Jazzdor Strasbourg-Berlin 1° partie (31/05-01/06) Kesselhaus, Berlin.
10° édition de Jazzdor Strasbourg/Berlin : qui le croirait? Initiative improbable destinée à promouvoir le Jazz français outre-Rhin mais aussi à susciter des projets musicaux transnationaux, ce festival hors-norme s’est inscrit dans la durée et a trouvé sa place dans la vie culturelle richissime de la capitale allemande. Pour cette édition anniversaire Philippe Ochem, le patron de Jazzdor Strasbourg/Berlin, avait choisi de débuter la première soirée par un programme largement international : le quartet « Axiom ». Quatre musiciens, quatre nationalités : Dejan Terzic, le leader et batteur allemand né en Bosnie-Herzégovine, Bojan Z, son presque compatriote serbo-français, Matt Penman, bassiste néozélandais vivant aux USA et Chris Speed, américain bon teint. Que ce soit dans les tempos médium — où les mélodies abondent — ou dans les rythmes plus vifs (où la batterie coloriste répand ses timbres, au même titre que le piano acoustique ou électrique, dont elle partage l’approche polyrythmique, ce jazz d’aujourd’hui ose le cantabile et l’énergie, sans adopter la moindre posture aride. Plaisir d’entendre une musique qui tire ses racines d’un est-européen au sens large du terme et affiche la richesse de ces racines.
Après cette bouffée de spontanéité, la « Symphonie déjouée » de Bernard Struber, semble évidemment un peu raide. Un peu « française » diront certains, dans le sens « château de Versailles ». Mais bien sûr on ne mène pas un groupe de dix musiciens comme un quartet. Et il y a, comme toujours chez Struber, un travail d’écriture éminemment respectable et des musiciens de niveau optimal. Pourtant, cette réduction de l’improvisation et de l’interplay à la portion congrue au profit d’un son d’ensemble par trop léché a-t-il un sens autre que le goût de la forme? Et cette chanteuse aux accents classieux classiques envahissants? Alors peut-être faut-il prendre au sens propre les nom et l’épithète « symphonie déjouée » ?
On les avait entendus en quintet à Strasbourg l’automne dernier, les revoici en duo à Berlin au printemps. Un duo qui confirme la complicité qui s’est installée entre eux et qui s’exprime d’emblée à travers « Homogenous Emotions », un thème d’Ornette car — pour ceux qui l’auraient oublié — l’altiste texan est plus ou moins le dernier souffleur avec qui Joachim Kühn a joué en duo. C’est dans une haute estime que le pianiste vétéran tient donc le jeune saxophoniste. Et ce qui les lie est non seulement une identité sonore immédiatement reconnaissable, mais une fluidité dans le phrasé qui coule avec un lyrisme sans pareil. Sans compter le goût du chant qui tantôt s’accélère, tantôt s’enfle majestueusement tout en gardant un fond ludique qui signale que ces deux-là s’amusent, sont dans le jeu, se jouent de la vélocité dont ils sont tous deux largement spécialistes. Et si l’on sait Kühn capable de tout, on est ébahi de ce dont Emile Parisien est devenu capable auprès de son aîné.
Avec le quartet de Pifarely, on est dans une atmosphère plus abstraite où l’attention au son se décline en parcelles éparses mêlant bribes mélodiques et riffs virtuoses. Il émane de tout cela une énergie que le violon survole à grands coups d’archet tandis que le piano d’Antonin Rayon égrène des notes fluides. Au total, un amalgame dense et plein de contrastes.
Sylvain Rifflet et son « Mechanics » nous plonge tout de suite dans le ludique, dans le gros son, dans les rythmes dansants, avec cette sonorité sax/flûte/g/dm primaire mais essentielle. Quand la kalimba remplace la flûte pour une petite mélodie aux harmonies simplissimes, on voyage sans vraiment se déplacer dans des paysages naïfs mais gorgés de sève où rôde l’ombre bienveillante de Philipp Glass et où la guitare assume avec gourmandise son rôle de seul instrument harmonique. Bref, comme chez Kühn/Parisien (quoique différemment), c’est ici la musique qui prime sur les effets, sur le formalisme, sur la virtuosité. C’est elle qui emporte tout sans souci excessivement formel, et l’on s’en réjouit.
