Jazzaldia, San Sebastian (4): K Washington et D McCaslin en ténor, R Glasper en errance
Depuis toujours on se plait à guetter, médias, aficionados, petit monde des affaires du jazz les signes qui pourraient annoncer tendances, nouveautés, hommes (et femmes de plus en plus) aptes à modifier, influencer, révolutionner qui sait le jazz et ses musiques satellites. Trois de ces figures potentielles jouaient cette années à San Sebastian.
Robert Glasper (p, keyb), Casey Benjamin (sax, voc), Bonnie Travis (b), Mark Collenberg (dm), Mike Severson (g)
Auditorium Kursaal
Donny Mc Caslin (ts), Jason Lindner (p), Jonathan Maron (b), Nate Wood (dm)
Kamasi Washington (ts), Rickey Washington (ss), Brandon Coleman (keyb), Joshua Crumby (b), Ryan Porter (tb), Robert Miller, Jonathan Pinson (dm), Patricia Quin (voc)
Plaza de la Trinidad
Jazzaldia, SanSebastian/Donostia (España-Euskadi), 23 juillet
Mais qu’est-il donc arrivé à Robert Glasper pour nous servir un tel plat de musak, un jazz-soul-pop aux enluminures de musique d’ambiance élimée de toutes aspérités façon accompagnement pour clientèle de supermarché ? Le poids des récompenses, le matelas d’un Grammy ou deux, les trompettes (sirènes ) de la renommée outre atlantiqu ? Une ambition exagérée de refondre les principes de la Black Music dans le sens des courants business music dominants avec son groupe (mal nommé en ce sens) Experiment ? Dès le premier titre signé Herbie Hancock, Tell me a bed time story, l’essence de cette musique paraît en passe de s’évanouir, diluée dans trop de détours, trop d’écume ce jour. L’emprunt au Tears of a crown de Kendrick Lamar célèbre un peu plus de contenu, davantage de densité malgré le recours insistant aux effluves du vocoder. Jeu, provoc? Les jeunes musiciens du groupe manifestent en parallèle une décontraction, une distanciation proche du je m’enfoutisme vis à vis du public du Kursaal. Sur une introduction au clavier de Glasper, ils quittent même tous la scène un verre de vin blanc à la main, le leader se voyant obligé par signe à les rappeler à leu poste…Le décorum des effets de musique électronique ne suffit pas à masquer le vide question substance. La reprise du célebrissime Roxane de Sting, insistante, rallongée, non plus d’ailleurs. Quelques rares moments pour ne pas tout oublier très vite, un duo soprano/batterie apte à faire monter la tension; une partie solo où Robert Glasper retrouve son jeu, ses qualités à improviser. Un point c’est tout.
Donny Mc Caslin lui, on le sait, a été adoubé par sa participation au disque Black Star de David Bowie. L’an passé pourtant, sur cette même scène de Jazzaldia notamment, il participait à la tournée du Steps Ahead de Mike Manieri et Eliane Elias en tant que sideman, soliste potentiel. Pas de Marc Giuliana comme annoncé mais un batteur très productif, Nate Wood fondateur notamment du groupe Kneebody. De quoi donner d’entrée un climat chargé d’électricité, un haut niveau sonore (Shake loose) Sceau personnel sur son instrument fétiche, le son du saxophone ténor jaillit très percutant, légèrement réverbéré. Donny Mc Caslin, insiste notamment dans le travail du son sur les effets d’anche, blocage, cassures, relances très caractéristiques. Et de fait il ne cesse quasiment pas de jouer tout le set durant. Musique d’énergie soutenue qu’il partage totalement avec son groupe. Moment fort: un très long chorus, sou au ténor, sur l’introduction de Lazarus, chanson du disque évoqué de David Bowie « Ce concert m’a marqué disait il au final car ce beau décor dont je me souvenais, ici, sur cette place environné de vieilles pierres m’inspire particulièrement. Une question d’esprit surement… »
Pour lui on ne peut plus parler exclusivement de nouveauté, de révélation. Depuis deux ans maintenant -d’autant que discographiquement parlant on en est resté aux plaisirs forts des trois heures de musique du triple album Epic– les festivals européens l’ont accueilli, les médias largement vanté son apport au jazz? Ceci dit, sur scène, l’imposant saxophoniste partenaire de l’icône de la scène rap, Kendrick Lamar, n’a rien perdu de son énergie ni du souffle qu’il sait communiquer in extenso à l’orchestre dans son entier. Deux heures et demie de concert à partir de long thèmes explorés à fond par les solistes (dont l’un dédié à Charlie Brown « mon dessinateur préféré durant mon enfance » confiait-il en souriant alors que son père, Rickey, sax soprano amoureux fou de Coltrane venait de le rejoindre sur scène comme à l’accoutumée) Kamasi Washington n’est pas à proprement parler un soliste stupéfiant. Mais il maîtrise son instrument; Et dans son jeu personnel, le ténor dégage dans le souffle une intensité maximale, portée jusqu’à l’incandescence. Avec toujours quelques effluves notables de sons façon Rollins, Pharoah Sanders aussi sans toute, dans l’épaisseur, la force attraction. Le jazz ainsi construit, revisité avec une certaine fidélité aux sources comme aux contours des années 70/80 sonne avec beaucoup de groove, une coloration rythmique funky, une puissance d’expression qui lui donne une envergure de big band. Pour conclure dans la nuit fraiche, l’orchestre entame « une chanson nouvelle » Black Man, sorte de blues chanté avec feeling par Patricia Quinn, toujours originale dans sa gestuelle. Le temps de célébrer la communauté la communauté noire. Kamasi Washington, musicien de son temps attentif, empreint de conscience n’oublie dans son travail de création, ni les fondements de la « great black music », ni l’histoire de ses pairs.
