Jazz en Comminges. Une ouverture contrastée
L’affiche allégorique due au talent de Bernard Cadène et représentant une sorte de génie moderne arpentant, bottes de sept lieues aux pieds et trompette en main, un paysage coloré où s’inscrit la formule « le monde du jazz », illustre avec exactitude le propos de Pierre Jammes et de l’association CLAP : inscrire cette quatorzième édition de Jazz en Comminges sous le signe de la diversité.
D’où une programmation éclectique, propre à satisfaire des publics différents. Élaborée avec le souci de balayer un large champ, de susciter des découvertes, de s’ouvrir aussi bien aux valeurs sûres qu’aux jeunes talents. Tout cela, sans démagogie ni purisme excessif. La formule a fait ses preuves, à en juger par le succès populaire des éditions précédentes. D’autant que le festival Off, réparti en plusieurs points de la ville, s’est encore étoffé et diversifié. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
Le rideau s’est donc levé le 4 mai, au Parc des expositions de Saint-Gaudens, sur deux formations différentes à bien des égards. En première partie, un groupe tricéphale, celui de Richard Galliano, Philip Catherine et Didier Lockwwod, suivi d’un sextette réuni par David Sanborn.
Richard Galliano (acc), Philip Catherine (g), Didier Lockwood (vln)
L’assistance record contraint les organisateurs à ajouter en hâte quelques sièges, si bien que le fameux quart d’heure toulousain est largement dépassé quand se présente le trio attendu. Que dis-je, espéré. La notoriété de ses membres a franchi depuis longtemps les frontières du seul monde du jazz, au moins en ce qui concerne deux d’entre eux, car le guitariste belge reste moins connu chez nous, et bien injustement. Autant dire que sur le papier, comme disent les sportifs, nous tenons là une équipe gagnante. Chacun sait donc à quoi s’attendre.
Une seule question : la juxtaposition de trois musiciens de cette envergure suffit-elle à constituer un véritable trio ? La réponse sera celle d’un Normand : tantôt oui, tantôt non. Autrement dit, à côté de quelques passages soigneusement et subtilement arrangés, exposés du thème et codas (encore que…), le concert s’oriente assez vite vers une succession de soli. Brillantissimes, au demeurant. Un répertoire fédérateur, emprunté à chacun des protagonistes. De l’accordéoniste, Sourire, une valse musette, Dum ! Dum ! d’Eddy Louiss, que popularisa en son temps Stan Getz, le Tango Pour Claude, donné en rappel. Et puis The Kid de Lockwood, L’Éternel désir de Catherine et quelques standards, les immortelles Feuilles mortes et Manha de Carnaval. Autant de prétextes à un étalage de virtuosité. Difficile, en ce domaine, de faire mieux. Chacun fait preuve d’une maîtrise confondante. Multiplie les prouesses techniques. Jongle avec la mélodie et l’harmonie. Si bien que l’auditeur est vite subjugué. D’autant que l’écueil de la monotonie est évité par le recours ponctuel au duo, voire à l’exhibition soliste.
A ce jeu se révèlent les qualités intrinsèques de chacun. La subtilité de Philip Catherine, tant comme accompagnateur que comme soliste, habile à développer un discours en single notes. La furia de Lockwood qui le pousse souvent à des numéros d’équilibriste. La capacité à improviser de Galliano, amoureux s’il en est de la mélodie. Petit quizz : lequel des trois a quelque peu tendance à « jouer perso », pour filer la métaphore sportive ? A faire un étalage parfois outrancier de son incontestable talent ? Peu importe la réponse, au demeurant subjective. Tout comme le constat que l’émotion, l’expression de la sensibilité font souvent défaut à une prestation somme toute digne de ce qu’on en attendait : un feu d’artifice. Et qui donc oserait déclarer qu’il ne goûte guère la pyrotechnie ?
David Sanborn (as), Ricky Peterson (org, claviers), Nicky Moroch (g), André Berry (b), Billy Kilson (dm), Karl Vanden Bosche (perc).
