Jean-Marie Machado : soufflet et percussions au Café de la Danse
Hier soir, 13 mars, à Paris au Café de la danse, le pianiste et compositeur Jean-Marie Machado présentait deux programmes, “Lua” qui le réunit à l’accordéoniste Didier Ithursarry et “Impulse Songs” où il s’entoure de percussions.
Lua : Jean-Marie Machado (piano, composition), Didier Ithursarry (accordéon, composition).
Impulse Songs : Jean-Marie Machado (piano, composition), Keyvan Chemirani (zarb), Christian Hamouy (vibraphone, cymbales, gong), Gisèle David (xylophone, grosse caisse, tom, cymbales gongs, woodblocks, portique de sonnailles et carillons… ), Marion Frétigny (marimba, bols, cymbales, tom…)
Se rendre à ce concert en lisant le nouveau livre de Jacques Réda, Une Civilisation du rythme n’était pas la meilleure idée. Il y dresse une sorte de théologie où la Sainte Trinité serait remplacée par la Sainte Dualité des dieux Swing et Blues, en un équilibre qui aurait atteint son apogée (et donc commencé à verser vers son déclin) au tournant des années 1940… lire donc pareil texte, au demeurant d’une plume délectable, en se rendant à un concert de Jean-Marie Machado avec la casquette de jazz critic, n’était pas pour mettre dans la meilleure des dispositions. Car s’il est une musique qu’il ne convient pas d’aborder avec l’oreille de Jacques Réda, c’est bien la musique de Machado. Le pianiste appartient en tout cas à un âge du jazz où celui-ci se trouve peuplé – parce qu’ils s’en sont nourris, qu’il leur a fourni des modèles, des outils, ou tout simplement que leurs pratiques improvisées ne trouveraient refuge sous aucune autre bannière – de musiciens bien incapables de présenter un quelconque document d’appartenance à une esthétique ainsi refermée sur elle-même.
En duo avec Didier Ithursarry, Jean-Marie Machado a des gestes de concertiste et compositeur classique traversés d’élans d’improvisateur – cependant dénués de ces clichés qui encombrent par trop le piano jazz, et en cela campe sur ces trois statuts concertiste-compositeur-improvisateur –, de réminiscences populaires profondément ancrées en lui… ici un fado, là une touche d’Espagne qui évoque ici et là un autre duo, celui de Chick Corea et de Gary Burton, avec un mélange de précision, de dynamisme, de fraîcheur dont la génération des Granados ou de Falla devrait, s’ils étaient vivants, être quelque peu jalouse, si tant est qu’il soit dans la nature d’un compositeur classique d’être jaloux d’un improvisateur. Didier Ithrusarry, également compositeur, est chez lui dans cette esthétique transfrontalière, et les deux hommes se sont trouvés une complémentarité naturelle qui joue tout à la fois sur la fusion et l’opposition tant des timbres que des sources populaires et savantes.
Après l’entracte, le dispositif orchestral fait appel au vocabulaire et à l’instrumentarium de la percussion contemporaine, avec une écriture qui, par contraste avec la première partie, tend à figer un peu le concert, du fait d’une écriture très fragmentée, par courtes séquences qui m’ont semblé plus juxtaposées qu’elles ne m’ont paru s’engendrer l’une l’autre (non sans évoquer incidemment Steve Reich) ce qui accentue le côté tendu de la prestation dont l’exécution est pourtant alerte. Keyvan Chemirani y introduit une touche extra-européenne et cette capacité de passer à travers partitions qui lui sont soumises pour s’évader très au-delà. Aussi se prend on à espérer ses rares moments d’aparté ou de duos avec le compositeur-improvisateur où la vie reprend pleinement ses droits, la récompense venant en rappel dans une dernière pièce où Didier Ithursarry revient donner du souffle à cette musique dont on apprécie par ailleurs la polychromie, tantôt grandiose, tantôt miniature, d’un réjouissante énergie timbrale et dynamique.
Et en sortant, on dit que c’est une assez mauvaise idée que de reprendre la lecture de Réda qui en arrivant menaçait notre jugement sur le concert à venir et dont les arguments théologiques en deviennent désormais la victime. Sur le chemin de la gare à ma chaumière, je m’arrête sous la blancheur d’un arbre en fleurs crevant l’obscurité pour écouter le ruissellement musical d’un rouge-gorge insomniaque… qui ne s’est pas encore lassé d’avoir chanté tout le jour l’arrivée soudaine du printemps. À n’en pas douter, ce oiseau-là se soucie peu de théologie.