Thierry Quénum|10° édition de Jazzdor Strasbourg/Berlin : qui le croirait? Initiative improbable destinée à promouvoir le Jazz français outre-Rhin mais aussi à susciter des projets musicaux transnationaux, ce festival hors-norme s’est inscrit dans la durée et a trouvé sa place dans la vie culturelle richissime de la capitale allemande. Pour cette édition anniversaire Philippe Ochem, le patron de Jazzdor Strasbourg/Berlin, avait choisi de débuter la première soirée par un programme largement international : le quartet « Axiom ». Quatre musiciens, quatre nationalités : Dejan Terzic, le leader et batteur allemand né en Bosnie-Herzégovine, Bojan Z, son presque compatriote serbo-français, Matt Penman, bassiste néozélandais vivant aux USA et Chris Speed, américain bon teint. Que ce soit dans les tempos médium — où les mélodies abondent — ou dans les rythmes plus vifs (où la batterie coloriste répand ses timbres, au même titre que le piano acoustique ou électrique, dont elle partage l’approche polyrythmique, ce jazz d’aujourd’hui ose le cantabile et l’énergie, sans adopter la moindre posture aride. Plaisir d’entendre une musique qui tire ses racines d’un est-européen au sens large du terme et affiche la richesse de ces racines.
Après cette bouffée de spontanéité, la « Symphonie déjouée » de Bernard Struber, semble évidemment un peu raide. Un peu « française » diront certains, dans le sens « château de Versailles ». Mais bien sûr on ne mène pas un groupe de dix musiciens comme un quartet. Et il y a, comme toujours chez Struber, un travail d’écriture éminemment respectable et des musiciens de niveau optimal. Pourtant, cette réduction de l’improvisation et de l’interplay à la portion congrue au profit d’un son d’ensemble par trop léché a-t-il un sens autre que le goût de la forme? Et cette chanteuse aux accents classieux classiques envahissants? Alors peut-être faut-il prendre au sens propre les nom et l’épithète « symphonie déjouée » ?
On les avait entendus en quintet à Strasbourg l’automne dernier, les revoici en duo à Berlin au printemps. Un duo qui confirme la complicité qui s’est installée entre eux et qui s’exprime d’emblée à travers « Homogenous Emotions », un thème d’Ornette car — pour ceux qui l’auraient oublié — l’altiste texan est plus ou moins le dernier souffleur avec qui Joachim Kühn a joué en duo. C’est dans une haute estime que le pianiste vétéran tient donc le jeune saxophoniste. Et ce qui les lie est non seulement une identité sonore immédiatement reconnaissable, mais une fluidité dans le phrasé qui coule avec un lyrisme sans pareil. Sans compter le goût du chant qui tantôt s’accélère, tantôt s’enfle majestueusement tout en gardant un fond ludique qui signale que ces deux-là s’amusent, sont dans le jeu, se jouent de la vélocité dont ils sont tous deux largement spécialistes. Et si l’on sait Kühn capable de tout, on est ébahi de ce dont Emile Parisien est devenu capable auprès de son aîné.
Avec le quartet de Pifarely, on est dans une atmosphère plus abstraite où l’attention au son se décline en parcelles éparses mêlant bribes mélodiques et riffs virtuoses. Il émane de tout cela une énergie que le violon survole à grands coups d’archet tandis que le piano d’Antonin Rayon égrène des notes fluides. Au total, un amalgame dense et plein de contrastes.
Sylvain Rifflet et son « Mechanics » nous plonge tout de suite dans le ludique, dans le gros son, dans les rythmes dansants, avec cette sonorité sax/flûte/g/dm primaire mais essentielle. Quand la kalimba remplace la flûte pour une petite mélodie aux harmonies simplissimes, on voyage sans vraiment se déplacer dans des paysages naïfs mais gorgés de sève où rôde l’ombre bienveillante de Philipp Glass et où la guitare assume avec gourmandise son rôle de seul instrument harmonique. Bref, comme chez Kühn/Parisien (quoique différemment), c’est ici la musique qui prime sur les effets, sur le formalisme, sur la virtuosité. C’est elle qui emporte tout sans souci excessivement formel, et l’on s’en réjouit.
