Jazz live
Publié le 7 Juil 2013

Jazz à Vienne 2013 Semaine I : grosses pointures et nouvelle génération.

 

Quinze journées (du 28 juin au 13 juillet), cinq scènes (dont le Théâtre Antique et ses 7500 places), des centaines de concerts et animations, des dizaines de milliers de spectateurs… Jazz à Vienne est certainement un des plus importants festivals européens. Quelques focus et impressions sur les moments remarquables de la première semaine de la 33ème édition, où les grosses pointures et la nouvelle génération des jazzmen français se sont côtoyées.

 

Intro nostalgique et contextuelle…

 

Natif de la Vallée du Rhône (Montélimar – on ne rit pas ! – 80 km d’ici), étudiant à Grenoble (tout près aussi) dans les années 1960 et… jamais venu au Festival de Vienne ! « Exilé » dans le Sud-Ouest depuis quarante ans, j’étais tous les ans, début juillet, « réquisitionné » par le Ministère de l’Education Nationale pour présider des jurys de baccalauréat en Béarn profond.

Amis, musiciens, producteurs, impresarios, confrères de la rédaction de Jazzmag m’envoyaient maints messages me signifiant que, début juillet, c’était bien à Vienne qu’il fallait être. Cruels, ils insistaient lourdement sur le fait qu’ils se régalaient pendant que je vérifiais les moyennes des laborieux candidats des séries ES…

Mais… retraité depuis six mois, l’heure de la vengeance a sonné. Direction Vienne 2013 avec trois « casquettes » ! Bingo.

Membre du jury du tremplin ReZZo Focal, conférencier (Jazz et Bande Dessinée*) et  envoyé spécial de Jazz Magazine Jazzman… Cette dernière casquette étant pour moi la plus émouvante puisque je fête cette année quarante-cinq ans de collaboration.

 

Des chiffres… des chiffres ! Quantophrénie quand tu nous tiens…

 

Il serait tentant en découvrant Jazz à Vienne de se lancer dans une analyse comparative avec d’autres festivals fréquentés régulièrement comme Orthez, Oloron, Luz St Sauveur, Uzeste et… Marciac, le seul qui « boxe » niveau budget, logistique, et moyens mis en œuvre dans la même catégorie que Vienne, celle dite des très grosses machineries. L’exercice n’aurait pas grand intérêt (chaque festival ayant son identité) hors de comparaisons cantonnées à des données numériques supposées « objectives » (budgets, nombre d’entrées payantes et nombre de groupes programmés…).

Les chiffres ne disent pas tout d’un festival. Loin de là. Même si les municipalités, les départements, les régions et les Directions Régionales des Affaires Culturelles (DRAC) se délectent d’épais rapports bourrés de statistiques. La quantophrénie (cette pathologie qui consiste à vouloir traduire systématiquement les phénomènes sociaux et humains en données numériques)n’étant pas vraiment mon truc (même si le thème, incontournable, de la mesure des audiences, impressionnantes ici, sera quand même abordé rapidement de ci de là) nous allons plutôt évoquer impressions et sensations ressenties lors de ce premier séjour viennois, en nous cantonnant surtout dans les registres affectifs et subjectifs. Tant pis pour ceux qui pensent que la critique de jazz doit (et peut) être « objective » et musicologiquement pointue.

 

Grosse « com » sur papier…

 

A peine arrivé, papivore compulsif (c’est un truc générationnel…), je collecte de nombreux documents JAV abondamment distribués dans toute la ville (dont le supplément spécial Jazz Magazine Jazzman sur les bénévoles) et tombe de l’armoire en prenant possession de l’énorme programme officiel (gratuit) de 106 pages bourrées d’infos. Il est titré JOURNUIT. Bien vu, car concerts et animations débutent à midi et finissent vers 2/3 heures du matin (au Magic Mirror, pour la session, « branchée », Jazz Mix). Jour par jour et heures par heures toutes les manifestations sont présentées, avec force détails, dans JOURNUIT avec une mise en page claire et efficace. Impressionnant !

 

Just in Time…

 

Tradition locale : pratiquement tous les concerts débutent à l’heure, ce qui démontre que l’importante logistique du festival est d’une grande efficience. Jazz à Vienne n’est pas une association mais un EPIC (Établissement Public à caractère Industriel et Commercial), statut rare dans le paysage festivalier français. Cet EPIC est administré par un CA de dix-huit membres où siègent élus et personnalités qualifiées (dont Jean-Paul Boutellier, le fondateur de JAV). Ce nouveau statut doit permettre, selon ses promoteurs, en inscrivant JAV dans un projet territorial, de pérenniser la manifestation et d’assurer son développement, tout en gardant son côté convivial. Stéphane Kochoyan nommé Directeur de l’EPIC l’an dernier, à la tête d’une petite équipe de salariés dynamiques et compétents, adepte du « changement dans la continuité », doit veiller à mener à bien toutes ces missions avec une volonté accrue d’ouverture et d’implication au niveau éducatif. Avec notamment, l’Académie, pôle pédagogique où s’organisent stages, workshops et conférences. Nouveauté 2013 : la création d’un atelier d’éveil musical destiné aux plus jeunes (dès 4 ans) confiés à Leïla Martial. Ca va les booster nos chères petites têtes blondes… Cheville ouvrière incontournable de ce gigantesque mécano : Benjamin Tanguy (un brestois !), au four et au moulin seize heures par jour et toujours souriant et disponible.

 

Sociologie, sommaire, des publics… A creuser : un beau sujet de mémoire pour les stagiaires étudiants en masters «culturels ».

 

Beaucoup de monde pour les spectacles gratuits dès que le soleil se montre. Le public bon enfant, peu connaisseur mais enthousiaste, circule et commente à profusion : clichés, idées reçues et brèves de comptoir abondent. Solos de batterie plébiscités…

Les spectateurs, payants, du Théatre Antique sont très organisés. Ils arrivent tôt (parfois plus de deux heures avant le concert, complets ou non) et sont suréquipés : coussins, couvertures, sac à dos pleins à craquer, chaussures de marches, pique-niques, glacières… Certains d’entre eux semblent partir pour escalader le Mont Blanc. Quand après moult rappels (sorte de syndrome compulsif qui touche petits et grands festivals), le théâtre se vide lentement, commence une longue descente vers les parkings. Prétexte à commentaires, généralement extasiés, sur les grands moments de la soirée. Le public de Vienne est un bon public, comme on dit. Et pour cette première semaine de JAV 2013 les raisons de s’enflammer ne manquèrent pas.

 

Pointures au Théâtre Antique

 

Keziah Jones Group, Marcus Miller « The Renaissance Tour ». Théâtre Antique 29 juin.

 

Dans un amphithéâtre bondé, fans jeunes et moins jeunes de MM accueillent l’homme aux cinq cents enregistrements par une énorme ovation. Le cœur de son programme est basé sur les superbes compositions du disque “Renaissance”. Son impeccable (deux heures de balance méticuleuse ça paye). Marcus Miller distribue les solos et pousse ses musiciens à la manière de Miles. Les thèmes Detroit, Redemption, February, Jekyll & Hyde s’enchainent. Gorée, composition qui a été inspirée à Marcus Miller par sa visite à la Maison des Esclaves sur l’île du même nom est jouée à la clarinette basse de manière émouvante. Miller vient d’être nommé Ambassadeur de la Paix par l’UNESCO pour être le porte parole de la commémoration de la « Route de l’Esclave ». Avec Slippin’ Into Darkness (compo du groupe War) retour au funk à la James Brown, avant d’étonnants rappels… Les organisateurs espéraient que Miller invite Keziah Jones (qui fut assez terne en première partie du concert)… Miller fit mieux : il invita tout le groupe de Keziah Jones ! Bœuf, spectaculaire certes mais franchement inégal, les musicos de Jones, carrément largués à plusieurs longueurs de Miller et des ses hommes : un étonnant Come Together déchaina le public qui ne se calma qu’après avoir obtenu un second rappel au mood très davisien.

 

Ibrahim Maalouf (Wind), Chick Corea & The Vigil. Théatre Antique 30 juin.

 

Le nouveau projet d’Ibrahim Maalouf (le CD “Wind”) avec des sidemen de luxe (Mark Turner au saxophone, Larry Grenadier à la contrebasse et Clarence Penn à la batterie…) inspiré par Miles, entre autres, a été joué « tranquillou » ici. Maalouf parle beaucoup… Le public adhère certes mais pas de manière délirante. Les médias évoquent toujours immanquablement le fameux quatrième piston. Backstage, pas vraiment d’unanimité sur la prestation de « L’artiste de l’année 2013 des Victoires du Jazz » qui reçoit son trophée sur scène. Quelques méchants vanneurs clament pas très gentiment (mais, courageux, à haute voix) et de manière peut-être un peu exagérée que Georges Jouvin et Fred Piston ont trouvé un successeur…

 

A 72 ans Chick Corea a l’air d’un jeune homme (un régime à base de fruits et légumes dit-on…). Au piano acoustique il débute par un brillant, chaleureux et fervent hommage à Bud Powell (Tempus Fugit). Il décline ensuite des thèmes de son dernier CD, « The Vigil », sa nouvelle aventure. En totale empathie avec le public il le fait chantonner à partir de quelques notes limpides et joyeuses. La séquence hispanisante avec Spain fait chavirer l’amphithéâtre. Rappels très enthousiastes et ultra-mérités. Chick enchante depuis cinquante ans. Vive les fruits et légumes !

 

Soirées Caraïbes (Malavoi, Kassav), Gipsy (Goran Bregovic) et Cuba (Roberto Fonseca, Buena Vista Social Club). Théâtre Antique 1er, 2 et 3 juillet.

