Jazz live
Publié le 6 Juin 2017

JAZZ SUR LE VIF : VALEUREUX LIÉGEOIS

Pour l’avant-dernier concert de la saison jazz de Radio France, Arnaud Merlin accueillait une copieuse brochette liégeoise agrémentée d’une présence rouennaise : le Normand Laurent Dehors est en effet membre historique du Trio Grande qui assurait la première partie. Et la suite du concert accueillait l’inclassable Rêve d’Éléphant Orchestra.

Liège est un lieu historique pour le jazz d’Outre-Semois (pour changer un peu du Quiévrain, trop ressassé, et de la Scarpe, la Lys ou l’Escaut, plus ancrés en Pays flamand. Sans remonter à Fud Candrix (1908-1974) originaire du Limbourg flamand, mais qui étudia au Conservatoire Royal de Liège, on peut se rappeler la magnifique brochette du jazz d’après-guerre qui émergea dans cette ville (Bobby Jaspar, René Thomas, Jacques Pelzer, et le cousin ardennais « Fats » Sadi Lallemand), une équipe qui joua aussi un rôle très important sur la scène française, et fut bien représentée dans la vie musicale états-unienne. Pour ce concert, c’est la génération la plus proche, celle issue dans les années 70-80 du Conservatoire de Liège, qui tient l’affiche : celle qui bénéficia du dynamisme esthétique du compositeur Henri Pousseur, qui dirigeait le conservatoire, et de l’enseignement décisif du tromboniste Garrett List.

trio Grande

TRIO GRANDE

Michel Debrulle (batterie, percussion, voix), Laurent Dehors (saxophones ténor et soprano, petite clarinette, clarinette, clarinette basse, clarinette contrebasse, guimbarde, harmonica, voix), Michel Massot (soubassophone, euphonium, trombone, voix)

Paris, Maison de la Radio, studio 105, 3 juin 2017, 17h30

Il y eut naguère le Trio Bravo, qui associait Michel Debrulle et Michel Massot au saxophoniste Fabrizio Cassol. Quand ce dernier partit vers d’autres aventures musicales (Aka Moon), le tandem liégeois choisit de s’associer au Normand Laurent Dehors, rencontré par Michel Massot au sein du MegaOctet d’Andy Emler. Et par une facétieuse allusion au fleuve qui sépare le Texas du Mexique, et dont le nom diffère d’une rive à l’autre, naquit le Trio Grande, voici tout juste 25 ans. Un trio trop rare sur les scènes hexagonales : l’occasion de l’écouter était une véritable aubaine. Sur un répertoire issu de leur récent CD (« Les Trois Mousquetaires », De Werf W.E.R.F. 141, enregistré en août 2016), les vibrionnants orfèvres nous ont régalés de leur(s) fantaisie(s), en toute musicalité souvent virtuose : Roche Colombe, thème issu d’un disque antérieur (avec le pianiste Matthew Bourne) part d’un thème langoureux pour déboucher sur des improvisations « hors des clous » (out, diraient les anglophones). Dans le thème suivant clarinette basse et trombone jouent un cache-cache de contrechants alternés qui rappellent, mine de rien, qu’une musique d’inspiration populaire peut être infiniment savante. Chacun des musiciens évolue en parfaite liberté, sans jamais pourtant se défaire d’un inébranlable sens du collectif. La clarinette contrebasse et le soubassophone caracolent come des chevau-légers, et la batterie  pétille d’accents inattendus, de syncopes inespérées : c’est une musique de fête ! Toute l’histoire du jazz et des musiques populaires défile dans un joyeux désordre et la grosse caisse de Binche, taquinée par Michel Debrulle, vient rappeler discrètement l’attachement à la belgitude et au célèbre carnaval du Hainaut. Et le concert se termine comme souvent avec Valeureux Liégeois, allusion détournée à ce qui fut, à la fin du XVIIIème siècle, un hymne de résistance à l’occupation autrichienne.

