Jeudi Jazz Magazine au Bal Blomet : Julie Saury for Maxim
Hier 23 novembre, Julie Saury jouait l’hommage à son père, Maxim Saury, qu’elle a gravé l’an passé sous le titre “For Maxim – A Jazz Love Story”. Tendre grand écart entre hier et aujourd’hui.
Jérôme Etcheberry (trompette), Aurélie Tropez (clarinette), Frédéric Couderc (saxello, sax ténor, coudophone, appeaux, divers), Philippe Milanta (piano), Bruno Rousselet (contrebasse), Julie Saury (batterie).
C’est un hommage à la fois intime et distanciée que rend la batteuse Julie Saury à son père, le célèbre clarinettiste dixieland, qui fut l’âme du Caveau de la Huchette dans les années 1950, auprès duquel elle apprit et fit le métier ? Reprenant dans un esprit contemporain le répertoire qu’elle pratiqua avec lui, des mélodies qu’elle a aimées – ou détestées, et c’est une bien bonne raison de leur faire rendre raison en les torturant gentiment –, elle s’est entourée de musiciens dont la sensibilité n’auraient pas forcément froissé son père, mais d’une génération qui en a vu d’autres et donc peu susceptible de se laisser impressionner par les détournements, collages et rêveries sonores qu’inspire aujourd’hui le répertoire du père à sa fille.
Jérôme Etcheberry, muni d’une demie douzaine de sourdines qui font apprécier sous tous les angles une sonorité moelleuse tournant le dos au cliquant, est un trompettiste clairement rattaché aux esthétiques grandies dans les années 20 et 30, et donc coutumier de ce répertoire (Moppin’ and Boppin’, Avalon, When It’s Sleepy Time Down South, Basin Street Blues, Indiana, Do You Know What It Means To Miss New Orleans, Sweet Georgia Brown, St. Louis Blues) mais aucunement intimidé par ces dérangements sur lesquels il prend la place occupée sur le disque par la tromboniste Shannon Barnett.
Aurélie Tropez sait s’imposer, du boisé profond du chalumeau aux pépiements de l’aigu auxquels la fréquentation des œuvres de Jimmy Hamilton et Buddy de Franco donne de l’autorité. Fred Couderc se présente à la tête d’une étrange instrumentarium : outre le ténor, le saxello (au bocal courbé vers le bas et au pavillon également courbé pour projeter le son vers le public, que l’on entendit chez Roland Kirk et chez Elton Dean), le coudophone (invention d’Hervé Martin et Frédéric Couderc, en fait saxophone en ut dont la forme de ténor, en légèrement plus petit, est déroulé sur le modèle du saxello), un instrument soprano à coulisse dont le nom inscrit dans mon calepin s’avère illisible (serait-ce un slide soprano ?). Il en tire des solos plus ancrés dans le bop qui lui inspire naturemment la citation de Donna Lee dans Indiana (dont la composition de Miles Davis est le démarquage). Plus appeaux, sirènes, porte-voix qui complètent une double panoplie de futuriste (notamment lorsqu’il marche sur les traces de Roland Kirk en jouant de deux saxophones simultanément) et de fantaisiste, fou de la reine, trublion…
Mais plus encore que cette performance, ce sont les arrangements qui établissent la distance voulue par Julie Saury. Des arrangements dont Philippe Milanta (hier assez réservé au piano) n’est pas officiellement crédité mais dont on voit bien qu’il a au moins prêté ses compétences harmoniques aux intentions de la directrice artistique et batteuse. Associés aux lignes de contrebasse gourmandes de cheminements mélodiques toujours nouveaux, balais, baguettes, cymbales et fûts de Julie Saury contribuent à la distanciation par un vocabulaire moderne où dominent les gestes du hard bop, plus une énergie contractée à l’écoute du funk dont on la dit gourmande. Mais où je regrette que, lorsqu’elle use des balais, elle préfère s’y disperser, comme si elle n’osait – peut-être pour éviter la convention – cette profondeur du tempo qu’installe un vrai et profond chabada. Convention ? L’art des balais est tellement perdu, qu’il ne peut s’agir de convention lorsqu’il est pratiqué dans les règles de l’art, dans la profondeur de cet art en perdition. Ce sera mon petit regret de la soirée, lorsqu’après un concert très applaudi, sera repris l’incontournable Petite Fleur, dans une version inversée, l’original retourné comme un gant, l’impression négative de l’extraversion de Bechet donnant une introversion intense et suffisamment émue pour me donner soudain envie de cette belle respiration des balais. • Franck Bergerot|Hier 23 novembre, Julie Saury jouait l’hommage à son père, Maxim Saury, qu’elle a gravé l’an passé sous le titre “For Maxim – A Jazz Love Story”. Tendre grand écart entre hier et aujourd’hui.
Jérôme Etcheberry (trompette), Aurélie Tropez (clarinette), Frédéric Couderc (saxello, sax ténor, coudophone, appeaux, divers), Philippe Milanta (piano), Bruno Rousselet (contrebasse), Julie Saury (batterie).
