Jazz à Luz 2017 ou la réussite de l’improbable (4)
Clap de fin pour le festival Jazz à Luz 2017, en forme d’apothéose.
Samedi 15 juillet 2017, Luz-Saint-Sauveur (65), salle des voûtes de la Maison de la vallée, 11h00
Poulainjar
Léa Monteix (vlle, vx, textes), David Codina-Bosch (kb), Richard Comte (elg), Fabien-Gaston Rimbaud (dm, kb, vx, textes)
Télescopage des sentiments, orgue portatif, cri, Richard Comte (!), vieux clavier électronique, téléphone portable, chansons à boire, déclamation, improvisation verbale, piano préparé, cornemuse, violoncelle frappé, bonnet jaune, « ô New York part à Clermont-Ferrand », il jouait de la batterie debout (c’est peut-être un détail pour vous), moquerie des poseurs avant-gardistes, « fascisme ambiant » sur un air guilleret, rythme de habanera, fond musical de rock expérimental, génuflexions sur boîtes à biscuits… C’est tout cela Poulainjar, et ce n’est pas que cela ! Le groupe a fait un tabac. Ovation (très méritée), acclamations, bis, repetita, à bientôt.
Samedi 15 juillet 2017, Luz-Saint-Sauveur (65), chapiteau, 15h
Yasmine Azaiez / Agustí Fernandez
Yasmine Azaiez (vl), Agustí Fernandez (p)
Ce duo constitue sans doute l’un des moments les plus attendus du festival. Il faut dire qu’en 2014, Agustí Fernandez avait fait forte sensation en duo avec Nate Wooley. Cette fois il se produit avec Yasmine Azaiez, jeune violoniste tunisienne, autant versée dans le classique, la musique orientale, la pop que dans les musiques improvisées. La preuve avec cette performance en duo d’improvisations totales. En la découvrant, j’ai vite le sentiment qu’il s’agit d’une sorte de négatif (dans le sens photographique du terme) de Théo Ceccaldi. Comme lui, elle possède une technique violonistique parfaite (acquise à l’école Yehudi Menuhin au Royaume-Uni, puis au Conservatoire de musique de la Nouvelle-Angleterre, à Boston, aux États-Unis). Mais au lieu de s’en emparer, de la prendre à bras le corps, elle fait en sorte de s’en éloigner au maximum. Bien sûr, on entend des techniques venues de la musique contemporaine, mais pas seulement. Certains craquements, raclements, glissés, interférences lui sont propres et résultent d’une certaine expérience acquise au sein du champ des musiques improvisées dites libres. Il n’en demeure pas moins qu’à côté d’Agustí Fernandez, elle paraît encore en devenir. Cela parce que le pianiste espagnol est tout simplement un maître éminent de l’improvisation libre. Et pas seulement sur un plan européen ! Il l’a démontré lorsqu’après trois improvisations en duo (et un solo de Yasmine Azaiez), il se lance seul au piano. Ce qu’il réalisa fut d’abord très cecil-taylorien (arpèges en mouvement contraire, jeu à deux doigts en alternance aux deux mains, etc.). Il fut pour autant totalement lui dans la manière de développer la musique, avec force cohérence, dans la façon de gérer le déploiement énergétique, et dans sa conception du toucher. Agustí Fernandez venait d’appuyer sur l’accélérateur, aspirant à son niveau celui de la jeune Yasmine Azaiez. Le concert franchit alors un palier, et les deux improvisations données pour le clore, bruitiste pour l’une, post-debussyste-webernienne pour l’autre, soulevèrent l’enthousiasme général.