Rêve salut final

RÊVE d’ÉLÉPHANT ORCHESTRA

Pierre Bernard (flûtes), Michel Debrulle (batterie, percussion), Nicolas Dechêne (guitares), Jean-Paul Estiévenart (trompette), Michel Massot (soubassophone, euphonium, trombone), Étienne Plumer (batterie, percussion, tablas, électronique), Stephan Pougin (batterie, percussion), Thierry Devillers (voix), David Hernandez (voix, danse)

Paris, Maison de la Radio, studio 105, 3 juin 2017, 19h

Premier concert en France pour ce nouveau programme avec invités, en l’occurrence la voix (et les textes) de Thierry Devillers, et la voix (la danse aussi) de David Hernandez. La musique, c’est celle du disque « Odyssée 14 » (De Werf W.E.R.F. 130, enregistré en avril 2015). De la musique, et des textes, signés par Thierry Devillers ou empruntés à William Burroughs, Arthur Rimbaud, Pablo Picassso…. Les musiques sont signées par le flûtiste Pierre Bernard, et par les deux Michel(s) : Debrulle et Massot. Empruntées aussi, à la Folia de Marin Marais, avec des accents qui rappellent la musique anglaise des 16ème et 17ème siècles ; et à une chanson de Robert Armin pour une comédie de Shakespeare. Bref, on est en plein(s) mélange(s), avec des surprises, des trompe-l’oreille et des fantaisies qui éblouissent. Musique très expressive, improvisations endiablées, chant expressionniste et diction enflammée, tout ici rappelle le Grand Art qui ne saurait être tiède. Un extrait de Parade de Rimbaud (Les illuminations), par la voix de Thierry Devillers, se pare d’allusions musicales furtives au Sacre du printemps de Stravinski, tandis que David Hernandez commente gestuellement par une sorte de break dance panoramique sur le proscenium. Inclassable assurément, et à tous égards, même si l’on entend l’écho, générationnel, du rock progressif, du jazz, de douceurs mélodiques californiennes…. Le tout porte l’empreinte, rêvée, d’un art total, et c’est une totale réussite, dont il serait heureux  que le public des festivals français puisse avoir connaissance, et jouissance !

Xavier Prévost

Pour approfondir la connaissance de cet univers, on peut se reporter au livre Sur la piste du Collectif du Lion, une aventure plus que musicale (Les Voies de la création culturelle n° 5, p-a-c agir pour la culture, Liège, 2015 ;  le site )

On peut aussi écouter le CD « Folles impatiences » du groupe ‘La Surprise du Chef’, qui rassemble autour de Michel Massot 10 jeunes instrumentistes (dont 7 musiciennes) issus du Conservatoire Royal de Liège ( Facebook )|Pour l’avant-dernier concert de la saison jazz de Radio France, Arnaud Merlin accueillait une copieuse brochette liégeoise agrémentée d’une présence rouennaise : le Normand Laurent Dehors est en effet membre historique du Trio Grande qui assurait la première partie. Et la suite du concert accueillait l’inclassable Rêve d’Éléphant Orchestra.

Liège est un lieu historique pour le jazz d’Outre-Semois (pour changer un peu du Quiévrain, trop ressassé, et de la Scarpe, la Lys ou l’Escaut, plus ancrés en Pays flamand. Sans remonter à Fud Candrix (1908-1974) originaire du Limbourg flamand, mais qui étudia au Conservatoire Royal de Liège, on peut se rappeler la magnifique brochette du jazz d’après-guerre qui émergea dans cette ville (Bobby Jaspar, René Thomas, Jacques Pelzer, et le cousin ardennais « Fats » Sadi Lallemand), une équipe qui joua aussi un rôle très important sur la scène française, et fut bien représentée dans la vie musicale états-unienne. Pour ce concert, c’est la génération la plus proche, celle issue dans les années 70-80 du Conservatoire de Liège, qui tient l’affiche : celle qui bénéficia du dynamisme esthétique du compositeur Henri Pousseur, qui dirigeait le conservatoire, et de l’enseignement décisif du tromboniste Garrett List.

trio Grande

TRIO GRANDE

Michel Debrulle (batterie, percussion, voix), Laurent Dehors (saxophones ténor et soprano, petite clarinette, clarinette, clarinette basse, clarinette contrebasse, guimbarde, harmonica, voix), Michel Massot (soubassophone, euphonium, trombone, voix)

