Jazz live
Publié le 18 Juil 2016

Jazz à Luz 2016 (1)

C’est un nouveau départ pour le festival Jazz à Luz. Après avoir fêté son quart de siècle l’année dernière, voici le temps des aventures de la première maturité !

Festival Jazz à Luz – Festival d’altitude en pays Toy

Mercredi 13 juillet 2016, Luz-Saint-Sauveur, CEVEO/CAS EDF-GDF Béarn Bigorre, 19h

Un Poco Loco

Geoffroy Gesser (ts, cl), Fidel Fourneyron (tb), Sébastien Beliah (cb)

Démarrage en fanfare cette année pour le festival de Luz, avec Captain Panda[1], un brass band qui, tel Hamelin, a mené les festivaliers de la place principale de la ville jusqu’au centre de Vacances CEVEO/CAS EDF-GDF Béarn Bigorre, en musique et à pied. La formation rencontrera un nouveau succès à 23h en jouant entre les deux concerts du soir, au verger, l’enceinte principale du festival.

Comme l’année dernière avec Honkey Donkey, ce concert d’Un Poco Loco fut proposé dans le cadre de Jazz Migration. La prestation avait tout pour plaire au plus grand nombre puisque le projet de ce trio repose sur un répertoire de standards, mais traités d’une manière parfois peu révérencieuse. Tout le travail d’Un Poco Loco consiste en effet à mener ces morceaux plus ou moins profondément connus en des territoires imprévus sans pour autant vraiment faire du hors-piste. Ainsi, Tin Tin Deo se trouve-t-il par moment interprété dans les nuances les plus douces (ce qui m’évoque l’effet obtenu par Duke dans son Mystery Song), ou le I Feel Pretty de Bernstein (issu de West Side Story, le nouveau répertoire auquel s’attache Un Poco Loco) est-il défiguré simplement en changeant les sens des intervalles qui en composent la mélodie. Bien sûr, plus le standard est a priori connu (Night in Tunisia par exemple), plus l’arrangement tend vers la déconstruction, les musiciens jouant alors avec les attentes de l’auditeur. Equilibre périlleux, donc, qui nécessairement divisa les auditeurs qui m’entouraient. Tous reconnaissaient les indéniables qualités d’instrumentistes et de musiciens du trio. Mais tandis que les uns étaient ravis des frais traitements administrés à ces pièces historiques, d’autres trouvèrent cela trop « modernsky » – reprenant là le mot péjoratif d’un critique au sujet de la musique moderne de Stravinsky –, « avec tout le confort moderne » pour cette fois citer Debussy. Pour ma part, j’ai apprécié l’artisanat impeccable sans être entraîné dans une extase artistique inédite. Mais certainement l’objectif n’est-il pas celui-ci !

UnPocoLoco

« Il ne sera pas dit qu’il n’y a pas de jazz à Jazz à Luz ! ». C’est par ces mots très drôles que Jean-Pierre Layrac, programmateur principal de Jazz à Luz, lança les discours de certains acteurs essentiels du festival. Plusieurs informations importantes furent apportées à un auditoire plus clairsemé que pour le concert – il faut dire qu’un apéritif était offert dans le même temps… –, notamment celle du succès du cru 2015 avec pour conséquence la reconnaissance « d’intérêt communautaire » du festival par la Communauté de Communes du Pays Toy. Pari remporté, donc, puisque l’année dernière  le festival s’exportait hors Luz-Saint-Sauveur (comme cette année dans les villages de Grust, Sazos et Esquièze-Sère) et avait convaincu quelques-uns, sceptiques, de « l’utilité » de cette programmation de ces musiques atypiques. De nouvelles difficultés s’annoncent pourtant pour le festival de l’année prochaine. Le 1e janvier 2017, les cinq communautés de communes de la Vallée du Gave vont fusionner, le nombre de communes (et donc de représentants décisionnaires) passant de 15 à 47. Il faudra de nouveau travailler pour faire vivre le festival, et sans doute le faire vivre autrement, de manière plus large.

