JazzAscona, 2. Eclats de voix
Durant le festival, la musique envahit la cité. Elle sourd de partout, de la moindre piazzetta, du plus petit recoin susceptible d’héberger un groupe, fût-il réduit à sa plus simple expression. Elle ruisselle le long des pimpantes ruelles du vieux bourg, arpentées, tous les après-midi, par des brass bands. Elle s’invite au long du lac, aux terrasses des cafés et des restaurants. Occasions de rencontres impromptues, de découvertes qui font, aussi, l’intérêt de cette décade. Et son charme sans équivalent.
Teedy Boutté (voc), Paul Longstreth (p, voc) + guests Tin Men : « Washboard » Chaz Leary (wboard), Matt Perrine (tuba), Alex McMurray (g). Piazzetta Carrà, 28 juin.
Ainsi de Tricia « Teedy » Boutté, venue de La Nouvelle-Orléans ainsi que son complice de longue date le pianiste Paul Longstreth. « SistaTeedy » appartient à la famille des Boutté qu’on ne présente plus : sa tante Liliane a fait les beaux jours du festival depuis les débuts de celui-ci, il y a trente ans, et elle-même s’y est produite à ses côtés en 2004. Son oncle, John, y a été invité à plusieurs reprises. Elle perpétue avec talent une tradition, celle du jazz mâtiné de soul, de rhythm’n’blues, de gospel, en même temps qu’une tradition familiale. Quant à Paul Longstreth, les références éloquentes ne lui font pas défaut, de Harry Connick Jr. à Nicholas Payton, Trombone Shorty ou Leroy Jones. Un duo parfaitement rodé qui enchaîne les standards (Me, Myself and I, Just You, Just Me) en les pimentant volontiers d’humour. Trois membres des Tin Men, venus eux aussi de la Cité du Croissant, viennent leur prêter main forte pour quelques morceaux et voici que s’installent non seulement la musique, mais l’atmosphère et l’ambiance si particulières qui y sont associées. De quoi enchanter cette fin d’après-midi.
Gumbo Carioca featuring Denise Gordon. Thomas L’Estienne (cl, ts), Uli Wunner (cl, as), Malmith (7 strings g), Ramon Murcia (pandeiro), Dom Oliviera (cavaquinho), Jérôme Cardynals (dm), Denise Gordon (voc). Stage Nostrana, 28 juin.
Autre habitué des lieux, le clarinettiste Thomas L’Estienne. Il fréquente Ascona depuis des lustres, à la tête de formations variées proposant des programmes (des « projets », comme on dit maintenant) qui le sont tout autant. Cette année, il conjugue son amour du Brésil et de sa musique avec celui du jazz traditionnel et le résultat ne manque pas de piquant. Douce ambiance, de Django, ou Si tu vois ma mère, de Bechet, prennent, joués au cavaquinho, une saveur particulière. Même les standards les plus éprouvés (High Society) semblent repeints à neuf. Il faut dire que l’explosive Denise Gordon dynamise l’ensemble. Voix puissante, se prêtant aux acrobaties les plus échevelées comme à la langueur des ballades (Do Tou Know What It Means…), humour et primesaut (What A Little Moonlight Can Do). Sans oublier le swing, sans quoi ses qualités de chanteuse nourrie de soul et de gospel, apanages qu’elle partage avec quelques-unes de ses consœurs, pourraient rester anecdotiques. Or elle émerge incontestablement du lot. Sa prestation en témoigne.
Dee Dee Bridgewater/Irvin Mayfield & The New Orleans Orchestra. Dee Dee Bridgewater ( voc), Irvin Mayfield (tp, voc), Barney Floyd, James Williams, Glenn Hall, Leon Brown, Ashlin Parker (tp), Michael Watson, Emily Fredrickson, David Harris (tb), Ed Petersen, Khari Lee, Jeronne Ansari, Ricardo Pascal, Jason Marshall sax), Carl LeBlanc (g, bjo), Victor Atkins (p), Jasen Weaver (b), Adonis Rose (dm). Jazz Club Torre, 29 juin.