Samedi 15 juillet 2017, Luz-Saint-Sauveur (65), Bar de l’Europe, 19h30
Bo Bun Fever
Quentin Bardiau (ts, kb, vx), Théo Lanau (kb, vx), Léo Jassef (dm, vx)
En apéritif, la programmation de Jazz à Luz proposa un groupe de d’jeun’s qui fleure bon le jazz rock des années 1980-90. Du moins dans les premières pièces, car ensuite cela s’est compliqué : « funk thaïlandais, bolly mambo, afro beat coupé/décalé, secousses brésiliennes, kuduro home-made » précise le livret du festival, c’est dire… En tout cas, l’humour second degré de l’exécution musicale – bien que produite avec la plus grande maîtrise – se retrouve dans les interventions parlées de Quentin Bardiau. Au début du concert de sa formation, il a ainsi lancé à ses auditeurs : « Alors tout va bien Jazz in Marciac ? ». Plutôt très drôle !
Samedi 15 juillet 2017, Luz-Saint-Sauveur (65), chapiteau, 21h
Jarawa Project
Aymeric Avice (tp), Daunik Lazro (ts, bs), Jasper Stadhouders (elg), Jean-Philippe Morel (cb), Ahmad Compaoré (dm, perc)
Dans l’après-midi, réunis autour d’Anne Montaron pour son « Rendez-vous », il fut demandé aux musiciens du Jarawa Project d’évoquer leur parcours respectif, leur rencontre, et l’idée soutenant le project. Aymeric Avice, à l’origine de Jarawa, expliqua qu’il s’agissait finalement de provoquer une alchimie, celle produite par la réunion de musiciens dont il pressentait qu’elle produirait de belles choses. Le projet, donc ? Jouer ensemble, tout simplement ! Après deux jours de résidences, le concert du soir était donc leur tout premier concert. Et quel concert !
Ce fut tout simplement extraordinaire, à mon sens le concert le plus exaltant du cru 2017. Cela parce qu’à mes oreilles il cochait toutes les cases : prises de risque, énorme énergie toujours idéalement conduite, du groove, du free, du phrasé, un son d’ensemble original, de l’écoute, beaucoup d’écoute même avec de l’interaction de haut vol. Tous les musiciens furent admirables, inspirants, Aymeric Avice en premier lieu, cette force non tranquille qui ne vacille jamais, sans pour autant être rempli de certitudes, souriant de plaisir face à ses partenaires. Daunik Lazro donna le meilleur de ce que l’on connaît de lui, ce qui est dire combien il fut incandescent. L’association Jean-Philippe Morel avec Ahmad Compaoré releva du miracle tant les deux hommes s’entendirent à merveille. Le batteur Ahmad Compaoré fut d’ailleurs une vraie grande révélation pour moi. Venu des musiques populaires et de celles dites populaires urbaines, il fut repéré par Fred Frith qui l’entraîna en des territoires inconnus, et même d’abord un peu effrayants pour lui, comme il le confia à Anne Montaron dans l’après-midi. Depuis, on peut dire qu’il a apprivoisé sa peur ! Il faudrait réentendre et analyser son jeu pour en rendre compte correctement ici. En attendant, pour se faire une idée, disons qu’il prolonge l’approche de Ronald Shannon Jackson autant que celle de Don Moye, tout en possédant la culture des grands batteurs funk (quel groove !). L’autre découverte pour moi fut le guitariste Jasper Stadhouders. S’inscrivant d’abord dans une pratique plutôt mainstream du jazz, au début des années 2000 il découvre et se fait happer par l’improvisation libre lorsqu’il côtoie les Han Bennik et autres Misha Mengelberg à son arrivée à Amsterdam. J’entendis beaucoup de guitare 70’s dans son jeu alors que, paraît-il, il est d’habitude beaucoup plus radical. Ses accents groove, à la dimension mélodique étrange par l’emploi d’une guitare en état transitoire de destruction, sans frettes ou quasi, firent merveilles (m’évoquant le Metheny de « Song X »). Ah la belle soirée ! Ah le beau final pour un festival se déclarant de jazz ! Voulant rester dans le son et l’énergie de ce que je venais d’entendre, je décidais sciemment de ne pas rester pour le concert d’Artús, un groupe d’obédience folklorique, mais de tendance abrasive. Mon ami Neimad Soul m’en rapporta plutôt de bons échos le lendemain matin. Je n’entendis pas non plus Bo Bun Fever qui fit plus tard danser les festivaliers jusqu’au bout de la nuit à la Maison de la vallée.
|Clap de fin pour le festival Jazz à Luz 2017, en forme d’apothéose.