Robert Latxague
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Depuis toujours on se plait à guetter, médias, aficionados, petit monde des affaires du jazz les signes qui pourraient annoncer tendances, nouveautés, hommes (et femmes de plus en plus) aptes à modifier, influencer, révolutionner qui sait le jazz et ses musiques satellites. Trois de ces figures potentielles jouaient cette années à San Sebastian.
Robert Glasper (p, keyb), Casey Benjamin (sax, voc), Bonnie Travis (b), Mark Collenberg (dm), Mike Severson (g)
Auditorium Kursaal
Donny Mc Caslin (ts), Jason Lindner (p), Jonathan Maron (b), Nate Wood (dm)
Kamasi Washington (ts), Rickey Washington (ss), Brandon Coleman (keyb), Joshua Crumby (b), Ryan Porter (tb), Robert Miller, Jonathan Pinson (dm), Patricia Quin (voc)
Plaza de la Trinidad
Jazzaldia, SanSebastian/Donostia (España-Euskadi), 23 juillet
Mais qu’est-il donc arrivé à Robert Glasper pour nous servir un tel plat de musak, un jazz-soul-pop aux enluminures de musique d’ambiance élimée de toutes aspérités façon accompagnement pour clientèle de supermarché ? Le poids des récompenses, le matelas d’un Grammy ou deux, les trompettes (sirènes ) de la renommée outre atlantiqu ? Une ambition exagérée de refondre les principes de la Black Music dans le sens des courants business music dominants avec son groupe (mal nommé en ce sens) Experiment ? Dès le premier titre signé Herbie Hancock, Tell me a bed time story, l’essence de cette musique paraît en passe de s’évanouir, diluée dans trop de détours, trop d’écume ce jour. L’emprunt au Tears of a crown de Kendrick Lamar célèbre un peu plus de contenu, davantage de densité malgré le recours insistant aux effluves du vocoder. Jeu, provoc? Les jeunes musiciens du groupe manifestent en parallèle une décontraction, une distanciation proche du je m’enfoutisme vis à vis du public du Kursaal. Sur une introduction au clavier de Glasper, ils quittent même tous la scène un verre de vin blanc à la main, le leader se voyant obligé par signe à les rappeler à leu poste…Le décorum des effets de musique électronique ne suffit pas à masquer le vide question substance. La reprise du célebrissime Roxane de Sting, insistante, rallongée, non plus d’ailleurs. Quelques rares moments pour ne pas tout oublier très vite, un duo soprano/batterie apte à faire monter la tension; une partie solo où Robert Glasper retrouve son jeu, ses qualités à improviser. Un point c’est tout.
