Jazz a Vitoria-Gasteiz (2) : Jazz Cuba Libre
Disséminés sur les fauteuils et sofas moelleux, une bonne partie des Buena Vista Social Club vaquent à leurs occupations pré-concert dans le hall de l’hôtel Canciller Ayala, plaque tournante diurne comme nocturne du festival. Lorsque l’un d’entre eux, en manière de signal lâche à la cantonade « Ah voilà le toubib les amis ! » Lequel médecin, décontracté dans son survêtement, sourire aux lèvres mais stéthoscope bien en main ne s’en lance pas moins scrupuleusement dans l’auscultation, prise de pouls et autres pulsations cardiaques de la bande de sexagénaires, septuagénaires et octogénairesconstituant l’orchestre vintage cubain. Descendue dix minutes plus tard, Omara Portuondo, diva havanaise de 84 ans confiera à un confrère madrilène « Moi de docteur je n’en ai pas besoin puisque j’ai toujours envie de chanter, plaisir à vivre et même trouvé un nouvel amoureux… »
Cecile McLorin Salvant (voc), Aaron Diehl (p), Paul Silkivie (b), Rodeney Green (dm)
Théatre Principal
Richard Bona (voc, elb), Manu Katché (dm), Stefano Di Battista (as), Eric Legnini (p, el p)
Chucho Valdes (p), Gaston Joya (b), Reinaldo Melian Alvarez (tp), Rodney Barretto (dm), Dreiser Durruthy Bombalé (perc, voc), Yaroldy Abreu (perc)
Orquestra Buena Vista Social Club “Adios Tour”
Polideportivo de Mendizorrotza
Vitoria-Gasteiz (Euskadi/España) 18, 19 juiillet
Il y a les orchestres et les grands orchestres de jazz. On trouve aussi mis spécifiquement en orbite dans les tournées d’été pour les scènes des (plutôt dits) grands festivals des groupes et des super groupes. Celui réunis sous les quatre noms propres (Bona/Katché/Di Battista/Legnni) franco-italiano-camerounais mais catalogué dans la dernière catégorie citée n’en a pas, dans l’exercice, rajouté pour autant. La musique se trouve équitablement partagée. Chacun son rôle, et l’apport de tous question compositions ou rendu sur scène. Et puis ils ont visiblement choisi de s’illustrer par et pour du jazz. Se croisent ainsi des exposés instrumentaux qui parlent, des lignes mélodiques, des montées en gamme par chorus interposés. Donc autant de moments d’improvisations plus ou moins interchangées. Au total on retiendra une certaine cohérence, de l’écoute et du soutien mutuel. Avec en bonus une pointe d’humour, tel Stefano Di Battista dans le rôle de la mouche du coche émoustillant chacun de ses compères par exemple. Plus le petit moment de show habituel façon voix africaines étonnantes séquencées, étagées, mixées en direct par Richard Bona. Vint derrière cette bonne séquence un autre show, d’une autre nature, choisi à dessein pour être celui étiqueté d’une méga star histoire de remplir la salle et emplir les fans de bonheur. Paul Anka –l’affiche est intentionnellement sous-titrée « Rocks Swings et Grands Succès »- assuma sans doute le second objectif en mettant d’ailleurs du cœur à l’ouvrage (32 chansons interprétées !) au point de descendre dans l’arène au contact direct de son public. Sans pour autant faire sauter les guichets ni le coffre de la recette. Et non sans mettre en branle en préventif avant que de livrer bataille son staff de conseillers, avocats, tour manager etc. Ceci afin de vérifier chaque détail (couloir d’entrée en scène, lumières, écrans de pub des sponsors, murs d’images latéraux, plantes vertes…) susceptible de mettre en jeu sinon « désimmaculer » son image sous les poursuites voire l’ensemble du déroulé prédéterminé du show dans le Palais des Sports…Quand fut venu l’instant prévisible où suite à l’inévitable Shoulder (« Pose ta tête sur mon épaule… » claqua le selfie de la charmante dame choisie à dessein, et dont on imagine l’envoi illico sur Face Book Twitter et compagnie, on était bien en demeure de s’interroger style« alors, pourquoi tout ce foutu pinaillage en amont ?» Mais comme aurait pu le dire Take 6 quelques jours auparavant, de toutes les façons la messe était dite…
Le coquet Théâtre Principal planté en plein centre ville était plein à ras-bord. Un signe déjà. Et dans cette session destinée à faire découvrir des talents émergents, pour la chanteuse ce fut total jack pot. Une ovation finale, deux rappels successifs réclamés avec insistance. Une mise place très cadrée, une voix servie au naturel, des classiques type Woman Child, Trolley Song, What it the matter now : la tonalité particulière de la voix, les modulations assurées et assumées, et sans doute un brin de fraicheur en supplément du jour ont assuré l’empathie du public de la cité alavaise. Venue l’an passé chanter quelques chansons en complément d’objet jazzistique de Jacky Terrasson et Michel Portal, Cécile McLorin Salvant chanteuse de jazz, a pris du métier. Et affirme sa personnalité. Vitoria l’a reconnu. Et lui en a été grés.