Mercredi 13 juillet 2016, Luz-Saint-Sauveur, Chapiteau du Verger, 22h30

Ches Smith Trio

Mat Maneri (alto), Craig Taborn (p), Ches Smith (dm, vib)

À Luz, on ne fait rien comme ailleurs. Par exemple, on donne à entendre la tête d’affiche dès le premier soir, et non en clôture de festival. Curieuse « tête d’affiche » d’ailleurs, sans « stars » écumant les festivals français (le trio n’a aucune autre date en France !).

Il fait froid ce soir dans les montagnes. Cela explique probablement les applaudissements modérés qui accueillent l’entrée des artistes en scène. Au fur et à mesure, ils se feront cependant de plus en plus chaleureux. Pourtant, l’expression musicale du trio de Ches Smith n’est pas des plus festives. Au contraire. Il plane en permanence sur cette musique un sentiment sombre, torturé qui contraste avec les sourires affectueux que Craig Taborn lance à ses partenaires entre chaque morceau – à la différence du leader Ches Smith qui doit sourire lorsqu’il se brûle, ceci expliquant sans doute cela. Pour ma part, qui ne suis en rien masochiste, j’adhère complètement à cette musique « dépressive », si je puis dire. Cela parce que sur un plan disons « social » (ou sociétal), elle m’apparaît comme le reflet de cette étrange sensation de transition qui caractérise notre époque en Occident, où chacun sent bien que nous vivons la fin d’une période (d’un temps) à l’avenir ouvert, et donc un peu (voire fort) angoissant. « Pour qui sonne ce glas ? » aurait pu être le sous-titre de The Bell, le disque du Ches Smith Trio publié cette année chez ECM !

ChesSmithTrio

Plus fondamentalement, c’est surtout pour sa dimension mystérieuse que ce trio m’attire comme un papillon vers la flamme. Voilà en effet une musique qui envahit totalement ses auditeurs et dont cependant les influx nerveux et ses articulations essentielles ne se laissent pas dévoiler. Elle est pourtant directe comme un uppercut. On est loin, très loin, de l’évanescence debussyste (en pensant à ce Mystère de l’instant écrit par Jankélévitch). Ainsi, les interprétations passent-elles insensiblement d’une improvisation totale éclatée à des passages très écrits (vu les partitions à rallonge posées sur le pupitre de Mat Maneri), pour déboucher sur des ostinatos passant du brouillardeux à l’éclat d’un soleil noir.

ChesSmith

Un peu plus d’une heure et demie de concert, et c’est déjà fini.

CraigTaborn

Jeudi 14 juillet 2016, Luz-Saint-Sauveur, Chapiteau du Verger, 1h00

Hyperculte

Simone Aubert (dm, vx, looper), Vincent Bertholet (cb, vx, looper)

Pour rester dans la teinte de la soirée – sauf l’intermède festive du brass band Captain Panda pendant le changement de plateau –, le duo Hyperculte produisit une musique plus dansante, car plus simplement et évidemment pulsée, mais dans un coloris pas plus joyeux que celui posé par le trio de Ches Smith. En revanche, du point de vue artisanal, le projet et le fini de la réalisation ne sont bien sûr pas les mêmes. Ici, il s’agit de marteler le beat, d’enfoncer dans le crâne, de partir dans les raves. Cela fonctionne plutôt bien, alors qu’ils ne sont que deux, en constatant le nombre de personnes encore présentes sous le chapiteau à une heure si tardive (on me signale en coulisse qu’en fait c’est précisément la bonne heure pour ce type de musique) et par une température peu élevée.

