Jazzdor, 28° édition. Soirée inaugurale : Dave Holland « Prism » Quartet . Strasbourg, Cité de la Mu
Jazzdor, 28° édition. Soirée inaugurale : Dave Holland « Prism » Quartet . Strasbourg, Cité de la Musique, 08/11.
Sans réel thème jusqu’à ce qu’une bribe de solo de guitare puis de piano déclenche le flot mélodique, le premier morceau du quartet « Prism » de Dave Holland — écrit par le bassiste — apparaît d’abord comme une sorte de magma sonore rythmé par la batterie d’’Eric Harland. Un magma qui donne une idée de la densité de ce nouveau groupe, lequel ne ressemble à aucun de ceux qu’avait dirigé jusqu’à présent le bassiste.
Quand c’est Craig Taborn, qui prend la direction des opérations, cette masse sonore se met au service d’un piano ductile et véloce et l’ancre dans la terre sans lui couper les ailes. Puis elle se fait quasi muette pour laisser le leader choruser longuement en compagnie de la seule batterie… qui prendra un solo à son tour avant que la guitare ne revienne sur le devant de la scène. Bref, on aura eu droit, au total, à quatre (longs) solos de chacun des protagonistes au cours d’un bon quart d’heure de musique, et on commence à se demander si chaque morceau nous réservera le même défilé de prouesses techniques. Le second thème, composé par le guitariste, met un temps fou à décoller : interminables riffs sur quatre accords de guitare ponctués d’arpèges conjoints de piano et de Fender Rhodes bientôt rejoints par la basse et la batterie sans qu’il se passe grand–chose de passionnant. Et quand les choses changent c’est pour laisser place à une envolée de six-cordes au son rock graisseux, toujours sur la même trame harmonique sans grand relief. Le solo de Craig Taborn réussit un peu à relever le tout en faisant basculer l’ambiance vers la ballade langoureuse mais quand la guitare revient en force, saturée à souhait, on se demande si on est en train d’assister à un concert de jazz ou de hard rock. Rien de tel qu’un solo de basse acoustique pour remettre les pendules à l’heure, mais quand le reste du groupe se joint au leader, la frappe binaire appuyée d’Eric Harland revient semer le doute tandis que Kevin Eubanks — plus hendrixien que jamais — triture tant qu’il peut sur le manche de son instrument. Et pour faire bonne mesure voilà qu’un nouveau solo de batterie pointe son nez sur les quatre accords précités joués en boucle par les trois comparses du percussionniste. Une magistrale intro en solo — où l’on retrouve tout ce qu’on aime dans la basse de Dave Holland — introduit une lueur d’espoir : va-t-on enfin sortir de ce brouet sonore sans forme bien définie et dont le fond pose pour le moins question ? Pas vraiment : on entend alterner les passages à vide et les morceaux de bravoure d’un guitariste virtuose qui manque clairement de direction et se complait dans les phrases et riffs répétitifs; le batteur — excellent technicien, mais là n’est pas la question — fait ce qu’il peut pour meubler, ponctuer, colorer tout cela ou pour faire monter l’énergie ; le pianiste-claviériste — qui se contente parfois d’écouter, tête baissée, sans toucher à ses instruments — tente souvent d’impulser une orientation harmonique ou mélodique et se fend de solos flamboyants, mais la finesse de son jeu ne recueille de toute évidence pas l’adhésion majoritaire d’un groupe dont il n’est pas le leader. Quand à ce dernier, en père tranquille entouré de jeunes virtuoses auxquels il ne semble avoir donné aucune véritable « règle du jeu », il n’a pas trop l’air de se soucier de ce qu’il advient d’une musique gagnée d’avance. Après tout, il termine une tournée au cours de laquelle, on peut le supposer, sa réputation et celle de ses comparses ont suffi — comme ici — à arracher au public des salves d’applaudissements. N’empêche que, pour qui suit Dave Holland depuis quelques décennies, la prestation de ce quartet au potentiel indéniable mais en net manque d’arrangements fut une déception. Magnifique instrumentiste qui a attisé le feu derrière maintes stars, le leader a pourtant su, naguère, communiquer sa flamme à nombre de groupes qui brillèrent sous sa direction ? Thierry Quénum
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Jazzdor, 28° édition. Soirée inaugurale : Dave Holland « Prism » Quartet . Strasbourg, Cité de la Musique, 08/11.