Cuba pour finir par un cocktail, lui aussi nature, évidemment. Au point qu’après les bis de fin de soirée à plus de minuit passé, alors qu’un drapeau cubain flottait dans les tribunes, du fond de la salle jaillit dans le crépitement d’applaudissements un éruptif autant que retentissant « Viva Cuba Libre », cri du cœur que le Lehendakari (président du Gouvernement autonome basque), nationaliste et démocrate chrétien, ne pouvait qu’apprécier à sa juste mesure…
La troupe du Buena Vista dernière version, à Vitoria comme sur nombre d’autres théâtres d’opération estivaux affichait son « Adios Tour » On aurait pu craindre à ce propos pour cette bande de seniors un certain effet de répétition voir de fin de vie artistique. A franchement parler, en terre basque il n’en fut rien. Certes en introduction l’affichage plein écran des figures des chers disparus (Ibrahim Ferrer, Cumpay Secundo, Ruben Gonzales…) fit craindre le pathos pesant des pleureuses. Pourtant la suite, deux heures de rang de son cubain, de cha cha cha, de bolero bref de musique à ne pas pouvoir ne pas se lever et danser avec, dans la salle l’avantage pour les aficionados locaux de comprendre toutes les histoires, les suggestions, les jeux de mots, les vannes portées par cette musi que afro cubaine de sels, sucres et épices mêlés. Tous les hits du genre, de Tumbao à Candela en passant par La Luna sont passés en revue. Tous –les historiques
Eliades Ochoa, Barbaritas Torres, Guajiro Mirabal, les anciens médicalement assurés plus quelques nouveaux introduits pour du sang neuf- font le boulot avec entrain comme sur la scène du Tropicana. Et l’on goûtera à leur juste mesure, délicieux dessert les trois ou quatre chansons offertes par Omara Portuondo, prêtresse du bolero malgré le poids visible des ans. Les quelque pas de danses esquissés le duo avec Chucho Valdes également étaient-il sans doute un dernier hommage à sa propre légende de diva…encore vivante.
Chucho Valdes, parlons en pour finir…en beauté. Du concert donné avec ses ses bien nommés Afro-Cuban Messengers pour le message justement qu’il délivre sur la réalité de la musique comme elle se joue aujourd’hui à Cuba. Pour le pont qu’il entend assurer pour elle (son passé son présent, son évolution) entre les racines tellement riches de son île des Amériques, l’Afrique présente aussi– témoin ces parties de percussions superbes, à trois jeunes musiciens avec l’apport du chant en langue yoruba- et le jazz au travers de tous les développements, de la part du jeu qui le fonde, du risque qu’il apporte en dote. On souhaite au jazz de toujours pouvoir se nourrir de pareilles dérives positives de continents. Et puis, Vitoria l’a confirmé si besoin était, le contenu de Boarder Free (Jazz Village/Naïve) dernier album en date du pianiste cubain se révèle sévèrement boosté en puissance comme en envergure musicale dès lors qu’il se trouve porté sur une scène.
El Pais, journal espagnol qui pourrait se comparer au Monde dans un dossier de deux pages se posait cette semaine la question de savoir pourquoi et comment le décor des plus importants festivals de jazz du pays se trouvaient plantés en tryptique au Pays Basque (Getxo, Vitoria, San Sebastian) en juillet, et quelles peuvent en être les clefs du succès. Outre l’atout non négligeable de la gastronomie une partie de la réponse tient peut-être à la qualité recherchée en matière de programmation en dépit des difficultés économiques du moment en Espagne. Le pari est que le jazz, dans tous ses états, en demeure malgré tout le fil rouge. A vérifier cette semaine à San Sebastian.
