Jazz live
Publié le 23 Sep 2018

JAZZ SUR LE VIF : THE RECYCLERS, MICHEL PORTAL NEW QUINTET

Très belle ouverture de la saison ‘Jazz sur le Vif’ à Radio France, pour laquelle Arnaud Merlin nous proposait deux points de vue contrastés sur une vision extensive du jazz d’aujourd’hui.

Plaisir de retrouver la saison ‘Jazz sur le Vif’, et toujours questionnement, légèrement teinté d’inquiétude (pas d’angoisse, n’exagérons rien….) : quand les auditeurs de France Musique , ceux qui n’avaient pas la chance d’être au studio 104, auront-ils la possibilité (le plaisir !) d’écouter ce concert ? Leur faudra-t-il attendre l’été prochain ?

The Recyclers, pendant la balance

 

THE RECYCLERS

STEVE ARGÜELLES (batterie & percusions), BENOÎT DELBECQ (piano), CHRISTOPHE « DISCO » MINCK (guitare basse, n’goni, harpe , synthétiseur)

Paris, Maison de la Radio, studio 104, 22 septembre 2018, 20h30

Ce groupe est décidément, délicieusement et heureusement inclassable ! Il rénove, en une sorte de diagonale du fou, la perspective du trio piano-basse (et autres instruments)-batterie (et percussions). Pour ce concert, le programme est très majoritairement celui, signé par Steve Argüelles, du disque «Davout» (dstream/l’autre distribution), publié au début de l’année. La musique va s’installer par vagues successives, pièces brèves et tension progressive, comme le ferait un désir naissant. Avec Whammy, une phrase obstinée de piano va rencontrer une batterie à la pulsation constante (mais progressivement animée d’accents, d’écarts et d’accidents), puis le synthé auquel se mêle la guitare basse en sustain, sans que l’on sache toujours quelle est la source première. Au thème suivant, c’est un peu d’Afrique qui surgit, avec une ligne de basse au piano qui évoque Abdullah Ibrahim époque Dollar Brand, et un riche dialogue rythmique avec le batteur, où s’immiscent le synthé, puis le n’goni. Vient ensuite une séquence introduite par la harpe : musique hétérodoxe et mystérieuse, un peu d’Afrique encore, et un piano chargé d’harmonies ésotériques. Plus tard ce sera une séquence brève, intense et un peu funky, et au thème suivant un chemin escarpé vers la transe. Le concert se conclura, après une intro de synthé, par un dialogue rythmique crescendo entre le piano (préparé dans les graves et les aigus) et le n’goni. La tension monte, le n’goni s’évade et file de l’Afrique de l’Ouest vers l’Orient. Jubilation du public qui rappelle le trio pour une composition de Benoît Delbecq dédiée à Steve Lacy : nous avons voyagé dans les musique de Tous les Mondes.

 

MICHEL PORTAL NEW QUINTET

MICHEL PORTAL (clarinette basse, saxophone soprano), SAMUEL BLASER (trombone), Bojan Z (piano, piano électrique, synthétiseur), Bruon Chevillon (contrebasse), Jeff Ballard (batterie)

Paris, Maison de la Radio, studio 104, 22 septembre 2018, 22h)

Le groupe de Michel Portal attaque bille en tête avec No Hay, une composition assez récente inaugurée en mai 2017 au festival du Mans avec un nouveau quintette de même instrumentation (mais dont deux membres différaient), thème repris à Berlin par les mêmes le mois suivant, et à Hambourg en février dernier, mais cette fois le tromboniste était déjà Samuel Blaser. Le répertoire des concerts cités était d’ailleurs sensiblement le même que celui donné au studio 104 par ce nouveau quintette. Dès ce premier morceau, la musique est effervescente : après une intro rythmique sur les cordes étouffées du piano, Bojan s’embarque avec Chevillon et Ballard dans une pulsation irrépressible, laquelle va porter Portal (au soprano), puis Samuel Blaser, dans des escapades de haut vol. Quand vient le tour du pianiste, il va utiliser tous les registres de l’instrument, soutenu par des riffs des souffleurs, tandis que Jeff Ballard insuffle un drumming des plus vivants, et que Chevillon livre son tour de force favori : assurer les fondations tout en étant aussi inventif qu’un soliste. Bref, ça démarre très fort. Vient une composition de Bojan Z : intro de synthé, percussions dans le piano, et à la clarinette basse une mélodie dont le rythme accentué ne masque pas la mélancolie : mais on est bien vite du côté des danses balkaniques. Les souffleurs se déchaînent dans leurs solos, et derrière le trio pousse très fort, avant un retour conclusif à la mélancolie. Au fil du concert, la vivacité du propos et l’immersion totale des musiciens dans l’exigence de l’instant ne faiblira jamais. Même le très doux Max, mon amour sera porteur d’urgence. Après un thème qui fleure bon la Caraïbe, Michel Portal nous offrira des instants d’un lyrisme vertigineux. Les présents ne sont pas près d’oublier telle intro de basse avec médiator, modes de jeux hallucinants et virtuosité vraiment expressive, ou tel solo de trombone où le cuivré intense et la subtile nuance font bon ménage ; ni la jubilation avec laquelle Bojan cavale de la main droite sur le piano électrique tandis que la sénestre s’émancipe sur le piano acoustique ; sans parler de la façon dont Jeff Ballard est hyper connecté à l’intensité de l’instant musical. Bref, vous l’aurez compris, ce fut un beau moment de musique : France Musique, s’il te plaît, pense à nous le faire revivre dès que possible !

Xavier Prévost

Prochains concerts ‘Jazz sur le Vif’  au studio 104 : Richard Galliano solo et quartette le 13 octobre, et Aziza (Dave Holland, Chris Potter, Lionel Loueke & Eric Harland) le 17 novembre 2018.

Toute la saison ‘Jazz sur le Vif’ : https://www.maisondelaradio.fr/concerts-de-radio-france-saison-1819/jazz