 

Carton plein pour les soirées musiques cousines et voisines du jazz. Trois « sold out ». Alors inutile de polémiquer avec les intégristes du pur jazz. Il semble établi désormais (cf Montreux et Marciac) que l’équilibre économique des festivals dits de jazz passe par la programmation de ces orchestres ultra populaires. L’enthousiasme du public fait plaisir à voir. Des gens heureux en tant de crise ce n’est pas si fréquent. Et puis cela nous a été rappelé par les programmateurs Kassav plaisait à Miles Davis qui avait même envisagé un enregistrement avec eux… Et la section cuivres et sax du groupe antillais pétait le feu.

 

Soirée French Touch. Gouache de Jacky Terrasson et L’œil de l’Eléphant avec Sclavis, Portal, Texier et Marguet. Théâtre Antique 4 juillet.

 

Le CD “Gouac

he” de Jacky Terrasson (p) outre la belle qualité globale du projet réservait une surprise… Michel Portal jouant et chorusant dans un contexte inhabituel pour lui depuis plusieurs décennies. Certes, il avait bien débuté il y a fort longtemps en chorusant de manière « académique » (pour le dire vite) au sein de big bands français mais ce n’était pas vraiment et depuis fort longtemps sa tasse de thé. Live, confirmation : il expose magistralement les thèmes à l’unisson avec Stéphane Belmondo (bugle). Mais Portal oblige… quelques chorus nous rappellent, même « adoucis », la grande époque dite du « free/cri »… Stimulant et surprenant dans ce contexte. Mais le public suit sans problème. Cécile McLorin Salvant (chant), très à l’aise dans ce projet au répertoire bien adapté à sa tessiture et à son phrasé, a été brillante et émouvante, entre autres, sur un Love For Sale d’anthologie.

 

Avec l’Oeil de l’Eléphant, Guy Le Querrec (au Leica) présente une nouvelle version d’un projet transdisciplinaire qu’il a initié au début des années 1980 aux Rencontres Internationales de la Photographie d’Arles : projection d’un montage de ses photos, accompagné en direct par un quartette composé de trois musiciens présents depuis le début de l’expérience (Henri Texier, Portal, Louis Sclavis) plus Christophe Marguet (qui remplace Jean-Pierre Drouet). Après « De l’eau dans le jazz », « L’œil de Breizh » et « Jazz comme une image », cet « Œil de l’Elephant » nous a, une fois de plus, époustouflé.

Pourquoi l’éléphant ? Car Le Querrec aime un vieux proverbe africain qui voudrait que l’œil de l’éléphant « shoote » chaque instant pour le vivre uniquement, comme si c’était la première et la dernière fois.

Des séquences, titrées à base de jeux de mots Lequerrequiens, regroupent et entrechoquent des multitudes de photos ayant des points communs. Le quartette joue sur et avec les images. Pour les amoureux du noir & blanc et de l’école Magnum, un régal. Incontournable et poignante la séquence sur des indiens commémorant, en 1990, pour la dernière fois, par un long parcours à cheval et par des températures polaires, le massacre de Wounded Knee de 1890, déclencha une forte ovation.

 

Rodriguez, Ben Harper (guitares) avec Charlie Musselwhite (harmonica). Théâtre Antique 5 juillet. Johnny Winter, Shemekia Copeland et Robert Cray. Théâtre Antique 6 juillet.

 

Tradition de grosses affluences pour les concerts blues à Vienne m’ont dit les historiens de JAV. Idem en 2013. Rodriguez (monsieur Sugar Man) a donné ici un concert de bon niveau (les échos de ses concerts parisiens n’étaient pas très positifs…). Ben Harper que l’on disait en perte de vitesse ces temps ci a donné un superbe concert boosté par la présence du mythique harmoniciste Charlie Musselwhite… Etonnant : il voyage avec une incroyable collection de guitares (plusieurs dizaines selon les rumeurs…) surveillées par un vigile affecté spécifiquement à cette tâche. Johny Winter et Robert Cray ont comblé, dans leur registres respectifs, leurs fans venus nombreux. Surprise de la soirée : la peu connue du grand public Shemekia Copeland. Oui, la fille de Johnny. Tombée très jeune dans la marmite. Elle a mis le feu comme on dit. Voix puissante, présence scénique spectaculaire… Tout ce qu’il faut pour rendre heureux l’amphithéâtre viennois.

 

Les générations montantes

 

La programmation massive (sur qautre scènes différentes, toutes gratuites) de la jeune génération des jazzmen et jazzwomen (et musiciens de la scène des Musiques Actuelles) français est une des caractéristiques étonnantes et stimulantes de JAV. Benjamin Tanguy et Stéphane Kochoyan président et veillent à l’application de ce choix. « Nous souhaitons aider et présenter la “relève”, gratuitement, au grand public, même si certains de nos coups de cœur, peuvent parfois le surprendre ou même l’agacer. Nous assumons…». Cœurs de l’opération “relève” : le Théâtre Municipal, tous les soirs à minuit et la Scène Cybèle toute la journée.

L’offre de ce point de vue étant pléthorique et cette chronique de mon séjour à Vienne devenant vraiment démesurée je vais me contenter d’une sélection de mes coups de cœur. Côté « jeune génération »… Céline Bonacina, frêle silhouette, avec son énorme baryton dont elle joue avec fluidité et grâce sans jamais donner l’impression de forcer. Un chroniqueur a évoqué à son propos dans un grand journal du soir Serge Chaloff et Pepper Adams. Je penche pour Gerry Mulligan. Le débat est ouvert. Elle joue aussi brillamment de tous les autres saxes… Elle avait invité Leïla Martial (chant) l’iconoclaste. Qui a décidé quoi que pensent les conservateurs de tous poils de ses vocalises virevoltantes, qu’elle ne voulait pas rentrer dans le moule des chanteuses formatées qui ânonnent des standards éculés. « Cadeau » de la prod de JAV, outre un passage au Club de Minuit… Trente minutes devant 7500 personnes juste avant Malavoi et Kassav avec le Céline Bonacina Réunion. « Vous n’avez pas eu peur devant ce mur incroyable de spectateurs ? ». « Non pas vraiment… C’était stimulant »… Elles sont comme ça Céline et Leïla… Elles foncent…

Jean-Charles Richard (sax) et Eric Prost (ts) avec Jérôme Regard (b) ont présenté « L’équilibre de Nash » un projet porté par le collectif Jazz(s)RA (RA pour Rhones Alpes, bien sûr). Du solide.

Roberto Negro vainqueur du Tremplin Jazz d’Oloron il y a deux ans. Ce pianiste incroyable joue aussi bien des choses très élaborées et sophistiquées que des musiques proches des BO de dessins animés. Il multiplie les projets, tous originaux. Pour JAV il a joué en solo (à Cybèle) et au Théâtre Municipal pour sa « Lovin suite » où il met bien valeur Elise Caron (voc). Œuvre complexe où intervient un quatuor à cordes où on retrouve les frères Ceccaldi (vl et cello) qui participent à beaucoup d’expériences dans

le monde des musiques actuelles. Un rassemblement de fortes personnalités…

Thomas Ibanez, saxophoniste lyonnais (« jazz moderne ancré dans la tradition » selon le texte du programme) dans la lignée de Joshua Redman, entre autres, a séduit le public du Kiosque de Cybèle.

Guillaume Perret (sax en couleur… rouge flamboyant) et Pierrick Pédron (as) ont-ils leur place dans notre rubrique Génération Montante. Discutable. Car ils ont déjà une notoriété importante. Quoi qu’il en soit, en des registres très différents, ce sont des musiciens passionnants.

 

Ni grosse pointure ni nouvelle génération : l’Orchestre de Jazz de la Musique de l’Armée de l’Air !

 

L’Armée de l’Air de la République Française a créé en 2005 un big band jazz.

Ne riez pas… Claude Carrière, immense érudit en matière de big bands, nous a signalé et vivement recommandé d’aller écouter cet orchestre dirigé par Stan Laferrière, qui a joué deux fois ici. Il avait raison : l’orchestre est excellent et comme aurait dit Panassié, swingue à la perfection. Et bien sûr, vous vous en doutiez : l’orchestre a des tenues impeccables… Tradition militaire oblige mais aussi évocation des smokings chez Duke et Basie. Mauvaise nouvelle : l’état des finances publiques de notre pays a amené le Ministère de la Défense à programmer la dissolution de ce big band très prochainement.

 

Jazz Mix

 

Impossible de conclure sans dire quelques mots de la scène « Jazz Mix » et de sa programmation hors des sentiers battus, concoctée par Reza Ackbaraly (Monsieur Mezzo) l’homme qui sait tout des talents émergeants, hors-normes et « rebelles ». Epuisé par les longues journées de JAV je n’ai pas pu savourer pleinement ces fins de nuits dans le Magic Mirror des bords du Rhône.

Chris Dave (29 juin) m’est apparu comme un extra-terrestre de la batterie. Set ahurissant (trois caisses claires, cymbales en spirale…). Découpages rythmiques fourmillants d’idées neuves et pourtant le tempo est là. Toujours là. Peut-être le seul innovateur depuis plusieurs décennies sur l’instrument.

Minino Garay (qui avait remarquablement coloré, tout en nuances le concert de J. Terrason) à la tête d’une dizaine de percussionnistes (Les Frapadingos !) a séduit et fait « bouger »…

 

Lundi je posterai un Jazzlive, rendant compte des prestations des candidats (et du résultat) du Tremplin RéZZo Focal.


Demain Pascal Rozat prend le relais comme « envoyé spécial » de Jazz Magazine Jazzman à JAV. A suivre sur JazzLive et nulle part ailleurs…

 

Pierre-Henri Ardonceau

 

* Nos lecteurs bédéphiles peuvent visionner ce diaporama numérique de la conférence Jazz et Bande Dessinée avec l’intégralité des documents -textes et images- en le téléchargeant avec le lien (valable 15 jours seulement) : http://we.tl/IRgrxnCWR4.

 

Nota : la soirée Victoires du Jazz, prélude au démarrage officiel du festival, et la rencontre/blindfold test entre Marcus Miller et Frédéric Goaty ont déjà été chroniquées dans les Jazzlive du 30 juin et du 2 juillet.