Robert Latxague
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Disséminés sur les fauteuils et sofas moelleux, une bonne partie des Buena Vista Social Club vaquent à leurs occupations pré-concert dans le hall de l’hôtel Canciller Ayala, plaque tournante diurne comme nocturne du festival. Lorsque l’un d’entre eux, en manière de signal lâche à la cantonade « Ah voilà le toubib les amis ! » Lequel médecin, décontracté dans son survêtement, sourire aux lèvres mais stéthoscope bien en main ne s’en lance pas moins scrupuleusement dans l’auscultation, prise de pouls et autres pulsations cardiaques de la bande de sexagénaires, septuagénaires et octogénairesconstituant l’orchestre vintage cubain. Descendue dix minutes plus tard, Omara Portuondo, diva havanaise de 84 ans confiera à un confrère madrilène « Moi de docteur je n’en ai pas besoin puisque j’ai toujours envie de chanter, plaisir à vivre et même trouvé un nouvel amoureux… »
Cecile McLorin Salvant (voc), Aaron Diehl (p), Paul Silkivie (b), Rodeney Green (dm)
Théatre Principal
Richard Bona (voc, elb), Manu Katché (dm), Stefano Di Battista (as), Eric Legnini (p, el p)
Chucho Valdes (p), Gaston Joya (b), Reinaldo Melian Alvarez (tp), Rodney Barretto (dm), Dreiser Durruthy Bombalé (perc, voc), Yaroldy Abreu (perc)
Orquestra Buena Vista Social Club “Adios Tour”
Polideportivo de Mendizorrotza
Vitoria-Gasteiz (Euskadi/España) 18, 19 juiillet
Il y a les orchestres et les grands orchestres de jazz. On trouve aussi mis spécifiquement en orbite dans les tournées d’été pour les scènes des (plutôt dits) grands festivals des groupes et des super groupes. Celui réunis sous les quatre noms propres (Bona/Katché/Di Battista/Legnni) franco-italiano-camerounais mais catalogué dans la dernière catégorie citée n’en a pas, dans l’exercice, rajouté pour autant. La musique se trouve équitablement partagée. Chacun son rôle, et l’apport de tous question compositions ou rendu sur scène. Et puis ils ont visiblement choisi de s’illustrer par et pour du jazz. Se croisent ainsi des exposés instrumentaux qui parlent, des lignes mélodiques, des montées en gamme par chorus interposés. Donc autant de moments d’improvisations plus ou moins interchangées. Au total on retiendra une certaine cohérence, de l’écoute et du soutien mutuel. Avec en bonus une pointe d’humour, tel Stefano Di Battista dans le rôle de la mouche du coche émoustillant chacun de ses compères par exemple. Plus le petit moment de show habituel façon voix africaines étonnantes séquencées, étagées, mixées en direct par Richard Bona. Vint derrière cette bonne séquence un autre show, d’une autre nature, choisi à dessein pour être celui étiqueté d’une méga star histoire de remplir la salle et emplir les fans de bonheur. Paul Anka –l’affiche est intentionnellement sous-titrée « Rocks Swings et Grands Succès »- assuma sans doute le second objectif en mettant d’ailleurs du cœur à l’ouvrage (32 chansons interprétées !) au point de descendre dans l’arène au contact direct de son public. Sans pour autant faire sauter les guichets ni le coffre de la recette. Et non sans mettre en branle en préventif avant que de livrer bataille son staff de conseillers, avocats, tour manager etc. Ceci afin de vérifier chaque détail (couloir d’entrée en scène, lumières, écrans de pub des sponsors, murs d’images latéraux, plantes vertes…) susceptible de mettre en jeu sinon « désimmaculer » son image sous les poursuites voire l’ensemble du déroulé prédéterminé du show dans le Palais des Sports…Quand fut venu l’instant prévisible où suite à l’inévitable Shoulder (« Pose ta tête sur mon épaule… » claqua le selfie de la charmante dame choisie à dessein, et dont on imagine l’envoi illico sur Face Book Twitter et compagnie, on était bien en demeure de s’interroger style« alors, pourquoi tout ce foutu pinaillage en amont ?» Mais comme aurait pu le dire Take 6 quelques jours auparavant, de toutes les façons la messe était dite…
Le coquet Théâtre Principal planté en plein centre ville était plein à ras-bord. Un signe déjà. Et dans cette session destinée à faire découvrir des talents émergents, pour la chanteuse ce fut total jack pot. Une ovation finale, deux rappels successifs réclamés avec insistance. Une mise place très cadrée, une voix servie au naturel, des classiques type Woman Child, Trolley Song, What it the matter now : la tonalité particulière de la voix, les modulations assurées et assumées, et sans doute un brin de fraicheur en supplément du jour ont assuré l’empathie du public de la cité alavaise. Venue l’an passé chanter quelques chansons en complément d’objet jazzistique de Jacky Terrasson et Michel Portal, Cécile McLorin Salvant chanteuse de jazz, a pris du métier. Et affirme sa personnalité. Vitoria l’a reconnu. Et lui en a été grés.