Le lendemain, concert attendu entre tous, celui de Dee Dee Bridgewater avec The New Orleans Orchestra, big band créé en 2002 par Irvin Mayfield qui en est toujours le directeur artistique. Une formation que propulse avec énergie Adonis Rose, l’un des batteurs les plus constants de la phalange louisianaise, et qui compte dans ses rangs d’excellents solistes. A commencer par Mayfield lui-même, souverain à la trompette, fournissant à l’occasion une réplique vocale à son invitée de luxe. La copieuse assistance entassée au Jazz Club Torre n’a pas été déçue : la grande formation de Mayfield, dont on pouvait craindre, au début, qu’elle ne verse dans la variété jazzy, possède les atouts susceptibles de clouer le bec aux sceptiques. Un son d’ensemble, des arrangements fouillés, l’art des nuances. Un écrin de choix pour une Dee Dee au scat toujours ravageur, tour à tour mutine et jouant sur l’émotion (What A Wonderful World, Do You Know What It Means To Miss New Orleans, morceau en passe de devenir le tube de l’édition 2015). Une comédienne au talent éprouvé. Une « bête de scène » – l’expression n’est en rien péjorative – généreuse, payant de sa personne, n’hésitant pas, escortée de sa cour de soufflants, à parcourir les travées pour toucher, dans tous les sens du terme, un public qui lui réserve une ovation méritée. Contrat rempli, en ce dixième anniversaire de l’ouragan dévastateur qui reste dans toutes les mémoires.
Jacques Aboucaya
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Durant le festival, la musique envahit la cité. Elle sourd de partout, de la moindre piazzetta, du plus petit recoin susceptible d’héberger un groupe, fût-il réduit à sa plus simple expression. Elle ruisselle le long des pimpantes ruelles du vieux bourg, arpentées, tous les après-midi, par des brass bands. Elle s’invite au long du lac, aux terrasses des cafés et des restaurants. Occasions de rencontres impromptues, de découvertes qui font, aussi, l’intérêt de cette décade. Et son charme sans équivalent.
Teedy Boutté (voc), Paul Longstreth (p, voc) + guests Tin Men : « Washboard » Chaz Leary (wboard), Matt Perrine (tuba), Alex McMurray (g). Piazzetta Carrà, 28 juin.
Ainsi de Tricia « Teedy » Boutté, venue de La Nouvelle-Orléans ainsi que son complice de longue date le pianiste Paul Longstreth. « SistaTeedy » appartient à la famille des Boutté qu’on ne présente plus : sa tante Liliane a fait les beaux jours du festival depuis les débuts de celui-ci, il y a trente ans, et elle-même s’y est produite à ses côtés en 2004. Son oncle, John, y a été invité à plusieurs reprises. Elle perpétue avec talent une tradition, celle du jazz mâtiné de soul, de rhythm’n’blues, de gospel, en même temps qu’une tradition familiale. Quant à Paul Longstreth, les références éloquentes ne lui font pas défaut, de Harry Connick Jr. à Nicholas Payton, Trombone Shorty ou Leroy Jones. Un duo parfaitement rodé qui enchaîne les standards (Me, Myself and I, Just You, Just Me) en les pimentant volontiers d’humour. Trois membres des Tin Men, venus eux aussi de la Cité du Croissant, viennent leur prêter main forte pour quelques morceaux et voici que s’installent non seulement la musique, mais l’atmosphère et l’ambiance si particulières qui y sont associées. De quoi enchanter cette fin d’après-midi.
Gumbo Carioca featuring Denise Gordon. Thomas L’Estienne (cl, ts), Uli Wunner (cl, as), Malmith (7 strings g), Ramon Murcia (pandeiro), Dom Oliviera (cavaquinho), Jérôme Cardynals (dm), Denise Gordon (voc). Stage Nostrana, 28 juin.
Autre habitué des lieux, le clarinettiste Thomas L’Estienne. Il fréquente Ascona depuis des lustres, à la tête de formations variées proposant des programmes (des « projets », comme on dit maintenant) qui le sont tout autant. Cette année, il conjugue son amour du Brésil et de sa musique avec celui du jazz traditionnel et le résultat ne manque pas de piquant. Douce ambiance, de Django, ou Si tu vois ma mère, de Bechet, prennent, joués au cavaquinho, une saveur particulière. Même les standards les plus éprouvés (High Society) semblent repeints à neuf. Il faut dire que l’explosive Denise Gordon dynamise l’ensemble. Voix puissante, se prêtant aux acrobaties les plus échevelées comme à la langueur des ballades (Do Tou Know What It Means…), humour et primesaut (What A Little Moonlight Can Do). Sans oublier le swing, sans quoi ses qualités de chanteuse nourrie de soul et de gospel, apanages qu’elle partage avec quelques-unes de ses consœurs, pourraient rester anecdotiques. Or elle émerge incontestablement du lot. Sa prestation en témoigne.