Changement radical d’atmosphère avec la seconde partie. David Sanborn, qui vient, avec son Electric Band, de s’illustrer à Coutances lors du festival Jazz sous les Pommiers, instaure d’entrée un climat paroxystique auquel concourent divers ingrédients, jazz, rock, funk, électro, relents de blues, échappées free. Ça groove, ça pulse, ça explose, ça tonitrue. Pas de mélodie à proprement parler, mais des riffs dont la réitération engendre une manière de transe hypnotique de laquelle il est parfois difficile de s’abstraire.
Le sextette, bien rodé, comporte des individualités au talent indéniable, à commencer par l’organiste Ricky Peterson, qui s’y entend pour faire monter la pression. Originaire du Minnesota, il figure dans nombre d’albums récents illustrant la tendance mêlant, avec plus ou moins de bonheur, le jazz et la pop. Ses envolées, singulièrement sur l’orgue Hammond, le montrent ici à son avantage. Quant au batteur Billy Kilson, disciple d’Alan Dawson, il compte parmi ses références le big band de Dave Holland et le trio d’Ahmad Jamal. C’est lui la pierre angulaire d’une rythmique soudée et efficace.
L’ensemble sert le propos d’un saxophoniste dont on ne saurait trop souligner la plasticité. Le talent à s’adapter à tous les contextes. A faire siennes toutes les modes. A surfer sur toutes les vagues – pourvu qu’elles soient nouvelles. Il me souvient du Sanborn des années 80 de l’autre siècle, drainant un copieux auditoire lors de la défunte Grande Parade du jazz de Nice, champion de ce qu’on a appelé sans trop savoir le définir le « smooth jazz ». Un saxophoniste doté d’un son délectable, écumant les studios, jonglant entre musiques de films, jazz et pop. Il a désormais pris le virage du funk exacerbé, comme en témoigne son récent album « Time and the River » dont il exploite la thématique. Dans le sillage de son ami Marcus Miller, à qui il rend hommage ce soir. C’est le type du musicien caméléon, un saurien arboricoledont chacun s’accorde à reconnaître un charme indéniable.
Ce soir 5 mai, place au piano avec Rémi Panossian et Chucho Valdés.
Jacques Aboucaya|L’affiche allégorique due au talent de Bernard Cadène et représentant une sorte de génie moderne arpentant, bottes de sept lieues aux pieds et trompette en main, un paysage coloré où s’inscrit la formule « le monde du jazz », illustre avec exactitude le propos de Pierre Jammes et de l’association CLAP : inscrire cette quatorzième édition de Jazz en Comminges sous le signe de la diversité.
D’où une programmation éclectique, propre à satisfaire des publics différents. Élaborée avec le souci de balayer un large champ, de susciter des découvertes, de s’ouvrir aussi bien aux valeurs sûres qu’aux jeunes talents. Tout cela, sans démagogie ni purisme excessif. La formule a fait ses preuves, à en juger par le succès populaire des éditions précédentes. D’autant que le festival Off, réparti en plusieurs points de la ville, s’est encore étoffé et diversifié. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
Le rideau s’est donc levé le 4 mai, au Parc des expositions de Saint-Gaudens, sur deux formations différentes à bien des égards. En première partie, un groupe tricéphale, celui de Richard Galliano, Philip Catherine et Didier Lockwwod, suivi d’un sextette réuni par David Sanborn.
Richard Galliano (acc), Philip Catherine (g), Didier Lockwood (vln)
L’assistance record contraint les organisateurs à ajouter en hâte quelques sièges, si bien que le fameux quart d’heure toulousain est largement dépassé quand se présente le trio attendu. Que dis-je, espéré. La notoriété de ses membres a franchi depuis longtemps les frontières du seul monde du jazz, au moins en ce qui concerne deux d’entre eux, car le guitariste belge reste moins connu chez nous, et bien injustement. Autant dire que sur le papier, comme disent les sportifs, nous tenons là une équipe gagnante. Chacun sait donc à quoi s’attendre.