 

 

 

 

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Quinze journées (du 28 juin au 13 juillet), cinq scènes (dont le Théâtre Antique et ses 7500 places), des centaines de concerts et animations, des dizaines de milliers de spectateurs… Jazz à Vienne est certainement un des plus importants festivals européens. Quelques focus et impressions sur les moments remarquables de la première semaine de la 33ème édition, où les grosses pointures et la nouvelle génération des jazzmen français se sont côtoyées.

 

Intro nostalgique et contextuelle…

 

Natif de la Vallée du Rhône (Montélimar – on ne rit pas ! – 80 km d’ici), étudiant à Grenoble (tout près aussi) dans les années 1960 et… jamais venu au Festival de Vienne ! « Exilé » dans le Sud-Ouest depuis quarante ans, j’étais tous les ans, début juillet, « réquisitionné » par le Ministère de l’Education Nationale pour présider des jurys de baccalauréat en Béarn profond.

Amis, musiciens, producteurs, impresarios, confrères de la rédaction de Jazzmag m’envoyaient maints messages me signifiant que, début juillet, c’était bien à Vienne qu’il fallait être. Cruels, ils insistaient lourdement sur le fait qu’ils se régalaient pendant que je vérifiais les moyennes des laborieux candidats des séries ES…

Mais… retraité depuis six mois, l’heure de la vengeance a sonné. Direction Vienne 2013 avec trois « casquettes » ! Bingo.

Membre du jury du tremplin ReZZo Focal, conférencier (Jazz et Bande Dessinée*) et  envoyé spécial de Jazz Magazine Jazzman… Cette dernière casquette étant pour moi la plus émouvante puisque je fête cette année quarante-cinq ans de collaboration.

 

Des chiffres… des chiffres ! Quantophrénie quand tu nous tiens…

 

Il serait tentant en découvrant Jazz à Vienne de se lancer dans une analyse comparative avec d’autres festivals fréquentés régulièrement comme Orthez, Oloron, Luz St Sauveur, Uzeste et… Marciac, le seul qui « boxe » niveau budget, logistique, et moyens mis en œuvre dans la même catégorie que Vienne, celle dite des très grosses machineries. L’exercice n’aurait pas grand intérêt (chaque festival ayant son identité) hors de comparaisons cantonnées à des données numériques supposées « objectives » (budgets, nombre d’entrées payantes et nombre de groupes programmés…).

Les chiffres ne disent pas tout d’un festival. Loin de là. Même si les municipalités, les départements, les régions et les Directions Régionales des Affaires Culturelles (DRAC) se délectent d’épais rapports bourrés de statistiques. La quantophrénie (cette pathologie qui consiste à vouloir traduire systématiquement les phénomènes sociaux et humains en données numériques)n’étant pas vraiment mon truc (même si le thème, incontournable, de la mesure des audiences, impressionnantes ici, sera quand même abordé rapidement de ci de là) nous allons plutôt évoquer impressions et sensations ressenties lors de ce premier séjour viennois, en nous cantonnant surtout dans les registres affectifs et subjectifs. Tant pis pour ceux qui pensent que la critique de jazz doit (et peut) être « objective » et musicologiquement pointue.

 

Grosse « com » sur papier…

 

A peine arrivé, papivore compulsif (c’est un truc générationnel…), je collecte de nombreux documents JAV abondamment distribués dans toute la ville (dont le supplément spécial Jazz Magazine Jazzman sur les bénévoles) et tombe de l’armoire en prenant possession de l’énorme programme officiel (gratuit) de 106 pages bourrées d’infos. Il est titré JOURNUIT. Bien vu, car concerts et animations débutent à midi et finissent vers 2/3 heures du matin (au Magic Mirror, pour la session, « branchée », Jazz Mix). Jour par jour et heures par heures toutes les manifestations sont présentées, avec force détails, dans JOURNUIT avec une mise en page claire et efficace. Impressionnant !

 

Just in Time…

 

Tradition locale : pratiquement tous les concerts débutent à l’heure, ce qui démontre que l’importante logistique du festival est d’une grande efficience. Jazz à Vienne n’est pas une association mais un EPIC (Établissement Public à caractère Industriel et Commercial), statut rare dans le paysage festivalier français. Cet EPIC est administré par un CA de dix-huit membres où siègent élus et personnalités qualifiées (dont Jean-Paul Boutellier, le fondateur de JAV). Ce nouveau statut doit permettre, selon ses promoteurs, en inscrivant JAV dans un projet territorial, de pérenniser la manifestation et d’assurer son développement, tout en gardant son côté convivial. Stéphane Kochoyan nommé Directeur de l’EPIC l’an dernier, à la tête d’une petite équipe de salariés dynamiques et compétents, adepte du « changement dans la continuité », doit veiller à mener à bien toutes ces missions avec une volonté accrue d’ouverture et d’implication au niveau éducatif. Avec notamment, l’Académie, pôle pédagogique où s’organisent stages, workshops et conférences. Nouveauté 2013 : la création d’un atelier d’éveil musical destiné aux plus jeunes (dès 4 ans) confiés à Leïla Martial. Ca va les booster nos chères petites têtes blondes… Cheville ouvrière incontournable de ce gigantesque mécano : Benjamin Tanguy (un brestois !), au four et au moulin seize heures par jour et toujours souriant et disponible.

 

Sociologie, sommaire, des publics… A creuser : un beau sujet de mémoire pour les stagiaires étudiants en masters «culturels ».

 

Beaucoup de monde pour les spectacles gratuits dès que le soleil se montre. Le public bon enfant, peu connaisseur mais enthousiaste, circule et commente à profusion : clichés, idées reçues et brèves de comptoir abondent. Solos de batterie plébiscités…

Les spectateurs, payants, du Théatre Antique sont très organisés. Ils arrivent tôt (parfois plus de deux heures avant le concert, complets ou non) et sont suréquipés : coussins, couvertures, sac à dos pleins à craquer, chaussures de marches, pique-niques, glacières… Certains d’entre eux semblent partir pour escalader le Mont Blanc. Quand après moult rappels (sorte de syndrome compulsif qui touche petits et grands festivals), le théâtre se vide lentement, commence une longue descente vers les parkings. Prétexte à commentaires, généralement extasiés, sur les grands moments de la soirée. Le public de Vienne est un bon public, comme on dit. Et pour cette première semaine de JAV 2013 les raisons de s’enflammer ne manquèrent pas.

 

Pointures au Théâtre Antique

 

Keziah Jones Group, Marcus Miller « The Renaissance Tour ». Théâtre Antique 29 juin.

 

Dans un amphithéâtre bondé, fans jeunes et moins jeunes de MM accueillent l’homme aux cinq cents enregistrements par une énorme ovation. Le cœur de son programme est basé sur les superbes compositions du disque “Renaissance”. Son impeccable (deux heures de balance méticuleuse ça paye). Marcus Miller distribue les solos et pousse ses musiciens à la manière de Miles. Les thèmes Detroit, Redemption, February, Jekyll & Hyde s’enchainent. Gorée, composition qui a été inspirée à Marcus Miller par sa visite à la Maison des Esclaves sur l’île du même nom est jouée à la clarinette basse de manière émouvante. Miller vient d’être nommé Ambassadeur de la Paix par l’UNESCO pour être le porte parole de la commémoration de la « Route de l’Esclave ». Avec Slippin’ Into Darkness (compo du groupe War) retour au funk à la James Brown, avant d’étonnants rappels… Les organisateurs espéraient que Miller invite Keziah Jones (qui fut assez terne en première partie du concert)… Miller fit mieux : il invita tout le groupe de Keziah Jones ! Bœuf, spectaculaire certes mais franchement inégal, les musicos de Jones, carrément largués à plusieurs longueurs de Miller et des ses hommes : un étonnant Come Together déchaina le public qui ne se calma qu’après avoir obtenu un second rappel au mood très davisien.

 

Ibrahim Maalouf (Wind), Chick Corea & The Vigil. Théatre Antique 30 juin.

 

Le nouveau projet d’Ibrahim Maalouf (le CD “Wind”) avec des sidemen de luxe (Mark Turner au saxophone, Larry Grenadier à la contrebasse et Clarence Penn à la batterie…) inspiré par Miles, entre autres, a été joué « tranquillou » ici. Maalouf parle beaucoup… Le public adhère certes mais pas de manière délirante. Les médias évoquent toujours immanquablement le fameux quatrième piston. Backstage, pas vraiment d’unanimité sur la prestation de « L’artiste de l’année 2013 des Victoires du Jazz » qui reçoit son trophée sur scène. Quelques méchants vanneurs clament pas très gentiment (mais, courageux, à haute voix) et de manière peut-être un peu exagérée que Georges Jouvin et Fred Piston ont trouvé un successeur…

 

A 72 ans Chick Corea a l’air d’un jeune homme (un régime à base de fruits et légumes dit-on…). Au piano acoustique il débute par un brillant, chaleureux et fervent hommage à Bud Powell (Tempus Fugit). Il décline ensuite des thèmes de son dernier CD, « The Vigil », sa nouvelle aventure. En totale empathie avec le public il le fait chantonner à partir de quelques notes limpides et joyeuses. La séquence hispanisante avec Spain fait chavirer l’amphithéâtre. Rappels très enthousiastes et ultra-mérités. Chick enchante depuis cinquante ans. Vive les fruits et légumes !

 

Soirées Caraïbes (Malavoi, Kassav), Gipsy (Goran Bregovic) et Cuba (Roberto Fonseca, Buena Vista Social Club). Théâtre Antique 1er, 2 et 3 juillet.