Thierry Quénum|10° édition de Jazzdor Strasbourg/Berlin : qui le croirait? Initiative improbable destinée à promouvoir le Jazz français outre-Rhin mais aussi à susciter des projets musicaux transnationaux, ce festival hors-norme s’est inscrit dans la durée et a trouvé sa place dans la vie culturelle richissime de la capitale allemande. Pour cette édition anniversaire Philippe Ochem, le patron de Jazzdor Strasbourg/Berlin, avait choisi de débuter la première soirée par un programme largement international : le quartet « Axiom ». Quatre musiciens, quatre nationalités : Dejan Terzic, le leader et batteur allemand né en Bosnie-Herzégovine, Bojan Z, son presque compatriote serbo-français, Matt Penman, bassiste néozélandais vivant aux USA et Chris Speed, américain bon teint. Que ce soit dans les tempos médium — où les mélodies abondent — ou dans les rythmes plus vifs (où la batterie coloriste répand ses timbres, au même titre que le piano acoustique ou électrique, dont elle partage l’approche polyrythmique, ce jazz d’aujourd’hui ose le cantabile et l’énergie, sans adopter la moindre posture aride. Plaisir d’entendre une musique qui tire ses racines d’un est-européen au sens large du terme et affiche la richesse de ces racines.
Après cette bouffée de spontanéité, la « Symphonie déjouée » de Bernard Struber, semble évidemment un peu raide. Un peu « française » diront certains, dans le sens « château de Versailles ». Mais bien sûr on ne mène pas un groupe de dix musiciens comme un quartet. Et il y a, comme toujours chez Struber, un travail d’écriture éminemment respectable et des musiciens de niveau optimal. Pourtant, cette réduction de l’improvisation et de l’interplay à la portion congrue au profit d’un son d’ensemble par trop léché a-t-il un sens autre que le goût de la forme? Et cette chanteuse aux accents classieux classiques envahissants? Alors peut-être faut-il prendre au sens propre les nom et l’épithète « symphonie déjouée » ?
On les avait entendus en quintet à Strasbourg l’automne dernier, les revoici en duo à Berlin au printemps. Un duo qui confirme la complicité qui s’est installée entre eux et qui s’exprime d’emblée à travers « Homogenous Emotions », un thème d’Ornette car — pour ceux qui l’auraient oublié — l’altiste texan est plus ou moins le dernier souffleur avec qui Joachim Kühn a joué en duo. C’est dans une haute estime que le pianiste vétéran tient donc le jeune saxophoniste. Et ce qui les lie est non seulement une identité sonore immédiatement reconnaissable, mais une fluidité dans le phrasé qui coule avec un lyrisme sans pareil. Sans compter le goût du chant qui tantôt s’accélère, tantôt s’enfle majestueusement tout en gardant un fond ludique qui signale que ces deux-là s’amusent, sont dans le jeu, se jouent de la vélocité dont ils sont tous deux largement spécialistes. Et si l’on sait Kühn capable de tout, on est ébahi de ce dont Emile Parisien est devenu capable auprès de son aîné.
Avec le quartet de Pifarely, on est dans une atmosphère plus abstraite où l’attention au son se décline en parcelles éparses mêlant bribes mélodiques et riffs virtuoses. Il émane de tout cela une énergie que le violon survole à grands coups d’archet tandis que le piano d’Antonin Rayon égrène des notes fluides. Au total, un amalgame dense et plein de contrastes.
Sylvain Rifflet et son « Mechanics » nous plonge tout de suite dans le ludique, dans le gros son, dans les rythmes dansants, avec cette sonorité sax/flûte/g/dm primaire mais essentielle. Quand la kalimba remplace la flûte pour une petite mélodie aux harmonies simplissimes, on voyage sans vraiment se déplacer dans des paysages naïfs mais gorgés de sève où rôde l’ombre bienveillante de Philipp Glass et où la guitare assume avec gourmandise son rôle de seul instrument harmonique. Bref, comme chez Kühn/Parisien (quoique différemment), c’est ici la musique qui prime sur les effets, sur le formalisme, sur la virtuosité. C’est elle qui emporte tout sans souci excessivement formel, et l’on s’en réjouit.