Samedi 15 juillet 2017, Luz-Saint-Sauveur (65), salle des voûtes de la Maison de la vallée, 11h00
Poulainjar
Léa Monteix (vlle, vx, textes), David Codina-Bosch (kb), Richard Comte (elg), Fabien-Gaston Rimbaud (dm, kb, vx, textes)
Télescopage des sentiments, orgue portatif, cri, Richard Comte (!), vieux clavier électronique, téléphone portable, chansons à boire, déclamation, improvisation verbale, piano préparé, cornemuse, violoncelle frappé, bonnet jaune, « ô New York part à Clermont-Ferrand », il jouait de la batterie debout (c’est peut-être un détail pour vous), moquerie des poseurs avant-gardistes, « fascisme ambiant » sur un air guilleret, rythme de habanera, fond musical de rock expérimental, génuflexions sur boîtes à biscuits… C’est tout cela Poulainjar, et ce n’est pas que cela ! Le groupe a fait un tabac. Ovation (très méritée), acclamations, bis, repetita, à bientôt.
Samedi 15 juillet 2017, Luz-Saint-Sauveur (65), chapiteau, 15h
Yasmine Azaiez / Agustí Fernandez
Yasmine Azaiez (vl), Agustí Fernandez (p)
Ce duo constitue sans doute l’un des moments les plus attendus du festival. Il faut dire qu’en 2014, Agustí Fernandez avait fait forte sensation en duo avec Nate Wooley. Cette fois il se produit avec Yasmine Azaiez, jeune violoniste tunisienne, autant versée dans le classique, la musique orientale, la pop que dans les musiques improvisées. La preuve avec cette performance en duo d’improvisations totales. En la découvrant, j’ai vite le sentiment qu’il s’agit d’une sorte de négatif (dans le sens photographique du terme) de Théo Ceccaldi. Comme lui, elle possède une technique violonistique parfaite (acquise à l’école Yehudi Menuhin au Royaume-Uni, puis au Conservatoire de musique de la Nouvelle-Angleterre, à Boston, aux États-Unis). Mais au lieu de s’en emparer, de la prendre à bras le corps, elle fait en sorte de s’en éloigner au maximum. Bien sûr, on entend des techniques venues de la musique contemporaine, mais pas seulement. Certains craquements, raclements, glissés, interférences lui sont propres et résultent d’une certaine expérience acquise au sein du champ des musiques improvisées dites libres. Il n’en demeure pas moins qu’à côté d’Agustí Fernandez, elle paraît encore en devenir. Cela parce que le pianiste espagnol est tout simplement un maître éminent de l’improvisation libre. Et pas seulement sur un plan européen ! Il l’a démontré lorsqu’après trois improvisations en duo (et un solo de Yasmine Azaiez), il se lance seul au piano. Ce qu’il réalisa fut d’abord très cecil-taylorien (arpèges en mouvement contraire, jeu à deux doigts en alternance aux deux mains, etc.). Il fut pour autant totalement lui dans la manière de développer la musique, avec force cohérence, dans la façon de gérer le déploiement énergétique, et dans sa conception du toucher. Agustí Fernandez venait d’appuyer sur l’accélérateur, aspirant à son niveau celui de la jeune Yasmine Azaiez. Le concert franchit alors un palier, et les deux improvisations données pour le clore, bruitiste pour l’une, post-debussyste-webernienne pour l’autre, soulevèrent l’enthousiasme général.
Samedi 15 juillet 2017, Luz-Saint-Sauveur (65), Bar de l’Europe, 19h30
Bo Bun Fever
Quentin Bardiau (ts, kb, vx), Théo Lanau (kb, vx), Léo Jassef (dm, vx)
En apéritif, la programmation de Jazz à Luz proposa un groupe de d’jeun’s qui fleure bon le jazz rock des années 1980-90. Du moins dans les premières pièces, car ensuite cela s’est compliqué : « funk thaïlandais, bolly mambo, afro beat coupé/décalé, secousses brésiliennes, kuduro home-made » précise le livret du festival, c’est dire… En tout cas, l’humour second degré de l’exécution musicale – bien que produite avec la plus grande maîtrise – se retrouve dans les interventions parlées de Quentin Bardiau. Au début du concert de sa formation, il a ainsi lancé à ses auditeurs : « Alors tout va bien Jazz in Marciac ? ». Plutôt très drôle !
