Jazz live
Publié le 11 Juin 2022

Jazz pour l’Ukraine à l’Ecuje

 

Concert exceptionnel, à l’Ecuje (Espace culturel et universitaire juif d’Europe)  avec une affiche prestigieuse et inédite au service d’une juste cause : l’Ukraine.

Olga Amelchenko (sax alto), Dmitry Baevsky (sax alto), Hugo Lippi (guitare), Dan Nicholas (guitare), Pierre Marcoz (contrebasse), Diego Imbert (contrebasse), Steve Williams (batterie), Gautier Garrigues (batterie), Olivier Hutman (piano), Thomas Enhco (piano), Sarah Lazarus (chant), 9 juin 2022, L’Ecuje rue Lafayette 75010 Paris

Une des dernières affiches de l’Ecuje, pour clore en beauté une année très réussie (il reste un concert, jeudi 30 juin, Majik Malik). Sont réunis ce soir des musiciens qui pour la plupart n’avaient jamais joué ensemble. C’est pour la bonne cause: le concert, diffusé sur TSF, est au bénéfice de l’Ukraine. L’occasion d’entendre un magnifique duo, entre deux altistes, Dmitry Baevsky et Olga Amelchenko, tous deux d’origine russe : leur présence dans cette soirée pour l’Ukraine a une signification politique et humaine très forte.  Mais elle produit en outre une très belle alchimie musicale. Belles versions de In your own sweet way (Brubeck), de Bolivia (Cedar Walton). Chez ces deux altistes, deux virtuosités très complémentaires. Dmitry Baevsky déroule d’impeccables rubans be-bop. Olga Amelchenko a un jeu plus à fleur de peau, dérapages dans l’aigu, sonorité plus acérée. Rencontre passionnante.

On constate la même complémentarité chez les deux guitaristes qui partagent ensuite la scène : Hugo Lippi (rondeur du son, équilibre, nuances exquises) et Dan Nicholas (sonorité plus métallique, notes comme des éclats de diamant). Leur duo sur Chega de Saudade: une merveille.

Voilà deux musiciens qu’on aurait envie de réentendre ensemble, et de préférence pendant une soirée entière. Ensuite, les configurations changent, Pierre Marcoz et Diego Imbert se passent leur joujou,  Thomas Enhco succède au piano à Olivier Hutman (également co-organisateur de cette soirée). On assiste à un magnifique Nardis (Bill Evans) en duo par Dmitry Baevski et Thomas Enhco.

Chez Thomas Enhco le contraste est toujours étonnant entre la douceur angélique des traits et le swing irrésistible, la variété des phrases et des idées qui naissent sous ses doigts avec une nonchalance apparente. Les deux musiciens s’entendent à demi-mot. Leur funambulisme à deux se retrouve sur le morceau suivant, I remember you, qu’ils ne cessent de prolonger, comme deux amis qui retardent l’instant de se quitter.

La scène se reconfigure à nouveau, Olga Alemchenko engloutit Bye Bye Blackbird comme une part de cheesecake, la chanteuse Sara Lazarus choisit deux standards en dehors des sentiers battus, Sunshower (kenny Barron) et surtout Should I’ve been d’Abbey Lincoln. Le style vocal d’Abbey Lincoln, si particulier, si intense, avec ces mots scandés qui trouent le tissu mélodique de la chanson, est un défi ardu pour toute chanteuse. Il faut transposer, mais surtout pas imiter.

 

Sara Lazarus s’en sort très bien. Puisant dans la chaleur et dans l’énergie communicative de son chant, elle trouve un chemin personnel pour transmettre la méditation testamentaire écrite et interprétée par la grande Abbey.

 

Texte JF Mondot

Dessins AC Alvoët (autres dessins, peintures, gravures à découvrir sur son site www.annie-claire.com)