Hyperculte

[1] Jean-Gatien Pasquier (tp, vx), Guillaume Rouillard (tp), Marc Brossier (tb), Erik Sevret (ts), Paul Gelebart (sousaphone), Ludovic Bozec, Rémi Savin (dm, perc).|C’est un nouveau départ pour le festival Jazz à Luz. Après avoir fêté son quart de siècle l’année dernière, voici le temps des aventures de la première maturité !

Festival Jazz à Luz – Festival d’altitude en pays Toy

Mercredi 13 juillet 2016, Luz-Saint-Sauveur, CEVEO/CAS EDF-GDF Béarn Bigorre, 19h

Un Poco Loco

Geoffroy Gesser (ts, cl), Fidel Fourneyron (tb), Sébastien Beliah (cb)

Démarrage en fanfare cette année pour le festival de Luz, avec Captain Panda[1], un brass band qui, tel Hamelin, a mené les festivaliers de la place principale de la ville jusqu’au centre de Vacances CEVEO/CAS EDF-GDF Béarn Bigorre, en musique et à pied. La formation rencontrera un nouveau succès à 23h en jouant entre les deux concerts du soir, au verger, l’enceinte principale du festival.

Comme l’année dernière avec Honkey Donkey, ce concert d’Un Poco Loco fut proposé dans le cadre de Jazz Migration. La prestation avait tout pour plaire au plus grand nombre puisque le projet de ce trio repose sur un répertoire de standards, mais traités d’une manière parfois peu révérencieuse. Tout le travail d’Un Poco Loco consiste en effet à mener ces morceaux plus ou moins profondément connus en des territoires imprévus sans pour autant vraiment faire du hors-piste. Ainsi, Tin Tin Deo se trouve-t-il par moment interprété dans les nuances les plus douces (ce qui m’évoque l’effet obtenu par Duke dans son Mystery Song), ou le I Feel Pretty de Bernstein (issu de West Side Story, le nouveau répertoire auquel s’attache Un Poco Loco) est-il défiguré simplement en changeant les sens des intervalles qui en composent la mélodie. Bien sûr, plus le standard est a priori connu (Night in Tunisia par exemple), plus l’arrangement tend vers la déconstruction, les musiciens jouant alors avec les attentes de l’auditeur. Equilibre périlleux, donc, qui nécessairement divisa les auditeurs qui m’entouraient. Tous reconnaissaient les indéniables qualités d’instrumentistes et de musiciens du trio. Mais tandis que les uns étaient ravis des frais traitements administrés à ces pièces historiques, d’autres trouvèrent cela trop « modernsky » – reprenant là le mot péjoratif d’un critique au sujet de la musique moderne de Stravinsky –, « avec tout le confort moderne » pour cette fois citer Debussy. Pour ma part, j’ai apprécié l’artisanat impeccable sans être entraîné dans une extase artistique inédite. Mais certainement l’objectif n’est-il pas celui-ci !

UnPocoLoco

« Il ne sera pas dit qu’il n’y a pas de jazz à Jazz à Luz ! ». C’est par ces mots très drôles que Jean-Pierre Layrac, programmateur principal de Jazz à Luz, lança les discours de certains acteurs essentiels du festival. Plusieurs informations importantes furent apportées à un auditoire plus clairsemé que pour le concert – il faut dire qu’un apéritif était offert dans le même temps… –, notamment celle du succès du cru 2015 avec pour conséquence la reconnaissance « d’intérêt communautaire » du festival par la Communauté de Communes du Pays Toy. Pari remporté, donc, puisque l’année dernière  le festival s’exportait hors Luz-Saint-Sauveur (comme cette année dans les villages de Grust, Sazos et Esquièze-Sère) et avait convaincu quelques-uns, sceptiques, de « l’utilité » de cette programmation de ces musiques atypiques. De nouvelles difficultés s’annoncent pourtant pour le festival de l’année prochaine. Le 1e janvier 2017, les cinq communautés de communes de la Vallée du Gave vont fusionner, le nombre de communes (et donc de représentants décisionnaires) passant de 15 à 47. Il faudra de nouveau travailler pour faire vivre le festival, et sans doute le faire vivre autrement, de manière plus large.