Sans réel thème jusqu’à ce qu’une bribe de solo de guitare puis de piano déclenche le flot mélodique, le premier morceau du quartet « Prism » de Dave Holland — écrit par le bassiste — apparaît d’abord comme une sorte de magma sonore rythmé par la batterie d’’Eric Harland. Un magma qui donne une idée de la densité de ce nouveau groupe, lequel ne ressemble à aucun de ceux qu’avait dirigé jusqu’à présent le bassiste.
Quand c’est Craig Taborn, qui prend la direction des opérations, cette masse sonore se met au service d’un piano ductile et véloce et l’ancre dans la terre sans lui couper les ailes. Puis elle se fait quasi muette pour laisser le leader choruser longuement en compagnie de la seule batterie… qui prendra un solo à son tour avant que la guitare ne revienne sur le devant de la scène. Bref, on aura eu droit, au total, à quatre (longs) solos de chacun des protagonistes au cours d’un bon quart d’heure de musique, et on commence à se demander si chaque morceau nous réservera le même défilé de prouesses techniques. Le second thème, composé par le guitariste, met un temps fou à décoller : interminables riffs sur quatre accords de guitare ponctués d’arpèges conjoints de piano et de Fender Rhodes bientôt rejoints par la basse et la batterie sans qu’il se passe grand–chose de passionnant. Et quand les choses changent c’est pour laisser place à une envolée de six-cordes au son rock graisseux, toujours sur la même trame harmonique sans grand relief. Le solo de Craig Taborn réussit un peu à relever le tout en faisant basculer l’ambiance vers la ballade langoureuse mais quand la guitare revient en force, saturée à souhait, on se demande si on est en train d’assister à un concert de jazz ou de hard rock. Rien de tel qu’un solo de basse acoustique pour remettre les pendules à l’heure, mais quand le reste du groupe se joint au leader, la frappe binaire appuyée d’Eric Harland revient semer le doute tandis que Kevin Eubanks — plus hendrixien que jamais — triture tant qu’il peut sur le manche de son instrument. Et pour faire bonne mesure voilà qu’un nouveau solo de batterie pointe son nez sur les quatre accords précités joués en boucle par les trois comparses du percussionniste. Une magistrale intro en solo — où l’on retrouve tout ce qu’on aime dans la basse de Dave Holland — introduit une lueur d’espoir : va-t-on enfin sortir de ce brouet sonore sans forme bien définie et dont le fond pose pour le moins question ? Pas vraiment : on entend alterner les passages à vide et les morceaux de bravoure d’un guitariste virtuose qui manque clairement de direction et se complait dans les phrases et riffs répétitifs; le batteur — excellent technicien, mais là n’est pas la question — fait ce qu’il peut pour meubler, ponctuer, colorer tout cela ou pour faire monter l’énergie ; le pianiste-claviériste — qui se contente parfois d’écouter, tête baissée, sans toucher à ses instruments — tente souvent d’impulser une orientation harmonique ou mélodique et se fend de solos flamboyants, mais la finesse de son jeu ne recueille de toute évidence pas l’adhésion majoritaire d’un groupe dont il n’est pas le leader. Quand à ce dernier, en père tranquille entouré de jeunes virtuoses auxquels il ne semble avoir donné aucune véritable « règle du jeu », il n’a pas trop l’air de se soucier de ce qu’il advient d’une musique gagnée d’avance. Après tout, il termine une tournée au cours de laquelle, on peut le supposer, sa réputation et celle de ses comparses ont suffi — comme ici — à arracher au public des salves d’applaudissements. N’empêche que, pour qui suit Dave Holland depuis quelques décennies, la prestation de ce quartet au potentiel indéniable mais en net manque d’arrangements fut une déception. Magnifique instrumentiste qui a attisé le feu derrière maintes stars, le leader a pourtant su, naguère, communiquer sa flamme à nombre de groupes qui brillèrent sous sa direction ? Thierry Quénum
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Jazzdor, 28° édition. Soirée inaugurale : Dave Holland « Prism » Quartet . Strasbourg, Cité de la Musique, 08/11.