Donny Mc Caslin lui, on le sait, a été adoubé par sa participation au disque Black Star de David Bowie. L’an passé pourtant, sur cette même scène de Jazzaldia notamment, il participait à la tournée du Steps Ahead de Mike Manieri et Eliane Elias en tant que sideman, soliste potentiel. Pas de Marc Giuliana comme annoncé mais un batteur très productif, Nate Wood fondateur notamment du groupe Kneebody. De quoi donner d’entrée un climat chargé d’électricité, un haut niveau sonore (Shake loose) Sceau personnel sur son instrument fétiche, le son du saxophone ténor jaillit très percutant, légèrement réverbéré. Donny Mc Caslin, insiste notamment dans le travail du son sur les effets d’anche, blocage, cassures, relances très caractéristiques. Et de fait il ne cesse quasiment pas de jouer tout le set durant. Musique d’énergie soutenue qu’il partage totalement avec son groupe. Moment fort: un très long chorus, sou au ténor, sur l’introduction de Lazarus, chanson du disque évoqué de David Bowie « Ce concert m’a marqué disait il au final car ce beau décor dont je me souvenais, ici, sur cette place environné de vieilles pierres m’inspire particulièrement. Une question d’esprit surement… »
Pour lui on ne peut plus parler exclusivement de nouveauté, de révélation. Depuis deux ans maintenant -d’autant que discographiquement parlant on en est resté aux plaisirs forts des trois heures de musique du triple album Epic– les festivals européens l’ont accueilli, les médias largement vanté son apport au jazz? Ceci dit, sur scène, l’imposant saxophoniste partenaire de l’icône de la scène rap, Kendrick Lamar, n’a rien perdu de son énergie ni du souffle qu’il sait communiquer in extenso à l’orchestre dans son entier. Deux heures et demie de concert à partir de long thèmes explorés à fond par les solistes (dont l’un dédié à Charlie Brown « mon dessinateur préféré durant mon enfance » confiait-il en souriant alors que son père, Rickey, sax soprano amoureux fou de Coltrane venait de le rejoindre sur scène comme à l’accoutumée) Kamasi Washington n’est pas à proprement parler un soliste stupéfiant. Mais il maîtrise son instrument; Et dans son jeu personnel, le ténor dégage dans le souffle une intensité maximale, portée jusqu’à l’incandescence. Avec toujours quelques effluves notables de sons façon Rollins, Pharoah Sanders aussi sans toute, dans l’épaisseur, la force attraction. Le jazz ainsi construit, revisité avec une certaine fidélité aux sources comme aux contours des années 70/80 sonne avec beaucoup de groove, une coloration rythmique funky, une puissance d’expression qui lui donne une envergure de big band. Pour conclure dans la nuit fraiche, l’orchestre entame « une chanson nouvelle » Black Man, sorte de blues chanté avec feeling par Patricia Quinn, toujours originale dans sa gestuelle. Le temps de célébrer la communauté la communauté noire. Kamasi Washington, musicien de son temps attentif, empreint de conscience n’oublie dans son travail de création, ni les fondements de la « great black music », ni l’histoire de ses pairs.
Robert Latxague
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Depuis toujours on se plait à guetter, médias, aficionados, petit monde des affaires du jazz les signes qui pourraient annoncer tendances, nouveautés, hommes (et femmes de plus en plus) aptes à modifier, influencer, révolutionner qui sait le jazz et ses musiques satellites. Trois de ces figures potentielles jouaient cette années à San Sebastian.
Robert Glasper (p, keyb), Casey Benjamin (sax, voc), Bonnie Travis (b), Mark Collenberg (dm), Mike Severson (g)
Auditorium Kursaal
Donny Mc Caslin (ts), Jason Lindner (p), Jonathan Maron (b), Nate Wood (dm)
Kamasi Washington (ts), Rickey Washington (ss), Brandon Coleman (keyb), Joshua Crumby (b), Ryan Porter (tb), Robert Miller, Jonathan Pinson (dm), Patricia Quin (voc)
Plaza de la Trinidad
Jazzaldia, SanSebastian/Donostia (España-Euskadi), 23 juillet
Mais qu’est-il donc arrivé à Robert Glasper pour nous servir un tel plat de musak, un jazz-soul-pop aux enluminures de musique d’ambiance élimée de toutes aspérités façon accompagnement pour clientèle de supermarché ? Le poids des récompenses, le matelas d’un Grammy ou deux, les trompettes (sirènes ) de la renommée outre atlantiqu ? Une ambition exagérée de refondre les principes de la Black Music dans le sens des courants business music dominants avec son groupe (mal nommé en ce sens) Experiment ? Dès le premier titre signé Herbie Hancock, Tell me a bed time story, l’essence de cette musique paraît en passe de s’évanouir, diluée dans trop de détours, trop d’écume ce jour. L’emprunt au Tears of a crown de Kendrick Lamar célèbre un peu plus de contenu, davantage de densité malgré le recours insistant aux effluves du vocoder. Jeu, provoc? Les jeunes musiciens du groupe manifestent en parallèle une décontraction, une distanciation proche du je m’enfoutisme vis à vis du public du Kursaal. Sur une introduction au clavier de Glasper, ils quittent même tous la scène un verre de vin blanc à la main, le leader se voyant obligé par signe à les rappeler à leu poste…Le décorum des effets de musique électronique ne suffit pas à masquer le vide question substance. La reprise du célebrissime Roxane de Sting, insistante, rallongée, non plus d’ailleurs. Quelques rares moments pour ne pas tout oublier très vite, un duo soprano/batterie apte à faire monter la tension; une partie solo où Robert Glasper retrouve son jeu, ses qualités à improviser. Un point c’est tout.
