Jazz em Agosto : Marc Ducret Real Thing # 3
Cette soirée est consacrée au projet « Tower » que Marc Ducret initia en 2009 et dont le matériau interprété par différentes formations a été documenté sur plusieurs albums. Des commentaires élogieux ont accompagné ces enregistrements comme les concerts donnés autour de ces compositions (inspirées, pour rappel, par « Ada » de Vladimir Nabokov). Cette date portugaise a permis, selon qu’on en soit déjà connaisseur ou que l’on vienne la découvrir, d’éprouver la validité de l’entreprise.
Lundi 4 août 2014, Amphithéâtre du Musée Gulbenkian, Lisbonne.
Marc Ducret (elg), Fidel Fourneyron (tb), Matthias Mahler (tb), Alexis Persignan (tb), Antonin Rayon (p), Sylvain Lemêtre (vib, mar, perc).
A peu près néophyte en ce qui concerne Marc Ducret, c’est sans idée préconçue – sinon les échos favorables rencontrés par ce projet dans la presse – que je m’installais sur les bancs de pierre de l’amphitéâtre. Face à l’inconnu, le jeu des comparaisons débute spontanément, le cerveau ayant besoin de quelques repères pour traiter l’information qui lui parvient. Ainsi, la première pièce, Real Thing # 1, qui débute sans les trombones, évoque certaines séances de « Cobra », fameuse série de conductions de John Zorn, mélange d’écriture et d’improvisation. Ici, les musiciens portent une attention soutenue à des partitions que l’on devine complexes.
C’est un foisonnement à la structure élaborée, des motifs successifs aux textures scintillantes (belles couleurs amenées par le percussionniste-vibraphoniste), un kaléidoscope rythmique emmené par le jeu du leader, qu’un feeling rock innerve toujours mais qui ne se laisse gagner par aucune propension à l’excès, qui s’offrent à l’ouïe. C’est sans doute enfoncer une porte ouverte que de le dire, mais il y a quelque chose du travail de Frank Zappa dans le caractère mouvementé, l’ampleur et la témérité de l’entreprise. Plus loin, ce seront les miroitements magiques d’Olivier Messiaen qui chatoieront momentanément. Chaque tromboniste se signale par un mode de jeu et une sonorité distincts – vélocité de Fidel Fourneyron, grands écarts de Matthias Mahler, rondeur plus proche du jazz pour Alexis Persignan. Le terrain exploré est vaste, les lignes bougent, les segments s’imbriquent, la géographie se transforme et les morceaux de bravoure s’enchaînent. Les passages approchant l’idiome jazz ne surgissent que sporadiquement et presque par accident. Ce sont autant de paysages extra-terrestres qui se dessinent, dont les formes inouïes et mélodies en diagonale enchantent les sens. Il est impossible de prédire ce qui va se produire l’instant d’après, et pourtant l’ensemble est sous-tendu par une architecture à toute épreuve, qu’il n’est cependant pas nécessaire de connaître pour en apprécier le fruit.
Le début de Real Thing # 2 arbore des airs de bande originale de film à suspense (on se prend à rêver à un monde où les soundtracks de thrillers seraient signées Marc Ducret plutôt qu’Hans Zimmer), avec son rythme clairement énoncé et son opulence texturale. Il faut mentionner le régal permanent que procure la pureté du son de la guitare. Surprise et plaisir encore que de retrouver dans ce contexte Antonin Rayon au piano, entendu récemment à l’orgue Hammond dans le quartette franco-américain de Richard Bonnet. Quant au compositeur, placé derrière les bones (comme dirait Frédéric Goaty, cf. son entretien avec le tromboniste Robin Eubanks dans notre numéro d’août), il dirige discrètement les opérations du geste ou de la parole, sans cesser de jouer. Les moments admirables se succèdent, parmi lesquels un arrangement évoquant une nappe de cordes, ici obtenue par un unisson entre les trombones et la guitare (laquelle produit un effet proche des ondes Martenot). La somptuosité acoustique laisse parfois la place à des strophes plus ascétiques sur Softly her Tower Crumbled in the Sweet Silent Sun, contribuant au singulier relief de cette musique. Sur l’électricité et Real Thing # 3, pas moins énigmatiquement charpentés que ce qui précède, entraînent le même ravissement. C’est d’autant plus remarquable que – je ne le sus qu’après – les risques de plantage étaient réels, de mauvais auspices annonçant quelque catastrophe qui heureusement n’eut pas lieu, un bagage contenant les partitions de deux des musiciens ayant été égaré par la compagnie aérienne, entre autres contretemps. Non seulement la prestation ne s’en ressentit pas du tout, mais ce qu’il faut bien qualifier d’état de grâce s’empara des compagnons d’infortune le temps d’un set sans le moindre pépin. Le pouvoir de la musique, sans doute.