Sans réel thème jusqu’à ce qu’une bribe de solo de guitare puis de piano déclenche le flot mélodique, le premier morceau du quartet « Prism » de Dave Holland — écrit par le bassiste — apparaît d’abord comme une sorte de magma sonore rythmé par la batterie d’’Eric Harland. Un magma qui donne une idée de la densité de ce nouveau groupe, lequel ne ressemble à aucun de ceux qu’avait dirigé jusqu’à présent le bassiste.
Quand c’est Craig Taborn, qui prend la direction des opérations, cette masse sonore se met au service d’un piano ductile et véloce et l’ancre dans la terre sans lui couper les ailes. Puis elle se fait quasi muette pour laisser le leader choruser longuement en compagnie de la seule batterie… qui prendra un solo à son tour avant que la guitare ne revienne sur le devant de la scène. Bref, on aura eu droit, au total, à quatre (longs) solos de chacun des protagonistes au cours d’un bon quart d’heure de musique, et on commence à se demander si chaque morceau nous réservera le même défilé de prouesses techniques. Le second thème, composé par le guitariste, met un temps fou à décoller : interminables riffs sur quatre accords de guitare ponctués d’arpèges conjoints de piano et de Fender Rhodes bientôt rejoints par la basse et la batterie sans qu’il se passe grand–chose de passionnant. Et quand les choses changent c’est pour laisser place à une envolée de six-cordes au son rock graisseux, toujours sur la même trame harmonique sans grand relief. Le solo de Craig Taborn réussit un peu à relever le tout en faisant basculer l’ambiance vers la ballade langoureuse mais quand la guitare revient en force, saturée à souhait, on se demande si on est en train d’assister à un concert de jazz ou de hard rock. Rien de tel qu’un solo de basse acoustique pour remettre les pendules à l’heure, mais quand le reste du groupe se joint au leader, la frappe binaire appuyée d’Eric Harland revient semer le doute tandis que Kevin Eubanks — plus hendrixien que jamais — triture tant qu’il peut sur le manche de son instrument. Et pour faire bonne mesure voilà qu’un nouveau solo de batterie pointe son nez sur les quatre accords précités joués en boucle par les trois comparses du percussionniste. Une magistrale intro en solo — où l’on retrouve tout ce qu’on aime dans la basse de Dave Holland — introduit une lueur d’espoir : va-t-on enfin sortir de ce brouet sonore sans forme bien définie et dont le fond pose pour le moins question ? Pas vraiment : on entend alterner les passages à vide et les morceaux de bravoure d’un guitariste virtuose qui manque clairement de direction et se complait dans les phrases et riffs répétitifs; le batteur — excellent technicien, mais là n’est pas la question — fait ce qu’il peut pour meubler, ponctuer, colorer tout cela ou pour faire monter l’énergie ; le pianiste-claviériste — qui se contente parfois d’écouter, tête baissée, sans toucher à ses instruments — tente souvent d’impulser une orientation harmonique ou mélodique et se fend de solos flamboyants, mais la finesse de son jeu ne recueille de toute évidence pas l’adhésion majoritaire d’un groupe dont il n’est pas le leader. Quand à ce dernier, en père tranquille entouré de jeunes virtuoses auxquels il ne semble avoir donné aucune véritable « règle du jeu », il n’a pas trop l’air de se soucier de ce qu’il advient d’une musique gagnée d’avance. Après tout, il termine une tournée au cours de laquelle, on peut le supposer, sa réputation et celle de ses comparses ont suffi — comme ici — à arracher au public des salves d’applaudissements. N’empêche que, pour qui suit Dave Holland depuis quelques décennies, la prestation de ce quartet au potentiel indéniable mais en net manque d’arrangements fut une déception. Magnifique instrumentiste qui a attisé le feu derrière maintes stars, le leader a pourtant su, naguère, communiquer sa flamme à nombre de groupes qui brillèrent sous sa direction ? Thierry Quénum
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Jazzdor, 28° édition. Soirée inaugurale : Dave Holland « Prism » Quartet . Strasbourg, Cité de la Musique, 08/11.
