Jazz live
Publié le 18 Sep 2023

Jazz in St Rémy édition 2023

Trois groupes présélectionnés

Retour à St Rémy de Provence au coeur de ce triangle d’or des Alpilles pour ma deuxième année au festival de St Rémy de Provence. Un festival bon enfant emmené par Bernard Chambre, le directeur artistique et pris en charge par une équipe formidable de bénévoles qui se déploient sur tous les fronts, chauffeurs, photographe, accueil public et contrôle billets, catering, technique…tous à leur poste avec efficacité et générosité pour que ces soirées soient réussies! Le festival existe sous sa forme actuelle depuis 2008 mais en cette année un peu particulière, on fête les dix ans à l’Alpilium, la salle des fêtes ( concerts et diverses manifestations), véritable camp de base où oeuvrent bénévoles et techniciens avec une jauge confortable de 400 places modulable.

Jeudi 14 Septembre

TREMPLIN JEUNES JAZZ REGION SUD Alpilium, 20h30.

Pour la soirée d’ouverture, l’association innove avec une Scène ouverte aux jeunes talents locaux . Trois groupes ont été pré-sélectionnés sur les neuf ayant répondu à l’appel à participation. Un choix judicieux de groupes d’esthétiques différentes fait découvrir de nouveaux talents sans la pression, dans la salle, au coeur du public.

Saluons l’initiative qui encourage de jeunes musiciens de jazz, entre 21 et 29 ans, à se lancer dans ce concours, intéressant espace d’expression pour s’affronter amicalement. Le tremplin offre de belles perspectives : le groupe lauréat pourra enregistrer un EP au studio Record your band à Tarascon, bénéficiera d’un accompagnement par le label Art District Music. Le gagnant se produira une soirée à l’AJMI avignonnais, la scène locale jazz, partenaire de l’opération; il fera également la première partie du concert d’hiver 2024 de Jazz à St Rémy.

Les groupes ont quarante minutes pour convaincre un jury de professionnels ( Dom Jazz Dom’Jazz – Une passion nommée Jazz (domjazz.com) , Le Jazzophone Le journal du Jazz : informations, actualités et concerts (lejazzophone.com), le label Art District Music Art District Music (artdistrict-music.com), l’AJMI AJMI — Le meilleur moyen d’écouter du jazz c’est d’en voir ! ). Sans oublier deux membres de l’association de Jazz à St Rémy, Denis Nodin ( Régisseur et responsable de la logistique transport) et l’initiateur du projet Patrick Martineau, photographe responsable de la com et Président du Jury.

Ces jeunes musiciens n’ont pas encore enregistré de CD et ils doivent présenter dans leur programme, en plus de leurs compositions, un standard “Recorda me” de Joe Henderson (1963), propice aux variations. Qu’il repartent gagnants ou pas, les groupes remercieront les organisateurs et l’équipe de la qualité de l’accueil, la convivialité de la manifestation, conscients de la chance de participer à cette scène ouverte.

Seamanship

Elouan Richard guitare, Max Parato contrebasse, Paul Scapilatti batterie.

Le premier groupe nous emmène en voyage, au fil de l’eau puisqu’il s’agit de Seamanship, équipage guitare-basse-batterie dont les compositions émanent du guitariste d’origine bretonne Elouan Richard inspiré par Bill Frisell et J. Kreisberg. On plonge dans une évocation sensible, impressionniste, des poèmes musicaux liés à la mer : un “Sunset over sea” méditatif, “Flying Fish” plus vif, “Back home” ou le retour après un voyage au long cours. Jouant sur les effets électroniques intéressants d’une contrebasse souple et d’une guitare que l’on aurait aimé plus imprévisible, cette atmosphère romanesque a de quoi plaire. Mais le groupe semble mal à l’aise, comme perdu sur cette grande scène et ne parvient pas à exprimer tout son potentiel. Le standard est joué avec une exposition du thème de ce classique de la bossa puis un développement sagement élégant de la guitare et de la contrebasse auquel la batterie finit par se joindre.

Fa.S.eR TRIo

Max Atger (sax ténor), Nathan Bruel (basse électrique), Ugo Deschamps ( batterie)

Un drôle de titre au graphisme recherché qui correspond aux recherches expérimentales de son leader, le saxophoniste Maxime Atger qui aime jouer avec le phénomène de “phase”, qui considère les effets électroniques comme une extension du trio ( saxophone ténor, basse électrique, batterie ).

Le contraste est tout de suite perceptible. De l’aisance, un vrai son de groupe, un esprit collectif, le musiciens sont en phase en effet, rapprochés et visuellement le trio fait le show d’une certaine manière : un bassiste au look impayable, en combinaison de pompiste (version Pete Townshend). La comparaison avec les Who ne s’arrête d’ailleurs pas là: s’il n’a pas l’impassibilité du bassiste John Entwhistle qu’il avouera admirer, il secoue sa tête chevelue comme Keith Moon. Le batteur tout jeune, derrière un set des plus simples, tient la baraque à la seule force des baguettes, imposant un rythme plus que soutenu, pilonnant et martelant de bon coeur au coeur de la forge avec de la matière à tordre, des sons à fondre. Le saxophoniste grand et très droit a beaucoup d’allure, il papillonne de ses bras, un peu comme Emile Parisien, use de ses pédales, loops)pour élargir l’espace sonore, donner du souffle et de l’amplitude aux sons. C’est lui qui expose le thème de “Recorda me” de façon très intelligible avant que le groupe ne transforme le standard à sa manière, en introduisant un mécanisme répétitif, une transe inspirée de la fréquentation des gnawas marocains. Une seule ballade du bassiste ralentit de façon bienvenue le tempo, délicate pause où la tournerie s’installe de façon subtile jusqu’à épuisement des sons et du souffle.

Voilà un groupe structuré, déjà professionnel, parfaitement en place qui a compris le principe du collectif. Où chacun s’exalte dans son rôle, parfaitement défini. Avec un sens de la scène et une présentation orale convaincante, leur performance tient la route.

TROPICAL JINGA

Tropical Jinga

Lillie Beauvallet chant, Julien Jaillet claviers, Florian Giraud-Heraud basse, Zargan Stavron batterie.

Après l’inévitable changement de plateau, voilà le dernier groupe issu de l’IMFP de Salon. Inspiré par un jazz plus urbain, plus tonal avec moins de modulations harmoniques, il s’est signalé par une vidéo qui a retenu l’attention. Pour l’anecdote, je demande la signification du titre, le “jinga” étant un jeu de balle au pied que nos quatre complices pratiquent en rond, en s’entraînant. Le groupe soutient sa chanteuse qui présente ses chansons mais musique et texte ne convainquent pas sur la durée malgré des effets intéressants aux claviers maître et Nord Stage : ça tourne, pas désagréable avec quelques faiblesses techniques au chant (élocution, aigus serrés). Est-ce un effet du trac et de la pression? Dommage car à la balance, le groupe avait produit une tout autre impression.

Tropical Jinga – Krooh Session (live) – YouTube

Comme un coup de théâtre, Bernard Chambre annonce à la fin du concours que le pianiste Mico Nissim (première partie de la soirée du lendemain) fait défection. Que faire? La solution trouvée est de faire jouer le vainqueur du tremplin. Le jury reste donc pour délibérer assez longuement, le public étant parti, prenant le temps de partager le ressenti de chaque groupe, même si le palmarès ne semble pas vraiment serré!

A suivre…

Sophie Chambon