Jazz em Agosto : Trigger, Craig Taborn, Brian Marsella Trio
Triple portion de Bagatelles. Trigger, trio hardcore pur jus emmené par un bassiste-locomotive, nous lyophilise, puis deux pianistes aux antipodes nous réhydratent.
4 août
Trigger plays “Bagatelles” + “Apparitions”
Simon Hanes (elb), Will Greene (elg), Aaron Edgcomb (dm)
Un set implacable, dont la brièveté est la bonne dose : 35 minutes et un petit rappel. Pas une seconde de trop ni un moment d’inattention. Si le bassiste se tortille dans tous les sens, le batteur se signale par une apparence très posée alors même qu’il libère tous les démons de l’enfer. Une nouvelle fois, on constate que l’implication des musiciens fait la différence, quel que soit le genre abordé. L’énergie thermonucléaire doublée de la phénoménale acuité de Trigger (« gâchette », tout un programme) a su séduire John Zorn. Difficile de trouver meilleure école. Le trio en laisse plus d’un sur les rotules, certains déclarant forfait dès le premier titre. L’équivalent musical du crash test.
Craig Taborn
Craig Taborn (p)
Le pianiste s’enduit en préambule d’un spray maison, composé d’huiles essentielles et destiné à tenir à distance fourmis volantes et autres insectes, d’autant que ceux-ci n’ont pas réservé leur billet. A l’opposé du set d’improvisation libre de l’avant-veille, Craig Taborn a de quoi se mettre sous la dent en termes de partitions à incarner. Ce dont il s’acquitte brillamment – un pléonasme – et mieux, en les faisant siennes. Pour l’avoir entendu une dizaine de fois, je suis admiratif de sa capacité à ne jamais se répéter. Versé dans la musique de Zorn depuis l’âge de 13 ans, Taborn a signé l’un des chapitres les plus inattendus du Book of Angels, avec Christian McBride à la contrebasse. C’est en solo qu’il lit ici des Bagatelles aux contours variés, autant d’occasions de laisser s’épanouir son talent polymorphe, le piano approché sous différents angles, de la modernité abstruse au romantisme assumé. Le trio de Marsella accourt vers la scène tandis que Taborn esquisse quelques pas de danse, salue et file d’un pas allègre.
Brian Marsella Trio
Brian Marsella (p), Trevor Dunn (b), Kenny Wollesen (dm)
Brian Marsella (des groupes Zion 80 et Banquet of the Spirits) se montre nettement plus convaincant que sur l’avant-dernier volume de la série des Book of Angels. Le répertoire a changé, puisqu’il s’agit-là des Bagatelles, éloignées de l’univers de Masada tout en gardant la marque du Z. Ce latin-jazz bondissant est porté par un pianiste volubile dans le sillage d’un Uri Caine, avec un Kenny Wollesen survolté et un Trevor Dunn impérial. Une généreuse cascade de notes, des conclusions bien ficelées, du panache. L’influence de Thelonious Monk plane sur quelques compositions. Après un rappel en solo, Marsella est rejoint par le trio pour une pièce toute en échauffourées, évoquant quelque chute de dominos perpétuelle. Ce concert captivant suscite la ferveur du public, lequel se précipite au stand de disques et fait une razzia sur ceux de Marsella et Taborn. Nous voilà réconciliés avec un pianiste que l’on allait écouter à reculons. David Cristol
Photos : Gulbenkian Música / Petra Cvelbar