Jazz live
Publié le 30 Mar 2019

Jazz à Megève: Kimberose, voix et nouvelles voies

Jazz à Megève, quatrième édition. Dans une ville alpine, station chic, qui a fait figurer sur scène depuis les années 50 aussi bien Sydney Bechet que Ray Charles, Sacha Distel, Lionel Hampton, Nina Simone ou MIchel Petrucciani la nouvelle version du festival veut promouvoir un jazz actuel éclectique. Une scène couleurs au pied des pistes blanches.

Des couleurs qui tombent en pluie ou flocons. Des traits, des éclairs de lumière projetés dans tous les sens. Plus des images sur le fond de scène, celles des musiciens, des dessins ou des figures géométriques. Derrière les silhouettes des instrumentistes ou des instruments qui s’y découpent en ombres chinoises se compose un tableau qui sert la musique. Le temps du festival le Palais des Sports de Megève, cubique d’origine, en images comme en son, pour et par le jazz réussit la gageure de faire fondre glace et béton.

Free River: Emma Lamadji (voc, perc), Matia Levrero (g) Samuel Mestoraki (vib), Joan Echec Puig (elb), Maxime Rouayroux (dm)

Edmond Bilal Band: Paul Robert (ts), Mathias Monseigno (elg), Simon Chivallon (elb), Curtís Efoua (dm)

Anthony Jambon (elg), Joan Cariou (p), Alexandre Herrichon (tp) Swaelli Mbappé (elb), Stephane Adsuar (dm)

Duo Barkos: Tao Erlich (dm), Benoît Lugué (elb, cla, voc)

Kimberly Rose (voc)

Festival Jazz à Megève, Palais des Sports, Megève (74120)

 

Emma Lamadji, Free River

Une nouveauté  marque cette quatrième année du festival: le #Jamy offre la possibilité à de jeunes musiciens de s’afficher sur la scène immense du Palais des Sports : “ J’ai voulu reproduire  ici le coup de main que l’on donne l’été á Antibes aux musiciens en devenir. Certains penchaient pour une formule de concours, un tremplin. Pour moi ce n’est pas la bonne formule. Mieux vaut, même l’espace d’une demie-heure l’exposition, l’expression live d’un travail musical personnel de la part de nouveaux talents du jazz” affirme JeanRené Palacio, directeur artistique du festival.

 

Anthony Jambon guitare leader

 

Quatre groupes pour autant de musiques différentes.  Free River autour du chant de Emma Lamadji et de la guitare de Matia Levréro: une voix forte entre filière soul et échos d’Afrique, innervé de beaucoup de grain. Un mode de parlé-chanté quelque part entre la manière des Last Poets et du griot sur un fond funky, de contre chants. Plus cette sonorité originale, colorée métallique, claire issue des lames du vibraphone. Anthony Jambon Group. La guitare là encore en figure de proue, Celle du leader que l’on peut entendre aussi dans un album dejá paru (Parallel Worlds, Just Looking Productions) ou dans un autre orchestre, Awake. Notes choisies, arpégées dans les chorus. Un jazz nourri de beaucoup d’appels d’air, dans une architecture sonore très élaborée à base de lignes mélodiques superposées. Edmond Billal Band diffuse des sonorités chaudes, électriques. Jusqu à saturation côté basse ou sax marqué par une tonalité de colonne d’air des plus acides. La batterie, dans un rôle de machine á rythmes, figure en place centrale. Ça sonne plutôt carré, ça cherche l’effet direct, l’accroche du corps autant que de l’esprit. Bakos: Ils sont deux sur scène en face á face, marcel noir, pantalon de survèt et baskets. Et ça déménage. Les chocs  sur les caisses de la batterie comme les vibrations transmises par la basse percutent directement l’estomac. Et plus bas si afinité.  De l’électro pur jus, du lourd, du profond question résonances. Tout les coups partent sans filtre dans l’espace dans des jets de punch lines. Surprise, dans tous ces cas le public de Megève réagit favorablement. La nuit, sur les pentes de la station, même sous une avalanche de beats, à l’évidence on ne sent pas la neige fondre…

 

Kimberose, Kubik Guitsy (g)

Un gros son global, une référence, qui sait ? à des climats entendus autrefois du côté de Stax ou Tamla Motown. Et puis au premier plan de ce décor, background de notes et de rythmes binaires bien appuyés, vient une voix. Ancrée dans la musique, très présente, typée soul mais pas que. Forcée un peu quelquefois dans les colorations extrèmes de graves ou d’aïgues. Kimberose par envie, par savoir faire donne dans la performance vocale. Au naturel, oui, semble-t-il, tel cet hommage rendu à la figure de son père. Car voilà sans doute la clef: son organe, sa manière passe bien dès lors que la chanteuse retrouve les accents du blues. Cette nécessité de faire et de dire des choses simples. Peut-être justement qu’en dehors de ces moments forts, qui sonnent vrai, l’arriére fond musical manque parfois un peu d’originalité, comme trop définitivement ficelé. Formaté. Pourtant au final c’est bien d’elle dont on se souvient. De sa voix, de sa silhouette en mouvement dans un jeu de couleurs jaillissant des spots en permanence. De son show donné, très nature, sur les planches. 

 

Robert Latxague