David Cristol|Cette soirée est consacrée au projet « Tower » que Marc Ducret initia en 2009 et dont le matériau interprété par différentes formations a été documenté sur plusieurs albums. Des commentaires élogieux ont accompagné ces enregistrements comme les concerts donnés autour de ces compositions (inspirées, pour rappel, par « Ada » de Vladimir Nabokov). Cette date portugaise a permis, selon qu’on en soit déjà connaisseur ou que l’on vienne la découvrir, d’éprouver la validité de l’entreprise.
Lundi 4 août 2014, Amphithéâtre du Musée Gulbenkian, Lisbonne.
Marc Ducret (elg), Fidel Fourneyron (tb), Matthias Mahler (tb), Alexis Persignan (tb), Antonin Rayon (p), Sylvain Lemêtre (vib, mar, perc).
A peu près néophyte en ce qui concerne Marc Ducret, c’est sans idée préconçue – sinon les échos favorables rencontrés par ce projet dans la presse – que je m’installais sur les bancs de pierre de l’amphitéâtre. Face à l’inconnu, le jeu des comparaisons débute spontanément, le cerveau ayant besoin de quelques repères pour traiter l’information qui lui parvient. Ainsi, la première pièce, Real Thing # 1, qui débute sans les trombones, évoque certaines séances de « Cobra », fameuse série de conductions de John Zorn, mélange d’écriture et d’improvisation. Ici, les musiciens portent une attention soutenue à des partitions que l’on devine complexes.
C’est un foisonnement à la structure élaborée, des motifs successifs aux textures scintillantes (belles couleurs amenées par le percussionniste-vibraphoniste), un kaléidoscope rythmique emmené par le jeu du leader, qu’un feeling rock innerve toujours mais qui ne se laisse gagner par aucune propension à l’excès, qui s’offrent à l’ouïe. C’est sans doute enfoncer une porte ouverte que de le dire, mais il y a quelque chose du travail de Frank Zappa dans le caractère mouvementé, l’ampleur et la témérité de l’entreprise. Plus loin, ce seront les miroitements magiques d’Olivier Messiaen qui chatoieront momentanément. Chaque tromboniste se signale par un mode de jeu et une sonorité distincts – vélocité de Fidel Fourneyron, grands écarts de Matthias Mahler, rondeur plus proche du jazz pour Alexis Persignan. Le terrain exploré est vaste, les lignes bougent, les segments s’imbriquent, la géographie se transforme et les morceaux de bravoure s’enchaînent. Les passages approchant l’idiome jazz ne surgissent que sporadiquement et presque par accident. Ce sont autant de paysages extra-terrestres qui se dessinent, dont les formes inouïes et mélodies en diagonale enchantent les sens. Il est impossible de prédire ce qui va se produire l’instant d’après, et pourtant l’ensemble est sous-tendu par une architecture à toute épreuve, qu’il n’est cependant pas nécessaire de connaître pour en apprécier le fruit.
Le début de Real Thing # 2 arbore des airs de bande originale de film à suspense (on se prend à rêver à un monde où les soundtracks de thrillers seraient signées Marc Ducret plutôt qu’Hans Zimmer), avec son rythme clairement énoncé et son opulence texturale. Il faut mentionner le régal permanent que procure la pureté du son de la guitare. Surprise et plaisir encore que de retrouver dans ce contexte Antonin Rayon au piano, entendu récemment à l’orgue Hammond dans le quartette franco-américain de Richard Bonnet. Quant au compositeur, placé derrière les bones (comme dirait Frédéric Goaty, cf. son entretien avec le tromboniste Robin Eubanks dans notre numéro d’août), il dirige discrètement les opérations du geste ou de la parole, sans cesser de jouer. Les moments admirables se succèdent, parmi lesquels un arrangement évoquant une nappe de cordes, ici obtenue par un unisson entre les trombones et la guitare (laquelle produit un effet proche des ondes Martenot). La somptuosité acoustique laisse parfois la place à des strophes plus ascétiques sur Softly her Tower Crumbled in the Sweet Silent Sun, contribuant au singulier relief de cette musique. Sur l’électricité et Real Thing # 3, pas moins énigmatiquement charpentés que ce qui précède, entraînent le même ravissement. C’est d’autant plus remarquable que – je ne le sus qu’après – les risques de plantage étaient réels, de mauvais auspices annonçant quelque catastrophe qui heureusement n’eut pas lieu, un bagage contenant les partitions de deux des musiciens ayant été égaré par la compagnie aérienne, entre autres contretemps. Non seulement la prestation ne s’en ressentit pas du tout, mais ce qu’il faut bien qualifier d’état de grâce s’empara des compagnons d’infortune le temps d’un set sans le moindre pépin. Le pouvoir de la musique, sans doute.