Mercredi 13 juillet 2016, Luz-Saint-Sauveur, Chapiteau du Verger, 22h30

Ches Smith Trio

Mat Maneri (alto), Craig Taborn (p), Ches Smith (dm, vib)

À Luz, on ne fait rien comme ailleurs. Par exemple, on donne à entendre la tête d’affiche dès le premier soir, et non en clôture de festival. Curieuse « tête d’affiche » d’ailleurs, sans « stars » écumant les festivals français (le trio n’a aucune autre date en France !).

Il fait froid ce soir dans les montagnes. Cela explique probablement les applaudissements modérés qui accueillent l’entrée des artistes en scène. Au fur et à mesure, ils se feront cependant de plus en plus chaleureux. Pourtant, l’expression musicale du trio de Ches Smith n’est pas des plus festives. Au contraire. Il plane en permanence sur cette musique un sentiment sombre, torturé qui contraste avec les sourires affectueux que Craig Taborn lance à ses partenaires entre chaque morceau – à la différence du leader Ches Smith qui doit sourire lorsqu’il se brûle, ceci expliquant sans doute cela. Pour ma part, qui ne suis en rien masochiste, j’adhère complètement à cette musique « dépressive », si je puis dire. Cela parce que sur un plan disons « social » (ou sociétal), elle m’apparaît comme le reflet de cette étrange sensation de transition qui caractérise notre époque en Occident, où chacun sent bien que nous vivons la fin d’une période (d’un temps) à l’avenir ouvert, et donc un peu (voire fort) angoissant. « Pour qui sonne ce glas ? » aurait pu être le sous-titre de The Bell, le disque du Ches Smith Trio publié cette année chez ECM !

ChesSmithTrio

Plus fondamentalement, c’est surtout pour sa dimension mystérieuse que ce trio m’attire comme un papillon vers la flamme. Voilà en effet une musique qui envahit totalement ses auditeurs et dont cependant les influx nerveux et ses articulations essentielles ne se laissent pas dévoiler. Elle est pourtant directe comme un uppercut. On est loin, très loin, de l’évanescence debussyste (en pensant à ce Mystère de l’instant écrit par Jankélévitch). Ainsi, les interprétations passent-elles insensiblement d’une improvisation totale éclatée à des passages très écrits (vu les partitions à rallonge posées sur le pupitre de Mat Maneri), pour déboucher sur des ostinatos passant du brouillardeux à l’éclat d’un soleil noir.

ChesSmith

Un peu plus d’une heure et demie de concert, et c’est déjà fini.

CraigTaborn

Jeudi 14 juillet 2016, Luz-Saint-Sauveur, Chapiteau du Verger, 1h00

Hyperculte

Simone Aubert (dm, vx, looper), Vincent Bertholet (cb, vx, looper)

Pour rester dans la teinte de la soirée – sauf l’intermède festive du brass band Captain Panda pendant le changement de plateau –, le duo Hyperculte produisit une musique plus dansante, car plus simplement et évidemment pulsée, mais dans un coloris pas plus joyeux que celui posé par le trio de Ches Smith. En revanche, du point de vue artisanal, le projet et le fini de la réalisation ne sont bien sûr pas les mêmes. Ici, il s’agit de marteler le beat, d’enfoncer dans le crâne, de partir dans les raves. Cela fonctionne plutôt bien, alors qu’ils ne sont que deux, en constatant le nombre de personnes encore présentes sous le chapiteau à une heure si tardive (on me signale en coulisse qu’en fait c’est précisément la bonne heure pour ce type de musique) et par une température peu élevée.

Hyperculte

[1] Jean-Gatien Pasquier (tp, vx), Guillaume Rouillard (tp), Marc Brossier (tb), Erik Sevret (ts), Paul Gelebart (sousaphone), Ludovic Bozec, Rémi Savin (dm, perc).|C’est un nouveau départ pour le festival Jazz à Luz. Après avoir fêté son quart de siècle l’année dernière, voici le temps des aventures de la première maturité !