Une seule question : la juxtaposition de trois musiciens de cette envergure suffit-elle à constituer un véritable trio ? La réponse sera celle d’un Normand : tantôt oui, tantôt non. Autrement dit, à côté de quelques passages soigneusement et subtilement arrangés, exposés du thème et codas (encore que…), le concert s’oriente assez vite vers une succession de soli. Brillantissimes, au demeurant. Un répertoire fédérateur, emprunté à chacun des protagonistes. De l’accordéoniste, Sourire, une valse musette, Dum ! Dum ! d’Eddy Louiss, que popularisa en son temps Stan Getz, le Tango Pour Claude, donné en rappel. Et puis The Kid de Lockwood, L’Éternel désir de Catherine et quelques standards, les immortelles Feuilles mortes et Manha de Carnaval. Autant de prétextes à un étalage de virtuosité. Difficile, en ce domaine, de faire mieux. Chacun fait preuve d’une maîtrise confondante. Multiplie les prouesses techniques. Jongle avec la mélodie et l’harmonie. Si bien que l’auditeur est vite subjugué. D’autant que l’écueil de la monotonie est évité par le recours ponctuel au duo, voire à l’exhibition soliste.
A ce jeu se révèlent les qualités intrinsèques de chacun. La subtilité de Philip Catherine, tant comme accompagnateur que comme soliste, habile à développer un discours en single notes. La furia de Lockwood qui le pousse souvent à des numéros d’équilibriste. La capacité à improviser de Galliano, amoureux s’il en est de la mélodie. Petit quizz : lequel des trois a quelque peu tendance à « jouer perso », pour filer la métaphore sportive ? A faire un étalage parfois outrancier de son incontestable talent ? Peu importe la réponse, au demeurant subjective. Tout comme le constat que l’émotion, l’expression de la sensibilité font souvent défaut à une prestation somme toute digne de ce qu’on en attendait : un feu d’artifice. Et qui donc oserait déclarer qu’il ne goûte guère la pyrotechnie ?
David Sanborn (as), Ricky Peterson (org, claviers), Nicky Moroch (g), André Berry (b), Billy Kilson (dm), Karl Vanden Bosche (perc).
Changement radical d’atmosphère avec la seconde partie. David Sanborn, qui vient, avec son Electric Band, de s’illustrer à Coutances lors du festival Jazz sous les Pommiers, instaure d’entrée un climat paroxystique auquel concourent divers ingrédients, jazz, rock, funk, électro, relents de blues, échappées free. Ça groove, ça pulse, ça explose, ça tonitrue. Pas de mélodie à proprement parler, mais des riffs dont la réitération engendre une manière de transe hypnotique de laquelle il est parfois difficile de s’abstraire.
Le sextette, bien rodé, comporte des individualités au talent indéniable, à commencer par l’organiste Ricky Peterson, qui s’y entend pour faire monter la pression. Originaire du Minnesota, il figure dans nombre d’albums récents illustrant la tendance mêlant, avec plus ou moins de bonheur, le jazz et la pop. Ses envolées, singulièrement sur l’orgue Hammond, le montrent ici à son avantage. Quant au batteur Billy Kilson, disciple d’Alan Dawson, il compte parmi ses références le big band de Dave Holland et le trio d’Ahmad Jamal. C’est lui la pierre angulaire d’une rythmique soudée et efficace.
L’ensemble sert le propos d’un saxophoniste dont on ne saurait trop souligner la plasticité. Le talent à s’adapter à tous les contextes. A faire siennes toutes les modes. A surfer sur toutes les vagues – pourvu qu’elles soient nouvelles. Il me souvient du Sanborn des années 80 de l’autre siècle, drainant un copieux auditoire lors de la défunte Grande Parade du jazz de Nice, champion de ce qu’on a appelé sans trop savoir le définir le « smooth jazz ». Un saxophoniste doté d’un son délectable, écumant les studios, jonglant entre musiques de films, jazz et pop. Il a désormais pris le virage du funk exacerbé, comme en témoigne son récent album « Time and the River » dont il exploite la thématique. Dans le sillage de son ami Marcus Miller, à qui il rend hommage ce soir. C’est le type du musicien caméléon, un saurien arboricoledont chacun s’accorde à reconnaître un charme indéniable.
Ce soir 5 mai, place au piano avec Rémi Panossian et Chucho Valdés.