David Cristol|Cette soirée est consacrée au projet « Tower » que Marc Ducret initia en 2009 et dont le matériau interprété par différentes formations a été documenté sur plusieurs albums. Des commentaires élogieux ont accompagné ces enregistrements comme les concerts donnés autour de ces compositions (inspirées, pour rappel, par « Ada » de Vladimir Nabokov). Cette date portugaise a permis, selon qu’on en soit déjà connaisseur ou que l’on vienne la découvrir, d’éprouver la validité de l’entreprise.
Lundi 4 août 2014, Amphithéâtre du Musée Gulbenkian, Lisbonne.
Marc Ducret (elg), Fidel Fourneyron (tb), Matthias Mahler (tb), Alexis Persignan (tb), Antonin Rayon (p), Sylvain Lemêtre (vib, mar, perc).
A peu près néophyte en ce qui concerne Marc Ducret, c’est sans idée préconçue – sinon les échos favorables rencontrés par ce projet dans la presse – que je m’installais sur les bancs de pierre de l’amphitéâtre. Face à l’inconnu, le jeu des comparaisons débute spontanément, le cerveau ayant besoin de quelques repères pour traiter l’information qui lui parvient. Ainsi, la première pièce, Real Thing # 1, qui débute sans les trombones, évoque certaines séances de « Cobra », fameuse série de conductions de John Zorn, mélange d’écriture et d’improvisation. Ici, les musiciens portent une attention soutenue à des partitions que l’on devine complexes.
C’est un foisonnement à la structure élaborée, des motifs successifs aux textures scintillantes (belles couleurs amenées par le percussionniste-vibraphoniste), un kaléidoscope rythmique emmené par le jeu du leader, qu’un feeling rock innerve toujours mais qui ne se laisse gagner par aucune propension à l’excès, qui s’offrent à l’ouïe. C’est sans doute enfoncer une porte ouverte que de le dire, mais il y a quelque chose du travail de Frank Zappa dans le caractère mouvementé, l’ampleur et la témérité de l’entreprise. Plus loin, ce seront les miroitements magiques d’Olivier Messiaen qui chatoieront momentanément. Chaque tromboniste se signale par un mode de jeu et une sonorité distincts – vélocité de Fidel Fourneyron, grands écarts de Matthias Mahler, rondeur plus proche du jazz pour Alexis Persignan. Le terrain exploré est vaste, les lignes bougent, les segments s’imbriquent, la géographie se transforme et les morceaux de bravoure s’enchaînent. Les passages approchant l’idiome jazz ne surgissent que sporadiquement et presque par accident. Ce sont autant de paysages extra-terrestres qui se dessinent, dont les formes inouïes et mélodies en diagonale enchantent les sens. Il est impossible de prédire ce qui va se produire l’instant d’après, et pourtant l’ensemble est sous-tendu par une architecture à toute épreuve, qu’il n’est cependant pas nécessaire de connaître pour en apprécier le fruit.
Le début de Real Thing # 2 arbore des airs de bande originale de film à suspense (on se prend à rêver à un monde où les soundtracks de thrillers seraient signées Marc Ducret plutôt qu’Hans Zimmer), avec son rythme clairement énoncé et son opulence texturale. Il faut mentionner le régal permanent que procure la pureté du son de la guitare. Surprise et plaisir encore que de retrouver dans ce contexte Antonin Rayon au piano, entendu récemment à l’orgue Hammond dans le quartette franco-américain de Richard Bonnet. Quant au compositeur, placé derrière les bones (comme dirait Frédéric Goaty, cf. son entretien avec le tromboniste Robin Eubanks dans notre numéro d’août), il dirige discrètement les opérations du geste ou de la parole, sans cesser de jouer. Les moments admirables se succèdent, parmi lesquels un arrangement évoquant une nappe de cordes, ici obtenue par un unisson entre les trombones et la guitare (laquelle produit un effet proche des ondes Martenot). La somptuosité acoustique laisse parfois la place à des strophes plus ascétiques sur Softly her Tower Crumbled in the Sweet Silent Sun, contribuant au singulier relief de cette musique. Sur l’électricité et Real Thing # 3, pas moins énigmatiquement charpentés que ce qui précède, entraînent le même ravissement. C’est d’autant plus remarquable que – je ne le sus qu’après – les risques de plantage étaient réels, de mauvais auspices annonçant quelque catastrophe qui heureusement n’eut pas lieu, un bagage contenant les partitions de deux des musiciens ayant été égaré par la compagnie aérienne, entre autres contretemps. Non seulement la prestation ne s’en ressentit pas du tout, mais ce qu’il faut bien qualifier d’état de grâce s’empara des compagnons d’infortune le temps d’un set sans le moindre pépin. Le pouvoir de la musique, sans doute.