Festival Jazz à Luz – Festival d’altitude en pays Toy

Mercredi 13 juillet 2016, Luz-Saint-Sauveur, CEVEO/CAS EDF-GDF Béarn Bigorre, 19h

Un Poco Loco

Geoffroy Gesser (ts, cl), Fidel Fourneyron (tb), Sébastien Beliah (cb)

Démarrage en fanfare cette année pour le festival de Luz, avec Captain Panda[1], un brass band qui, tel Hamelin, a mené les festivaliers de la place principale de la ville jusqu’au centre de Vacances CEVEO/CAS EDF-GDF Béarn Bigorre, en musique et à pied. La formation rencontrera un nouveau succès à 23h en jouant entre les deux concerts du soir, au verger, l’enceinte principale du festival.

Comme l’année dernière avec Honkey Donkey, ce concert d’Un Poco Loco fut proposé dans le cadre de Jazz Migration. La prestation avait tout pour plaire au plus grand nombre puisque le projet de ce trio repose sur un répertoire de standards, mais traités d’une manière parfois peu révérencieuse. Tout le travail d’Un Poco Loco consiste en effet à mener ces morceaux plus ou moins profondément connus en des territoires imprévus sans pour autant vraiment faire du hors-piste. Ainsi, Tin Tin Deo se trouve-t-il par moment interprété dans les nuances les plus douces (ce qui m’évoque l’effet obtenu par Duke dans son Mystery Song), ou le I Feel Pretty de Bernstein (issu de West Side Story, le nouveau répertoire auquel s’attache Un Poco Loco) est-il défiguré simplement en changeant les sens des intervalles qui en composent la mélodie. Bien sûr, plus le standard est a priori connu (Night in Tunisia par exemple), plus l’arrangement tend vers la déconstruction, les musiciens jouant alors avec les attentes de l’auditeur. Equilibre périlleux, donc, qui nécessairement divisa les auditeurs qui m’entouraient. Tous reconnaissaient les indéniables qualités d’instrumentistes et de musiciens du trio. Mais tandis que les uns étaient ravis des frais traitements administrés à ces pièces historiques, d’autres trouvèrent cela trop « modernsky » – reprenant là le mot péjoratif d’un critique au sujet de la musique moderne de Stravinsky –, « avec tout le confort moderne » pour cette fois citer Debussy. Pour ma part, j’ai apprécié l’artisanat impeccable sans être entraîné dans une extase artistique inédite. Mais certainement l’objectif n’est-il pas celui-ci !

UnPocoLoco

« Il ne sera pas dit qu’il n’y a pas de jazz à Jazz à Luz ! ». C’est par ces mots très drôles que Jean-Pierre Layrac, programmateur principal de Jazz à Luz, lança les discours de certains acteurs essentiels du festival. Plusieurs informations importantes furent apportées à un auditoire plus clairsemé que pour le concert – il faut dire qu’un apéritif était offert dans le même temps… –, notamment celle du succès du cru 2015 avec pour conséquence la reconnaissance « d’intérêt communautaire » du festival par la Communauté de Communes du Pays Toy. Pari remporté, donc, puisque l’année dernière  le festival s’exportait hors Luz-Saint-Sauveur (comme cette année dans les villages de Grust, Sazos et Esquièze-Sère) et avait convaincu quelques-uns, sceptiques, de « l’utilité » de cette programmation de ces musiques atypiques. De nouvelles difficultés s’annoncent pourtant pour le festival de l’année prochaine. Le 1e janvier 2017, les cinq communautés de communes de la Vallée du Gave vont fusionner, le nombre de communes (et donc de représentants décisionnaires) passant de 15 à 47. Il faudra de nouveau travailler pour faire vivre le festival, et sans doute le faire vivre autrement, de manière plus large.