Donny Mc Caslin lui, on le sait, a été adoubé par sa participation au disque Black Star de David Bowie. L’an passé pourtant, sur cette même scène de Jazzaldia notamment, il participait à la tournée du Steps Ahead de Mike Manieri et Eliane Elias en tant que sideman, soliste potentiel. Pas de Marc Giuliana comme annoncé mais un batteur très productif, Nate Wood fondateur notamment du groupe Kneebody. De quoi donner d’entrée un climat chargé d’électricité, un haut niveau sonore (Shake loose) Sceau personnel sur son instrument fétiche, le son du saxophone ténor jaillit très percutant, légèrement réverbéré. Donny Mc Caslin, insiste notamment dans le travail du son sur les effets d’anche, blocage, cassures, relances très caractéristiques. Et de fait il ne cesse quasiment pas de jouer tout le set durant. Musique d’énergie soutenue qu’il partage totalement avec son groupe. Moment fort: un très long chorus, sou au ténor, sur l’introduction de Lazarus, chanson du disque évoqué de David Bowie « Ce concert m’a marqué disait il au final car ce beau décor dont je me souvenais, ici, sur cette place environné de vieilles pierres m’inspire particulièrement. Une question d’esprit surement… »
Pour lui on ne peut plus parler exclusivement de nouveauté, de révélation. Depuis deux ans maintenant -d’autant que discographiquement parlant on en est resté aux plaisirs forts des trois heures de musique du triple album Epic– les festivals européens l’ont accueilli, les médias largement vanté son apport au jazz? Ceci dit, sur scène, l’imposant saxophoniste partenaire de l’icône de la scène rap, Kendrick Lamar, n’a rien perdu de son énergie ni du souffle qu’il sait communiquer in extenso à l’orchestre dans son entier. Deux heures et demie de concert à partir de long thèmes explorés à fond par les solistes (dont l’un dédié à Charlie Brown « mon dessinateur préféré durant mon enfance » confiait-il en souriant alors que son père, Rickey, sax soprano amoureux fou de Coltrane venait de le rejoindre sur scène comme à l’accoutumée) Kamasi Washington n’est pas à proprement parler un soliste stupéfiant. Mais il maîtrise son instrument; Et dans son jeu personnel, le ténor dégage dans le souffle une intensité maximale, portée jusqu’à l’incandescence. Avec toujours quelques effluves notables de sons façon Rollins, Pharoah Sanders aussi sans toute, dans l’épaisseur, la force attraction. Le jazz ainsi construit, revisité avec une certaine fidélité aux sources comme aux contours des années 70/80 sonne avec beaucoup de groove, une coloration rythmique funky, une puissance d’expression qui lui donne une envergure de big band. Pour conclure dans la nuit fraiche, l’orchestre entame « une chanson nouvelle » Black Man, sorte de blues chanté avec feeling par Patricia Quinn, toujours originale dans sa gestuelle. Le temps de célébrer la communauté la communauté noire. Kamasi Washington, musicien de son temps attentif, empreint de conscience n’oublie dans son travail de création, ni les fondements de la « great black music », ni l’histoire de ses pairs.
Robert Latxague
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Depuis toujours on se plait à guetter, médias, aficionados, petit monde des affaires du jazz les signes qui pourraient annoncer tendances, nouveautés, hommes (et femmes de plus en plus) aptes à modifier, influencer, révolutionner qui sait le jazz et ses musiques satellites. Trois de ces figures potentielles jouaient cette années à San Sebastian.