Cuba pour finir par un cocktail, lui aussi nature, évidemment. Au point qu’après les bis de fin de soirée à plus de minuit passé, alors qu’un drapeau cubain flottait dans les tribunes, du fond de la salle jaillit dans le crépitement d’applaudissements un éruptif autant que retentissant « Viva Cuba Libre », cri du cœur que le Lehendakari (président du Gouvernement autonome basque), nationaliste et démocrate chrétien, ne pouvait qu’apprécier à sa juste mesure…
La troupe du Buena Vista dernière version, à Vitoria comme sur nombre d’autres théâtres d’opération estivaux affichait son « Adios Tour » On aurait pu craindre à ce propos pour cette bande de seniors un certain effet de répétition voir de fin de vie artistique. A franchement parler, en terre basque il n’en fut rien. Certes en introduction l’affichage plein écran des figures des chers disparus (Ibrahim Ferrer, Cumpay Secundo, Ruben Gonzales…) fit craindre le pathos pesant des pleureuses. Pourtant la suite, deux heures de rang de son cubain, de cha cha cha, de bolero bref de musique à ne pas pouvoir ne pas se lever et danser avec, dans la salle l’avantage pour les aficionados locaux de comprendre toutes les histoires, les suggestions, les jeux de mots, les vannes portées par cette musi que afro cubaine de sels, sucres et épices mêlés. Tous les hits du genre, de Tumbao à Candela en passant par La Luna sont passés en revue. Tous –les historiques
Eliades Ochoa, Barbaritas Torres, Guajiro Mirabal, les anciens médicalement assurés plus quelques nouveaux introduits pour du sang neuf- font le boulot avec entrain comme sur la scène du Tropicana. Et l’on goûtera à leur juste mesure, délicieux dessert les trois ou quatre chansons offertes par Omara Portuondo, prêtresse du bolero malgré le poids visible des ans. Les quelque pas de danses esquissés le duo avec Chucho Valdes également étaient-il sans doute un dernier hommage à sa propre légende de diva…encore vivante.
Chucho Valdes, parlons en pour finir…en beauté. Du concert donné avec ses ses bien nommés Afro-Cuban Messengers pour le message justement qu’il délivre sur la réalité de la musique comme elle se joue aujourd’hui à Cuba. Pour le pont qu’il entend assurer pour elle (son passé son présent, son évolution) entre les racines tellement riches de son île des Amériques, l’Afrique présente aussi– témoin ces parties de percussions superbes, à trois jeunes musiciens avec l’apport du chant en langue yoruba- et le jazz au travers de tous les développements, de la part du jeu qui le fonde, du risque qu’il apporte en dote. On souhaite au jazz de toujours pouvoir se nourrir de pareilles dérives positives de continents. Et puis, Vitoria l’a confirmé si besoin était, le contenu de Boarder Free (Jazz Village/Naïve) dernier album en date du pianiste cubain se révèle sévèrement boosté en puissance comme en envergure musicale dès lors qu’il se trouve porté sur une scène.
El Pais, journal espagnol qui pourrait se comparer au Monde dans un dossier de deux pages se posait cette semaine la question de savoir pourquoi et comment le décor des plus importants festivals de jazz du pays se trouvaient plantés en tryptique au Pays Basque (Getxo, Vitoria, San Sebastian) en juillet, et quelles peuvent en être les clefs du succès. Outre l’atout non négligeable de la gastronomie une partie de la réponse tient peut-être à la qualité recherchée en matière de programmation en dépit des difficultés économiques du moment en Espagne. Le pari est que le jazz, dans tous ses états, en demeure malgré tout le fil rouge. A vérifier cette semaine à San Sebastian.