Mercredi 13 juillet 2016, Luz-Saint-Sauveur, Chapiteau du Verger, 22h30

Ches Smith Trio

Mat Maneri (alto), Craig Taborn (p), Ches Smith (dm, vib)

À Luz, on ne fait rien comme ailleurs. Par exemple, on donne à entendre la tête d’affiche dès le premier soir, et non en clôture de festival. Curieuse « tête d’affiche » d’ailleurs, sans « stars » écumant les festivals français (le trio n’a aucune autre date en France !).

Il fait froid ce soir dans les montagnes. Cela explique probablement les applaudissements modérés qui accueillent l’entrée des artistes en scène. Au fur et à mesure, ils se feront cependant de plus en plus chaleureux. Pourtant, l’expression musicale du trio de Ches Smith n’est pas des plus festives. Au contraire. Il plane en permanence sur cette musique un sentiment sombre, torturé qui contraste avec les sourires affectueux que Craig Taborn lance à ses partenaires entre chaque morceau – à la différence du leader Ches Smith qui doit sourire lorsqu’il se brûle, ceci expliquant sans doute cela. Pour ma part, qui ne suis en rien masochiste, j’adhère complètement à cette musique « dépressive », si je puis dire. Cela parce que sur un plan disons « social » (ou sociétal), elle m’apparaît comme le reflet de cette étrange sensation de transition qui caractérise notre époque en Occident, où chacun sent bien que nous vivons la fin d’une période (d’un temps) à l’avenir ouvert, et donc un peu (voire fort) angoissant. « Pour qui sonne ce glas ? » aurait pu être le sous-titre de The Bell, le disque du Ches Smith Trio publié cette année chez ECM !

ChesSmithTrio

Plus fondamentalement, c’est surtout pour sa dimension mystérieuse que ce trio m’attire comme un papillon vers la flamme. Voilà en effet une musique qui envahit totalement ses auditeurs et dont cependant les influx nerveux et ses articulations essentielles ne se laissent pas dévoiler. Elle est pourtant directe comme un uppercut. On est loin, très loin, de l’évanescence debussyste (en pensant à ce Mystère de l’instant écrit par Jankélévitch). Ainsi, les interprétations passent-elles insensiblement d’une improvisation totale éclatée à des passages très écrits (vu les partitions à rallonge posées sur le pupitre de Mat Maneri), pour déboucher sur des ostinatos passant du brouillardeux à l’éclat d’un soleil noir.

ChesSmith

Un peu plus d’une heure et demie de concert, et c’est déjà fini.

CraigTaborn

Jeudi 14 juillet 2016, Luz-Saint-Sauveur, Chapiteau du Verger, 1h00

Hyperculte

Simone Aubert (dm, vx, looper), Vincent Bertholet (cb, vx, looper)

Pour rester dans la teinte de la soirée – sauf l’intermède festive du brass band Captain Panda pendant le changement de plateau –, le duo Hyperculte produisit une musique plus dansante, car plus simplement et évidemment pulsée, mais dans un coloris pas plus joyeux que celui posé par le trio de Ches Smith. En revanche, du point de vue artisanal, le projet et le fini de la réalisation ne sont bien sûr pas les mêmes. Ici, il s’agit de marteler le beat, d’enfoncer dans le crâne, de partir dans les raves. Cela fonctionne plutôt bien, alors qu’ils ne sont que deux, en constatant le nombre de personnes encore présentes sous le chapiteau à une heure si tardive (on me signale en coulisse qu’en fait c’est précisément la bonne heure pour ce type de musique) et par une température peu élevée.

Hyperculte

[1] Jean-Gatien Pasquier (tp, vx), Guillaume Rouillard (tp), Marc Brossier (tb), Erik Sevret (ts), Paul Gelebart (sousaphone), Ludovic Bozec, Rémi Savin (dm, perc).|C’est un nouveau départ pour le festival Jazz à Luz. Après avoir fêté son quart de siècle l’année dernière, voici le temps des aventures de la première maturité !