 

Carton plein pour les soirées musiques cousines et voisines du jazz. Trois « sold out ». Alors inutile de polémiquer avec les intégristes du pur jazz. Il semble établi désormais (cf Montreux et Marciac) que l’équilibre économique des festivals dits de jazz passe par la programmation de ces orchestres ultra populaires. L’enthousiasme du public fait plaisir à voir. Des gens heureux en tant de crise ce n’est pas si fréquent. Et puis cela nous a été rappelé par les programmateurs Kassav plaisait à Miles Davis qui avait même envisagé un enregistrement avec eux… Et la section cuivres et sax du groupe antillais pétait le feu.

 

Soirée French Touch. Gouache de Jacky Terrasson et L’œil de l’Eléphant avec Sclavis, Portal, Texier et Marguet. Théâtre Antique 4 juillet.

 

Le CD “Gouac

he” de Jacky Terrasson (p) outre la belle qualité globale du projet réservait une surprise… Michel Portal jouant et chorusant dans un contexte inhabituel pour lui depuis plusieurs décennies. Certes, il avait bien débuté il y a fort longtemps en chorusant de manière « académique » (pour le dire vite) au sein de big bands français mais ce n’était pas vraiment et depuis fort longtemps sa tasse de thé. Live, confirmation : il expose magistralement les thèmes à l’unisson avec Stéphane Belmondo (bugle). Mais Portal oblige… quelques chorus nous rappellent, même « adoucis », la grande époque dite du « free/cri »… Stimulant et surprenant dans ce contexte. Mais le public suit sans problème. Cécile McLorin Salvant (chant), très à l’aise dans ce projet au répertoire bien adapté à sa tessiture et à son phrasé, a été brillante et émouvante, entre autres, sur un Love For Sale d’anthologie.

 

Avec l’Oeil de l’Eléphant, Guy Le Querrec (au Leica) présente une nouvelle version d’un projet transdisciplinaire qu’il a initié au début des années 1980 aux Rencontres Internationales de la Photographie d’Arles : projection d’un montage de ses photos, accompagné en direct par un quartette composé de trois musiciens présents depuis le début de l’expérience (Henri Texier, Portal, Louis Sclavis) plus Christophe Marguet (qui remplace Jean-Pierre Drouet). Après « De l’eau dans le jazz », « L’œil de Breizh » et « Jazz comme une image », cet « Œil de l’Elephant » nous a, une fois de plus, époustouflé.

Pourquoi l’éléphant ? Car Le Querrec aime un vieux proverbe africain qui voudrait que l’œil de l’éléphant « shoote » chaque instant pour le vivre uniquement, comme si c’était la première et la dernière fois.

Des séquences, titrées à base de jeux de mots Lequerrequiens, regroupent et entrechoquent des multitudes de photos ayant des points communs. Le quartette joue sur et avec les images. Pour les amoureux du noir & blanc et de l’école Magnum, un régal. Incontournable et poignante la séquence sur des indiens commémorant, en 1990, pour la dernière fois, par un long parcours à cheval et par des températures polaires, le massacre de Wounded Knee de 1890, déclencha une forte ovation.

 

Rodriguez, Ben Harper (guitares) avec Charlie Musselwhite (harmonica). Théâtre Antique 5 juillet. Johnny Winter, Shemekia Copeland et Robert Cray. Théâtre Antique 6 juillet.

 

Tradition de grosses affluences pour les concerts blues à Vienne m’ont dit les historiens de JAV. Idem en 2013. Rodriguez (monsieur Sugar Man) a donné ici un concert de bon niveau (les échos de ses concerts parisiens n’étaient pas très positifs…). Ben Harper que l’on disait en perte de vitesse ces temps ci a donné un superbe concert boosté par la présence du mythique harmoniciste Charlie Musselwhite… Etonnant : il voyage avec une incroyable collection de guitares (plusieurs dizaines selon les rumeurs…) surveillées par un vigile affecté spécifiquement à cette tâche. Johny Winter et Robert Cray ont comblé, dans leur registres respectifs, leurs fans venus nombreux. Surprise de la soirée : la peu connue du grand public Shemekia Copeland. Oui, la fille de Johnny. Tombée très jeune dans la marmite. Elle a mis le feu comme on dit. Voix puissante, présence scénique spectaculaire… Tout ce qu’il faut pour rendre heureux l’amphithéâtre viennois.

 

Les générations montantes

 

La programmation massive (sur qautre scènes différentes, toutes gratuites) de la jeune génération des jazzmen et jazzwomen (et musiciens de la scène des Musiques Actuelles) français est une des caractéristiques étonnantes et stimulantes de JAV. Benjamin Tanguy et Stéphane Kochoyan président et veillent à l’application de ce choix. « Nous souhaitons aider et présenter la “relève”, gratuitement, au grand public, même si certains de nos coups de cœur, peuvent parfois le surprendre ou même l’agacer. Nous assumons…». Cœurs de l’opération “relève” : le Théâtre Municipal, tous les soirs à minuit et la Scène Cybèle toute la journée.

L’offre de ce point de vue étant pléthorique et cette chronique de mon séjour à Vienne devenant vraiment démesurée je vais me contenter d’une sélection de mes coups de cœur. Côté « jeune génération »… Céline Bonacina, frêle silhouette, avec son énorme baryton dont elle joue avec fluidité et grâce sans jamais donner l’impression de forcer. Un chroniqueur a évoqué à son propos dans un grand journal du soir Serge Chaloff et Pepper Adams. Je penche pour Gerry Mulligan. Le débat est ouvert. Elle joue aussi brillamment de tous les autres saxes… Elle avait invité Leïla Martial (chant) l’iconoclaste. Qui a décidé quoi que pensent les conservateurs de tous poils de ses vocalises virevoltantes, qu’elle ne voulait pas rentrer dans le moule des chanteuses formatées qui ânonnent des standards éculés. « Cadeau » de la prod de JAV, outre un passage au Club de Minuit… Trente minutes devant 7500 personnes juste avant Malavoi et Kassav avec le Céline Bonacina Réunion. « Vous n’avez pas eu peur devant ce mur incroyable de spectateurs ? ». « Non pas vraiment… C’était stimulant »… Elles sont comme ça Céline et Leïla… Elles foncent…

Jean-Charles Richard (sax) et Eric Prost (ts) avec Jérôme Regard (b) ont présenté « L’équilibre de Nash » un projet porté par le collectif Jazz(s)RA (RA pour Rhones Alpes, bien sûr). Du solide.

Roberto Negro vainqueur du Tremplin Jazz d’Oloron il y a deux ans. Ce pianiste incroyable joue aussi bien des choses très élaborées et sophistiquées que des musiques proches des BO de dessins animés. Il multiplie les projets, tous originaux. Pour JAV il a joué en solo (à Cybèle) et au Théâtre Municipal pour sa « Lovin suite » où il met bien valeur Elise Caron (voc). Œuvre complexe où intervient un quatuor à cordes où on retrouve les frères Ceccaldi (vl et cello) qui participent à beaucoup d’expériences dans

le monde des musiques actuelles. Un rassemblement de fortes personnalités…

Thomas Ibanez, saxophoniste lyonnais (« jazz moderne ancré dans la tradition » selon le texte du programme) dans la lignée de Joshua Redman, entre autres, a séduit le public du Kiosque de Cybèle.

Guillaume Perret (sax en couleur… rouge flamboyant) et Pierrick Pédron (as) ont-ils leur place dans notre rubrique Génération Montante. Discutable. Car ils ont déjà une notoriété importante. Quoi qu’il en soit, en des registres très différents, ce sont des musiciens passionnants.

 

Ni grosse pointure ni nouvelle génération : l’Orchestre de Jazz de la Musique de l’Armée de l’Air !

 

L’Armée de l’Air de la République Française a créé en 2005 un big band jazz.

Ne riez pas… Claude Carrière, immense érudit en matière de big bands, nous a signalé et vivement recommandé d’aller écouter cet orchestre dirigé par Stan Laferrière, qui a joué deux fois ici. Il avait raison : l’orchestre est excellent et comme aurait dit Panassié, swingue à la perfection. Et bien sûr, vous vous en doutiez : l’orchestre a des tenues impeccables… Tradition militaire oblige mais aussi évocation des smokings chez Duke et Basie. Mauvaise nouvelle : l’état des finances publiques de notre pays a amené le Ministère de la Défense à programmer la dissolution de ce big band très prochainement.

 

Jazz Mix

 

Impossible de conclure sans dire quelques mots de la scène « Jazz Mix » et de sa programmation hors des sentiers battus, concoctée par Reza Ackbaraly (Monsieur Mezzo) l’homme qui sait tout des talents émergeants, hors-normes et « rebelles ». Epuisé par les longues journées de JAV je n’ai pas pu savourer pleinement ces fins de nuits dans le Magic Mirror des bords du Rhône.

Chris Dave (29 juin) m’est apparu comme un extra-terrestre de la batterie. Set ahurissant (trois caisses claires, cymbales en spirale…). Découpages rythmiques fourmillants d’idées neuves et pourtant le tempo est là. Toujours là. Peut-être le seul innovateur depuis plusieurs décennies sur l’instrument.

Minino Garay (qui avait remarquablement coloré, tout en nuances le concert de J. Terrason) à la tête d’une dizaine de percussionnistes (Les Frapadingos !) a séduit et fait « bouger »…

 

Lundi je posterai un Jazzlive, rendant compte des prestations des candidats (et du résultat) du Tremplin RéZZo Focal.


Demain Pascal Rozat prend le relais comme « envoyé spécial » de Jazz Magazine Jazzman à JAV. A suivre sur JazzLive et nulle part ailleurs…

 

Pierre-Henri Ardonceau

 

* Nos lecteurs bédéphiles peuvent visionner ce diaporama numérique de la conférence Jazz et Bande Dessinée avec l’intégralité des documents -textes et images- en le téléchargeant avec le lien (valable 15 jours seulement) : http://we.tl/IRgrxnCWR4.

 

Nota : la soirée Victoires du Jazz, prélude au démarrage officiel du festival, et la rencontre/blindfold test entre Marcus Miller et Frédéric Goaty ont déjà été chroniquées dans les Jazzlive du 30 juin et du 2 juillet.