Paris, Maison de la Radio, studio 105, 3 juin 2017, 17h30

Il y eut naguère le Trio Bravo, qui associait Michel Debrulle et Michel Massot au saxophoniste Fabrizio Cassol. Quand ce dernier partit vers d’autres aventures musicales (Aka Moon), le tandem liégeois choisit de s’associer au Normand Laurent Dehors, rencontré par Michel Massot au sein du MegaOctet d’Andy Emler. Et par une facétieuse allusion au fleuve qui sépare le Texas du Mexique, et dont le nom diffère d’une rive à l’autre, naquit le Trio Grande, voici tout juste 25 ans. Un trio trop rare sur les scènes hexagonales : l’occasion de l’écouter était une véritable aubaine. Sur un répertoire issu de leur récent CD (« Les Trois Mousquetaires », De Werf W.E.R.F. 141, enregistré en août 2016), les vibrionnants orfèvres nous ont régalés de leur(s) fantaisie(s), en toute musicalité souvent virtuose : Roche Colombe, thème issu d’un disque antérieur (avec le pianiste Matthew Bourne) part d’un thème langoureux pour déboucher sur des improvisations « hors des clous » (out, diraient les anglophones). Dans le thème suivant clarinette basse et trombone jouent un cache-cache de contrechants alternés qui rappellent, mine de rien, qu’une musique d’inspiration populaire peut être infiniment savante. Chacun des musiciens évolue en parfaite liberté, sans jamais pourtant se défaire d’un inébranlable sens du collectif. La clarinette contrebasse et le soubassophone caracolent come des chevau-légers, et la batterie  pétille d’accents inattendus, de syncopes inespérées : c’est une musique de fête ! Toute l’histoire du jazz et des musiques populaires défile dans un joyeux désordre et la grosse caisse de Binche, taquinée par Michel Debrulle, vient rappeler discrètement l’attachement à la belgitude et au célèbre carnaval du Hainaut. Et le concert se termine comme souvent avec Valeureux Liégeois, allusion détournée à ce qui fut, à la fin du XVIIIème siècle, un hymne de résistance à l’occupation autrichienne.

Rêve salut final

RÊVE d’ÉLÉPHANT ORCHESTRA

Pierre Bernard (flûtes), Michel Debrulle (batterie, percussion), Nicolas Dechêne (guitares), Jean-Paul Estiévenart (trompette), Michel Massot (soubassophone, euphonium, trombone), Étienne Plumer (batterie, percussion, tablas, électronique), Stephan Pougin (batterie, percussion), Thierry Devillers (voix), David Hernandez (voix, danse)

Paris, Maison de la Radio, studio 105, 3 juin 2017, 19h

Premier concert en France pour ce nouveau programme avec invités, en l’occurrence la voix (et les textes) de Thierry Devillers, et la voix (la danse aussi) de David Hernandez. La musique, c’est celle du disque « Odyssée 14 » (De Werf W.E.R.F. 130, enregistré en avril 2015). De la musique, et des textes, signés par Thierry Devillers ou empruntés à William Burroughs, Arthur Rimbaud, Pablo Picassso…. Les musiques sont signées par le flûtiste Pierre Bernard, et par les deux Michel(s) : Debrulle et Massot. Empruntées aussi, à la Folia de Marin Marais, avec des accents qui rappellent la musique anglaise des 16ème et 17ème siècles ; et à une chanson de Robert Armin pour une comédie de Shakespeare. Bref, on est en plein(s) mélange(s), avec des surprises, des trompe-l’oreille et des fantaisies qui éblouissent. Musique très expressive, improvisations endiablées, chant expressionniste et diction enflammée, tout ici rappelle le Grand Art qui ne saurait être tiède. Un extrait de Parade de Rimbaud (Les illuminations), par la voix de Thierry Devillers, se pare d’allusions musicales furtives au Sacre du printemps de Stravinski, tandis que David Hernandez commente gestuellement par une sorte de break dance panoramique sur le proscenium. Inclassable assurément, et à tous égards, même si l’on entend l’écho, générationnel, du rock progressif, du jazz, de douceurs mélodiques californiennes…. Le tout porte l’empreinte, rêvée, d’un art total, et c’est une totale réussite, dont il serait heureux  que le public des festivals français puisse avoir connaissance, et jouissance !

Xavier Prévost

Pour approfondir la connaissance de cet univers, on peut se reporter au livre Sur la piste du Collectif du Lion, une aventure plus que musicale (Les Voies de la création culturelle n° 5, p-a-c agir pour la culture, Liège, 2015 ;  le site )

On peut aussi écouter le CD « Folles impatiences » du groupe ‘La Surprise du Chef’, qui rassemble autour de Michel Massot 10 jeunes instrumentistes (dont 7 musiciennes) issus du Conservatoire Royal de Liège ( Facebook )|Pour l’avant-dernier concert de la saison jazz de Radio France, Arnaud Merlin accueillait une copieuse brochette liégeoise agrémentée d’une présence rouennaise : le Normand Laurent Dehors est en effet membre historique du Trio Grande qui assurait la première partie. Et la suite du concert accueillait l’inclassable Rêve d’Éléphant Orchestra.