Samedi 15 juillet 2017, Luz-Saint-Sauveur (65), chapiteau, 21h
Jarawa Project
Aymeric Avice (tp), Daunik Lazro (ts, bs), Jasper Stadhouders (elg), Jean-Philippe Morel (cb), Ahmad Compaoré (dm, perc)
Dans l’après-midi, réunis autour d’Anne Montaron pour son « Rendez-vous », il fut demandé aux musiciens du Jarawa Project d’évoquer leur parcours respectif, leur rencontre, et l’idée soutenant le project. Aymeric Avice, à l’origine de Jarawa, expliqua qu’il s’agissait finalement de provoquer une alchimie, celle produite par la réunion de musiciens dont il pressentait qu’elle produirait de belles choses. Le projet, donc ? Jouer ensemble, tout simplement ! Après deux jours de résidences, le concert du soir était donc leur tout premier concert. Et quel concert !
Ce fut tout simplement extraordinaire, à mon sens le concert le plus exaltant du cru 2017. Cela parce qu’à mes oreilles il cochait toutes les cases : prises de risque, énorme énergie toujours idéalement conduite, du groove, du free, du phrasé, un son d’ensemble original, de l’écoute, beaucoup d’écoute même avec de l’interaction de haut vol. Tous les musiciens furent admirables, inspirants, Aymeric Avice en premier lieu, cette force non tranquille qui ne vacille jamais, sans pour autant être rempli de certitudes, souriant de plaisir face à ses partenaires. Daunik Lazro donna le meilleur de ce que l’on connaît de lui, ce qui est dire combien il fut incandescent. L’association Jean-Philippe Morel avec Ahmad Compaoré releva du miracle tant les deux hommes s’entendirent à merveille. Le batteur Ahmad Compaoré fut d’ailleurs une vraie grande révélation pour moi. Venu des musiques populaires et de celles dites populaires urbaines, il fut repéré par Fred Frith qui l’entraîna en des territoires inconnus, et même d’abord un peu effrayants pour lui, comme il le confia à Anne Montaron dans l’après-midi. Depuis, on peut dire qu’il a apprivoisé sa peur ! Il faudrait réentendre et analyser son jeu pour en rendre compte correctement ici. En attendant, pour se faire une idée, disons qu’il prolonge l’approche de Ronald Shannon Jackson autant que celle de Don Moye, tout en possédant la culture des grands batteurs funk (quel groove !). L’autre découverte pour moi fut le guitariste Jasper Stadhouders. S’inscrivant d’abord dans une pratique plutôt mainstream du jazz, au début des années 2000 il découvre et se fait happer par l’improvisation libre lorsqu’il côtoie les Han Bennik et autres Misha Mengelberg à son arrivée à Amsterdam. J’entendis beaucoup de guitare 70’s dans son jeu alors que, paraît-il, il est d’habitude beaucoup plus radical. Ses accents groove, à la dimension mélodique étrange par l’emploi d’une guitare en état transitoire de destruction, sans frettes ou quasi, firent merveilles (m’évoquant le Metheny de « Song X »). Ah la belle soirée ! Ah le beau final pour un festival se déclarant de jazz ! Voulant rester dans le son et l’énergie de ce que je venais d’entendre, je décidais sciemment de ne pas rester pour le concert d’Artús, un groupe d’obédience folklorique, mais de tendance abrasive. Mon ami Neimad Soul m’en rapporta plutôt de bons échos le lendemain matin. Je n’entendis pas non plus Bo Bun Fever qui fit plus tard danser les festivaliers jusqu’au bout de la nuit à la Maison de la vallée.
|Clap de fin pour le festival Jazz à Luz 2017, en forme d’apothéose.