Thierry Quénum|10° édition de Jazzdor Strasbourg/Berlin : qui le croirait? Initiative improbable destinée à promouvoir le Jazz français outre-Rhin mais aussi à susciter des projets musicaux transnationaux, ce festival hors-norme s’est inscrit dans la durée et a trouvé sa place dans la vie culturelle richissime de la capitale allemande. Pour cette édition anniversaire Philippe Ochem, le patron de Jazzdor Strasbourg/Berlin, avait choisi de débuter la première soirée par un programme largement international : le quartet « Axiom ». Quatre musiciens, quatre nationalités : Dejan Terzic, le leader et batteur allemand né en Bosnie-Herzégovine, Bojan Z, son presque compatriote serbo-français, Matt Penman, bassiste néozélandais vivant aux USA et Chris Speed, américain bon teint. Que ce soit dans les tempos médium — où les mélodies abondent — ou dans les rythmes plus vifs (où la batterie coloriste répand ses timbres, au même titre que le piano acoustique ou électrique, dont elle partage l’approche polyrythmique, ce jazz d’aujourd’hui ose le cantabile et l’énergie, sans adopter la moindre posture aride. Plaisir d’entendre une musique qui tire ses racines d’un est-européen au sens large du terme et affiche la richesse de ces racines.
Après cette bouffée de spontanéité, la « Symphonie déjouée » de Bernard Struber, semble évidemment un peu raide. Un peu « française » diront certains, dans le sens « château de Versailles ». Mais bien sûr on ne mène pas un groupe de dix musiciens comme un quartet. Et il y a, comme toujours chez Struber, un travail d’écriture éminemment respectable et des musiciens de niveau optimal. Pourtant, cette réduction de l’improvisation et de l’interplay à la portion congrue au profit d’un son d’ensemble par trop léché a-t-il un sens autre que le goût de la forme? Et cette chanteuse aux accents classieux classiques envahissants? Alors peut-être faut-il prendre au sens propre les nom et l’épithète « symphonie déjouée » ?
On les avait entendus en quintet à Strasbourg l’automne dernier, les revoici en duo à Berlin au printemps. Un duo qui confirme la complicité qui s’est installée entre eux et qui s’exprime d’emblée à travers « Homogenous Emotions », un thème d’Ornette car — pour ceux qui l’auraient oublié — l’altiste texan est plus ou moins le dernier souffleur avec qui Joachim Kühn a joué en duo. C’est dans une haute estime que le pianiste vétéran tient donc le jeune saxophoniste. Et ce qui les lie est non seulement une identité sonore immédiatement reconnaissable, mais une fluidité dans le phrasé qui coule avec un lyrisme sans pareil. Sans compter le goût du chant qui tantôt s’accélère, tantôt s’enfle majestueusement tout en gardant un fond ludique qui signale que ces deux-là s’amusent, sont dans le jeu, se jouent de la vélocité dont ils sont tous deux largement spécialistes. Et si l’on sait Kühn capable de tout, on est ébahi de ce dont Emile Parisien est devenu capable auprès de son aîné.
Avec le quartet de Pifarely, on est dans une atmosphère plus abstraite où l’attention au son se décline en parcelles éparses mêlant bribes mélodiques et riffs virtuoses. Il émane de tout cela une énergie que le violon survole à grands coups d’archet tandis que le piano d’Antonin Rayon égrène des notes fluides. Au total, un amalgame dense et plein de contrastes.
Sylvain Rifflet et son « Mechanics » nous plonge tout de suite dans le ludique, dans le gros son, dans les rythmes dansants, avec cette sonorité sax/flûte/g/dm primaire mais essentielle. Quand la kalimba remplace la flûte pour une petite mélodie aux harmonies simplissimes, on voyage sans vraiment se déplacer dans des paysages naïfs mais gorgés de sève où rôde l’ombre bienveillante de Philipp Glass et où la guitare assume avec gourmandise son rôle de seul instrument harmonique. Bref, comme chez Kühn/Parisien (quoique différemment), c’est ici la musique qui prime sur les effets, sur le formalisme, sur la virtuosité. C’est elle qui emporte tout sans souci excessivement formel, et l’on s’en réjouit.
Thierry Quénum