Liège est un lieu historique pour le jazz d’Outre-Semois (pour changer un peu du Quiévrain, trop ressassé, et de la Scarpe, la Lys ou l’Escaut, plus ancrés en Pays flamand. Sans remonter à Fud Candrix (1908-1974) originaire du Limbourg flamand, mais qui étudia au Conservatoire Royal de Liège, on peut se rappeler la magnifique brochette du jazz d’après-guerre qui émergea dans cette ville (Bobby Jaspar, René Thomas, Jacques Pelzer, et le cousin ardennais « Fats » Sadi Lallemand), une équipe qui joua aussi un rôle très important sur la scène française, et fut bien représentée dans la vie musicale états-unienne. Pour ce concert, c’est la génération la plus proche, celle issue dans les années 70-80 du Conservatoire de Liège, qui tient l’affiche : celle qui bénéficia du dynamisme esthétique du compositeur Henri Pousseur, qui dirigeait le conservatoire, et de l’enseignement décisif du tromboniste Garrett List.

trio Grande

TRIO GRANDE

Michel Debrulle (batterie, percussion, voix), Laurent Dehors (saxophones ténor et soprano, petite clarinette, clarinette, clarinette basse, clarinette contrebasse, guimbarde, harmonica, voix), Michel Massot (soubassophone, euphonium, trombone, voix)

Paris, Maison de la Radio, studio 105, 3 juin 2017, 17h30

Il y eut naguère le Trio Bravo, qui associait Michel Debrulle et Michel Massot au saxophoniste Fabrizio Cassol. Quand ce dernier partit vers d’autres aventures musicales (Aka Moon), le tandem liégeois choisit de s’associer au Normand Laurent Dehors, rencontré par Michel Massot au sein du MegaOctet d’Andy Emler. Et par une facétieuse allusion au fleuve qui sépare le Texas du Mexique, et dont le nom diffère d’une rive à l’autre, naquit le Trio Grande, voici tout juste 25 ans. Un trio trop rare sur les scènes hexagonales : l’occasion de l’écouter était une véritable aubaine. Sur un répertoire issu de leur récent CD (« Les Trois Mousquetaires », De Werf W.E.R.F. 141, enregistré en août 2016), les vibrionnants orfèvres nous ont régalés de leur(s) fantaisie(s), en toute musicalité souvent virtuose : Roche Colombe, thème issu d’un disque antérieur (avec le pianiste Matthew Bourne) part d’un thème langoureux pour déboucher sur des improvisations « hors des clous » (out, diraient les anglophones). Dans le thème suivant clarinette basse et trombone jouent un cache-cache de contrechants alternés qui rappellent, mine de rien, qu’une musique d’inspiration populaire peut être infiniment savante. Chacun des musiciens évolue en parfaite liberté, sans jamais pourtant se défaire d’un inébranlable sens du collectif. La clarinette contrebasse et le soubassophone caracolent come des chevau-légers, et la batterie  pétille d’accents inattendus, de syncopes inespérées : c’est une musique de fête ! Toute l’histoire du jazz et des musiques populaires défile dans un joyeux désordre et la grosse caisse de Binche, taquinée par Michel Debrulle, vient rappeler discrètement l’attachement à la belgitude et au célèbre carnaval du Hainaut. Et le concert se termine comme souvent avec Valeureux Liégeois, allusion détournée à ce qui fut, à la fin du XVIIIème siècle, un hymne de résistance à l’occupation autrichienne.