Samedi 15 juillet 2017, Luz-Saint-Sauveur (65), salle des voûtes de la Maison de la vallée, 11h00
Poulainjar
Léa Monteix (vlle, vx, textes), David Codina-Bosch (kb), Richard Comte (elg), Fabien-Gaston Rimbaud (dm, kb, vx, textes)
Télescopage des sentiments, orgue portatif, cri, Richard Comte (!), vieux clavier électronique, téléphone portable, chansons à boire, déclamation, improvisation verbale, piano préparé, cornemuse, violoncelle frappé, bonnet jaune, « ô New York part à Clermont-Ferrand », il jouait de la batterie debout (c’est peut-être un détail pour vous), moquerie des poseurs avant-gardistes, « fascisme ambiant » sur un air guilleret, rythme de habanera, fond musical de rock expérimental, génuflexions sur boîtes à biscuits… C’est tout cela Poulainjar, et ce n’est pas que cela ! Le groupe a fait un tabac. Ovation (très méritée), acclamations, bis, repetita, à bientôt.
Samedi 15 juillet 2017, Luz-Saint-Sauveur (65), chapiteau, 15h
Yasmine Azaiez / Agustí Fernandez
Yasmine Azaiez (vl), Agustí Fernandez (p)
Ce duo constitue sans doute l’un des moments les plus attendus du festival. Il faut dire qu’en 2014, Agustí Fernandez avait fait forte sensation en duo avec Nate Wooley. Cette fois il se produit avec Yasmine Azaiez, jeune violoniste tunisienne, autant versée dans le classique, la musique orientale, la pop que dans les musiques improvisées. La preuve avec cette performance en duo d’improvisations totales. En la découvrant, j’ai vite le sentiment qu’il s’agit d’une sorte de négatif (dans le sens photographique du terme) de Théo Ceccaldi. Comme lui, elle possède une technique violonistique parfaite (acquise à l’école Yehudi Menuhin au Royaume-Uni, puis au Conservatoire de musique de la Nouvelle-Angleterre, à Boston, aux États-Unis). Mais au lieu de s’en emparer, de la prendre à bras le corps, elle fait en sorte de s’en éloigner au maximum. Bien sûr, on entend des techniques venues de la musique contemporaine, mais pas seulement. Certains craquements, raclements, glissés, interférences lui sont propres et résultent d’une certaine expérience acquise au sein du champ des musiques improvisées dites libres. Il n’en demeure pas moins qu’à côté d’Agustí Fernandez, elle paraît encore en devenir. Cela parce que le pianiste espagnol est tout simplement un maître éminent de l’improvisation libre. Et pas seulement sur un plan européen ! Il l’a démontré lorsqu’après trois improvisations en duo (et un solo de Yasmine Azaiez), il se lance seul au piano. Ce qu’il réalisa fut d’abord très cecil-taylorien (arpèges en mouvement contraire, jeu à deux doigts en alternance aux deux mains, etc.). Il fut pour autant totalement lui dans la manière de développer la musique, avec force cohérence, dans la façon de gérer le déploiement énergétique, et dans sa conception du toucher. Agustí Fernandez venait d’appuyer sur l’accélérateur, aspirant à son niveau celui de la jeune Yasmine Azaiez. Le concert franchit alors un palier, et les deux improvisations données pour le clore, bruitiste pour l’une, post-debussyste-webernienne pour l’autre, soulevèrent l’enthousiasme général.
Samedi 15 juillet 2017, Luz-Saint-Sauveur (65), Bar de l’Europe, 19h30
Bo Bun Fever
Quentin Bardiau (ts, kb, vx), Théo Lanau (kb, vx), Léo Jassef (dm, vx)
En apéritif, la programmation de Jazz à Luz proposa un groupe de d’jeun’s qui fleure bon le jazz rock des années 1980-90. Du moins dans les premières pièces, car ensuite cela s’est compliqué : « funk thaïlandais, bolly mambo, afro beat coupé/décalé, secousses brésiliennes, kuduro home-made » précise le livret du festival, c’est dire… En tout cas, l’humour second degré de l’exécution musicale – bien que produite avec la plus grande maîtrise – se retrouve dans les interventions parlées de Quentin Bardiau. Au début du concert de sa formation, il a ainsi lancé à ses auditeurs : « Alors tout va bien Jazz in Marciac ? ». Plutôt très drôle !
