Jazz sur le Vif : JEAN-PHILIPPE VIRET, YARON HERMAN
Très belle soirée au studio 104 de la Maison de Radio France, même si le chroniqueur n’a pas échappé au cauchemar du retour tardif en banlieue pour cause, rituelle, de déficience du RER (voir comme de coutume en fin de chronique.…). En seconde partie le trio du pianiste Yaron Herman, et en début de soirée un trio… à quatre pour le contrebassiste Jean-Philippe Viret
JEAN-PHILIPPE VIRET «In Vivo»
Jean-Philippe Viret (contrebasse), Édouard Ferlet (piano, Fabrice Moreau (batterie). Invité : Antoine Banville (batterie)
Paris, Maison de la Radio (et de la Musique), 14 mai 2022, 19h30
Le groupe joue en partie le programme du tout récent CD « In Vivo » (publié par Mélisse, le label d’Édouard Ferlet). Ce concert fait retour sur les compositions des premiers CD du trio du contrebassiste (label Sketch, 2001, 2002…), dont le batteur était alors Antoine Banville, avec aussi une composition de celui qui lui a succédé, Fabrice Moreau.
Pour le premier titre, signé par Jean-Pḧilippe Viret, et en trio avec Antoine Banville à la batterie, c’est d’abord une introduction presque bruitiste, qui conjugue des modes de jeu singuliers, du bassiste d’abord, puis de ses partenaires. Vient le thème, avec ses développements lyriques, qui vont déterminer l’envol : c’est un trilogue presque permanent, les solos se fondent dans le collectif avec une sorte d’évidence. Dès ce premier instant la partie est gagnée : osmose, interaction, musicalité aussi fine que profonde.
Pour le thème suivant, composé par Fabrice Moreau qui s’est installé à sa batterie pour un second trio, on part d’une symphonie de timbres sur les toms et la caisse claire, pour déboucher ensuite sur une mélodie à la contrebasse, à l’archet, dont le dialogue avec le piano nous entraînerait presque du côté de Schubert, avant de bifurquer vers des rythmes presque caribéens.
Puis le trio devient quartette à deux batteries avec le retour d’Antoine Banville, qui signe cette composition que va introduire un dialogue entre les deux percussionnistes, et qui entraîne le groupe dans une sorte de danse rituelle : l’ombre d’Igor plane sur sur ce déchaînement de rythmes et de couleurs. Édouard Ferlet fait merveille, avec apparemment un traitement du haut médium du piano qui rend la sonorité un peu mate, et concourt à l’intensité du rebond.
Le pianiste signe la composition suivante, qui va osciller entre la lenteur méditative et des rythmes marqués par la répétition. Ensuite ça module et ça chante, et c’est un enchantement.
Et pour le dernier titre, de la plume du bassiste, ce sera encore une oscillation entre le lyrisme majestueux et les explosions de rythme jusqu’à une effervescence collective qui va nous saisir pour ne plus nous lâcher. Les musiciens, rappelés par un public enthousiaste, reviendront saluer et quitterons la scène pour permettre le changement de plateau pour le groupe suivant, avec un seul batteur. Ce fut un très beau moment de musique !
Le concert du groupe de Jean-Philippe Viret sera diffusé sur France Musique le 11 juin, à 19h, dans l’émission ‘Jazz Club’
YARON HERMAN TRIO
Yaron Herman (piano), Florent Nisse (contrebasse), Ziv Ravitz (batterie)
Paris, Maison de la Radio (et de la Musique), 14 mai 2022, 20h45
Pour la seconde partie de concert, le mode de fonctionnement du groupe est différent : même s’il existe une relation musicale privilégiée entre le pianiste et son batteur, ami de très longue date, et si le contrebassiste joue brillamment son rôle dans la configuration du trio, c’est Yaron Herman qui mène la danse, parfois d’une manière très autocentrée. Il part en solo sur des contours mélodiques, simples et directs, mais qui se métamorphosent à la faveur du dialogue entre les deux mains. Sa science de l’utilisation des pédales d’expression est confondante : on croirait parfois entendre un piano préparé alors que c’est cette maîtrise qui change les couleurs sonores, parfois même dans des traits rapides. Très vite cependant, le jeu collectif s’anime et s’enflamme. Le pianiste décolle de son siège, le batteur guette tous les instants de rebond, tandis que le contrebassiste assure une assise sans faille. On parcourt le temps d’une grosse heure de concert tous les territoires musicaux : ici c’est un thème chantant comme un standard aux harmonies affûtées qui se métamorphose en une sorte de choral, ailleurs on part en calypso, ou en jazz churchy, voire en pulsation funky, avant retour à un lyrisme lent et d’une belle intensité. Les dialogues sont nombreux avec le batteur, avec le bassiste aussi, et des jeux de questions-réponses en suspens. Soudain un stop chorus de piano qui nous entraîne du côté de Lennie Tristano, de son articulation tranchante et de ses accents vertigineux. Public emballé, et deux rappels, le premier d’une folle énergie avec un vif échange entre piano et batterie, et le second avec un doux cheminement entre nocturne romantique et prélude baroque, vers un crescendo plutôt intense, puis un decrescendo qui nous conduira vers la vraie conclusion du concert.
Xavier Prévost
Vers 22h20 le chroniqueur quitte la Maison de la Radio pour le rituel parcours du combattant banlieusard en route vers ses pénates, avec les habituelles suppressions de RER sur la ligne ‘E’ en soirée. Trois lignes de métro pour rallier la Seine-Saint-Denis, puis un bus qui aura du mal à accueillir tous les passagers à son bord : bousculades, violences verbales et physiques. Il faudra 2 heures pour arriver au terme du voyage, alors qu’en temps normal (ce qui est devenu très rare depuis deux ans!) il fallait moins d’une heure….