisme en cela. Simplement, ce thème était prévu en 2020, année sinistrée par la pandémie, et il revient en force (programme en suivant ce lien). Pour l’ouverture, ce sera Dave Holland, dont on oublie trop souvent qu’il est britannique, né au Nord de Londres, même si sa carrière s’est développée auprès des gloires du jazz états-unien

DAVE HOLLAND, ZAKIR HUSSAIN & CHRIS POTTER

Dave Holland (contrebasse), Zakir Hussain (percussions, voix), Chris Potter (saxophones ténor & soprano)

Junas, 19 juillet 2022, 21h

Le groupe jouera, pour l’essentiel, des thèmes de son disque «Good Hope» , paru en 2019 chez Edition Records. Avec aussi quelques nouveaux titres créés lors de cette tournée : ce soir c’est la dernière date avant le repos estival.

La contrebasse de Dave Holland ouvre la première séquence, vite rejointe par les tablas. La sonorisation est extrêmement fine : elle restitue à la fois la précision de la frappe et la richesse des multiples timbres émis par cet instrument. Les tablas et leurs sortilèges rythmiques seront au centre du groupe et du concert, que les rythmes soient ceux de l’Inde de Zakir Hussain ou des autres univers musicaux parcourus par le programme. On n’est pas dans un contexte de world jazz, où le jazz abdiquerait ses caractères propres au profit d’un courant désormais presque dominant. On est dans ce mélange permanent, propre à l’histoire de cette musique depuis son émergence à l’orée du vingtième siècle, et comme tout cocktail, sa réussite tient autant à la qualité propre des ingrédients qu’à la créativité de ceux qui le composent. Le saxophone ténor de Chris Potter nous embarque dans un discours à la fois fluide et tendu, émaillé parfois de citation ‘à la Rollins’, qui nous rappellent que le jazz est là. Solos de chacun, mais aussi très vif dialogue des percussions avec la basse et le sax. C’est vivant et vibrant : du jazz, vous dis-je….

Vient ensuite un thème lent, presque en majesté. Après un solo de contrebasse le dialogue avec les tablas s’intensifie, puis le sax ténor entre en force et la musique évolue vers une effervescence collective. Lors d’un morceau plus concis, Zakir Hussain, selon une tradition bien établie dans son univers musical, développera de la voix un phrasé rythmique parallèle au jeu de tablas. L’intensité, dans les nuances comme dans les éclats, ne fléchira jamais au fil du concert. Les rythmes visités évoqueront parfois les Caraïbes (calypso, biguine….), et la cohabitation du discours individuel et du jeu collectif sera idéale. Public enthousiaste, chroniqueur compris. En rappel un pas de côté, avec une composition issue d’un disque enregistré par Dave Holland voici plus de 20 ans avec Anouar Brahem et John Surman : comme un clin d’œil à ce dernier, qui sera le lendemain à l’affiche du festival avec son quartette. Bref ce fut pour Junas édition 2002 une très très belle soirée d’ouverture !

Xavier Prévost