Jazz live
Publié le 20 Oct 2014

Jazzèbre (suite) : de Capa à Taro, et de Ceccaldi à Peirani, avec Mark & Sylvie

Un titre qui mélange tout. C’est comme ça dans l’Inconscient, et on arrive bien à s’y retrouver. A Perpignan, de jeudi dernier à hier matin, il y avait maintes occasions de s’émouvoir, et de penser. Voyons ça.

 

Et commençons par ce qui touche la Catalogne de près, encore : la guerre civile en Espagne, vers la fin des années 30, comme répétition générale de ce qui allait déferler sur nos parents en 1940. Il se trouve que le photojournalisme a été inventé dans ces années là, entre autres par trois ou quatre fondus venus de l’est, dont les noms (d’emprunt) sont restés célèbres (pas tous) : Robert Capa, Gerda Taro, Chim. Une valise contenant des milliers de négatifs a été transportée de Paris à Marseille en passant par Bordeaux, cependant que Capa filait vers d’autres aventures aux USA. Elle disparaît pendant des années, finit par réapparaître à Mexico au détour de la fin du siècle, et tout cela finit en Arles, pendant les Rencontres, il y a deux ou trois ans. Depuis l’exposition dite « la valise mexicaine » tourne un peu partout où l’on veut bien la prendre, à Perpignan en tous cas au Centre d’Art Contemporain Walter Benjamin. Bravo Perpignan. Et Bordeaux ? On attend, mais on n’espère rien.

 

Courez-y. Une heure et demi de visite, plus une autre demi-heure pour les films (dont un de Cartier-Bresson, toujours sur la guerre civile espagnole), une scénographie simple et droite, exigeante, les planches contact un peu agrandies, des tirages de format modeste, et surtout (surtout) les magazines de l’époque qui accueillent ces photos, entre autres ce fameux « Regards », papier journal, virage sépia, tout pour la photo, c’est d’une force encore intacte, le message passe toujours, vous y êtes, la guerre moderne s’invente, les horreurs arrivent, Gerda Taro dort sur une borne kilométrique, Gerda Taro photographie la mort, elle meurt écrasée par un char. « Regards » était un magazine communiste, c’était un magazine exemplaire, il vous atteint encore. Ouf ! On en sort étreint, et on se demande où sont les « Regards » d’aujourd’hui, et aussi les Capa et Gerda Taro, mais surtout les Franco, les Mussolini, les Hitler.

 

Qu’arrive la musique ! La journée de vendredi est rude pour le « jazz critic », avec le trio Ceccaldi à 18.30, puis Wollny/Peirani à 20.30 et le 4tet de Mark et Sylvie à 22.00. On ne va pas rester assoupi. Sur le trio, j’ai déjà opiné souvent, et positivement. Je confirme, et laisse à d’autres le soin de faire la fine bouche (ça peut arriver) sur la virtuosité jointe aux échos chambristes et parsemée de saturations rock contrôlées. C’est ça en effet, et en même temps ce n’est pas que ça, parce que la musique a du poids, de la graine, du plein et du délié, de la hauteur pour tout dire. Une heure avec ces trois gaillards en vaut dix avec des instrumentistes sages et maîtres de leur sujet. Il y a d’ailleurs de la maîtrise ches les Ceccaldi (pardon Aknine !), mais une maîtrise qui accepte de se laisser déborder par elle-même à l’occasion. A Perpignan, c’était proche du concert parfait, avec une dramaturgie ascensionnelle. 

 

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            Michael Wollny et le zèbre

 

Et d’un. Vous sortez de là bien touché, et deux extra-terrestres se pointent, qui vont vous faire oublier bien vite que les duos accordéon/piano (ou guitare, voir la veille) peuvent entraîner un léger assoupissement, agréable, mais certain. Il y a des musiciens qui donnent au public ce que ce dernier attend (c’est bien), il y en a d’autres qui lui donnent ce qu’il ignorait attendre, et c’est beaucoup mieux. C’est le cas de Peirani (mais vous le savez déjà, pas vrai ?), qui réussit à chaque fois à me surprendre alors même que je crois avoir compris comment ça marche (un inventeur), mais cette fois c’est aussi le cas de Michael Wollny : ce pianiste, que je croyais jusqu’ici simplement pianiste inscrit dans la série des pianistes de talent (il y en a des centaines), est manifestement d’une autre espèce. Au point (par exemple) qu’on se demande si ses mains touchent vraiment le clavier, tant elles semblent le survoler, planer au dessus de lui. Et cette gestuelle un peu folle donne une musique d’une logique absolue, dont la matière est à la fois dense et subtile. Non, nous n’avons pas là simplement un très bon pianiste de plus, mais un musicien qui va compter. 

