JAZZ A SETE 2018 : 18 JUILLET
Saluons Louis Martinez pour la cohérence et la pertinence de sa programmation, une soirée prévue avec deux musiciens afro-américains de la même génération qui se connaissent très bien et qui ont déjà joués ensemble : le contrebassiste Christian McBride avec son groupe New Jawn suivi du quintette du trompettiste Roy Hargrove. Deux musiciens qui ont à la fois un pied dans la tradition et un pied dans le jazz d’aujourd’hui. Et tout le monde rêvait d’un bœuf final qui réunirait Christian et Roy….Malheureusement un gros orage éclata, les deux concerts furent annulés. Une soirée déprimante qui s’annonçait stérile et catastrophique, mais la ténacité de Roy Hargrove a brusquement changé la donne. En effet le trompettiste américain, qui pourtant semblait en petite forme lors des balances, tenait absolument à jouer en cette soirée du 18 juillet et demanda à Louis Martinez s’il n’y avait pas une position de repli possible dans un club de la ville….Il se trouve qu’un nouveau lieu intitulé « The Marcel » a ouvert récemment à Sète, un bar et un restaurant, situé en plein centre-ville, avec une petite scène prévu pour des concerts de jazz mensuels, inaugurée récemment avec la formation d’Eric Legnini. Aux alentours de 23h30, alors que l’orage continuait de gronder, le quintette de Roy Hargrove investissait « The Marcel » pour un public privilégié d’happy few (environ 80 personnes) et un concert mémorable, complètement acoustique où Tadataka Unno (pianiste de Roy Hargrove) avait complètement désossé le piano droit du bar afin qu’il sonne au mieux. La set-list fût complètement différente que celle prévue pour le théâtre de la mer, elle privilégiait les standards, les ballades, et l’esprit intime d’un club, dans l’esprit du premier quintette de Miles Davis ou des dernières formations de Chet Baker. Le son était brut de décoffrage et l’excellent batteur Quincy Philipps a pu adapter son jeu aux contraintes sonores. Le contrebassiste Ameen Saleem était aux anges et relançait sans répit la machine. Le saxophoniste alto Justin Robinson exploitait avec bonheur une belle sonorité groovy et bluesy, proche de Cannonball Adderley. Quant à Roy Hargrove, il joua les deux sets la plupart du temps assis sur une chaise (sauf sur la photo), mais que ce soit à la trompette ou au bugle, il se donna au maximum, exprimant du fond de lui-même les émotions les plus fortes et les plus sensuelles.
(photo : Betty Klik)
Une grande leçon d’expressivité et d’interprétation de standards, dans la lignée des plus grands, où les esprits de Chet et de Miles flottaient dans l’ambiance surchauffée de ce concert imprévu et impromptu. Pour finir, un grand merci à l’Office de Tourisme de Sète !
Lionel Eskenazi