Festival Jazz à Luz – Festival d’altitude en pays Toy

Mercredi 13 juillet 2016, Luz-Saint-Sauveur, CEVEO/CAS EDF-GDF Béarn Bigorre, 19h

Un Poco Loco

Geoffroy Gesser (ts, cl), Fidel Fourneyron (tb), Sébastien Beliah (cb)

Démarrage en fanfare cette année pour le festival de Luz, avec Captain Panda[1], un brass band qui, tel Hamelin, a mené les festivaliers de la place principale de la ville jusqu’au centre de Vacances CEVEO/CAS EDF-GDF Béarn Bigorre, en musique et à pied. La formation rencontrera un nouveau succès à 23h en jouant entre les deux concerts du soir, au verger, l’enceinte principale du festival.

Comme l’année dernière avec Honkey Donkey, ce concert d’Un Poco Loco fut proposé dans le cadre de Jazz Migration. La prestation avait tout pour plaire au plus grand nombre puisque le projet de ce trio repose sur un répertoire de standards, mais traités d’une manière parfois peu révérencieuse. Tout le travail d’Un Poco Loco consiste en effet à mener ces morceaux plus ou moins profondément connus en des territoires imprévus sans pour autant vraiment faire du hors-piste. Ainsi, Tin Tin Deo se trouve-t-il par moment interprété dans les nuances les plus douces (ce qui m’évoque l’effet obtenu par Duke dans son Mystery Song), ou le I Feel Pretty de Bernstein (issu de West Side Story, le nouveau répertoire auquel s’attache Un Poco Loco) est-il défiguré simplement en changeant les sens des intervalles qui en composent la mélodie. Bien sûr, plus le standard est a priori connu (Night in Tunisia par exemple), plus l’arrangement tend vers la déconstruction, les musiciens jouant alors avec les attentes de l’auditeur. Equilibre périlleux, donc, qui nécessairement divisa les auditeurs qui m’entouraient. Tous reconnaissaient les indéniables qualités d’instrumentistes et de musiciens du trio. Mais tandis que les uns étaient ravis des frais traitements administrés à ces pièces historiques, d’autres trouvèrent cela trop « modernsky » – reprenant là le mot péjoratif d’un critique au sujet de la musique moderne de Stravinsky –, « avec tout le confort moderne » pour cette fois citer Debussy. Pour ma part, j’ai apprécié l’artisanat impeccable sans être entraîné dans une extase artistique inédite. Mais certainement l’objectif n’est-il pas celui-ci !

UnPocoLoco

« Il ne sera pas dit qu’il n’y a pas de jazz à Jazz à Luz ! ». C’est par ces mots très drôles que Jean-Pierre Layrac, programmateur principal de Jazz à Luz, lança les discours de certains acteurs essentiels du festival. Plusieurs informations importantes furent apportées à un auditoire plus clairsemé que pour le concert – il faut dire qu’un apéritif était offert dans le même temps… –, notamment celle du succès du cru 2015 avec pour conséquence la reconnaissance « d’intérêt communautaire » du festival par la Communauté de Communes du Pays Toy. Pari remporté, donc, puisque l’année dernière  le festival s’exportait hors Luz-Saint-Sauveur (comme cette année dans les villages de Grust, Sazos et Esquièze-Sère) et avait convaincu quelques-uns, sceptiques, de « l’utilité » de cette programmation de ces musiques atypiques. De nouvelles difficultés s’annoncent pourtant pour le festival de l’année prochaine. Le 1e janvier 2017, les cinq communautés de communes de la Vallée du Gave vont fusionner, le nombre de communes (et donc de représentants décisionnaires) passant de 15 à 47. Il faudra de nouveau travailler pour faire vivre le festival, et sans doute le faire vivre autrement, de manière plus large.

