Jazz em Agosto : Julian Lage & Gyan Riley, Secret Chiefs 3
Qui pouvait imaginer que John Zorn trouverait l’inspiration du côté des sonnets de Shakespeare, de la musique baroque et d’une Angleterre pastorale? Tout en maintenant par ailleurs la connexion avec les charmes de la série B.
5 août
Julian Lage & Gyan Riley
Julian Lage (g), Gyan Riley (g)
Tout concourt ici à une idée de gémellité. Les guitaristes se font face, symétriques, autour de la partition. Même sonorité, même jeu ou presque, pour des pièces idylliques évoquant l’ordre universel et l’harmonie avec la nature. Au répertoire enchanteur de « Midsummer Moons », plus vibrant que sa version studio, succède une sélection de plus épineuses Bagatelles dont Riley précise qu’elles n’ont « jamais été jouées ni enregistrées, ni été audibles nulle part auparavant ». En d’autres termes, l’expérience du live est irremplaçable. Deux rappels proviennent de « The Book Beria’h », coffret de 11 CD que l’on a hâte de découvrir en intégralité. Dans les trois cas : rarement la musique de Zorn aura atteint ce degré de raffinement. Des accords de toute beauté s’échappent des partitions. Une complicité fusionnelle, que l’on avait perçu dans le film de Mathieu Amalric, unit les guitaristes habités par le matériau. L’auditorium au complet est suspendu à chaque note, une atmosphère de magie s’empare de la salle. Les musiciens se diront quant à eux reconnaissants d’une telle qualité d’écoute. Une apogée.
Secret Chiefs 3 play « Masada »
Trey Spruance, Jason Schimmel (elg), Matt Lebofsky (cla), Eyvind Kang (vln), Shanir Blumenkranz (elb), Kenny Grohowsky, Ches Smith (dm, perc)
Voici quelques années que le collectif mené par Trey Spruance reprend la musique de John Zorn, sous la direction de celui-ci et parallèlement à ses propres travaux. C’était le cas à Marciac en 2012, avec un line-up différent. Ches Smith en était déjà, mais pas Eyvind Kang, violoniste apprécié chez Bill Frisell, et ici l’un des principaux solistes. Smith et Kenny Grohowski alternent entre percussions et batterie, échangeant fréquemment leur place (le seul Smith jouant aussi du vibraphone). Le répertoire angélique est passé à la moulinette des musiques de film d’épouvante et criminels italiens, passion que partagent Zorn, qui consacra un album à Ennio Morricone, et Spruance, qui publia une musique de film imaginaire reprenant tous les éléments de ces bandes-son des années 70. D’où ces sonorités de claviers d’un autre âge, aux confins de la parodie, sur des arrangements naviguant entre surf-rock et easy listening, batucada cosmique et fantaisie moyen-orientale. Une oasis de légèreté, qui conclut ces dix jours sur une note d’euphorie. David Cristol
Photos : Gulbenkian Música / Petra Cvelbar