Irai-je écouter Samuel Blaser et Marc Ducret demain au 19 rue Paul Fort ? • Franck Bergerot
|Hier soir, 13 mars, à Paris au Café de la danse, le pianiste et compositeur Jean-Marie Machado présentait deux programmes, “Lua” qui le réunit à l’accordéoniste Didier Ithursarry et “Impulse Songs” où il s’entoure de percussions.
Lua : Jean-Marie Machado (piano, composition), Didier Ithursarry (accordéon, composition).
Impulse Songs : Jean-Marie Machado (piano, composition), Keyvan Chemirani (zarb), Christian Hamouy (vibraphone, cymbales, gong), Gisèle David (xylophone, grosse caisse, tom, cymbales gongs, woodblocks, portique de sonnailles et carillons… ), Marion Frétigny (marimba, bols, cymbales, tom…)
Se rendre à ce concert en lisant le nouveau livre de Jacques Réda, Une Civilisation du rythme n’était pas la meilleure idée. Il y dresse une sorte de théologie où la Sainte Trinité serait remplacée par la Sainte Dualité des dieux Swing et Blues, en un équilibre qui aurait atteint son apogée (et donc commencé à verser vers son déclin) au tournant des années 1940… lire donc pareil texte, au demeurant d’une plume délectable, en se rendant à un concert de Jean-Marie Machado avec la casquette de jazz critic, n’était pas pour mettre dans la meilleure des dispositions. Car s’il est une musique qu’il ne convient pas d’aborder avec l’oreille de Jacques Réda, c’est bien la musique de Machado. Le pianiste appartient en tout cas à un âge du jazz où celui-ci se trouve peuplé – parce qu’ils s’en sont nourris, qu’il leur a fourni des modèles, des outils, ou tout simplement que leurs pratiques improvisées ne trouveraient refuge sous aucune autre bannière – de musiciens bien incapables de présenter un quelconque document d’appartenance à une esthétique ainsi refermée sur elle-même.
En duo avec Didier Ithursarry, Jean-Marie Machado a des gestes de concertiste et compositeur classique traversés d’élans d’improvisateur – cependant dénués de ces clichés qui encombrent par trop le piano jazz, et en cela campe sur ces trois statuts concertiste-compositeur-improvisateur –, de réminiscences populaires profondément ancrées en lui… ici un fado, là une touche d’Espagne qui évoque ici et là un autre duo, celui de Chick Corea et de Gary Burton, avec un mélange de précision, de dynamisme, de fraîcheur dont la génération des Granados ou de Falla devrait, s’ils étaient vivants, être quelque peu jalouse, si tant est qu’il soit dans la nature d’un compositeur classique d’être jaloux d’un improvisateur. Didier Ithrusarry, également compositeur, est chez lui dans cette esthétique transfrontalière, et les deux hommes se sont trouvés une complémentarité naturelle qui joue tout à la fois sur la fusion et l’opposition tant des timbres que des sources populaires et savantes.
Après l’entracte, le dispositif orchestral fait appel au vocabulaire et à l’instrumentarium de la percussion contemporaine, avec une écriture qui, par contraste avec la première partie, tend à figer un peu le concert, du fait d’une écriture très fragmentée, par courtes séquences qui m’ont semblé plus juxtaposées qu’elles ne m’ont paru s’engendrer l’une l’autre (non sans évoquer incidemment Steve Reich) ce qui accentue le côté tendu de la prestation dont l’exécution est pourtant alerte. Keyvan Chemirani y introduit une touche extra-européenne et cette capacité de passer à travers partitions qui lui sont soumises pour s’évader très au-delà. Aussi se prend on à espérer ses rares moments d’aparté ou de duos avec le compositeur-improvisateur où la vie reprend pleinement ses droits, la récompense venant en rappel dans une dernière pièce où Didier Ithursarry revient donner du souffle à cette musique dont on apprécie par ailleurs la polychromie, tantôt grandiose, tantôt miniature, d’un réjouissante énergie timbrale et dynamique.
Et en sortant, on dit que c’est une assez mauvaise idée que de reprendre la lecture de Réda qui en arrivant menaçait notre jugement sur le concert à venir et dont les arguments théologiques en deviennent désormais la victime. Sur le chemin de la gare à ma chaumière, je m’arrête sous la blancheur d’un arbre en fleurs crevant l’obscurité pour écouter le ruissellement musical d’un rouge-gorge insomniaque… qui ne s’est pas encore lassé d’avoir chanté tout le jour l’arrivée soudaine du printemps. À n’en pas douter, ce oiseau-là se soucie peu de théologie.