Mercredi 13 juillet 2016, Luz-Saint-Sauveur, Chapiteau du Verger, 22h30

Ches Smith Trio

Mat Maneri (alto), Craig Taborn (p), Ches Smith (dm, vib)

À Luz, on ne fait rien comme ailleurs. Par exemple, on donne à entendre la tête d’affiche dès le premier soir, et non en clôture de festival. Curieuse « tête d’affiche » d’ailleurs, sans « stars » écumant les festivals français (le trio n’a aucune autre date en France !).

Il fait froid ce soir dans les montagnes. Cela explique probablement les applaudissements modérés qui accueillent l’entrée des artistes en scène. Au fur et à mesure, ils se feront cependant de plus en plus chaleureux. Pourtant, l’expression musicale du trio de Ches Smith n’est pas des plus festives. Au contraire. Il plane en permanence sur cette musique un sentiment sombre, torturé qui contraste avec les sourires affectueux que Craig Taborn lance à ses partenaires entre chaque morceau – à la différence du leader Ches Smith qui doit sourire lorsqu’il se brûle, ceci expliquant sans doute cela. Pour ma part, qui ne suis en rien masochiste, j’adhère complètement à cette musique « dépressive », si je puis dire. Cela parce que sur un plan disons « social » (ou sociétal), elle m’apparaît comme le reflet de cette étrange sensation de transition qui caractérise notre époque en Occident, où chacun sent bien que nous vivons la fin d’une période (d’un temps) à l’avenir ouvert, et donc un peu (voire fort) angoissant. « Pour qui sonne ce glas ? » aurait pu être le sous-titre de The Bell, le disque du Ches Smith Trio publié cette année chez ECM !

ChesSmithTrio

Plus fondamentalement, c’est surtout pour sa dimension mystérieuse que ce trio m’attire comme un papillon vers la flamme. Voilà en effet une musique qui envahit totalement ses auditeurs et dont cependant les influx nerveux et ses articulations essentielles ne se laissent pas dévoiler. Elle est pourtant directe comme un uppercut. On est loin, très loin, de l’évanescence debussyste (en pensant à ce Mystère de l’instant écrit par Jankélévitch). Ainsi, les interprétations passent-elles insensiblement d’une improvisation totale éclatée à des passages très écrits (vu les partitions à rallonge posées sur le pupitre de Mat Maneri), pour déboucher sur des ostinatos passant du brouillardeux à l’éclat d’un soleil noir.

ChesSmith

Un peu plus d’une heure et demie de concert, et c’est déjà fini.

CraigTaborn

Jeudi 14 juillet 2016, Luz-Saint-Sauveur, Chapiteau du Verger, 1h00

Hyperculte

Simone Aubert (dm, vx, looper), Vincent Bertholet (cb, vx, looper)

Pour rester dans la teinte de la soirée – sauf l’intermède festive du brass band Captain Panda pendant le changement de plateau –, le duo Hyperculte produisit une musique plus dansante, car plus simplement et évidemment pulsée, mais dans un coloris pas plus joyeux que celui posé par le trio de Ches Smith. En revanche, du point de vue artisanal, le projet et le fini de la réalisation ne sont bien sûr pas les mêmes. Ici, il s’agit de marteler le beat, d’enfoncer dans le crâne, de partir dans les raves. Cela fonctionne plutôt bien, alors qu’ils ne sont que deux, en constatant le nombre de personnes encore présentes sous le chapiteau à une heure si tardive (on me signale en coulisse qu’en fait c’est précisément la bonne heure pour ce type de musique) et par une température peu élevée.

Hyperculte

[1] Jean-Gatien Pasquier (tp, vx), Guillaume Rouillard (tp), Marc Brossier (tb), Erik Sevret (ts), Paul Gelebart (sousaphone), Ludovic Bozec, Rémi Savin (dm, perc).