Robert Glasper (p, keyb), Casey Benjamin (sax, voc), Bonnie Travis (b), Mark Collenberg (dm), Mike Severson (g)
Auditorium Kursaal
Donny Mc Caslin (ts), Jason Lindner (p), Jonathan Maron (b), Nate Wood (dm)
Kamasi Washington (ts), Rickey Washington (ss), Brandon Coleman (keyb), Joshua Crumby (b), Ryan Porter (tb), Robert Miller, Jonathan Pinson (dm), Patricia Quin (voc)
Plaza de la Trinidad
Jazzaldia, SanSebastian/Donostia (España-Euskadi), 23 juillet
Mais qu’est-il donc arrivé à Robert Glasper pour nous servir un tel plat de musak, un jazz-soul-pop aux enluminures de musique d’ambiance élimée de toutes aspérités façon accompagnement pour clientèle de supermarché ? Le poids des récompenses, le matelas d’un Grammy ou deux, les trompettes (sirènes ) de la renommée outre atlantiqu ? Une ambition exagérée de refondre les principes de la Black Music dans le sens des courants business music dominants avec son groupe (mal nommé en ce sens) Experiment ? Dès le premier titre signé Herbie Hancock, Tell me a bed time story, l’essence de cette musique paraît en passe de s’évanouir, diluée dans trop de détours, trop d’écume ce jour. L’emprunt au Tears of a crown de Kendrick Lamar célèbre un peu plus de contenu, davantage de densité malgré le recours insistant aux effluves du vocoder. Jeu, provoc? Les jeunes musiciens du groupe manifestent en parallèle une décontraction, une distanciation proche du je m’enfoutisme vis à vis du public du Kursaal. Sur une introduction au clavier de Glasper, ils quittent même tous la scène un verre de vin blanc à la main, le leader se voyant obligé par signe à les rappeler à leu poste…Le décorum des effets de musique électronique ne suffit pas à masquer le vide question substance. La reprise du célebrissime Roxane de Sting, insistante, rallongée, non plus d’ailleurs. Quelques rares moments pour ne pas tout oublier très vite, un duo soprano/batterie apte à faire monter la tension; une partie solo où Robert Glasper retrouve son jeu, ses qualités à improviser. Un point c’est tout.
Donny Mc Caslin lui, on le sait, a été adoubé par sa participation au disque Black Star de David Bowie. L’an passé pourtant, sur cette même scène de Jazzaldia notamment, il participait à la tournée du Steps Ahead de Mike Manieri et Eliane Elias en tant que sideman, soliste potentiel. Pas de Marc Giuliana comme annoncé mais un batteur très productif, Nate Wood fondateur notamment du groupe Kneebody. De quoi donner d’entrée un climat chargé d’électricité, un haut niveau sonore (Shake loose) Sceau personnel sur son instrument fétiche, le son du saxophone ténor jaillit très percutant, légèrement réverbéré. Donny Mc Caslin, insiste notamment dans le travail du son sur les effets d’anche, blocage, cassures, relances très caractéristiques. Et de fait il ne cesse quasiment pas de jouer tout le set durant. Musique d’énergie soutenue qu’il partage totalement avec son groupe. Moment fort: un très long chorus, sou au ténor, sur l’introduction de Lazarus, chanson du disque évoqué de David Bowie « Ce concert m’a marqué disait il au final car ce beau décor dont je me souvenais, ici, sur cette place environné de vieilles pierres m’inspire particulièrement. Une question d’esprit surement… »
Pour lui on ne peut plus parler exclusivement de nouveauté, de révélation. Depuis deux ans maintenant -d’autant que discographiquement parlant on en est resté aux plaisirs forts des trois heures de musique du triple album Epic– les festivals européens l’ont accueilli, les médias largement vanté son apport au jazz? Ceci dit, sur scène, l’imposant saxophoniste partenaire de l’icône de la scène rap, Kendrick Lamar, n’a rien perdu de son énergie ni du souffle qu’il sait communiquer in extenso à l’orchestre dans son entier. Deux heures et demie de concert à partir de long thèmes explorés à fond par les solistes (dont l’un dédié à Charlie Brown « mon dessinateur préféré durant mon enfance » confiait-il en souriant alors que son père, Rickey, sax soprano amoureux fou de Coltrane venait de le rejoindre sur scène comme à l’accoutumée) Kamasi Washington n’est pas à proprement parler un soliste stupéfiant. Mais il maîtrise son instrument; Et dans son jeu personnel, le ténor dégage dans le souffle une intensité maximale, portée jusqu’à l’incandescence. Avec toujours quelques effluves notables de sons façon Rollins, Pharoah Sanders aussi sans toute, dans l’épaisseur, la force attraction. Le jazz ainsi construit, revisité avec une certaine fidélité aux sources comme aux contours des années 70/80 sonne avec beaucoup de groove, une coloration rythmique funky, une puissance d’expression qui lui donne une envergure de big band. Pour conclure dans la nuit fraiche, l’orchestre entame « une chanson nouvelle » Black Man, sorte de blues chanté avec feeling par Patricia Quinn, toujours originale dans sa gestuelle. Le temps de célébrer la communauté la communauté noire. Kamasi Washington, musicien de son temps attentif, empreint de conscience n’oublie dans son travail de création, ni les fondements de la « great black music », ni l’histoire de ses pairs.
Robert Latxague