 

 

 

 

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Quinze journées (du 28 juin au 13 juillet), cinq scènes (dont le Théâtre Antique et ses 7500 places), des centaines de concerts et animations, des dizaines de milliers de spectateurs… Jazz à Vienne est certainement un des plus importants festivals européens. Quelques focus et impressions sur les moments remarquables de la première semaine de la 33ème édition, où les grosses pointures et la nouvelle génération des jazzmen français se sont côtoyées.

 

Intro nostalgique et contextuelle…

 

Natif de la Vallée du Rhône (Montélimar – on ne rit pas ! – 80 km d’ici), étudiant à Grenoble (tout près aussi) dans les années 1960 et… jamais venu au Festival de Vienne ! « Exilé » dans le Sud-Ouest depuis quarante ans, j’étais tous les ans, début juillet, « réquisitionné » par le Ministère de l’Education Nationale pour présider des jurys de baccalauréat en Béarn profond.

Amis, musiciens, producteurs, impresarios, confrères de la rédaction de Jazzmag m’envoyaient maints messages me signifiant que, début juillet, c’était bien à Vienne qu’il fallait être. Cruels, ils insistaient lourdement sur le fait qu’ils se régalaient pendant que je vérifiais les moyennes des laborieux candidats des séries ES…

Mais… retraité depuis six mois, l’heure de la vengeance a sonné. Direction Vienne 2013 avec trois « casquettes » ! Bingo.

Membre du jury du tremplin ReZZo Focal, conférencier (Jazz et Bande Dessinée*) et  envoyé spécial de Jazz Magazine Jazzman… Cette dernière casquette étant pour moi la plus émouvante puisque je fête cette année quarante-cinq ans de collaboration.

 

Des chiffres… des chiffres ! Quantophrénie quand tu nous tiens…

 

Il serait tentant en découvrant Jazz à Vienne de se lancer dans une analyse comparative avec d’autres festivals fréquentés régulièrement comme Orthez, Oloron, Luz St Sauveur, Uzeste et… Marciac, le seul qui « boxe » niveau budget, logistique, et moyens mis en œuvre dans la même catégorie que Vienne, celle dite des très grosses machineries. L’exercice n’aurait pas grand intérêt (chaque festival ayant son identité) hors de comparaisons cantonnées à des données numériques supposées « objectives » (budgets, nombre d’entrées payantes et nombre de groupes programmés…).

Les chiffres ne disent pas tout d’un festival. Loin de là. Même si les municipalités, les départements, les régions et les Directions Régionales des Affaires Culturelles (DRAC) se délectent d’épais rapports bourrés de statistiques. La quantophrénie (cette pathologie qui consiste à vouloir traduire systématiquement les phénomènes sociaux et humains en données numériques)n’étant pas vraiment mon truc (même si le thème, incontournable, de la mesure des audiences, impressionnantes ici, sera quand même abordé rapidement de ci de là) nous allons plutôt évoquer impressions et sensations ressenties lors de ce premier séjour viennois, en nous cantonnant surtout dans les registres affectifs et subjectifs. Tant pis pour ceux qui pensent que la critique de jazz doit (et peut) être « objective » et musicologiquement pointue.

 

Grosse « com » sur papier…

 

A peine arrivé, papivore compulsif (c’est un truc générationnel…), je collecte de nombreux documents JAV abondamment distribués dans toute la ville (dont le supplément spécial Jazz Magazine Jazzman sur les bénévoles) et tombe de l’armoire en prenant possession de l’énorme programme officiel (gratuit) de 106 pages bourrées d’infos. Il est titré JOURNUIT. Bien vu, car concerts et animations débutent à midi et finissent vers 2/3 heures du matin (au Magic Mirror, pour la session, « branchée », Jazz Mix). Jour par jour et heures par heures toutes les manifestations sont présentées, avec force détails, dans JOURNUIT avec une mise en page claire et efficace. Impressionnant !

 

Just in Time…

 

Tradition locale : pratiquement tous les concerts débutent à l’heure, ce qui démontre que l’importante logistique du festival est d’une grande efficience. Jazz à Vienne n’est pas une association mais un EPIC (Établissement Public à caractère Industriel et Commercial), statut rare dans le paysage festivalier français. Cet EPIC est administré par un CA de dix-huit membres où siègent élus et personnalités qualifiées (dont Jean-Paul Boutellier, le fondateur de JAV). Ce nouveau statut doit permettre, selon ses promoteurs, en inscrivant JAV dans un projet territorial, de pérenniser la manifestation et d’assurer son développement, tout en gardant son côté convivial. Stéphane Kochoyan nommé Directeur de l’EPIC l’an dernier, à la tête d’une petite équipe de salariés dynamiques et compétents, adepte du « changement dans la continuité », doit veiller à mener à bien toutes ces missions avec une volonté accrue d’ouverture et d’implication au niveau éducatif. Avec notamment, l’Académie, pôle pédagogique où s’organisent stages, workshops et conférences. Nouveauté 2013 : la création d’un atelier d’éveil musical destiné aux plus jeunes (dès 4 ans) confiés à Leïla Martial. Ca va les booster nos chères petites têtes blondes… Cheville ouvrière incontournable de ce gigantesque mécano : Benjamin Tanguy (un brestois !), au four et au moulin seize heures par jour et toujours souriant et disponible.

 

Sociologie, sommaire, des publics… A creuser : un beau sujet de mémoire pour les stagiaires étudiants en masters «culturels ».

 

Beaucoup de monde pour les spectacles gratuits dès que le soleil se montre. Le public bon enfant, peu connaisseur mais enthousiaste, circule et commente à profusion : clichés, idées reçues et brèves de comptoir abondent. Solos de batterie plébiscités…

Les spectateurs, payants, du Théatre Antique sont très organisés. Ils arrivent tôt (parfois plus de deux heures avant le concert, complets ou non) et sont suréquipés : coussins, couvertures, sac à dos pleins à craquer, chaussures de marches, pique-niques, glacières… Certains d’entre eux semblent partir pour escalader le Mont Blanc. Quand après moult rappels (sorte de syndrome compulsif qui touche petits et grands festivals), le théâtre se vide lentement, commence une longue descente vers les parkings. Prétexte à commentaires, généralement extasiés, sur les grands moments de la soirée. Le public de Vienne est un bon public, comme on dit. Et pour cette première semaine de JAV 2013 les raisons de s’enflammer ne manquèrent pas.

 

Pointures au Théâtre Antique

 

Keziah Jones Group, Marcus Miller « The Renaissance Tour ». Théâtre Antique 29 juin.

 

Dans un amphithéâtre bondé, fans jeunes et moins jeunes de MM accueillent l’homme aux cinq cents enregistrements par une énorme ovation. Le cœur de son programme est basé sur les superbes compositions du disque “Renaissance”. Son impeccable (deux heures de balance méticuleuse ça paye). Marcus Miller distribue les solos et pousse ses musiciens à la manière de Miles. Les thèmes Detroit, Redemption, February, Jekyll & Hyde s’enchainent. Gorée, composition qui a été inspirée à Marcus Miller par sa visite à la Maison des Esclaves sur l’île du même nom est jouée à la clarinette basse de manière émouvante. Miller vient d’être nommé Ambassadeur de la Paix par l’UNESCO pour être le porte parole de la commémoration de la « Route de l’Esclave ». Avec Slippin’ Into Darkness (compo du groupe War) retour au funk à la James Brown, avant d’étonnants rappels… Les organisateurs espéraient que Miller invite Keziah Jones (qui fut assez terne en première partie du concert)… Miller fit mieux : il invita tout le groupe de Keziah Jones ! Bœuf, spectaculaire certes mais franchement inégal, les musicos de Jones, carrément largués à plusieurs longueurs de Miller et des ses hommes : un étonnant Come Together déchaina le public qui ne se calma qu’après avoir obtenu un second rappel au mood très davisien.

 

Ibrahim Maalouf (Wind), Chick Corea & The Vigil. Théatre Antique 30 juin.

 

Le nouveau projet d’Ibrahim Maalouf (le CD “Wind”) avec des sidemen de luxe (Mark Turner au saxophone, Larry Grenadier à la contrebasse et Clarence Penn à la batterie…) inspiré par Miles, entre autres, a été joué « tranquillou » ici. Maalouf parle beaucoup… Le public adhère certes mais pas de manière délirante. Les médias évoquent toujours immanquablement le fameux quatrième piston. Backstage, pas vraiment d’unanimité sur la prestation de « L’artiste de l’année 2013 des Victoires du Jazz » qui reçoit son trophée sur scène. Quelques méchants vanneurs clament pas très gentiment (mais, courageux, à haute voix) et de manière peut-être un peu exagérée que Georges Jouvin et Fred Piston ont trouvé un successeur…

 

A 72 ans Chick Corea a l’air d’un jeune homme (un régime à base de fruits et légumes dit-on…). Au piano acoustique il débute par un brillant, chaleureux et fervent hommage à Bud Powell (Tempus Fugit). Il décline ensuite des thèmes de son dernier CD, « The Vigil », sa nouvelle aventure. En totale empathie avec le public il le fait chantonner à partir de quelques notes limpides et joyeuses. La séquence hispanisante avec Spain fait chavirer l’amphithéâtre. Rappels très enthousiastes et ultra-mérités. Chick enchante depuis cinquante ans. Vive les fruits et légumes !

 

Soirées Caraïbes (Malavoi, Kassav), Gipsy (Goran Bregovic) et Cuba (Roberto Fonseca, Buena Vista Social Club). Théâtre Antique 1er, 2 et 3 juillet.