Robert Latxague
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Disséminés sur les fauteuils et sofas moelleux, une bonne partie des Buena Vista Social Club vaquent à leurs occupations pré-concert dans le hall de l’hôtel Canciller Ayala, plaque tournante diurne comme nocturne du festival. Lorsque l’un d’entre eux, en manière de signal lâche à la cantonade « Ah voilà le toubib les amis ! » Lequel médecin, décontracté dans son survêtement, sourire aux lèvres mais stéthoscope bien en main ne s’en lance pas moins scrupuleusement dans l’auscultation, prise de pouls et autres pulsations cardiaques de la bande de sexagénaires, septuagénaires et octogénairesconstituant l’orchestre vintage cubain. Descendue dix minutes plus tard, Omara Portuondo, diva havanaise de 84 ans confiera à un confrère madrilène « Moi de docteur je n’en ai pas besoin puisque j’ai toujours envie de chanter, plaisir à vivre et même trouvé un nouvel amoureux… »
Cecile McLorin Salvant (voc), Aaron Diehl (p), Paul Silkivie (b), Rodeney Green (dm)
Théatre Principal
Richard Bona (voc, elb), Manu Katché (dm), Stefano Di Battista (as), Eric Legnini (p, el p)
Chucho Valdes (p), Gaston Joya (b), Reinaldo Melian Alvarez (tp), Rodney Barretto (dm), Dreiser Durruthy Bombalé (perc, voc), Yaroldy Abreu (perc)
Orquestra Buena Vista Social Club “Adios Tour”
Polideportivo de Mendizorrotza
Vitoria-Gasteiz (Euskadi/España) 18, 19 juiillet
Il y a les orchestres et les grands orchestres de jazz. On trouve aussi mis spécifiquement en orbite dans les tournées d’été pour les scènes des (plutôt dits) grands festivals des groupes et des super groupes. Celui réunis sous les quatre noms propres (Bona/Katché/Di Battista/Legnni) franco-italiano-camerounais mais catalogué dans la dernière catégorie citée n’en a pas, dans l’exercice, rajouté pour autant. La musique se trouve équitablement partagée. Chacun son rôle, et l’apport de tous question compositions ou rendu sur scène. Et puis ils ont visiblement choisi de s’illustrer par et pour du jazz. Se croisent ainsi des exposés instrumentaux qui parlent, des lignes mélodiques, des montées en gamme par chorus interposés. Donc autant de moments d’improvisations plus ou moins interchangées. Au total on retiendra une certaine cohérence, de l’écoute et du soutien mutuel. Avec en bonus une pointe d’humour, tel Stefano Di Battista dans le rôle de la mouche du coche émoustillant chacun de ses compères par exemple. Plus le petit moment de show habituel façon voix africaines étonnantes séquencées, étagées, mixées en direct par Richard Bona. Vint derrière cette bonne séquence un autre show, d’une autre nature, choisi à dessein pour être celui étiqueté d’une méga star histoire de remplir la salle et emplir les fans de bonheur. Paul Anka –l’affiche est intentionnellement sous-titrée « Rocks Swings et Grands Succès »- assuma sans doute le second objectif en mettant d’ailleurs du cœur à l’ouvrage (32 chansons interprétées !) au point de descendre dans l’arène au contact direct de son public. Sans pour autant faire sauter les guichets ni le coffre de la recette. Et non sans mettre en branle en préventif avant que de livrer bataille son staff de conseillers, avocats, tour manager etc. Ceci afin de vérifier chaque détail (couloir d’entrée en scène, lumières, écrans de pub des sponsors, murs d’images latéraux, plantes vertes…) susceptible de mettre en jeu sinon « désimmaculer » son image sous les poursuites voire l’ensemble du déroulé prédéterminé du show dans le Palais des Sports…Quand fut venu l’instant prévisible où suite à l’inévitable Shoulder (« Pose ta tête sur mon épaule… » claqua le selfie de la charmante dame choisie à dessein, et dont on imagine l’envoi illico sur Face Book Twitter et compagnie, on était bien en demeure de s’interroger style« alors, pourquoi tout ce foutu pinaillage en amont ?» Mais comme aurait pu le dire Take 6 quelques jours auparavant, de toutes les façons la messe était dite…
Le coquet Théâtre Principal planté en plein centre ville était plein à ras-bord. Un signe déjà. Et dans cette session destinée à faire découvrir des talents émergents, pour la chanteuse ce fut total jack pot. Une ovation finale, deux rappels successifs réclamés avec insistance. Une mise place très cadrée, une voix servie au naturel, des classiques type Woman Child, Trolley Song, What it the matter now : la tonalité particulière de la voix, les modulations assurées et assumées, et sans doute un brin de fraicheur en supplément du jour ont assuré l’empathie du public de la cité alavaise. Venue l’an passé chanter quelques chansons en complément d’objet jazzistique de Jacky Terrasson et Michel Portal, Cécile McLorin Salvant chanteuse de jazz, a pris du métier. Et affirme sa personnalité. Vitoria l’a reconnu. Et lui en a été grés.