Dee Dee Bridgewater/Irvin Mayfield & The New Orleans Orchestra. Dee Dee Bridgewater ( voc), Irvin Mayfield (tp, voc), Barney Floyd, James Williams, Glenn Hall, Leon Brown, Ashlin Parker (tp), Michael Watson, Emily Fredrickson, David Harris (tb), Ed Petersen, Khari Lee, Jeronne Ansari, Ricardo Pascal, Jason Marshall sax), Carl LeBlanc (g, bjo), Victor Atkins (p), Jasen Weaver (b), Adonis Rose (dm). Jazz Club Torre, 29 juin.
Le lendemain, concert attendu entre tous, celui de Dee Dee Bridgewater avec The New Orleans Orchestra, big band créé en 2002 par Irvin Mayfield qui en est toujours le directeur artistique. Une formation que propulse avec énergie Adonis Rose, l’un des batteurs les plus constants de la phalange louisianaise, et qui compte dans ses rangs d’excellents solistes. A commencer par Mayfield lui-même, souverain à la trompette, fournissant à l’occasion une réplique vocale à son invitée de luxe. La copieuse assistance entassée au Jazz Club Torre n’a pas été déçue : la grande formation de Mayfield, dont on pouvait craindre, au début, qu’elle ne verse dans la variété jazzy, possède les atouts susceptibles de clouer le bec aux sceptiques. Un son d’ensemble, des arrangements fouillés, l’art des nuances. Un écrin de choix pour une Dee Dee au scat toujours ravageur, tour à tour mutine et jouant sur l’émotion (What A Wonderful World, Do You Know What It Means To Miss New Orleans, morceau en passe de devenir le tube de l’édition 2015). Une comédienne au talent éprouvé. Une « bête de scène » – l’expression n’est en rien péjorative – généreuse, payant de sa personne, n’hésitant pas, escortée de sa cour de soufflants, à parcourir les travées pour toucher, dans tous les sens du terme, un public qui lui réserve une ovation méritée. Contrat rempli, en ce dixième anniversaire de l’ouragan dévastateur qui reste dans toutes les mémoires.
Jacques Aboucaya
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Durant le festival, la musique envahit la cité. Elle sourd de partout, de la moindre piazzetta, du plus petit recoin susceptible d’héberger un groupe, fût-il réduit à sa plus simple expression. Elle ruisselle le long des pimpantes ruelles du vieux bourg, arpentées, tous les après-midi, par des brass bands. Elle s’invite au long du lac, aux terrasses des cafés et des restaurants. Occasions de rencontres impromptues, de découvertes qui font, aussi, l’intérêt de cette décade. Et son charme sans équivalent.
Teedy Boutté (voc), Paul Longstreth (p, voc) + guests Tin Men : « Washboard » Chaz Leary (wboard), Matt Perrine (tuba), Alex McMurray (g). Piazzetta Carrà, 28 juin.
Ainsi de Tricia « Teedy » Boutté, venue de La Nouvelle-Orléans ainsi que son complice de longue date le pianiste Paul Longstreth. « SistaTeedy » appartient à la famille des Boutté qu’on ne présente plus : sa tante Liliane a fait les beaux jours du festival depuis les débuts de celui-ci, il y a trente ans, et elle-même s’y est produite à ses côtés en 2004. Son oncle, John, y a été invité à plusieurs reprises. Elle perpétue avec talent une tradition, celle du jazz mâtiné de soul, de rhythm’n’blues, de gospel, en même temps qu’une tradition familiale. Quant à Paul Longstreth, les références éloquentes ne lui font pas défaut, de Harry Connick Jr. à Nicholas Payton, Trombone Shorty ou Leroy Jones. Un duo parfaitement rodé qui enchaîne les standards (Me, Myself and I, Just You, Just Me) en les pimentant volontiers d’humour. Trois membres des Tin Men, venus eux aussi de la Cité du Croissant, viennent leur prêter main forte pour quelques morceaux et voici que s’installent non seulement la musique, mais l’atmosphère et l’ambiance si particulières qui y sont associées. De quoi enchanter cette fin d’après-midi.
Gumbo Carioca featuring Denise Gordon. Thomas L’Estienne (cl, ts), Uli Wunner (cl, as), Malmith (7 strings g), Ramon Murcia (pandeiro), Dom Oliviera (cavaquinho), Jérôme Cardynals (dm), Denise Gordon (voc). Stage Nostrana, 28 juin.