 

C’est donc totalement vidé que le « jazz critic » s’apprête à écouter le 4tet de Mark Feldman et Sylvie Courvoisier, avec Scott Colley (b) et Billy Mintz (dm). Et ce seul concert aurait été suffisant pour le remplir de joie ! Arrivés des USA le matin même, totalement épuisés eux-mêmes, ils vont donner des pièces inscrites dans le CD « Birdies For Lulu » des versions étonnantes de grâce, de limpidité et de droiture. Mark est (forcément) admirable dans son registre flûté, Sylvie sait à point nommé jouer ou se taire, mais aussi se lancer dans des échanges passionnés avec Billy Mintz, ce dernier (quelle découverte !) entre minimalisme bruissant et percussion éclatée. Scott Colley s’emploie bien, Mark sourit de les voir s’amuser. Beau début pour une tournée en Europe assez fournie.

 

Philippe Méziat

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Un titre qui mélange tout. C’est comme ça dans l’Inconscient, et on arrive bien à s’y retrouver. A Perpignan, de jeudi dernier à hier matin, il y avait maintes occasions de s’émouvoir, et de penser. Voyons ça.

 

Et commençons par ce qui touche la Catalogne de près, encore : la guerre civile en Espagne, vers la fin des années 30, comme répétition générale de ce qui allait déferler sur nos parents en 1940. Il se trouve que le photojournalisme a été inventé dans ces années là, entre autres par trois ou quatre fondus venus de l’est, dont les noms (d’emprunt) sont restés célèbres (pas tous) : Robert Capa, Gerda Taro, Chim. Une valise contenant des milliers de négatifs a été transportée de Paris à Marseille en passant par Bordeaux, cependant que Capa filait vers d’autres aventures aux USA. Elle disparaît pendant des années, finit par réapparaître à Mexico au détour de la fin du siècle, et tout cela finit en Arles, pendant les Rencontres, il y a deux ou trois ans. Depuis l’exposition dite « la valise mexicaine » tourne un peu partout où l’on veut bien la prendre, à Perpignan en tous cas au Centre d’Art Contemporain Walter Benjamin. Bravo Perpignan. Et Bordeaux ? On attend, mais on n’espère rien.

 

Courez-y. Une heure et demi de visite, plus une autre demi-heure pour les films (dont un de Cartier-Bresson, toujours sur la guerre civile espagnole), une scénographie simple et droite, exigeante, les planches contact un peu agrandies, des tirages de format modeste, et surtout (surtout) les magazines de l’époque qui accueillent ces photos, entre autres ce fameux « Regards », papier journal, virage sépia, tout pour la photo, c’est d’une force encore intacte, le message passe toujours, vous y êtes, la guerre moderne s’invente, les horreurs arrivent, Gerda Taro dort sur une borne kilométrique, Gerda Taro photographie la mort, elle meurt écrasée par un char. « Regards » était un magazine communiste, c’était un magazine exemplaire, il vous atteint encore. Ouf ! On en sort étreint, et on se demande où sont les « Regards » d’aujourd’hui, et aussi les Capa et Gerda Taro, mais surtout les Franco, les Mussolini, les Hitler.

 

Qu’arrive la musique ! La journée de vendredi est rude pour le « jazz critic », avec le trio Ceccaldi à 18.30, puis Wollny/Peirani à 20.30 et le 4tet de Mark et Sylvie à 22.00. On ne va pas rester assoupi. Sur le trio, j’ai déjà opiné souvent, et positivement. Je confirme, et laisse à d’autres le soin de faire la fine bouche (ça peut arriver) sur la virtuosité jointe aux échos chambristes et parsemée de saturations rock contrôlées. C’est ça en effet, et en même temps ce n’est pas que ça, parce que la musique a du poids, de la graine, du plein et du délié, de la hauteur pour tout dire. Une heure avec ces trois gaillards en vaut dix avec des instrumentistes sages et maîtres de leur sujet. Il y a d’ailleurs de la maîtrise ches les Ceccaldi (pardon Aknine !), mais une maîtrise qui accepte de se laisser déborder par elle-même à l’occasion. A Perpignan, c’était proche du concert parfait, avec une dramaturgie ascensionnelle. 