Cuba pour finir par un cocktail, lui aussi nature, évidemment. Au point qu’après les bis de fin de soirée à plus de minuit passé, alors qu’un drapeau cubain flottait dans les tribunes, du fond de la salle jaillit dans le crépitement d’applaudissements un éruptif autant que retentissant « Viva Cuba Libre », cri du cœur que le Lehendakari (président du Gouvernement autonome basque), nationaliste et démocrate chrétien, ne pouvait qu’apprécier à sa juste mesure…
La troupe du Buena Vista dernière version, à Vitoria comme sur nombre d’autres théâtres d’opération estivaux affichait son « Adios Tour » On aurait pu craindre à ce propos pour cette bande de seniors un certain effet de répétition voir de fin de vie artistique. A franchement parler, en terre basque il n’en fut rien. Certes en introduction l’affichage plein écran des figures des chers disparus (Ibrahim Ferrer, Cumpay Secundo, Ruben Gonzales…) fit craindre le pathos pesant des pleureuses. Pourtant la suite, deux heures de rang de son cubain, de cha cha cha, de bolero bref de musique à ne pas pouvoir ne pas se lever et danser avec, dans la salle l’avantage pour les aficionados locaux de comprendre toutes les histoires, les suggestions, les jeux de mots, les vannes portées par cette musi que afro cubaine de sels, sucres et épices mêlés. Tous les hits du genre, de Tumbao à Candela en passant par La Luna sont passés en revue. Tous –les historiques
Eliades Ochoa, Barbaritas Torres, Guajiro Mirabal, les anciens médicalement assurés plus quelques nouveaux introduits pour du sang neuf- font le boulot avec entrain comme sur la scène du Tropicana. Et l’on goûtera à leur juste mesure, délicieux dessert les trois ou quatre chansons offertes par Omara Portuondo, prêtresse du bolero malgré le poids visible des ans. Les quelque pas de danses esquissés le duo avec Chucho Valdes également étaient-il sans doute un dernier hommage à sa propre légende de diva…encore vivante.
Chucho Valdes, parlons en pour finir…en beauté. Du concert donné avec ses ses bien nommés Afro-Cuban Messengers pour le message justement qu’il délivre sur la réalité de la musique comme elle se joue aujourd’hui à Cuba. Pour le pont qu’il entend assurer pour elle (son passé son présent, son évolution) entre les racines tellement riches de son île des Amériques, l’Afrique présente aussi– témoin ces parties de percussions superbes, à trois jeunes musiciens avec l’apport du chant en langue yoruba- et le jazz au travers de tous les développements, de la part du jeu qui le fonde, du risque qu’il apporte en dote. On souhaite au jazz de toujours pouvoir se nourrir de pareilles dérives positives de continents. Et puis, Vitoria l’a confirmé si besoin était, le contenu de Boarder Free (Jazz Village/Naïve) dernier album en date du pianiste cubain se révèle sévèrement boosté en puissance comme en envergure musicale dès lors qu’il se trouve porté sur une scène.
El Pais, journal espagnol qui pourrait se comparer au Monde dans un dossier de deux pages se posait cette semaine la question de savoir pourquoi et comment le décor des plus importants festivals de jazz du pays se trouvaient plantés en tryptique au Pays Basque (Getxo, Vitoria, San Sebastian) en juillet, et quelles peuvent en être les clefs du succès. Outre l’atout non négligeable de la gastronomie une partie de la réponse tient peut-être à la qualité recherchée en matière de programmation en dépit des difficultés économiques du moment en Espagne. Le pari est que le jazz, dans tous ses états, en demeure malgré tout le fil rouge. A vérifier cette semaine à San Sebastian.