Samedi 15 juillet 2017, Luz-Saint-Sauveur (65), chapiteau, 21h
Jarawa Project
Aymeric Avice (tp), Daunik Lazro (ts, bs), Jasper Stadhouders (elg), Jean-Philippe Morel (cb), Ahmad Compaoré (dm, perc)
Dans l’après-midi, réunis autour d’Anne Montaron pour son « Rendez-vous », il fut demandé aux musiciens du Jarawa Project d’évoquer leur parcours respectif, leur rencontre, et l’idée soutenant le project. Aymeric Avice, à l’origine de Jarawa, expliqua qu’il s’agissait finalement de provoquer une alchimie, celle produite par la réunion de musiciens dont il pressentait qu’elle produirait de belles choses. Le projet, donc ? Jouer ensemble, tout simplement ! Après deux jours de résidences, le concert du soir était donc leur tout premier concert. Et quel concert !
Ce fut tout simplement extraordinaire, à mon sens le concert le plus exaltant du cru 2017. Cela parce qu’à mes oreilles il cochait toutes les cases : prises de risque, énorme énergie toujours idéalement conduite, du groove, du free, du phrasé, un son d’ensemble original, de l’écoute, beaucoup d’écoute même avec de l’interaction de haut vol. Tous les musiciens furent admirables, inspirants, Aymeric Avice en premier lieu, cette force non tranquille qui ne vacille jamais, sans pour autant être rempli de certitudes, souriant de plaisir face à ses partenaires. Daunik Lazro donna le meilleur de ce que l’on connaît de lui, ce qui est dire combien il fut incandescent. L’association Jean-Philippe Morel avec Ahmad Compaoré releva du miracle tant les deux hommes s’entendirent à merveille. Le batteur Ahmad Compaoré fut d’ailleurs une vraie grande révélation pour moi. Venu des musiques populaires et de celles dites populaires urbaines, il fut repéré par Fred Frith qui l’entraîna en des territoires inconnus, et même d’abord un peu effrayants pour lui, comme il le confia à Anne Montaron dans l’après-midi. Depuis, on peut dire qu’il a apprivoisé sa peur ! Il faudrait réentendre et analyser son jeu pour en rendre compte correctement ici. En attendant, pour se faire une idée, disons qu’il prolonge l’approche de Ronald Shannon Jackson autant que celle de Don Moye, tout en possédant la culture des grands batteurs funk (quel groove !). L’autre découverte pour moi fut le guitariste Jasper Stadhouders. S’inscrivant d’abord dans une pratique plutôt mainstream du jazz, au début des années 2000 il découvre et se fait happer par l’improvisation libre lorsqu’il côtoie les Han Bennik et autres Misha Mengelberg à son arrivée à Amsterdam. J’entendis beaucoup de guitare 70’s dans son jeu alors que, paraît-il, il est d’habitude beaucoup plus radical. Ses accents groove, à la dimension mélodique étrange par l’emploi d’une guitare en état transitoire de destruction, sans frettes ou quasi, firent merveilles (m’évoquant le Metheny de « Song X »). Ah la belle soirée ! Ah le beau final pour un festival se déclarant de jazz ! Voulant rester dans le son et l’énergie de ce que je venais d’entendre, je décidais sciemment de ne pas rester pour le concert d’Artús, un groupe d’obédience folklorique, mais de tendance abrasive. Mon ami Neimad Soul m’en rapporta plutôt de bons échos le lendemain matin. Je n’entendis pas non plus Bo Bun Fever qui fit plus tard danser les festivaliers jusqu’au bout de la nuit à la Maison de la vallée.
|Clap de fin pour le festival Jazz à Luz 2017, en forme d’apothéose.