Irai-je écouter Samuel Blaser et Marc Ducret demain au 19 rue Paul Fort ? • Franck Bergerot
|Hier soir, 13 mars, à Paris au Café de la danse, le pianiste et compositeur Jean-Marie Machado présentait deux programmes, “Lua” qui le réunit à l’accordéoniste Didier Ithursarry et “Impulse Songs” où il s’entoure de percussions.
Lua : Jean-Marie Machado (piano, composition), Didier Ithursarry (accordéon, composition).
Impulse Songs : Jean-Marie Machado (piano, composition), Keyvan Chemirani (zarb), Christian Hamouy (vibraphone, cymbales, gong), Gisèle David (xylophone, grosse caisse, tom, cymbales gongs, woodblocks, portique de sonnailles et carillons… ), Marion Frétigny (marimba, bols, cymbales, tom…)
Se rendre à ce concert en lisant le nouveau livre de Jacques Réda, Une Civilisation du rythme n’était pas la meilleure idée. Il y dresse une sorte de théologie où la Sainte Trinité serait remplacée par la Sainte Dualité des dieux Swing et Blues, en un équilibre qui aurait atteint son apogée (et donc commencé à verser vers son déclin) au tournant des années 1940… lire donc pareil texte, au demeurant d’une plume délectable, en se rendant à un concert de Jean-Marie Machado avec la casquette de jazz critic, n’était pas pour mettre dans la meilleure des dispositions. Car s’il est une musique qu’il ne convient pas d’aborder avec l’oreille de Jacques Réda, c’est bien la musique de Machado. Le pianiste appartient en tout cas à un âge du jazz où celui-ci se trouve peuplé – parce qu’ils s’en sont nourris, qu’il leur a fourni des modèles, des outils, ou tout simplement que leurs pratiques improvisées ne trouveraient refuge sous aucune autre bannière – de musiciens bien incapables de présenter un quelconque document d’appartenance à une esthétique ainsi refermée sur elle-même.
En duo avec Didier Ithursarry, Jean-Marie Machado a des gestes de concertiste et compositeur classique traversés d’élans d’improvisateur – cependant dénués de ces clichés qui encombrent par trop le piano jazz, et en cela campe sur ces trois statuts concertiste-compositeur-improvisateur –, de réminiscences populaires profondément ancrées en lui… ici un fado, là une touche d’Espagne qui évoque ici et là un autre duo, celui de Chick Corea et de Gary Burton, avec un mélange de précision, de dynamisme, de fraîcheur dont la génération des Granados ou de Falla devrait, s’ils étaient vivants, être quelque peu jalouse, si tant est qu’il soit dans la nature d’un compositeur classique d’être jaloux d’un improvisateur. Didier Ithrusarry, également compositeur, est chez lui dans cette esthétique transfrontalière, et les deux hommes se sont trouvés une complémentarité naturelle qui joue tout à la fois sur la fusion et l’opposition tant des timbres que des sources populaires et savantes.
Après l’entracte, le dispositif orchestral fait appel au vocabulaire et à l’instrumentarium de la percussion contemporaine, avec une écriture qui, par contraste avec la première partie, tend à figer un peu le concert, du fait d’une écriture très fragmentée, par courtes séquences qui m’ont semblé plus juxtaposées qu’elles ne m’ont paru s’engendrer l’une l’autre (non sans évoquer incidemment Steve Reich) ce qui accentue le côté tendu de la prestation dont l’exécution est pourtant alerte. Keyvan Chemirani y introduit une touche extra-européenne et cette capacité de passer à travers partitions qui lui sont soumises pour s’évader très au-delà. Aussi se prend on à espérer ses rares moments d’aparté ou de duos avec le compositeur-improvisateur où la vie reprend pleinement ses droits, la récompense venant en rappel dans une dernière pièce où Didier Ithursarry revient donner du souffle à cette musique dont on apprécie par ailleurs la polychromie, tantôt grandiose, tantôt miniature, d’un réjouissante énergie timbrale et dynamique.
Et en sortant, on dit que c’est une assez mauvaise idée que de reprendre la lecture de Réda qui en arrivant menaçait notre jugement sur le concert à venir et dont les arguments théologiques en deviennent désormais la victime. Sur le chemin de la gare à ma chaumière, je m’arrête sous la blancheur d’un arbre en fleurs crevant l’obscurité pour écouter le ruissellement musical d’un rouge-gorge insomniaque… qui ne s’est pas encore lassé d’avoir chanté tout le jour l’arrivée soudaine du printemps. À n’en pas douter, ce oiseau-là se soucie peu de théologie.