 

Carton plein pour les soirées musiques cousines et voisines du jazz. Trois « sold out ». Alors inutile de polémiquer avec les intégristes du pur jazz. Il semble établi désormais (cf Montreux et Marciac) que l’équilibre économique des festivals dits de jazz passe par la programmation de ces orchestres ultra populaires. L’enthousiasme du public fait plaisir à voir. Des gens heureux en tant de crise ce n’est pas si fréquent. Et puis cela nous a été rappelé par les programmateurs Kassav plaisait à Miles Davis qui avait même envisagé un enregistrement avec eux… Et la section cuivres et sax du groupe antillais pétait le feu.

 

Soirée French Touch. Gouache de Jacky Terrasson et L’œil de l’Eléphant avec Sclavis, Portal, Texier et Marguet. Théâtre Antique 4 juillet.

 

Le CD “Gouac

he” de Jacky Terrasson (p) outre la belle qualité globale du projet réservait une surprise… Michel Portal jouant et chorusant dans un contexte inhabituel pour lui depuis plusieurs décennies. Certes, il avait bien débuté il y a fort longtemps en chorusant de manière « académique » (pour le dire vite) au sein de big bands français mais ce n’était pas vraiment et depuis fort longtemps sa tasse de thé. Live, confirmation : il expose magistralement les thèmes à l’unisson avec Stéphane Belmondo (bugle). Mais Portal oblige… quelques chorus nous rappellent, même « adoucis », la grande époque dite du « free/cri »… Stimulant et surprenant dans ce contexte. Mais le public suit sans problème. Cécile McLorin Salvant (chant), très à l’aise dans ce projet au répertoire bien adapté à sa tessiture et à son phrasé, a été brillante et émouvante, entre autres, sur un Love For Sale d’anthologie.

 

Avec l’Oeil de l’Eléphant, Guy Le Querrec (au Leica) présente une nouvelle version d’un projet transdisciplinaire qu’il a initié au début des années 1980 aux Rencontres Internationales de la Photographie d’Arles : projection d’un montage de ses photos, accompagné en direct par un quartette composé de trois musiciens présents depuis le début de l’expérience (Henri Texier, Portal, Louis Sclavis) plus Christophe Marguet (qui remplace Jean-Pierre Drouet). Après « De l’eau dans le jazz », « L’œil de Breizh » et « Jazz comme une image », cet « Œil de l’Elephant » nous a, une fois de plus, époustouflé.

Pourquoi l’éléphant ? Car Le Querrec aime un vieux proverbe africain qui voudrait que l’œil de l’éléphant « shoote » chaque instant pour le vivre uniquement, comme si c’était la première et la dernière fois.

Des séquences, titrées à base de jeux de mots Lequerrequiens, regroupent et entrechoquent des multitudes de photos ayant des points communs. Le quartette joue sur et avec les images. Pour les amoureux du noir & blanc et de l’école Magnum, un régal. Incontournable et poignante la séquence sur des indiens commémorant, en 1990, pour la dernière fois, par un long parcours à cheval et par des températures polaires, le massacre de Wounded Knee de 1890, déclencha une forte ovation.

 

Rodriguez, Ben Harper (guitares) avec Charlie Musselwhite (harmonica). Théâtre Antique 5 juillet. Johnny Winter, Shemekia Copeland et Robert Cray. Théâtre Antique 6 juillet.

 

Tradition de grosses affluences pour les concerts blues à Vienne m’ont dit les historiens de JAV. Idem en 2013. Rodriguez (monsieur Sugar Man) a donné ici un concert de bon niveau (les échos de ses concerts parisiens n’étaient pas très positifs…). Ben Harper que l’on disait en perte de vitesse ces temps ci a donné un superbe concert boosté par la présence du mythique harmoniciste Charlie Musselwhite… Etonnant : il voyage avec une incroyable collection de guitares (plusieurs dizaines selon les rumeurs…) surveillées par un vigile affecté spécifiquement à cette tâche. Johny Winter et Robert Cray ont comblé, dans leur registres respectifs, leurs fans venus nombreux. Surprise de la soirée : la peu connue du grand public Shemekia Copeland. Oui, la fille de Johnny. Tombée très jeune dans la marmite. Elle a mis le feu comme on dit. Voix puissante, présence scénique spectaculaire… Tout ce qu’il faut pour rendre heureux l’amphithéâtre viennois.

 

Les générations montantes

 

La programmation massive (sur qautre scènes différentes, toutes gratuites) de la jeune génération des jazzmen et jazzwomen (et musiciens de la scène des Musiques Actuelles) français est une des caractéristiques étonnantes et stimulantes de JAV. Benjamin Tanguy et Stéphane Kochoyan président et veillent à l’application de ce choix. « Nous souhaitons aider et présenter la “relève”, gratuitement, au grand public, même si certains de nos coups de cœur, peuvent parfois le surprendre ou même l’agacer. Nous assumons…». Cœurs de l’opération “relève” : le Théâtre Municipal, tous les soirs à minuit et la Scène Cybèle toute la journée.

L’offre de ce point de vue étant pléthorique et cette chronique de mon séjour à Vienne devenant vraiment démesurée je vais me contenter d’une sélection de mes coups de cœur. Côté « jeune génération »… Céline Bonacina, frêle silhouette, avec son énorme baryton dont elle joue avec fluidité et grâce sans jamais donner l’impression de forcer. Un chroniqueur a évoqué à son propos dans un grand journal du soir Serge Chaloff et Pepper Adams. Je penche pour Gerry Mulligan. Le débat est ouvert. Elle joue aussi brillamment de tous les autres saxes… Elle avait invité Leïla Martial (chant) l’iconoclaste. Qui a décidé quoi que pensent les conservateurs de tous poils de ses vocalises virevoltantes, qu’elle ne voulait pas rentrer dans le moule des chanteuses formatées qui ânonnent des standards éculés. « Cadeau » de la prod de JAV, outre un passage au Club de Minuit… Trente minutes devant 7500 personnes juste avant Malavoi et Kassav avec le Céline Bonacina Réunion. « Vous n’avez pas eu peur devant ce mur incroyable de spectateurs ? ». « Non pas vraiment… C’était stimulant »… Elles sont comme ça Céline et Leïla… Elles foncent…

Jean-Charles Richard (sax) et Eric Prost (ts) avec Jérôme Regard (b) ont présenté « L’équilibre de Nash » un projet porté par le collectif Jazz(s)RA (RA pour Rhones Alpes, bien sûr). Du solide.

Roberto Negro vainqueur du Tremplin Jazz d’Oloron il y a deux ans. Ce pianiste incroyable joue aussi bien des choses très élaborées et sophistiquées que des musiques proches des BO de dessins animés. Il multiplie les projets, tous originaux. Pour JAV il a joué en solo (à Cybèle) et au Théâtre Municipal pour sa « Lovin suite » où il met bien valeur Elise Caron (voc). Œuvre complexe où intervient un quatuor à cordes où on retrouve les frères Ceccaldi (vl et cello) qui participent à beaucoup d’expériences dans

le monde des musiques actuelles. Un rassemblement de fortes personnalités…

Thomas Ibanez, saxophoniste lyonnais (« jazz moderne ancré dans la tradition » selon le texte du programme) dans la lignée de Joshua Redman, entre autres, a séduit le public du Kiosque de Cybèle.

Guillaume Perret (sax en couleur… rouge flamboyant) et Pierrick Pédron (as) ont-ils leur place dans notre rubrique Génération Montante. Discutable. Car ils ont déjà une notoriété importante. Quoi qu’il en soit, en des registres très différents, ce sont des musiciens passionnants.

 

Ni grosse pointure ni nouvelle génération : l’Orchestre de Jazz de la Musique de l’Armée de l’Air !

 

L’Armée de l’Air de la République Française a créé en 2005 un big band jazz.

Ne riez pas… Claude Carrière, immense érudit en matière de big bands, nous a signalé et vivement recommandé d’aller écouter cet orchestre dirigé par Stan Laferrière, qui a joué deux fois ici. Il avait raison : l’orchestre est excellent et comme aurait dit Panassié, swingue à la perfection. Et bien sûr, vous vous en doutiez : l’orchestre a des tenues impeccables… Tradition militaire oblige mais aussi évocation des smokings chez Duke et Basie. Mauvaise nouvelle : l’état des finances publiques de notre pays a amené le Ministère de la Défense à programmer la dissolution de ce big band très prochainement.

 

Jazz Mix

 

Impossible de conclure sans dire quelques mots de la scène « Jazz Mix » et de sa programmation hors des sentiers battus, concoctée par Reza Ackbaraly (Monsieur Mezzo) l’homme qui sait tout des talents émergeants, hors-normes et « rebelles ». Epuisé par les longues journées de JAV je n’ai pas pu savourer pleinement ces fins de nuits dans le Magic Mirror des bords du Rhône.

Chris Dave (29 juin) m’est apparu comme un extra-terrestre de la batterie. Set ahurissant (trois caisses claires, cymbales en spirale…). Découpages rythmiques fourmillants d’idées neuves et pourtant le tempo est là. Toujours là. Peut-être le seul innovateur depuis plusieurs décennies sur l’instrument.

Minino Garay (qui avait remarquablement coloré, tout en nuances le concert de J. Terrason) à la tête d’une dizaine de percussionnistes (Les Frapadingos !) a séduit et fait « bouger »…

 

Lundi je posterai un Jazzlive, rendant compte des prestations des candidats (et du résultat) du Tremplin RéZZo Focal.


Demain Pascal Rozat prend le relais comme « envoyé spécial » de Jazz Magazine Jazzman à JAV. A suivre sur JazzLive et nulle part ailleurs…

 

Pierre-Henri Ardonceau

 

* Nos lecteurs bédéphiles peuvent visionner ce diaporama numérique de la conférence Jazz et Bande Dessinée avec l’intégralité des documents -textes et images- en le téléchargeant avec le lien (valable 15 jours seulement) : http://we.tl/IRgrxnCWR4.

 

Nota : la soirée Victoires du Jazz, prélude au démarrage officiel du festival, et la rencontre/blindfold test entre Marcus Miller et Frédéric Goaty ont déjà été chroniquées dans les Jazzlive du 30 juin et du 2 juillet.