Sans réel thème jusqu’à ce qu’une bribe de solo de guitare puis de piano déclenche le flot mélodique, le premier morceau du quartet « Prism » de Dave Holland — écrit par le bassiste — apparaît d’abord comme une sorte de magma sonore rythmé par la batterie d’’Eric Harland. Un magma qui donne une idée de la densité de ce nouveau groupe, lequel ne ressemble à aucun de ceux qu’avait dirigé jusqu’à présent le bassiste.
Quand c’est Craig Taborn, qui prend la direction des opérations, cette masse sonore se met au service d’un piano ductile et véloce et l’ancre dans la terre sans lui couper les ailes. Puis elle se fait quasi muette pour laisser le leader choruser longuement en compagnie de la seule batterie… qui prendra un solo à son tour avant que la guitare ne revienne sur le devant de la scène. Bref, on aura eu droit, au total, à quatre (longs) solos de chacun des protagonistes au cours d’un bon quart d’heure de musique, et on commence à se demander si chaque morceau nous réservera le même défilé de prouesses techniques. Le second thème, composé par le guitariste, met un temps fou à décoller : interminables riffs sur quatre accords de guitare ponctués d’arpèges conjoints de piano et de Fender Rhodes bientôt rejoints par la basse et la batterie sans qu’il se passe grand–chose de passionnant. Et quand les choses changent c’est pour laisser place à une envolée de six-cordes au son rock graisseux, toujours sur la même trame harmonique sans grand relief. Le solo de Craig Taborn réussit un peu à relever le tout en faisant basculer l’ambiance vers la ballade langoureuse mais quand la guitare revient en force, saturée à souhait, on se demande si on est en train d’assister à un concert de jazz ou de hard rock. Rien de tel qu’un solo de basse acoustique pour remettre les pendules à l’heure, mais quand le reste du groupe se joint au leader, la frappe binaire appuyée d’Eric Harland revient semer le doute tandis que Kevin Eubanks — plus hendrixien que jamais — triture tant qu’il peut sur le manche de son instrument. Et pour faire bonne mesure voilà qu’un nouveau solo de batterie pointe son nez sur les quatre accords précités joués en boucle par les trois comparses du percussionniste. Une magistrale intro en solo — où l’on retrouve tout ce qu’on aime dans la basse de Dave Holland — introduit une lueur d’espoir : va-t-on enfin sortir de ce brouet sonore sans forme bien définie et dont le fond pose pour le moins question ? Pas vraiment : on entend alterner les passages à vide et les morceaux de bravoure d’un guitariste virtuose qui manque clairement de direction et se complait dans les phrases et riffs répétitifs; le batteur — excellent technicien, mais là n’est pas la question — fait ce qu’il peut pour meubler, ponctuer, colorer tout cela ou pour faire monter l’énergie ; le pianiste-claviériste — qui se contente parfois d’écouter, tête baissée, sans toucher à ses instruments — tente souvent d’impulser une orientation harmonique ou mélodique et se fend de solos flamboyants, mais la finesse de son jeu ne recueille de toute évidence pas l’adhésion majoritaire d’un groupe dont il n’est pas le leader. Quand à ce dernier, en père tranquille entouré de jeunes virtuoses auxquels il ne semble avoir donné aucune véritable « règle du jeu », il n’a pas trop l’air de se soucier de ce qu’il advient d’une musique gagnée d’avance. Après tout, il termine une tournée au cours de laquelle, on peut le supposer, sa réputation et celle de ses comparses ont suffi — comme ici — à arracher au public des salves d’applaudissements. N’empêche que, pour qui suit Dave Holland depuis quelques décennies, la prestation de ce quartet au potentiel indéniable mais en net manque d’arrangements fut une déception. Magnifique instrumentiste qui a attisé le feu derrière maintes stars, le leader a pourtant su, naguère, communiquer sa flamme à nombre de groupes qui brillèrent sous sa direction ? Thierry Quénum