Jacques Aboucaya|L’affiche allégorique due au talent de Bernard Cadène et représentant une sorte de génie moderne arpentant, bottes de sept lieues aux pieds et trompette en main, un paysage coloré où s’inscrit la formule « le monde du jazz », illustre avec exactitude le propos de Pierre Jammes et de l’association CLAP : inscrire cette quatorzième édition de Jazz en Comminges sous le signe de la diversité.
D’où une programmation éclectique, propre à satisfaire des publics différents. Élaborée avec le souci de balayer un large champ, de susciter des découvertes, de s’ouvrir aussi bien aux valeurs sûres qu’aux jeunes talents. Tout cela, sans démagogie ni purisme excessif. La formule a fait ses preuves, à en juger par le succès populaire des éditions précédentes. D’autant que le festival Off, réparti en plusieurs points de la ville, s’est encore étoffé et diversifié. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
Le rideau s’est donc levé le 4 mai, au Parc des expositions de Saint-Gaudens, sur deux formations différentes à bien des égards. En première partie, un groupe tricéphale, celui de Richard Galliano, Philip Catherine et Didier Lockwwod, suivi d’un sextette réuni par David Sanborn.
Richard Galliano (acc), Philip Catherine (g), Didier Lockwood (vln)
L’assistance record contraint les organisateurs à ajouter en hâte quelques sièges, si bien que le fameux quart d’heure toulousain est largement dépassé quand se présente le trio attendu. Que dis-je, espéré. La notoriété de ses membres a franchi depuis longtemps les frontières du seul monde du jazz, au moins en ce qui concerne deux d’entre eux, car le guitariste belge reste moins connu chez nous, et bien injustement. Autant dire que sur le papier, comme disent les sportifs, nous tenons là une équipe gagnante. Chacun sait donc à quoi s’attendre.
Une seule question : la juxtaposition de trois musiciens de cette envergure suffit-elle à constituer un véritable trio ? La réponse sera celle d’un Normand : tantôt oui, tantôt non. Autrement dit, à côté de quelques passages soigneusement et subtilement arrangés, exposés du thème et codas (encore que…), le concert s’oriente assez vite vers une succession de soli. Brillantissimes, au demeurant. Un répertoire fédérateur, emprunté à chacun des protagonistes. De l’accordéoniste, Sourire, une valse musette, Dum ! Dum ! d’Eddy Louiss, que popularisa en son temps Stan Getz, le Tango Pour Claude, donné en rappel. Et puis The Kid de Lockwood, L’Éternel désir de Catherine et quelques standards, les immortelles Feuilles mortes et Manha de Carnaval. Autant de prétextes à un étalage de virtuosité. Difficile, en ce domaine, de faire mieux. Chacun fait preuve d’une maîtrise confondante. Multiplie les prouesses techniques. Jongle avec la mélodie et l’harmonie. Si bien que l’auditeur est vite subjugué. D’autant que l’écueil de la monotonie est évité par le recours ponctuel au duo, voire à l’exhibition soliste.
A ce jeu se révèlent les qualités intrinsèques de chacun. La subtilité de Philip Catherine, tant comme accompagnateur que comme soliste, habile à développer un discours en single notes. La furia de Lockwood qui le pousse souvent à des numéros d’équilibriste. La capacité à improviser de Galliano, amoureux s’il en est de la mélodie. Petit quizz : lequel des trois a quelque peu tendance à « jouer perso », pour filer la métaphore sportive ? A faire un étalage parfois outrancier de son incontestable talent ? Peu importe la réponse, au demeurant subjective. Tout comme le constat que l’émotion, l’expression de la sensibilité font souvent défaut à une prestation somme toute digne de ce qu’on en attendait : un feu d’artifice. Et qui donc oserait déclarer qu’il ne goûte guère la pyrotechnie ?
David Sanborn (as), Ricky Peterson (org, claviers), Nicky Moroch (g), André Berry (b), Billy Kilson (dm), Karl Vanden Bosche (perc).