 

 

 

 

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Quinze journées (du 28 juin au 13 juillet), cinq scènes (dont le Théâtre Antique et ses 7500 places), des centaines de concerts et animations, des dizaines de milliers de spectateurs… Jazz à Vienne est certainement un des plus importants festivals européens. Quelques focus et impressions sur les moments remarquables de la première semaine de la 33ème édition, où les grosses pointures et la nouvelle génération des jazzmen français se sont côtoyées.

 

Intro nostalgique et contextuelle…

 

Natif de la Vallée du Rhône (Montélimar – on ne rit pas ! – 80 km d’ici), étudiant à Grenoble (tout près aussi) dans les années 1960 et… jamais venu au Festival de Vienne ! « Exilé » dans le Sud-Ouest depuis quarante ans, j’étais tous les ans, début juillet, « réquisitionné » par le Ministère de l’Education Nationale pour présider des jurys de baccalauréat en Béarn profond.

Amis, musiciens, producteurs, impresarios, confrères de la rédaction de Jazzmag m’envoyaient maints messages me signifiant que, début juillet, c’était bien à Vienne qu’il fallait être. Cruels, ils insistaient lourdement sur le fait qu’ils se régalaient pendant que je vérifiais les moyennes des laborieux candidats des séries ES…

Mais… retraité depuis six mois, l’heure de la vengeance a sonné. Direction Vienne 2013 avec trois « casquettes » ! Bingo.

Membre du jury du tremplin ReZZo Focal, conférencier (Jazz et Bande Dessinée*) et  envoyé spécial de Jazz Magazine Jazzman… Cette dernière casquette étant pour moi la plus émouvante puisque je fête cette année quarante-cinq ans de collaboration.

 

Des chiffres… des chiffres ! Quantophrénie quand tu nous tiens…

 

Il serait tentant en découvrant Jazz à Vienne de se lancer dans une analyse comparative avec d’autres festivals fréquentés régulièrement comme Orthez, Oloron, Luz St Sauveur, Uzeste et… Marciac, le seul qui « boxe » niveau budget, logistique, et moyens mis en œuvre dans la même catégorie que Vienne, celle dite des très grosses machineries. L’exercice n’aurait pas grand intérêt (chaque festival ayant son identité) hors de comparaisons cantonnées à des données numériques supposées « objectives » (budgets, nombre d’entrées payantes et nombre de groupes programmés…).

Les chiffres ne disent pas tout d’un festival. Loin de là. Même si les municipalités, les départements, les régions et les Directions Régionales des Affaires Culturelles (DRAC) se délectent d’épais rapports bourrés de statistiques. La quantophrénie (cette pathologie qui consiste à vouloir traduire systématiquement les phénomènes sociaux et humains en données numériques)n’étant pas vraiment mon truc (même si le thème, incontournable, de la mesure des audiences, impressionnantes ici, sera quand même abordé rapidement de ci de là) nous allons plutôt évoquer impressions et sensations ressenties lors de ce premier séjour viennois, en nous cantonnant surtout dans les registres affectifs et subjectifs. Tant pis pour ceux qui pensent que la critique de jazz doit (et peut) être « objective » et musicologiquement pointue.

 

Grosse « com » sur papier…

 

A peine arrivé, papivore compulsif (c’est un truc générationnel…), je collecte de nombreux documents JAV abondamment distribués dans toute la ville (dont le supplément spécial Jazz Magazine Jazzman sur les bénévoles) et tombe de l’armoire en prenant possession de l’énorme programme officiel (gratuit) de 106 pages bourrées d’infos. Il est titré JOURNUIT. Bien vu, car concerts et animations débutent à midi et finissent vers 2/3 heures du matin (au Magic Mirror, pour la session, « branchée », Jazz Mix). Jour par jour et heures par heures toutes les manifestations sont présentées, avec force détails, dans JOURNUIT avec une mise en page claire et efficace. Impressionnant !

 

Just in Time…

 

Tradition locale : pratiquement tous les concerts débutent à l’heure, ce qui démontre que l’importante logistique du festival est d’une grande efficience. Jazz à Vienne n’est pas une association mais un EPIC (Établissement Public à caractère Industriel et Commercial), statut rare dans le paysage festivalier français. Cet EPIC est administré par un CA de dix-huit membres où siègent élus et personnalités qualifiées (dont Jean-Paul Boutellier, le fondateur de JAV). Ce nouveau statut doit permettre, selon ses promoteurs, en inscrivant JAV dans un projet territorial, de pérenniser la manifestation et d’assurer son développement, tout en gardant son côté convivial. Stéphane Kochoyan nommé Directeur de l’EPIC l’an dernier, à la tête d’une petite équipe de salariés dynamiques et compétents, adepte du « changement dans la continuité », doit veiller à mener à bien toutes ces missions avec une volonté accrue d’ouverture et d’implication au niveau éducatif. Avec notamment, l’Académie, pôle pédagogique où s’organisent stages, workshops et conférences. Nouveauté 2013 : la création d’un atelier d’éveil musical destiné aux plus jeunes (dès 4 ans) confiés à Leïla Martial. Ca va les booster nos chères petites têtes blondes… Cheville ouvrière incontournable de ce gigantesque mécano : Benjamin Tanguy (un brestois !), au four et au moulin seize heures par jour et toujours souriant et disponible.

 

Sociologie, sommaire, des publics… A creuser : un beau sujet de mémoire pour les stagiaires étudiants en masters «culturels ».

 

Beaucoup de monde pour les spectacles gratuits dès que le soleil se montre. Le public bon enfant, peu connaisseur mais enthousiaste, circule et commente à profusion : clichés, idées reçues et brèves de comptoir abondent. Solos de batterie plébiscités…

Les spectateurs, payants, du Théatre Antique sont très organisés. Ils arrivent tôt (parfois plus de deux heures avant le concert, complets ou non) et sont suréquipés : coussins, couvertures, sac à dos pleins à craquer, chaussures de marches, pique-niques, glacières… Certains d’entre eux semblent partir pour escalader le Mont Blanc. Quand après moult rappels (sorte de syndrome compulsif qui touche petits et grands festivals), le théâtre se vide lentement, commence une longue descente vers les parkings. Prétexte à commentaires, généralement extasiés, sur les grands moments de la soirée. Le public de Vienne est un bon public, comme on dit. Et pour cette première semaine de JAV 2013 les raisons de s’enflammer ne manquèrent pas.

 

Pointures au Théâtre Antique

 

Keziah Jones Group, Marcus Miller « The Renaissance Tour ». Théâtre Antique 29 juin.

 

Dans un amphithéâtre bondé, fans jeunes et moins jeunes de MM accueillent l’homme aux cinq cents enregistrements par une énorme ovation. Le cœur de son programme est basé sur les superbes compositions du disque “Renaissance”. Son impeccable (deux heures de balance méticuleuse ça paye). Marcus Miller distribue les solos et pousse ses musiciens à la manière de Miles. Les thèmes Detroit, Redemption, February, Jekyll & Hyde s’enchainent. Gorée, composition qui a été inspirée à Marcus Miller par sa visite à la Maison des Esclaves sur l’île du même nom est jouée à la clarinette basse de manière émouvante. Miller vient d’être nommé Ambassadeur de la Paix par l’UNESCO pour être le porte parole de la commémoration de la « Route de l’Esclave ». Avec Slippin’ Into Darkness (compo du groupe War) retour au funk à la James Brown, avant d’étonnants rappels… Les organisateurs espéraient que Miller invite Keziah Jones (qui fut assez terne en première partie du concert)… Miller fit mieux : il invita tout le groupe de Keziah Jones ! Bœuf, spectaculaire certes mais franchement inégal, les musicos de Jones, carrément largués à plusieurs longueurs de Miller et des ses hommes : un étonnant Come Together déchaina le public qui ne se calma qu’après avoir obtenu un second rappel au mood très davisien.

 

Ibrahim Maalouf (Wind), Chick Corea & The Vigil. Théatre Antique 30 juin.

 

Le nouveau projet d’Ibrahim Maalouf (le CD “Wind”) avec des sidemen de luxe (Mark Turner au saxophone, Larry Grenadier à la contrebasse et Clarence Penn à la batterie…) inspiré par Miles, entre autres, a été joué « tranquillou » ici. Maalouf parle beaucoup… Le public adhère certes mais pas de manière délirante. Les médias évoquent toujours immanquablement le fameux quatrième piston. Backstage, pas vraiment d’unanimité sur la prestation de « L’artiste de l’année 2013 des Victoires du Jazz » qui reçoit son trophée sur scène. Quelques méchants vanneurs clament pas très gentiment (mais, courageux, à haute voix) et de manière peut-être un peu exagérée que Georges Jouvin et Fred Piston ont trouvé un successeur…

 

A 72 ans Chick Corea a l’air d’un jeune homme (un régime à base de fruits et légumes dit-on…). Au piano acoustique il débute par un brillant, chaleureux et fervent hommage à Bud Powell (Tempus Fugit). Il décline ensuite des thèmes de son dernier CD, « The Vigil », sa nouvelle aventure. En totale empathie avec le public il le fait chantonner à partir de quelques notes limpides et joyeuses. La séquence hispanisante avec Spain fait chavirer l’amphithéâtre. Rappels très enthousiastes et ultra-mérités. Chick enchante depuis cinquante ans. Vive les fruits et légumes !

 

Soirées Caraïbes (Malavoi, Kassav), Gipsy (Goran Bregovic) et Cuba (Roberto Fonseca, Buena Vista Social Club). Théâtre Antique 1er, 2 et 3 juillet.

 

Carton plein pour les soirées musiques cousines et voisines du jazz. Trois « sold out ». Alors inutile de polémiquer avec les intégristes du pur jazz. Il semble établi désormais (cf Montreux et Marciac) que l’équilibre économique des festivals dits de jazz passe par la programmation de ces orchestres ultra populaires. L’enthousiasme du public fait plaisir à voir. Des gens heureux en tant de crise ce n’est pas si fréquent. Et puis cela nous a été rappelé par les programmateurs Kassav plaisait à Miles Davis qui avait même envisagé un enregistrement avec eux… Et la section cuivres et sax du groupe antillais pétait le feu.