Robert Latxague
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Disséminés sur les fauteuils et sofas moelleux, une bonne partie des Buena Vista Social Club vaquent à leurs occupations pré-concert dans le hall de l’hôtel Canciller Ayala, plaque tournante diurne comme nocturne du festival. Lorsque l’un d’entre eux, en manière de signal lâche à la cantonade « Ah voilà le toubib les amis ! » Lequel médecin, décontracté dans son survêtement, sourire aux lèvres mais stéthoscope bien en main ne s’en lance pas moins scrupuleusement dans l’auscultation, prise de pouls et autres pulsations cardiaques de la bande de sexagénaires, septuagénaires et octogénairesconstituant l’orchestre vintage cubain. Descendue dix minutes plus tard, Omara Portuondo, diva havanaise de 84 ans confiera à un confrère madrilène « Moi de docteur je n’en ai pas besoin puisque j’ai toujours envie de chanter, plaisir à vivre et même trouvé un nouvel amoureux… »
Cecile McLorin Salvant (voc), Aaron Diehl (p), Paul Silkivie (b), Rodeney Green (dm)
Théatre Principal
Richard Bona (voc, elb), Manu Katché (dm), Stefano Di Battista (as), Eric Legnini (p, el p)
Chucho Valdes (p), Gaston Joya (b), Reinaldo Melian Alvarez (tp), Rodney Barretto (dm), Dreiser Durruthy Bombalé (perc, voc), Yaroldy Abreu (perc)
Orquestra Buena Vista Social Club “Adios Tour”
Polideportivo de Mendizorrotza
Vitoria-Gasteiz (Euskadi/España) 18, 19 juiillet
Il y a les orchestres et les grands orchestres de jazz. On trouve aussi mis spécifiquement en orbite dans les tournées d’été pour les scènes des (plutôt dits) grands festivals des groupes et des super groupes. Celui réunis sous les quatre noms propres (Bona/Katché/Di Battista/Legnni) franco-italiano-camerounais mais catalogué dans la dernière catégorie citée n’en a pas, dans l’exercice, rajouté pour autant. La musique se trouve équitablement partagée. Chacun son rôle, et l’apport de tous question compositions ou rendu sur scène. Et puis ils ont visiblement choisi de s’illustrer par et pour du jazz. Se croisent ainsi des exposés instrumentaux qui parlent, des lignes mélodiques, des montées en gamme par chorus interposés. Donc autant de moments d’improvisations plus ou moins interchangées. Au total on retiendra une certaine cohérence, de l’écoute et du soutien mutuel. Avec en bonus une pointe d’humour, tel Stefano Di Battista dans le rôle de la mouche du coche émoustillant chacun de ses compères par exemple. Plus le petit moment de show habituel façon voix africaines étonnantes séquencées, étagées, mixées en direct par Richard Bona. Vint derrière cette bonne séquence un autre show, d’une autre nature, choisi à dessein pour être celui étiqueté d’une méga star histoire de remplir la salle et emplir les fans de bonheur. Paul Anka –l’affiche est intentionnellement sous-titrée « Rocks Swings et Grands Succès »- assuma sans doute le second objectif en mettant d’ailleurs du cœur à l’ouvrage (32 chansons interprétées !) au point de descendre dans l’arène au contact direct de son public. Sans pour autant faire sauter les guichets ni le coffre de la recette. Et non sans mettre en branle en préventif avant que de livrer bataille son staff de conseillers, avocats, tour manager etc. Ceci afin de vérifier chaque détail (couloir d’entrée en scène, lumières, écrans de pub des sponsors, murs d’images latéraux, plantes vertes…) susceptible de mettre en jeu sinon « désimmaculer » son image sous les poursuites voire l’ensemble du déroulé prédéterminé du show dans le Palais des Sports…Quand fut venu l’instant prévisible où suite à l’inévitable Shoulder (« Pose ta tête sur mon épaule… » claqua le selfie de la charmante dame choisie à dessein, et dont on imagine l’envoi illico sur Face Book Twitter et compagnie, on était bien en demeure de s’interroger style« alors, pourquoi tout ce foutu pinaillage en amont ?» Mais comme aurait pu le dire Take 6 quelques jours auparavant, de toutes les façons la messe était dite…
Le coquet Théâtre Principal planté en plein centre ville était plein à ras-bord. Un signe déjà. Et dans cette session destinée à faire découvrir des talents émergents, pour la chanteuse ce fut total jack pot. Une ovation finale, deux rappels successifs réclamés avec insistance. Une mise place très cadrée, une voix servie au naturel, des classiques type Woman Child, Trolley Song, What it the matter now : la tonalité particulière de la voix, les modulations assurées et assumées, et sans doute un brin de fraicheur en supplément du jour ont assuré l’empathie du public de la cité alavaise. Venue l’an passé chanter quelques chansons en complément d’objet jazzistique de Jacky Terrasson et Michel Portal, Cécile McLorin Salvant chanteuse de jazz, a pris du métier. Et affirme sa personnalité. Vitoria l’a reconnu. Et lui en a été grés.