Changement radical d’atmosphère avec la seconde partie. David Sanborn, qui vient, avec son Electric Band, de s’illustrer à Coutances lors du festival Jazz sous les Pommiers, instaure d’entrée un climat paroxystique auquel concourent divers ingrédients, jazz, rock, funk, électro, relents de blues, échappées free. Ça groove, ça pulse, ça explose, ça tonitrue. Pas de mélodie à proprement parler, mais des riffs dont la réitération engendre une manière de transe hypnotique de laquelle il est parfois difficile de s’abstraire.
Le sextette, bien rodé, comporte des individualités au talent indéniable, à commencer par l’organiste Ricky Peterson, qui s’y entend pour faire monter la pression. Originaire du Minnesota, il figure dans nombre d’albums récents illustrant la tendance mêlant, avec plus ou moins de bonheur, le jazz et la pop. Ses envolées, singulièrement sur l’orgue Hammond, le montrent ici à son avantage. Quant au batteur Billy Kilson, disciple d’Alan Dawson, il compte parmi ses références le big band de Dave Holland et le trio d’Ahmad Jamal. C’est lui la pierre angulaire d’une rythmique soudée et efficace.
L’ensemble sert le propos d’un saxophoniste dont on ne saurait trop souligner la plasticité. Le talent à s’adapter à tous les contextes. A faire siennes toutes les modes. A surfer sur toutes les vagues – pourvu qu’elles soient nouvelles. Il me souvient du Sanborn des années 80 de l’autre siècle, drainant un copieux auditoire lors de la défunte Grande Parade du jazz de Nice, champion de ce qu’on a appelé sans trop savoir le définir le « smooth jazz ». Un saxophoniste doté d’un son délectable, écumant les studios, jonglant entre musiques de films, jazz et pop. Il a désormais pris le virage du funk exacerbé, comme en témoigne son récent album « Time and the River » dont il exploite la thématique. Dans le sillage de son ami Marcus Miller, à qui il rend hommage ce soir. C’est le type du musicien caméléon, un saurien arboricoledont chacun s’accorde à reconnaître un charme indéniable.
Ce soir 5 mai, place au piano avec Rémi Panossian et Chucho Valdés.
Jacques Aboucaya|L’affiche allégorique due au talent de Bernard Cadène et représentant une sorte de génie moderne arpentant, bottes de sept lieues aux pieds et trompette en main, un paysage coloré où s’inscrit la formule « le monde du jazz », illustre avec exactitude le propos de Pierre Jammes et de l’association CLAP : inscrire cette quatorzième édition de Jazz en Comminges sous le signe de la diversité.
D’où une programmation éclectique, propre à satisfaire des publics différents. Élaborée avec le souci de balayer un large champ, de susciter des découvertes, de s’ouvrir aussi bien aux valeurs sûres qu’aux jeunes talents. Tout cela, sans démagogie ni purisme excessif. La formule a fait ses preuves, à en juger par le succès populaire des éditions précédentes. D’autant que le festival Off, réparti en plusieurs points de la ville, s’est encore étoffé et diversifié. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
Le rideau s’est donc levé le 4 mai, au Parc des expositions de Saint-Gaudens, sur deux formations différentes à bien des égards. En première partie, un groupe tricéphale, celui de Richard Galliano, Philip Catherine et Didier Lockwwod, suivi d’un sextette réuni par David Sanborn.
Richard Galliano (acc), Philip Catherine (g), Didier Lockwood (vln)
L’assistance record contraint les organisateurs à ajouter en hâte quelques sièges, si bien que le fameux quart d’heure toulousain est largement dépassé quand se présente le trio attendu. Que dis-je, espéré. La notoriété de ses membres a franchi depuis longtemps les frontières du seul monde du jazz, au moins en ce qui concerne deux d’entre eux, car le guitariste belge reste moins connu chez nous, et bien injustement. Autant dire que sur le papier, comme disent les sportifs, nous tenons là une équipe gagnante. Chacun sait donc à quoi s’attendre.