 

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            Michael Wollny et le zèbre

 

Et d’un. Vous sortez de là bien touché, et deux extra-terrestres se pointent, qui vont vous faire oublier bien vite que les duos accordéon/piano (ou guitare, voir la veille) peuvent entraîner un léger assoupissement, agréable, mais certain. Il y a des musiciens qui donnent au public ce que ce dernier attend (c’est bien), il y en a d’autres qui lui donnent ce qu’il ignorait attendre, et c’est beaucoup mieux. C’est le cas de Peirani (mais vous le savez déjà, pas vrai ?), qui réussit à chaque fois à me surprendre alors même que je crois avoir compris comment ça marche (un inventeur), mais cette fois c’est aussi le cas de Michael Wollny : ce pianiste, que je croyais jusqu’ici simplement pianiste inscrit dans la série des pianistes de talent (il y en a des centaines), est manifestement d’une autre espèce. Au point (par exemple) qu’on se demande si ses mains touchent vraiment le clavier, tant elles semblent le survoler, planer au dessus de lui. Et cette gestuelle un peu folle donne une musique d’une logique absolue, dont la matière est à la fois dense et subtile. Non, nous n’avons pas là simplement un très bon pianiste de plus, mais un musicien qui va compter. 

 

C’est donc totalement vidé que le « jazz critic » s’apprête à écouter le 4tet de Mark Feldman et Sylvie Courvoisier, avec Scott Colley (b) et Billy Mintz (dm). Et ce seul concert aurait été suffisant pour le remplir de joie ! Arrivés des USA le matin même, totalement épuisés eux-mêmes, ils vont donner des pièces inscrites dans le CD « Birdies For Lulu » des versions étonnantes de grâce, de limpidité et de droiture. Mark est (forcément) admirable dans son registre flûté, Sylvie sait à point nommé jouer ou se taire, mais aussi se lancer dans des échanges passionnés avec Billy Mintz, ce dernier (quelle découverte !) entre minimalisme bruissant et percussion éclatée. Scott Colley s’emploie bien, Mark sourit de les voir s’amuser. Beau début pour une tournée en Europe assez fournie.

 

Philippe Méziat

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Un titre qui mélange tout. C’est comme ça dans l’Inconscient, et on arrive bien à s’y retrouver. A Perpignan, de jeudi dernier à hier matin, il y avait maintes occasions de s’émouvoir, et de penser. Voyons ça.

 

Et commençons par ce qui touche la Catalogne de près, encore : la guerre civile en Espagne, vers la fin des années 30, comme répétition générale de ce qui allait déferler sur nos parents en 1940. Il se trouve que le photojournalisme a été inventé dans ces années là, entre autres par trois ou quatre fondus venus de l’est, dont les noms (d’emprunt) sont restés célèbres (pas tous) : Robert Capa, Gerda Taro, Chim. Une valise contenant des milliers de négatifs a été transportée de Paris à Marseille en passant par Bordeaux, cependant que Capa filait vers d’autres aventures aux USA. Elle disparaît pendant des années, finit par réapparaître à Mexico au détour de la fin du siècle, et tout cela finit en Arles, pendant les Rencontres, il y a deux ou trois ans. Depuis l’exposition dite « la valise mexicaine » tourne un peu partout où l’on veut bien la prendre, à Perpignan en tous cas au Centre d’Art Contemporain Walter Benjamin. Bravo Perpignan. Et Bordeaux ? On attend, mais on n’espère rien.

 

Courez-y. Une heure et demi de visite, plus une autre demi-heure pour les films (dont un de Cartier-Bresson, toujours sur la guerre civile espagnole), une scénographie simple et droite, exigeante, les planches contact un peu agrandies, des tirages de format modeste, et surtout (surtout) les magazines de l’époque qui accueillent ces photos, entre autres ce fameux « Regards », papier journal, virage sépia, tout pour la photo, c’est d’une force encore intacte, le message passe toujours, vous y êtes, la guerre moderne s’invente, les horreurs arrivent, Gerda Taro dort sur une borne kilométrique, Gerda Taro photographie la mort, elle meurt écrasée par un char. « Regards » était un magazine communiste, c’était un magazine exemplaire, il vous atteint encore. Ouf ! On en sort étreint, et on se demande où sont les « Regards » d’aujourd’hui, et aussi les Capa et Gerda Taro, mais surtout les Franco, les Mussolini, les Hitler.