Irai-je écouter Samuel Blaser et Marc Ducret demain au 19 rue Paul Fort ? • Franck Bergerot
|Hier soir, 13 mars, à Paris au Café de la danse, le pianiste et compositeur Jean-Marie Machado présentait deux programmes, “Lua” qui le réunit à l’accordéoniste Didier Ithursarry et “Impulse Songs” où il s’entoure de percussions.
Lua : Jean-Marie Machado (piano, composition), Didier Ithursarry (accordéon, composition).
Impulse Songs : Jean-Marie Machado (piano, composition), Keyvan Chemirani (zarb), Christian Hamouy (vibraphone, cymbales, gong), Gisèle David (xylophone, grosse caisse, tom, cymbales gongs, woodblocks, portique de sonnailles et carillons… ), Marion Frétigny (marimba, bols, cymbales, tom…)
Se rendre à ce concert en lisant le nouveau livre de Jacques Réda, Une Civilisation du rythme n’était pas la meilleure idée. Il y dresse une sorte de théologie où la Sainte Trinité serait remplacée par la Sainte Dualité des dieux Swing et Blues, en un équilibre qui aurait atteint son apogée (et donc commencé à verser vers son déclin) au tournant des années 1940… lire donc pareil texte, au demeurant d’une plume délectable, en se rendant à un concert de Jean-Marie Machado avec la casquette de jazz critic, n’était pas pour mettre dans la meilleure des dispositions. Car s’il est une musique qu’il ne convient pas d’aborder avec l’oreille de Jacques Réda, c’est bien la musique de Machado. Le pianiste appartient en tout cas à un âge du jazz où celui-ci se trouve peuplé – parce qu’ils s’en sont nourris, qu’il leur a fourni des modèles, des outils, ou tout simplement que leurs pratiques improvisées ne trouveraient refuge sous aucune autre bannière – de musiciens bien incapables de présenter un quelconque document d’appartenance à une esthétique ainsi refermée sur elle-même.
En duo avec Didier Ithursarry, Jean-Marie Machado a des gestes de concertiste et compositeur classique traversés d’élans d’improvisateur – cependant dénués de ces clichés qui encombrent par trop le piano jazz, et en cela campe sur ces trois statuts concertiste-compositeur-improvisateur –, de réminiscences populaires profondément ancrées en lui… ici un fado, là une touche d’Espagne qui évoque ici et là un autre duo, celui de Chick Corea et de Gary Burton, avec un mélange de précision, de dynamisme, de fraîcheur dont la génération des Granados ou de Falla devrait, s’ils étaient vivants, être quelque peu jalouse, si tant est qu’il soit dans la nature d’un compositeur classique d’être jaloux d’un improvisateur. Didier Ithrusarry, également compositeur, est chez lui dans cette esthétique transfrontalière, et les deux hommes se sont trouvés une complémentarité naturelle qui joue tout à la fois sur la fusion et l’opposition tant des timbres que des sources populaires et savantes.
Après l’entracte, le dispositif orchestral fait appel au vocabulaire et à l’instrumentarium de la percussion contemporaine, avec une écriture qui, par contraste avec la première partie, tend à figer un peu le concert, du fait d’une écriture très fragmentée, par courtes séquences qui m’ont semblé plus juxtaposées qu’elles ne m’ont paru s’engendrer l’une l’autre (non sans évoquer incidemment Steve Reich) ce qui accentue le côté tendu de la prestation dont l’exécution est pourtant alerte. Keyvan Chemirani y introduit une touche extra-européenne et cette capacité de passer à travers partitions qui lui sont soumises pour s’évader très au-delà. Aussi se prend on à espérer ses rares moments d’aparté ou de duos avec le compositeur-improvisateur où la vie reprend pleinement ses droits, la récompense venant en rappel dans une dernière pièce où Didier Ithursarry revient donner du souffle à cette musique dont on apprécie par ailleurs la polychromie, tantôt grandiose, tantôt miniature, d’un réjouissante énergie timbrale et dynamique.
Et en sortant, on dit que c’est une assez mauvaise idée que de reprendre la lecture de Réda qui en arrivant menaçait notre jugement sur le concert à venir et dont les arguments théologiques en deviennent désormais la victime. Sur le chemin de la gare à ma chaumière, je m’arrête sous la blancheur d’un arbre en fleurs crevant l’obscurité pour écouter le ruissellement musical d’un rouge-gorge insomniaque… qui ne s’est pas encore lassé d’avoir chanté tout le jour l’arrivée soudaine du printemps. À n’en pas douter, ce oiseau-là se soucie peu de théologie.
Irai-je écouter Samuel Blaser et Marc Ducret demain au 19 rue Paul Fort ? • Franck Bergerot