Rêve salut final

RÊVE d’ÉLÉPHANT ORCHESTRA

Pierre Bernard (flûtes), Michel Debrulle (batterie, percussion), Nicolas Dechêne (guitares), Jean-Paul Estiévenart (trompette), Michel Massot (soubassophone, euphonium, trombone), Étienne Plumer (batterie, percussion, tablas, électronique), Stephan Pougin (batterie, percussion), Thierry Devillers (voix), David Hernandez (voix, danse)

Paris, Maison de la Radio, studio 105, 3 juin 2017, 19h

Premier concert en France pour ce nouveau programme avec invités, en l’occurrence la voix (et les textes) de Thierry Devillers, et la voix (la danse aussi) de David Hernandez. La musique, c’est celle du disque « Odyssée 14 » (De Werf W.E.R.F. 130, enregistré en avril 2015). De la musique, et des textes, signés par Thierry Devillers ou empruntés à William Burroughs, Arthur Rimbaud, Pablo Picassso…. Les musiques sont signées par le flûtiste Pierre Bernard, et par les deux Michel(s) : Debrulle et Massot. Empruntées aussi, à la Folia de Marin Marais, avec des accents qui rappellent la musique anglaise des 16ème et 17ème siècles ; et à une chanson de Robert Armin pour une comédie de Shakespeare. Bref, on est en plein(s) mélange(s), avec des surprises, des trompe-l’oreille et des fantaisies qui éblouissent. Musique très expressive, improvisations endiablées, chant expressionniste et diction enflammée, tout ici rappelle le Grand Art qui ne saurait être tiède. Un extrait de Parade de Rimbaud (Les illuminations), par la voix de Thierry Devillers, se pare d’allusions musicales furtives au Sacre du printemps de Stravinski, tandis que David Hernandez commente gestuellement par une sorte de break dance panoramique sur le proscenium. Inclassable assurément, et à tous égards, même si l’on entend l’écho, générationnel, du rock progressif, du jazz, de douceurs mélodiques californiennes…. Le tout porte l’empreinte, rêvée, d’un art total, et c’est une totale réussite, dont il serait heureux  que le public des festivals français puisse avoir connaissance, et jouissance !

Xavier Prévost

Pour approfondir la connaissance de cet univers, on peut se reporter au livre Sur la piste du Collectif du Lion, une aventure plus que musicale (Les Voies de la création culturelle n° 5, p-a-c agir pour la culture, Liège, 2015 ;  le site )

On peut aussi écouter le CD « Folles impatiences » du groupe ‘La Surprise du Chef’, qui rassemble autour de Michel Massot 10 jeunes instrumentistes (dont 7 musiciennes) issus du Conservatoire Royal de Liège ( Facebook )|Pour l’avant-dernier concert de la saison jazz de Radio France, Arnaud Merlin accueillait une copieuse brochette liégeoise agrémentée d’une présence rouennaise : le Normand Laurent Dehors est en effet membre historique du Trio Grande qui assurait la première partie. Et la suite du concert accueillait l’inclassable Rêve d’Éléphant Orchestra.

Liège est un lieu historique pour le jazz d’Outre-Semois (pour changer un peu du Quiévrain, trop ressassé, et de la Scarpe, la Lys ou l’Escaut, plus ancrés en Pays flamand. Sans remonter à Fud Candrix (1908-1974) originaire du Limbourg flamand, mais qui étudia au Conservatoire Royal de Liège, on peut se rappeler la magnifique brochette du jazz d’après-guerre qui émergea dans cette ville (Bobby Jaspar, René Thomas, Jacques Pelzer, et le cousin ardennais « Fats » Sadi Lallemand), une équipe qui joua aussi un rôle très important sur la scène française, et fut bien représentée dans la vie musicale états-unienne. Pour ce concert, c’est la génération la plus proche, celle issue dans les années 70-80 du Conservatoire de Liège, qui tient l’affiche : celle qui bénéficia du dynamisme esthétique du compositeur Henri Pousseur, qui dirigeait le conservatoire, et de l’enseignement décisif du tromboniste Garrett List.

trio Grande

TRIO GRANDE

Michel Debrulle (batterie, percussion, voix), Laurent Dehors (saxophones ténor et soprano, petite clarinette, clarinette, clarinette basse, clarinette contrebasse, guimbarde, harmonica, voix), Michel Massot (soubassophone, euphonium, trombone, voix)