David Cristol|Cette soirée est consacrée au projet « Tower » que Marc Ducret initia en 2009 et dont le matériau interprété par différentes formations a été documenté sur plusieurs albums. Des commentaires élogieux ont accompagné ces enregistrements comme les concerts donnés autour de ces compositions (inspirées, pour rappel, par « Ada » de Vladimir Nabokov). Cette date portugaise a permis, selon qu’on en soit déjà connaisseur ou que l’on vienne la découvrir, d’éprouver la validité de l’entreprise.
Lundi 4 août 2014, Amphithéâtre du Musée Gulbenkian, Lisbonne.
Marc Ducret (elg), Fidel Fourneyron (tb), Matthias Mahler (tb), Alexis Persignan (tb), Antonin Rayon (p), Sylvain Lemêtre (vib, mar, perc).
A peu près néophyte en ce qui concerne Marc Ducret, c’est sans idée préconçue – sinon les échos favorables rencontrés par ce projet dans la presse – que je m’installais sur les bancs de pierre de l’amphitéâtre. Face à l’inconnu, le jeu des comparaisons débute spontanément, le cerveau ayant besoin de quelques repères pour traiter l’information qui lui parvient. Ainsi, la première pièce, Real Thing # 1, qui débute sans les trombones, évoque certaines séances de « Cobra », fameuse série de conductions de John Zorn, mélange d’écriture et d’improvisation. Ici, les musiciens portent une attention soutenue à des partitions que l’on devine complexes.
C’est un foisonnement à la structure élaborée, des motifs successifs aux textures scintillantes (belles couleurs amenées par le percussionniste-vibraphoniste), un kaléidoscope rythmique emmené par le jeu du leader, qu’un feeling rock innerve toujours mais qui ne se laisse gagner par aucune propension à l’excès, qui s’offrent à l’ouïe. C’est sans doute enfoncer une porte ouverte que de le dire, mais il y a quelque chose du travail de Frank Zappa dans le caractère mouvementé, l’ampleur et la témérité de l’entreprise. Plus loin, ce seront les miroitements magiques d’Olivier Messiaen qui chatoieront momentanément. Chaque tromboniste se signale par un mode de jeu et une sonorité distincts – vélocité de Fidel Fourneyron, grands écarts de Matthias Mahler, rondeur plus proche du jazz pour Alexis Persignan. Le terrain exploré est vaste, les lignes bougent, les segments s’imbriquent, la géographie se transforme et les morceaux de bravoure s’enchaînent. Les passages approchant l’idiome jazz ne surgissent que sporadiquement et presque par accident. Ce sont autant de paysages extra-terrestres qui se dessinent, dont les formes inouïes et mélodies en diagonale enchantent les sens. Il est impossible de prédire ce qui va se produire l’instant d’après, et pourtant l’ensemble est sous-tendu par une architecture à toute épreuve, qu’il n’est cependant pas nécessaire de connaître pour en apprécier le fruit.
Le début de Real Thing # 2 arbore des airs de bande originale de film à suspense (on se prend à rêver à un monde où les soundtracks de thrillers seraient signées Marc Ducret plutôt qu’Hans Zimmer), avec son rythme clairement énoncé et son opulence texturale. Il faut mentionner le régal permanent que procure la pureté du son de la guitare. Surprise et plaisir encore que de retrouver dans ce contexte Antonin Rayon au piano, entendu récemment à l’orgue Hammond dans le quartette franco-américain de Richard Bonnet. Quant au compositeur, placé derrière les bones (comme dirait Frédéric Goaty, cf. son entretien avec le tromboniste Robin Eubanks dans notre numéro d’août), il dirige discrètement les opérations du geste ou de la parole, sans cesser de jouer. Les moments admirables se succèdent, parmi lesquels un arrangement évoquant une nappe de cordes, ici obtenue par un unisson entre les trombones et la guitare (laquelle produit un effet proche des ondes Martenot). La somptuosité acoustique laisse parfois la place à des strophes plus ascétiques sur Softly her Tower Crumbled in the Sweet Silent Sun, contribuant au singulier relief de cette musique. Sur l’électricité et Real Thing # 3, pas moins énigmatiquement charpentés que ce qui précède, entraînent le même ravissement. C’est d’autant plus remarquable que – je ne le sus qu’après – les risques de plantage étaient réels, de mauvais auspices annonçant quelque catastrophe qui heureusement n’eut pas lieu, un bagage contenant les partitions de deux des musiciens ayant été égaré par la compagnie aérienne, entre autres contretemps. Non seulement la prestation ne s’en ressentit pas du tout, mais ce qu’il faut bien qualifier d’état de grâce s’empara des compagnons d’infortune le temps d’un set sans le moindre pépin. Le pouvoir de la musique, sans doute.
David Cristol