 

Qu’arrive la musique ! La journée de vendredi est rude pour le « jazz critic », avec le trio Ceccaldi à 18.30, puis Wollny/Peirani à 20.30 et le 4tet de Mark et Sylvie à 22.00. On ne va pas rester assoupi. Sur le trio, j’ai déjà opiné souvent, et positivement. Je confirme, et laisse à d’autres le soin de faire la fine bouche (ça peut arriver) sur la virtuosité jointe aux échos chambristes et parsemée de saturations rock contrôlées. C’est ça en effet, et en même temps ce n’est pas que ça, parce que la musique a du poids, de la graine, du plein et du délié, de la hauteur pour tout dire. Une heure avec ces trois gaillards en vaut dix avec des instrumentistes sages et maîtres de leur sujet. Il y a d’ailleurs de la maîtrise ches les Ceccaldi (pardon Aknine !), mais une maîtrise qui accepte de se laisser déborder par elle-même à l’occasion. A Perpignan, c’était proche du concert parfait, avec une dramaturgie ascensionnelle. 

 

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            Michael Wollny et le zèbre

 

Et d’un. Vous sortez de là bien touché, et deux extra-terrestres se pointent, qui vont vous faire oublier bien vite que les duos accordéon/piano (ou guitare, voir la veille) peuvent entraîner un léger assoupissement, agréable, mais certain. Il y a des musiciens qui donnent au public ce que ce dernier attend (c’est bien), il y en a d’autres qui lui donnent ce qu’il ignorait attendre, et c’est beaucoup mieux. C’est le cas de Peirani (mais vous le savez déjà, pas vrai ?), qui réussit à chaque fois à me surprendre alors même que je crois avoir compris comment ça marche (un inventeur), mais cette fois c’est aussi le cas de Michael Wollny : ce pianiste, que je croyais jusqu’ici simplement pianiste inscrit dans la série des pianistes de talent (il y en a des centaines), est manifestement d’une autre espèce. Au point (par exemple) qu’on se demande si ses mains touchent vraiment le clavier, tant elles semblent le survoler, planer au dessus de lui. Et cette gestuelle un peu folle donne une musique d’une logique absolue, dont la matière est à la fois dense et subtile. Non, nous n’avons pas là simplement un très bon pianiste de plus, mais un musicien qui va compter. 

 

C’est donc totalement vidé que le « jazz critic » s’apprête à écouter le 4tet de Mark Feldman et Sylvie Courvoisier, avec Scott Colley (b) et Billy Mintz (dm). Et ce seul concert aurait été suffisant pour le remplir de joie ! Arrivés des USA le matin même, totalement épuisés eux-mêmes, ils vont donner des pièces inscrites dans le CD « Birdies For Lulu » des versions étonnantes de grâce, de limpidité et de droiture. Mark est (forcément) admirable dans son registre flûté, Sylvie sait à point nommé jouer ou se taire, mais aussi se lancer dans des échanges passionnés avec Billy Mintz, ce dernier (quelle découverte !) entre minimalisme bruissant et percussion éclatée. Scott Colley s’emploie bien, Mark sourit de les voir s’amuser. Beau début pour une tournée en Europe assez fournie.

 

Philippe Méziat

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Un titre qui mélange tout. C’est comme ça dans l’Inconscient, et on arrive bien à s’y retrouver. A Perpignan, de jeudi dernier à hier matin, il y avait maintes occasions de s’émouvoir, et de penser. Voyons ça.

 

Et commençons par ce qui touche la Catalogne de près, encore : la guerre civile en Espagne, vers la fin des années 30, comme répétition générale de ce qui allait déferler sur nos parents en 1940. Il se trouve que le photojournalisme a été inventé dans ces années là, entre autres par trois ou quatre fondus venus de l’est, dont les noms (d’emprunt) sont restés célèbres (pas tous) : Robert Capa, Gerda Taro, Chim. Une valise contenant des milliers de négatifs a été transportée de Paris à Marseille en passant par Bordeaux, cependant que Capa filait vers d’autres aventures aux USA. Elle disparaît pendant des années, finit par réapparaître à Mexico au détour de la fin du siècle, et tout cela finit en Arles, pendant les Rencontres, il y a deux ou trois ans. Depuis l’exposition dite « la valise mexicaine » tourne un peu partout où l’on veut bien la prendre, à Perpignan en tous cas au Centre d’Art Contemporain Walter Benjamin. Bravo Perpignan. Et Bordeaux ? On attend, mais on n’espère rien.

