Jazz live
Publié le 22 Juil 2018

JAZZ A SETE 2018 : 19 JUILLET

Thierry Balin Quartet & Chick Corea Akoustik Band (avec John Patitucci & Dave Weckl)

Après la soirée annulée du 18 juillet pour cause d’orage, toute l’équipe de Jazz à Sète scrutait attentivement les cieux afin que la soirée du 19 juillet se passe sous les meilleurs auspices, car le Théâtre de la Mer est plein à craquer pour accueillir l’Akoustic Band du pianiste Chick Corea (avec le contrebassiste John Patitucci et le batteur Dave Weckl).

Comme tous les ans, Louis Martinez organise un tremplin où l’heureux gagnant va jouer en première partie de grands noms du jazz dans la cadre privilégié du théâtre de la mer. Cette année, c’est le quartette du bassiste Thierry Balin (avec Thierry Serra, Clément Griffault & Pierre Costes) qui a la chance extraordinaire de jouer avant le trio de Chick Corea.
Des compositions originales écrites pour un quartette atypique (accordéon, piano, basse, batterie) où la danse (tango, boléro, biguine, samba) est omniprésente et la joie de vivre, une affirmation musicale constante.

Après cette mise en bouche fort sympathique (venue du sud-ouest de la France), les choses sérieuses démarrent avec le retour tant attendu de l’Akoustic Band de Chick Corea. Un groupe rare, que Chick Corea a eu la brillante idée de reformer après plus de 20 ans d’inactivité. L’Akoustic Band n’a enregistré que trois disques entre 1989 et 1996 (dont deux albums live) et en ce début de concert, Chick Corea nous annonce la sortie prochaine d’un nouvel album du groupe !

(Photo : @Pierre Nocca)

Car, il s’agit bien d’un GROUPE et non pas d’un pianiste accompagné d’une section rythmique. Une formation qui prend la forme d’un triangle équilatéral où chaque musicien a son importance et est l’égal de l’autre. C’est Bill Evans qui le premier inventera l’art subtil du trio égalitaire (avec notamment son fameux groupe avec Scott LaFarro et Paul Motian), dans le même état d’esprit on se souvient du trio de Keith Jarrett (avec Gary Peacock & Jack DeJohnette) et bien sûr celui de Chick Corea avec Miroslav Vitous et Roy Haynes.

L’entente des musiciens est parfaite, une écoute mutuelle permanente où chacun est prêt à rebondir sur une proposition de l’un ou de l’autre. Une musique organique et alchimique où l’interaction est à son comble. Trois virtuoses qui se font plaisir d’organiser un son orchestral et singulier et lorsque l’un des trois prend un solo, ce n’est jamais un exercice de style, mais c’est toujours au service de la composition et du trio.

(photo : @Pierre Nocca)

Deux superbes compositions de Chick Corea pour commencer : Morning Sprite et Japanese Waltz, puis l’interprétation magique et particulièrement sensible du standard That Old Feeling, suivi d’une très belle version du fameux Sophisticated Lady de Duke Ellington. En exclusivité pour le public Sétois, une nouvelle composition de Chick Corea, écrite spécialement pour ce trio : Life Line, puis Chick est parti dans une version sublime et tout à fait singulière de La Pastorale de Scarlatti. On touche le nirvana et l’on ne descendra pas de sitôt sur terre avec la relecture fascinante de You & The Night & The Music. Bill Evans et Keith Jarrett avaient déjà donné leurs versions de ce standard en trio, mais il semblerait que celle de Chick et son Akoustic Band, ce soir-là, surpasse toutes les autres versions par son lyrisme et sa poésie. Au rappel, l’inévitable Spain, où Chick s’amuse à faire chanter le public, introduit avec grand brio par le concerto d’Aranjuez de Joachin Rodrigo.

(photo :@Pierre Nocca)

Ce concert de l’Akoustic Band de Chick Corea fût incontestablement le pic du festival « Jazz à Sète ».
Bill Evans étant mort, Keith Jarrett étant devenu egocentrique, narcissique, et autiste (incapable actuellement de jouer avec d’autres musiciens), et Herbie Hancock s’étant malheureusement complètement égaré, Chick Corea reste le meilleur pianiste de sa génération, toujours prêt à relever le défi du trio à travers un jazz acoustique de premier ordre qui mêle écriture et improvisation, standards et compositions personnelles. Pour finir, un grand merci à l’Office de Tourisme de Sète.
Lionel Eskenazi