Paris, Maison de la Radio, studio 105, 3 juin 2017, 17h30

Il y eut naguère le Trio Bravo, qui associait Michel Debrulle et Michel Massot au saxophoniste Fabrizio Cassol. Quand ce dernier partit vers d’autres aventures musicales (Aka Moon), le tandem liégeois choisit de s’associer au Normand Laurent Dehors, rencontré par Michel Massot au sein du MegaOctet d’Andy Emler. Et par une facétieuse allusion au fleuve qui sépare le Texas du Mexique, et dont le nom diffère d’une rive à l’autre, naquit le Trio Grande, voici tout juste 25 ans. Un trio trop rare sur les scènes hexagonales : l’occasion de l’écouter était une véritable aubaine. Sur un répertoire issu de leur récent CD (« Les Trois Mousquetaires », De Werf W.E.R.F. 141, enregistré en août 2016), les vibrionnants orfèvres nous ont régalés de leur(s) fantaisie(s), en toute musicalité souvent virtuose : Roche Colombe, thème issu d’un disque antérieur (avec le pianiste Matthew Bourne) part d’un thème langoureux pour déboucher sur des improvisations « hors des clous » (out, diraient les anglophones). Dans le thème suivant clarinette basse et trombone jouent un cache-cache de contrechants alternés qui rappellent, mine de rien, qu’une musique d’inspiration populaire peut être infiniment savante. Chacun des musiciens évolue en parfaite liberté, sans jamais pourtant se défaire d’un inébranlable sens du collectif. La clarinette contrebasse et le soubassophone caracolent come des chevau-légers, et la batterie  pétille d’accents inattendus, de syncopes inespérées : c’est une musique de fête ! Toute l’histoire du jazz et des musiques populaires défile dans un joyeux désordre et la grosse caisse de Binche, taquinée par Michel Debrulle, vient rappeler discrètement l’attachement à la belgitude et au célèbre carnaval du Hainaut. Et le concert se termine comme souvent avec Valeureux Liégeois, allusion détournée à ce qui fut, à la fin du XVIIIème siècle, un hymne de résistance à l’occupation autrichienne.

Rêve salut final

RÊVE d’ÉLÉPHANT ORCHESTRA

Pierre Bernard (flûtes), Michel Debrulle (batterie, percussion), Nicolas Dechêne (guitares), Jean-Paul Estiévenart (trompette), Michel Massot (soubassophone, euphonium, trombone), Étienne Plumer (batterie, percussion, tablas, électronique), Stephan Pougin (batterie, percussion), Thierry Devillers (voix), David Hernandez (voix, danse)

Paris, Maison de la Radio, studio 105, 3 juin 2017, 19h

Premier concert en France pour ce nouveau programme avec invités, en l’occurrence la voix (et les textes) de Thierry Devillers, et la voix (la danse aussi) de David Hernandez. La musique, c’est celle du disque « Odyssée 14 » (De Werf W.E.R.F. 130, enregistré en avril 2015). De la musique, et des textes, signés par Thierry Devillers ou empruntés à William Burroughs, Arthur Rimbaud, Pablo Picassso…. Les musiques sont signées par le flûtiste Pierre Bernard, et par les deux Michel(s) : Debrulle et Massot. Empruntées aussi, à la Folia de Marin Marais, avec des accents qui rappellent la musique anglaise des 16ème et 17ème siècles ; et à une chanson de Robert Armin pour une comédie de Shakespeare. Bref, on est en plein(s) mélange(s), avec des surprises, des trompe-l’oreille et des fantaisies qui éblouissent. Musique très expressive, improvisations endiablées, chant expressionniste et diction enflammée, tout ici rappelle le Grand Art qui ne saurait être tiède. Un extrait de Parade de Rimbaud (Les illuminations), par la voix de Thierry Devillers, se pare d’allusions musicales furtives au Sacre du printemps de Stravinski, tandis que David Hernandez commente gestuellement par une sorte de break dance panoramique sur le proscenium. Inclassable assurément, et à tous égards, même si l’on entend l’écho, générationnel, du rock progressif, du jazz, de douceurs mélodiques californiennes…. Le tout porte l’empreinte, rêvée, d’un art total, et c’est une totale réussite, dont il serait heureux  que le public des festivals français puisse avoir connaissance, et jouissance !

Xavier Prévost

Pour approfondir la connaissance de cet univers, on peut se reporter au livre Sur la piste du Collectif du Lion, une aventure plus que musicale (Les Voies de la création culturelle n° 5, p-a-c agir pour la culture, Liège, 2015 ;  le site )

On peut aussi écouter le CD « Folles impatiences » du groupe ‘La Surprise du Chef’, qui rassemble autour de Michel Massot 10 jeunes instrumentistes (dont 7 musiciennes) issus du Conservatoire Royal de Liège ( Facebook )