Autre habitué des lieux, le clarinettiste Thomas L’Estienne. Il fréquente Ascona depuis des lustres, à la tête de formations variées proposant des programmes (des « projets », comme on dit maintenant) qui le sont tout autant. Cette année, il conjugue son amour du Brésil et de sa musique avec celui du jazz traditionnel et le résultat ne manque pas de piquant. Douce ambiance, de Django, ou Si tu vois ma mère, de Bechet, prennent, joués au cavaquinho, une saveur particulière. Même les standards les plus éprouvés (High Society) semblent repeints à neuf. Il faut dire que l’explosive Denise Gordon dynamise l’ensemble. Voix puissante, se prêtant aux acrobaties les plus échevelées comme à la langueur des ballades (Do Tou Know What It Means…), humour et primesaut (What A Little Moonlight Can Do). Sans oublier le swing, sans quoi ses qualités de chanteuse nourrie de soul et de gospel, apanages qu’elle partage avec quelques-unes de ses consœurs, pourraient rester anecdotiques. Or elle émerge incontestablement du lot. Sa prestation en témoigne.
Dee Dee Bridgewater/Irvin Mayfield & The New Orleans Orchestra. Dee Dee Bridgewater ( voc), Irvin Mayfield (tp, voc), Barney Floyd, James Williams, Glenn Hall, Leon Brown, Ashlin Parker (tp), Michael Watson, Emily Fredrickson, David Harris (tb), Ed Petersen, Khari Lee, Jeronne Ansari, Ricardo Pascal, Jason Marshall sax), Carl LeBlanc (g, bjo), Victor Atkins (p), Jasen Weaver (b), Adonis Rose (dm). Jazz Club Torre, 29 juin.
Le lendemain, concert attendu entre tous, celui de Dee Dee Bridgewater avec The New Orleans Orchestra, big band créé en 2002 par Irvin Mayfield qui en est toujours le directeur artistique. Une formation que propulse avec énergie Adonis Rose, l’un des batteurs les plus constants de la phalange louisianaise, et qui compte dans ses rangs d’excellents solistes. A commencer par Mayfield lui-même, souverain à la trompette, fournissant à l’occasion une réplique vocale à son invitée de luxe. La copieuse assistance entassée au Jazz Club Torre n’a pas été déçue : la grande formation de Mayfield, dont on pouvait craindre, au début, qu’elle ne verse dans la variété jazzy, possède les atouts susceptibles de clouer le bec aux sceptiques. Un son d’ensemble, des arrangements fouillés, l’art des nuances. Un écrin de choix pour une Dee Dee au scat toujours ravageur, tour à tour mutine et jouant sur l’émotion (What A Wonderful World, Do You Know What It Means To Miss New Orleans, morceau en passe de devenir le tube de l’édition 2015). Une comédienne au talent éprouvé. Une « bête de scène » – l’expression n’est en rien péjorative – généreuse, payant de sa personne, n’hésitant pas, escortée de sa cour de soufflants, à parcourir les travées pour toucher, dans tous les sens du terme, un public qui lui réserve une ovation méritée. Contrat rempli, en ce dixième anniversaire de l’ouragan dévastateur qui reste dans toutes les mémoires.
Jacques Aboucaya
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Durant le festival, la musique envahit la cité. Elle sourd de partout, de la moindre piazzetta, du plus petit recoin susceptible d’héberger un groupe, fût-il réduit à sa plus simple expression. Elle ruisselle le long des pimpantes ruelles du vieux bourg, arpentées, tous les après-midi, par des brass bands. Elle s’invite au long du lac, aux terrasses des cafés et des restaurants. Occasions de rencontres impromptues, de découvertes qui font, aussi, l’intérêt de cette décade. Et son charme sans équivalent.
Teedy Boutté (voc), Paul Longstreth (p, voc) + guests Tin Men : « Washboard » Chaz Leary (wboard), Matt Perrine (tuba), Alex McMurray (g). Piazzetta Carrà, 28 juin.