Cuba pour finir par un cocktail, lui aussi nature, évidemment. Au point qu’après les bis de fin de soirée à plus de minuit passé, alors qu’un drapeau cubain flottait dans les tribunes, du fond de la salle jaillit dans le crépitement d’applaudissements un éruptif autant que retentissant « Viva Cuba Libre », cri du cœur que le Lehendakari (président du Gouvernement autonome basque), nationaliste et démocrate chrétien, ne pouvait qu’apprécier à sa juste mesure…
La troupe du Buena Vista dernière version, à Vitoria comme sur nombre d’autres théâtres d’opération estivaux affichait son « Adios Tour » On aurait pu craindre à ce propos pour cette bande de seniors un certain effet de répétition voir de fin de vie artistique. A franchement parler, en terre basque il n’en fut rien. Certes en introduction l’affichage plein écran des figures des chers disparus (Ibrahim Ferrer, Cumpay Secundo, Ruben Gonzales…) fit craindre le pathos pesant des pleureuses. Pourtant la suite, deux heures de rang de son cubain, de cha cha cha, de bolero bref de musique à ne pas pouvoir ne pas se lever et danser avec, dans la salle l’avantage pour les aficionados locaux de comprendre toutes les histoires, les suggestions, les jeux de mots, les vannes portées par cette musi que afro cubaine de sels, sucres et épices mêlés. Tous les hits du genre, de Tumbao à Candela en passant par La Luna sont passés en revue. Tous –les historiques
Eliades Ochoa, Barbaritas Torres, Guajiro Mirabal, les anciens médicalement assurés plus quelques nouveaux introduits pour du sang neuf- font le boulot avec entrain comme sur la scène du Tropicana. Et l’on goûtera à leur juste mesure, délicieux dessert les trois ou quatre chansons offertes par Omara Portuondo, prêtresse du bolero malgré le poids visible des ans. Les quelque pas de danses esquissés le duo avec Chucho Valdes également étaient-il sans doute un dernier hommage à sa propre légende de diva…encore vivante.
Chucho Valdes, parlons en pour finir…en beauté. Du concert donné avec ses ses bien nommés Afro-Cuban Messengers pour le message justement qu’il délivre sur la réalité de la musique comme elle se joue aujourd’hui à Cuba. Pour le pont qu’il entend assurer pour elle (son passé son présent, son évolution) entre les racines tellement riches de son île des Amériques, l’Afrique présente aussi– témoin ces parties de percussions superbes, à trois jeunes musiciens avec l’apport du chant en langue yoruba- et le jazz au travers de tous les développements, de la part du jeu qui le fonde, du risque qu’il apporte en dote. On souhaite au jazz de toujours pouvoir se nourrir de pareilles dérives positives de continents. Et puis, Vitoria l’a confirmé si besoin était, le contenu de Boarder Free (Jazz Village/Naïve) dernier album en date du pianiste cubain se révèle sévèrement boosté en puissance comme en envergure musicale dès lors qu’il se trouve porté sur une scène.
El Pais, journal espagnol qui pourrait se comparer au Monde dans un dossier de deux pages se posait cette semaine la question de savoir pourquoi et comment le décor des plus importants festivals de jazz du pays se trouvaient plantés en tryptique au Pays Basque (Getxo, Vitoria, San Sebastian) en juillet, et quelles peuvent en être les clefs du succès. Outre l’atout non négligeable de la gastronomie une partie de la réponse tient peut-être à la qualité recherchée en matière de programmation en dépit des difficultés économiques du moment en Espagne. Le pari est que le jazz, dans tous ses états, en demeure malgré tout le fil rouge. A vérifier cette semaine à San Sebastian.
Robert Latxague