Une seule question : la juxtaposition de trois musiciens de cette envergure suffit-elle à constituer un véritable trio ? La réponse sera celle d’un Normand : tantôt oui, tantôt non. Autrement dit, à côté de quelques passages soigneusement et subtilement arrangés, exposés du thème et codas (encore que…), le concert s’oriente assez vite vers une succession de soli. Brillantissimes, au demeurant. Un répertoire fédérateur, emprunté à chacun des protagonistes. De l’accordéoniste, Sourire, une valse musette, Dum ! Dum ! d’Eddy Louiss, que popularisa en son temps Stan Getz, le Tango Pour Claude, donné en rappel. Et puis The Kid de Lockwood, L’Éternel désir de Catherine et quelques standards, les immortelles Feuilles mortes et Manha de Carnaval. Autant de prétextes à un étalage de virtuosité. Difficile, en ce domaine, de faire mieux. Chacun fait preuve d’une maîtrise confondante. Multiplie les prouesses techniques. Jongle avec la mélodie et l’harmonie. Si bien que l’auditeur est vite subjugué. D’autant que l’écueil de la monotonie est évité par le recours ponctuel au duo, voire à l’exhibition soliste.
A ce jeu se révèlent les qualités intrinsèques de chacun. La subtilité de Philip Catherine, tant comme accompagnateur que comme soliste, habile à développer un discours en single notes. La furia de Lockwood qui le pousse souvent à des numéros d’équilibriste. La capacité à improviser de Galliano, amoureux s’il en est de la mélodie. Petit quizz : lequel des trois a quelque peu tendance à « jouer perso », pour filer la métaphore sportive ? A faire un étalage parfois outrancier de son incontestable talent ? Peu importe la réponse, au demeurant subjective. Tout comme le constat que l’émotion, l’expression de la sensibilité font souvent défaut à une prestation somme toute digne de ce qu’on en attendait : un feu d’artifice. Et qui donc oserait déclarer qu’il ne goûte guère la pyrotechnie ?
David Sanborn (as), Ricky Peterson (org, claviers), Nicky Moroch (g), André Berry (b), Billy Kilson (dm), Karl Vanden Bosche (perc).
Changement radical d’atmosphère avec la seconde partie. David Sanborn, qui vient, avec son Electric Band, de s’illustrer à Coutances lors du festival Jazz sous les Pommiers, instaure d’entrée un climat paroxystique auquel concourent divers ingrédients, jazz, rock, funk, électro, relents de blues, échappées free. Ça groove, ça pulse, ça explose, ça tonitrue. Pas de mélodie à proprement parler, mais des riffs dont la réitération engendre une manière de transe hypnotique de laquelle il est parfois difficile de s’abstraire.
Le sextette, bien rodé, comporte des individualités au talent indéniable, à commencer par l’organiste Ricky Peterson, qui s’y entend pour faire monter la pression. Originaire du Minnesota, il figure dans nombre d’albums récents illustrant la tendance mêlant, avec plus ou moins de bonheur, le jazz et la pop. Ses envolées, singulièrement sur l’orgue Hammond, le montrent ici à son avantage. Quant au batteur Billy Kilson, disciple d’Alan Dawson, il compte parmi ses références le big band de Dave Holland et le trio d’Ahmad Jamal. C’est lui la pierre angulaire d’une rythmique soudée et efficace.
L’ensemble sert le propos d’un saxophoniste dont on ne saurait trop souligner la plasticité. Le talent à s’adapter à tous les contextes. A faire siennes toutes les modes. A surfer sur toutes les vagues – pourvu qu’elles soient nouvelles. Il me souvient du Sanborn des années 80 de l’autre siècle, drainant un copieux auditoire lors de la défunte Grande Parade du jazz de Nice, champion de ce qu’on a appelé sans trop savoir le définir le « smooth jazz ». Un saxophoniste doté d’un son délectable, écumant les studios, jonglant entre musiques de films, jazz et pop. Il a désormais pris le virage du funk exacerbé, comme en témoigne son récent album « Time and the River » dont il exploite la thématique. Dans le sillage de son ami Marcus Miller, à qui il rend hommage ce soir. C’est le type du musicien caméléon, un saurien arboricoledont chacun s’accorde à reconnaître un charme indéniable.
Ce soir 5 mai, place au piano avec Rémi Panossian et Chucho Valdés.
Jacques Aboucaya