Ainsi de Tricia « Teedy » Boutté, venue de La Nouvelle-Orléans ainsi que son complice de longue date le pianiste Paul Longstreth. « SistaTeedy » appartient à la famille des Boutté qu’on ne présente plus : sa tante Liliane a fait les beaux jours du festival depuis les débuts de celui-ci, il y a trente ans, et elle-même s’y est produite à ses côtés en 2004. Son oncle, John, y a été invité à plusieurs reprises. Elle perpétue avec talent une tradition, celle du jazz mâtiné de soul, de rhythm’n’blues, de gospel, en même temps qu’une tradition familiale. Quant à Paul Longstreth, les références éloquentes ne lui font pas défaut, de Harry Connick Jr. à Nicholas Payton, Trombone Shorty ou Leroy Jones. Un duo parfaitement rodé qui enchaîne les standards (Me, Myself and I, Just You, Just Me) en les pimentant volontiers d’humour. Trois membres des Tin Men, venus eux aussi de la Cité du Croissant, viennent leur prêter main forte pour quelques morceaux et voici que s’installent non seulement la musique, mais l’atmosphère et l’ambiance si particulières qui y sont associées. De quoi enchanter cette fin d’après-midi.
Gumbo Carioca featuring Denise Gordon. Thomas L’Estienne (cl, ts), Uli Wunner (cl, as), Malmith (7 strings g), Ramon Murcia (pandeiro), Dom Oliviera (cavaquinho), Jérôme Cardynals (dm), Denise Gordon (voc). Stage Nostrana, 28 juin.
Autre habitué des lieux, le clarinettiste Thomas L’Estienne. Il fréquente Ascona depuis des lustres, à la tête de formations variées proposant des programmes (des « projets », comme on dit maintenant) qui le sont tout autant. Cette année, il conjugue son amour du Brésil et de sa musique avec celui du jazz traditionnel et le résultat ne manque pas de piquant. Douce ambiance, de Django, ou Si tu vois ma mère, de Bechet, prennent, joués au cavaquinho, une saveur particulière. Même les standards les plus éprouvés (High Society) semblent repeints à neuf. Il faut dire que l’explosive Denise Gordon dynamise l’ensemble. Voix puissante, se prêtant aux acrobaties les plus échevelées comme à la langueur des ballades (Do Tou Know What It Means…), humour et primesaut (What A Little Moonlight Can Do). Sans oublier le swing, sans quoi ses qualités de chanteuse nourrie de soul et de gospel, apanages qu’elle partage avec quelques-unes de ses consœurs, pourraient rester anecdotiques. Or elle émerge incontestablement du lot. Sa prestation en témoigne.
Dee Dee Bridgewater/Irvin Mayfield & The New Orleans Orchestra. Dee Dee Bridgewater ( voc), Irvin Mayfield (tp, voc), Barney Floyd, James Williams, Glenn Hall, Leon Brown, Ashlin Parker (tp), Michael Watson, Emily Fredrickson, David Harris (tb), Ed Petersen, Khari Lee, Jeronne Ansari, Ricardo Pascal, Jason Marshall sax), Carl LeBlanc (g, bjo), Victor Atkins (p), Jasen Weaver (b), Adonis Rose (dm). Jazz Club Torre, 29 juin.
Le lendemain, concert attendu entre tous, celui de Dee Dee Bridgewater avec The New Orleans Orchestra, big band créé en 2002 par Irvin Mayfield qui en est toujours le directeur artistique. Une formation que propulse avec énergie Adonis Rose, l’un des batteurs les plus constants de la phalange louisianaise, et qui compte dans ses rangs d’excellents solistes. A commencer par Mayfield lui-même, souverain à la trompette, fournissant à l’occasion une réplique vocale à son invitée de luxe. La copieuse assistance entassée au Jazz Club Torre n’a pas été déçue : la grande formation de Mayfield, dont on pouvait craindre, au début, qu’elle ne verse dans la variété jazzy, possède les atouts susceptibles de clouer le bec aux sceptiques. Un son d’ensemble, des arrangements fouillés, l’art des nuances. Un écrin de choix pour une Dee Dee au scat toujours ravageur, tour à tour mutine et jouant sur l’émotion (What A Wonderful World, Do You Know What It Means To Miss New Orleans, morceau en passe de devenir le tube de l’édition 2015). Une comédienne au talent éprouvé. Une « bête de scène » – l’expression n’est en rien péjorative – généreuse, payant de sa personne, n’hésitant pas, escortée de sa cour de soufflants, à parcourir les travées pour toucher, dans tous les sens du terme, un public qui lui réserve une ovation méritée. Contrat rempli, en ce dixième anniversaire de l’ouragan dévastateur qui reste dans toutes les mémoires.
Jacques Aboucaya