 

Courez-y. Une heure et demi de visite, plus une autre demi-heure pour les films (dont un de Cartier-Bresson, toujours sur la guerre civile espagnole), une scénographie simple et droite, exigeante, les planches contact un peu agrandies, des tirages de format modeste, et surtout (surtout) les magazines de l’époque qui accueillent ces photos, entre autres ce fameux « Regards », papier journal, virage sépia, tout pour la photo, c’est d’une force encore intacte, le message passe toujours, vous y êtes, la guerre moderne s’invente, les horreurs arrivent, Gerda Taro dort sur une borne kilométrique, Gerda Taro photographie la mort, elle meurt écrasée par un char. « Regards » était un magazine communiste, c’était un magazine exemplaire, il vous atteint encore. Ouf ! On en sort étreint, et on se demande où sont les « Regards » d’aujourd’hui, et aussi les Capa et Gerda Taro, mais surtout les Franco, les Mussolini, les Hitler.

 

Qu’arrive la musique ! La journée de vendredi est rude pour le « jazz critic », avec le trio Ceccaldi à 18.30, puis Wollny/Peirani à 20.30 et le 4tet de Mark et Sylvie à 22.00. On ne va pas rester assoupi. Sur le trio, j’ai déjà opiné souvent, et positivement. Je confirme, et laisse à d’autres le soin de faire la fine bouche (ça peut arriver) sur la virtuosité jointe aux échos chambristes et parsemée de saturations rock contrôlées. C’est ça en effet, et en même temps ce n’est pas que ça, parce que la musique a du poids, de la graine, du plein et du délié, de la hauteur pour tout dire. Une heure avec ces trois gaillards en vaut dix avec des instrumentistes sages et maîtres de leur sujet. Il y a d’ailleurs de la maîtrise ches les Ceccaldi (pardon Aknine !), mais une maîtrise qui accepte de se laisser déborder par elle-même à l’occasion. A Perpignan, c’était proche du concert parfait, avec une dramaturgie ascensionnelle. 

 

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            Michael Wollny et le zèbre

 

Et d’un. Vous sortez de là bien touché, et deux extra-terrestres se pointent, qui vont vous faire oublier bien vite que les duos accordéon/piano (ou guitare, voir la veille) peuvent entraîner un léger assoupissement, agréable, mais certain. Il y a des musiciens qui donnent au public ce que ce dernier attend (c’est bien), il y en a d’autres qui lui donnent ce qu’il ignorait attendre, et c’est beaucoup mieux. C’est le cas de Peirani (mais vous le savez déjà, pas vrai ?), qui réussit à chaque fois à me surprendre alors même que je crois avoir compris comment ça marche (un inventeur), mais cette fois c’est aussi le cas de Michael Wollny : ce pianiste, que je croyais jusqu’ici simplement pianiste inscrit dans la série des pianistes de talent (il y en a des centaines), est manifestement d’une autre espèce. Au point (par exemple) qu’on se demande si ses mains touchent vraiment le clavier, tant elles semblent le survoler, planer au dessus de lui. Et cette gestuelle un peu folle donne une musique d’une logique absolue, dont la matière est à la fois dense et subtile. Non, nous n’avons pas là simplement un très bon pianiste de plus, mais un musicien qui va compter. 

 

C’est donc totalement vidé que le « jazz critic » s’apprête à écouter le 4tet de Mark Feldman et Sylvie Courvoisier, avec Scott Colley (b) et Billy Mintz (dm). Et ce seul concert aurait été suffisant pour le remplir de joie ! Arrivés des USA le matin même, totalement épuisés eux-mêmes, ils vont donner des pièces inscrites dans le CD « Birdies For Lulu » des versions étonnantes de grâce, de limpidité et de droiture. Mark est (forcément) admirable dans son registre flûté, Sylvie sait à point nommé jouer ou se taire, mais aussi se lancer dans des échanges passionnés avec Billy Mintz, ce dernier (quelle découverte !) entre minimalisme bruissant et percussion éclatée. Scott Colley s’emploie bien, Mark sourit de les voir s’amuser. Beau début pour une tournée en Europe assez fournie.

 

Philippe Méziat