Samedi 15 juillet 2017, Luz-Saint-Sauveur (65), salle des voûtes de la Maison de la vallée, 11h00
Poulainjar
Léa Monteix (vlle, vx, textes), David Codina-Bosch (kb), Richard Comte (elg), Fabien-Gaston Rimbaud (dm, kb, vx, textes)
Télescopage des sentiments, orgue portatif, cri, Richard Comte (!), vieux clavier électronique, téléphone portable, chansons à boire, déclamation, improvisation verbale, piano préparé, cornemuse, violoncelle frappé, bonnet jaune, « ô New York part à Clermont-Ferrand », il jouait de la batterie debout (c’est peut-être un détail pour vous), moquerie des poseurs avant-gardistes, « fascisme ambiant » sur un air guilleret, rythme de habanera, fond musical de rock expérimental, génuflexions sur boîtes à biscuits… C’est tout cela Poulainjar, et ce n’est pas que cela ! Le groupe a fait un tabac. Ovation (très méritée), acclamations, bis, repetita, à bientôt.
Samedi 15 juillet 2017, Luz-Saint-Sauveur (65), chapiteau, 15h
Yasmine Azaiez / Agustí Fernandez
Yasmine Azaiez (vl), Agustí Fernandez (p)
Ce duo constitue sans doute l’un des moments les plus attendus du festival. Il faut dire qu’en 2014, Agustí Fernandez avait fait forte sensation en duo avec Nate Wooley. Cette fois il se produit avec Yasmine Azaiez, jeune violoniste tunisienne, autant versée dans le classique, la musique orientale, la pop que dans les musiques improvisées. La preuve avec cette performance en duo d’improvisations totales. En la découvrant, j’ai vite le sentiment qu’il s’agit d’une sorte de négatif (dans le sens photographique du terme) de Théo Ceccaldi. Comme lui, elle possède une technique violonistique parfaite (acquise à l’école Yehudi Menuhin au Royaume-Uni, puis au Conservatoire de musique de la Nouvelle-Angleterre, à Boston, aux États-Unis). Mais au lieu de s’en emparer, de la prendre à bras le corps, elle fait en sorte de s’en éloigner au maximum. Bien sûr, on entend des techniques venues de la musique contemporaine, mais pas seulement. Certains craquements, raclements, glissés, interférences lui sont propres et résultent d’une certaine expérience acquise au sein du champ des musiques improvisées dites libres. Il n’en demeure pas moins qu’à côté d’Agustí Fernandez, elle paraît encore en devenir. Cela parce que le pianiste espagnol est tout simplement un maître éminent de l’improvisation libre. Et pas seulement sur un plan européen ! Il l’a démontré lorsqu’après trois improvisations en duo (et un solo de Yasmine Azaiez), il se lance seul au piano. Ce qu’il réalisa fut d’abord très cecil-taylorien (arpèges en mouvement contraire, jeu à deux doigts en alternance aux deux mains, etc.). Il fut pour autant totalement lui dans la manière de développer la musique, avec force cohérence, dans la façon de gérer le déploiement énergétique, et dans sa conception du toucher. Agustí Fernandez venait d’appuyer sur l’accélérateur, aspirant à son niveau celui de la jeune Yasmine Azaiez. Le concert franchit alors un palier, et les deux improvisations données pour le clore, bruitiste pour l’une, post-debussyste-webernienne pour l’autre, soulevèrent l’enthousiasme général.
Samedi 15 juillet 2017, Luz-Saint-Sauveur (65), Bar de l’Europe, 19h30
Bo Bun Fever
Quentin Bardiau (ts, kb, vx), Théo Lanau (kb, vx), Léo Jassef (dm, vx)
En apéritif, la programmation de Jazz à Luz proposa un groupe de d’jeun’s qui fleure bon le jazz rock des années 1980-90. Du moins dans les premières pièces, car ensuite cela s’est compliqué : « funk thaïlandais, bolly mambo, afro beat coupé/décalé, secousses brésiliennes, kuduro home-made » précise le livret du festival, c’est dire… En tout cas, l’humour second degré de l’exécution musicale – bien que produite avec la plus grande maîtrise – se retrouve dans les interventions parlées de Quentin Bardiau. Au début du concert de sa formation, il a ainsi lancé à ses auditeurs : « Alors tout va bien Jazz in Marciac ? ». Plutôt très drôle !
