Jerry Bergonzi, la force tranquille
Un set au Duc des Lombards, avec Jerry Bergonzi, grand maître du saxophone post-coltranien.
Jerry Bergonzi, (sax tenor), Renato Chicco (orgue)Andrea Michelutti (batterie), 23 mars 2017, Duc des Lombards
Un set avec Jerry Bergonzi. Il se présente en trio, et propose un joli bouquet de standards et de compositions, cueilli avec soin, arrangé avec goût, avec une répartition très sûre entre morceaux très connus, un peu connus, pas connus. Au menu: Witchcraft, Solar, Theme for Honeyboy, Soultrane, Blue Cue, Double Bill, Come rain or come shine…
C’est le genre de soirée où l’on est en confiance, on l’est d’autant plus que le maître des lieux affiche une sérénité parfaite. Curieux contraste, d’ailleurs , entre l’impression visuelle et l’impression auditive: le débit impétueux, volubile des phrases de Bergonzi suggère des images qui ne sont pas totalement raccords avec cette impression de force tranquille qu’il dégage, même dans les passages up-tempo. Bergonzi semble avoir tout digéré, Coleman Hawkins, Coltrane, Brecker. Il est en total contrôle de l’instrument y compris dans les dérapages ou dans les étranglements dont il aime à épicer son jeu, pour ne pas laisser ses arpèges se refermer sur lui. Sa sonorité offre un bon équilibre de qualités apparemment antinomiques, c’est rugueux mais velouté, il y a des ébréchures et de la patine, avec dans les ballades des petits moments getziens, des échappées dans le diaphane.
Bergonzi est accompagné à l’orgue par Renato Chicco, qui apporte beaucoup de groove et d’énergie, avec des entrées en matière toujours swingantes et pimpantes.
Le batteur Andrea Michelutti a une présence agressive mais pertinente, il se soucie fort peu d’être coloriste, mais de surtout de mettre du charbon dans la locomotive, et il le fait très bien. Tous deux, batteur et organiste permettent à Jerry Bergonzi de jouer avec une décontraction sereine, comme un oiseau profitant des courants ascendants. On goûte de formidables 4/4 exécutés dans les règles de l’art et un Come rain or Come shine à tempo vif pour couronner le tout. Du sax qui se déguste comme un très bon whisky.
Post scriptum: Jerry Bergonzi est également un pédagogue respecté, dont les conseils profitables sont dispensés sur internet ou au cours de master-classes. En farfouillant dans le monde virtuel, je trouve un compte-rendu d’une master-class de 2009, où le maître prononce cette phrase: « Quand je joue je ne pense pas. Je pense quand je travaille ».
texte : JF Mondot
Dessins: AC Alvoët
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