 

Soirée French Touch. Gouache de Jacky Terrasson et L’œil de l’Eléphant avec Sclavis, Portal, Texier et Marguet. Théâtre Antique 4 juillet.

 

Le CD “Gouac

he” de Jacky Terrasson (p) outre la belle qualité globale du projet réservait une surprise… Michel Portal jouant et chorusant dans un contexte inhabituel pour lui depuis plusieurs décennies. Certes, il avait bien débuté il y a fort longtemps en chorusant de manière « académique » (pour le dire vite) au sein de big bands français mais ce n’était pas vraiment et depuis fort longtemps sa tasse de thé. Live, confirmation : il expose magistralement les thèmes à l’unisson avec Stéphane Belmondo (bugle). Mais Portal oblige… quelques chorus nous rappellent, même « adoucis », la grande époque dite du « free/cri »… Stimulant et surprenant dans ce contexte. Mais le public suit sans problème. Cécile McLorin Salvant (chant), très à l’aise dans ce projet au répertoire bien adapté à sa tessiture et à son phrasé, a été brillante et émouvante, entre autres, sur un Love For Sale d’anthologie.

 

Avec l’Oeil de l’Eléphant, Guy Le Querrec (au Leica) présente une nouvelle version d’un projet transdisciplinaire qu’il a initié au début des années 1980 aux Rencontres Internationales de la Photographie d’Arles : projection d’un montage de ses photos, accompagné en direct par un quartette composé de trois musiciens présents depuis le début de l’expérience (Henri Texier, Portal, Louis Sclavis) plus Christophe Marguet (qui remplace Jean-Pierre Drouet). Après « De l’eau dans le jazz », « L’œil de Breizh » et « Jazz comme une image », cet « Œil de l’Elephant » nous a, une fois de plus, époustouflé.

Pourquoi l’éléphant ? Car Le Querrec aime un vieux proverbe africain qui voudrait que l’œil de l’éléphant « shoote » chaque instant pour le vivre uniquement, comme si c’était la première et la dernière fois.

Des séquences, titrées à base de jeux de mots Lequerrequiens, regroupent et entrechoquent des multitudes de photos ayant des points communs. Le quartette joue sur et avec les images. Pour les amoureux du noir & blanc et de l’école Magnum, un régal. Incontournable et poignante la séquence sur des indiens commémorant, en 1990, pour la dernière fois, par un long parcours à cheval et par des températures polaires, le massacre de Wounded Knee de 1890, déclencha une forte ovation.

 

Rodriguez, Ben Harper (guitares) avec Charlie Musselwhite (harmonica). Théâtre Antique 5 juillet. Johnny Winter, Shemekia Copeland et Robert Cray. Théâtre Antique 6 juillet.

 

Tradition de grosses affluences pour les concerts blues à Vienne m’ont dit les historiens de JAV. Idem en 2013. Rodriguez (monsieur Sugar Man) a donné ici un concert de bon niveau (les échos de ses concerts parisiens n’étaient pas très positifs…). Ben Harper que l’on disait en perte de vitesse ces temps ci a donné un superbe concert boosté par la présence du mythique harmoniciste Charlie Musselwhite… Etonnant : il voyage avec une incroyable collection de guitares (plusieurs dizaines selon les rumeurs…) surveillées par un vigile affecté spécifiquement à cette tâche. Johny Winter et Robert Cray ont comblé, dans leur registres respectifs, leurs fans venus nombreux. Surprise de la soirée : la peu connue du grand public Shemekia Copeland. Oui, la fille de Johnny. Tombée très jeune dans la marmite. Elle a mis le feu comme on dit. Voix puissante, présence scénique spectaculaire… Tout ce qu’il faut pour rendre heureux l’amphithéâtre viennois.

 

Les générations montantes

 

La programmation massive (sur qautre scènes différentes, toutes gratuites) de la jeune génération des jazzmen et jazzwomen (et musiciens de la scène des Musiques Actuelles) français est une des caractéristiques étonnantes et stimulantes de JAV. Benjamin Tanguy et Stéphane Kochoyan président et veillent à l’application de ce choix. « Nous souhaitons aider et présenter la “relève”, gratuitement, au grand public, même si certains de nos coups de cœur, peuvent parfois le surprendre ou même l’agacer. Nous assumons…». Cœurs de l’opération “relève” : le Théâtre Municipal, tous les soirs à minuit et la Scène Cybèle toute la journée.

L’offre de ce point de vue étant pléthorique et cette chronique de mon séjour à Vienne devenant vraiment démesurée je vais me contenter d’une sélection de mes coups de cœur. Côté « jeune génération »… Céline Bonacina, frêle silhouette, avec son énorme baryton dont elle joue avec fluidité et grâce sans jamais donner l’impression de forcer. Un chroniqueur a évoqué à son propos dans un grand journal du soir Serge Chaloff et Pepper Adams. Je penche pour Gerry Mulligan. Le débat est ouvert. Elle joue aussi brillamment de tous les autres saxes… Elle avait invité Leïla Martial (chant) l’iconoclaste. Qui a décidé quoi que pensent les conservateurs de tous poils de ses vocalises virevoltantes, qu’elle ne voulait pas rentrer dans le moule des chanteuses formatées qui ânonnent des standards éculés. « Cadeau » de la prod de JAV, outre un passage au Club de Minuit… Trente minutes devant 7500 personnes juste avant Malavoi et Kassav avec le Céline Bonacina Réunion. « Vous n’avez pas eu peur devant ce mur incroyable de spectateurs ? ». « Non pas vraiment… C’était stimulant »… Elles sont comme ça Céline et Leïla… Elles foncent…

Jean-Charles Richard (sax) et Eric Prost (ts) avec Jérôme Regard (b) ont présenté « L’équilibre de Nash » un projet porté par le collectif Jazz(s)RA (RA pour Rhones Alpes, bien sûr). Du solide.

Roberto Negro vainqueur du Tremplin Jazz d’Oloron il y a deux ans. Ce pianiste incroyable joue aussi bien des choses très élaborées et sophistiquées que des musiques proches des BO de dessins animés. Il multiplie les projets, tous originaux. Pour JAV il a joué en solo (à Cybèle) et au Théâtre Municipal pour sa « Lovin suite » où il met bien valeur Elise Caron (voc). Œuvre complexe où intervient un quatuor à cordes où on retrouve les frères Ceccaldi (vl et cello) qui participent à beaucoup d’expériences dans

le monde des musiques actuelles. Un rassemblement de fortes personnalités…

Thomas Ibanez, saxophoniste lyonnais (« jazz moderne ancré dans la tradition » selon le texte du programme) dans la lignée de Joshua Redman, entre autres, a séduit le public du Kiosque de Cybèle.

Guillaume Perret (sax en couleur… rouge flamboyant) et Pierrick Pédron (as) ont-ils leur place dans notre rubrique Génération Montante. Discutable. Car ils ont déjà une notoriété importante. Quoi qu’il en soit, en des registres très différents, ce sont des musiciens passionnants.

 

Ni grosse pointure ni nouvelle génération : l’Orchestre de Jazz de la Musique de l’Armée de l’Air !

 

L’Armée de l’Air de la République Française a créé en 2005 un big band jazz.

Ne riez pas… Claude Carrière, immense érudit en matière de big bands, nous a signalé et vivement recommandé d’aller écouter cet orchestre dirigé par Stan Laferrière, qui a joué deux fois ici. Il avait raison : l’orchestre est excellent et comme aurait dit Panassié, swingue à la perfection. Et bien sûr, vous vous en doutiez : l’orchestre a des tenues impeccables… Tradition militaire oblige mais aussi évocation des smokings chez Duke et Basie. Mauvaise nouvelle : l’état des finances publiques de notre pays a amené le Ministère de la Défense à programmer la dissolution de ce big band très prochainement.

 

Jazz Mix

 

Impossible de conclure sans dire quelques mots de la scène « Jazz Mix » et de sa programmation hors des sentiers battus, concoctée par Reza Ackbaraly (Monsieur Mezzo) l’homme qui sait tout des talents émergeants, hors-normes et « rebelles ». Epuisé par les longues journées de JAV je n’ai pas pu savourer pleinement ces fins de nuits dans le Magic Mirror des bords du Rhône.

Chris Dave (29 juin) m’est apparu comme un extra-terrestre de la batterie. Set ahurissant (trois caisses claires, cymbales en spirale…). Découpages rythmiques fourmillants d’idées neuves et pourtant le tempo est là. Toujours là. Peut-être le seul innovateur depuis plusieurs décennies sur l’instrument.

Minino Garay (qui avait remarquablement coloré, tout en nuances le concert de J. Terrason) à la tête d’une dizaine de percussionnistes (Les Frapadingos !) a séduit et fait « bouger »…

 

Lundi je posterai un Jazzlive, rendant compte des prestations des candidats (et du résultat) du Tremplin RéZZo Focal.


Demain Pascal Rozat prend le relais comme « envoyé spécial » de Jazz Magazine Jazzman à JAV. A suivre sur JazzLive et nulle part ailleurs…

 

Pierre-Henri Ardonceau

 

* Nos lecteurs bédéphiles peuvent visionner ce diaporama numérique de la conférence Jazz et Bande Dessinée avec l’intégralité des documents -textes et images- en le téléchargeant avec le lien (valable 15 jours seulement) : http://we.tl/IRgrxnCWR4.

 

Nota : la soirée Victoires du Jazz, prélude au démarrage officiel du festival, et la rencontre/blindfold test entre Marcus Miller et Frédéric Goaty ont déjà été chroniquées dans les Jazzlive du 30 juin et du 2 juillet.