Samedi 15 juillet 2017, Luz-Saint-Sauveur (65), chapiteau, 21h
Jarawa Project
Aymeric Avice (tp), Daunik Lazro (ts, bs), Jasper Stadhouders (elg), Jean-Philippe Morel (cb), Ahmad Compaoré (dm, perc)
Dans l’après-midi, réunis autour d’Anne Montaron pour son « Rendez-vous », il fut demandé aux musiciens du Jarawa Project d’évoquer leur parcours respectif, leur rencontre, et l’idée soutenant le project. Aymeric Avice, à l’origine de Jarawa, expliqua qu’il s’agissait finalement de provoquer une alchimie, celle produite par la réunion de musiciens dont il pressentait qu’elle produirait de belles choses. Le projet, donc ? Jouer ensemble, tout simplement ! Après deux jours de résidences, le concert du soir était donc leur tout premier concert. Et quel concert !
Ce fut tout simplement extraordinaire, à mon sens le concert le plus exaltant du cru 2017. Cela parce qu’à mes oreilles il cochait toutes les cases : prises de risque, énorme énergie toujours idéalement conduite, du groove, du free, du phrasé, un son d’ensemble original, de l’écoute, beaucoup d’écoute même avec de l’interaction de haut vol. Tous les musiciens furent admirables, inspirants, Aymeric Avice en premier lieu, cette force non tranquille qui ne vacille jamais, sans pour autant être rempli de certitudes, souriant de plaisir face à ses partenaires. Daunik Lazro donna le meilleur de ce que l’on connaît de lui, ce qui est dire combien il fut incandescent. L’association Jean-Philippe Morel avec Ahmad Compaoré releva du miracle tant les deux hommes s’entendirent à merveille. Le batteur Ahmad Compaoré fut d’ailleurs une vraie grande révélation pour moi. Venu des musiques populaires et de celles dites populaires urbaines, il fut repéré par Fred Frith qui l’entraîna en des territoires inconnus, et même d’abord un peu effrayants pour lui, comme il le confia à Anne Montaron dans l’après-midi. Depuis, on peut dire qu’il a apprivoisé sa peur ! Il faudrait réentendre et analyser son jeu pour en rendre compte correctement ici. En attendant, pour se faire une idée, disons qu’il prolonge l’approche de Ronald Shannon Jackson autant que celle de Don Moye, tout en possédant la culture des grands batteurs funk (quel groove !). L’autre découverte pour moi fut le guitariste Jasper Stadhouders. S’inscrivant d’abord dans une pratique plutôt mainstream du jazz, au début des années 2000 il découvre et se fait happer par l’improvisation libre lorsqu’il côtoie les Han Bennik et autres Misha Mengelberg à son arrivée à Amsterdam. J’entendis beaucoup de guitare 70’s dans son jeu alors que, paraît-il, il est d’habitude beaucoup plus radical. Ses accents groove, à la dimension mélodique étrange par l’emploi d’une guitare en état transitoire de destruction, sans frettes ou quasi, firent merveilles (m’évoquant le Metheny de « Song X »). Ah la belle soirée ! Ah le beau final pour un festival se déclarant de jazz ! Voulant rester dans le son et l’énergie de ce que je venais d’entendre, je décidais sciemment de ne pas rester pour le concert d’Artús, un groupe d’obédience folklorique, mais de tendance abrasive. Mon ami Neimad Soul m’en rapporta plutôt de bons échos le lendemain matin. Je n’entendis pas non plus Bo Bun Fever qui fit plus tard danser les festivaliers jusqu’au bout de la nuit à la Maison de la vallée.