C’est un hommage à la fois intime et distanciée que rend la batteuse Julie Saury à son père, le célèbre clarinettiste dixieland, qui fut l’âme du Caveau de la Huchette dans les années 1950, auprès duquel elle apprit et fit le métier ? Reprenant dans un esprit contemporain le répertoire qu’elle pratiqua avec lui, des mélodies qu’elle a aimées – ou détestées, et c’est une bien bonne raison de leur faire rendre raison en les torturant gentiment –, elle s’est entourée de musiciens dont la sensibilité n’auraient pas forcément froissé son père, mais d’une génération qui en a vu d’autres et donc peu susceptible de se laisser impressionner par les détournements, collages et rêveries sonores qu’inspire aujourd’hui le répertoire du père à sa fille.
Jérôme Etcheberry, muni d’une demie douzaine de sourdines qui font apprécier sous tous les angles une sonorité moelleuse tournant le dos au cliquant, est un trompettiste clairement rattaché aux esthétiques grandies dans les années 20 et 30, et donc coutumier de ce répertoire (Moppin’ and Boppin’, Avalon, When It’s Sleepy Time Down South, Basin Street Blues, Indiana, Do You Know What It Means To Miss New Orleans, Sweet Georgia Brown, St. Louis Blues) mais aucunement intimidé par ces dérangements sur lesquels il prend la place occupée sur le disque par la tromboniste Shannon Barnett.
Aurélie Tropez sait s’imposer, du boisé profond du chalumeau aux pépiements de l’aigu auxquels la fréquentation des œuvres de Jimmy Hamilton et Buddy de Franco donne de l’autorité. Fred Couderc se présente à la tête d’une étrange instrumentarium : outre le ténor, le saxello (au bocal courbé vers le bas et au pavillon également courbé pour projeter le son vers le public, que l’on entendit chez Roland Kirk et chez Elton Dean), le coudophone (invention d’Hervé Martin et Frédéric Couderc, en fait saxophone en ut dont la forme de ténor, en légèrement plus petit, est déroulé sur le modèle du saxello), un instrument soprano à coulisse dont le nom inscrit dans mon calepin s’avère illisible (serait-ce un slide soprano ?). Il en tire des solos plus ancrés dans le bop qui lui inspire naturemment la citation de Donna Lee dans Indiana (dont la composition de Miles Davis est le démarquage). Plus appeaux, sirènes, porte-voix qui complètent une double panoplie de futuriste (notamment lorsqu’il marche sur les traces de Roland Kirk en jouant de deux saxophones simultanément) et de fantaisiste, fou de la reine, trublion…
Mais plus encore que cette performance, ce sont les arrangements qui établissent la distance voulue par Julie Saury. Des arrangements dont Philippe Milanta (hier assez réservé au piano) n’est pas officiellement crédité mais dont on voit bien qu’il a au moins prêté ses compétences harmoniques aux intentions de la directrice artistique et batteuse. Associés aux lignes de contrebasse gourmandes de cheminements mélodiques toujours nouveaux, balais, baguettes, cymbales et fûts de Julie Saury contribuent à la distanciation par un vocabulaire moderne où dominent les gestes du hard bop, plus une énergie contractée à l’écoute du funk dont on la dit gourmande. Mais où je regrette que, lorsqu’elle use des balais, elle préfère s’y disperser, comme si elle n’osait – peut-être pour éviter la convention – cette profondeur du tempo qu’installe un vrai et profond chabada. Convention ? L’art des balais est tellement perdu, qu’il ne peut s’agir de convention lorsqu’il est pratiqué dans les règles de l’art, dans la profondeur de cet art en perdition. Ce sera mon petit regret de la soirée, lorsqu’après un concert très applaudi, sera repris l’incontournable Petite Fleur, dans une version inversée, l’original retourné comme un gant, l’impression négative de l’extraversion de Bechet donnant une introversion intense et suffisamment émue pour me donner soudain envie de cette belle respiration des balais. • Franck Bergerot|Hier 23 novembre, Julie Saury jouait l’hommage à son père, Maxim Saury, qu’elle a gravé l’an passé sous le titre “For Maxim – A Jazz Love Story”. Tendre grand écart entre hier et aujourd’hui.
Jérôme Etcheberry (trompette), Aurélie Tropez (clarinette), Frédéric Couderc (saxello, sax ténor, coudophone, appeaux, divers), Philippe Milanta (piano), Bruno Rousselet (contrebasse), Julie Saury (batterie).
C’est un hommage à la fois intime et distanciée que rend la batteuse Julie Saury à son père, le célèbre clarinettiste dixieland, qui fut l’âme du Caveau de la Huchette dans les années 1950, auprès duquel elle apprit et fit le métier ? Reprenant dans un esprit contemporain le répertoire qu’elle pratiqua avec lui, des mélodies qu’elle a aimées – ou détestées, et c’est une bien bonne raison de leur faire rendre raison en les torturant gentiment –, elle s’est entourée de musiciens dont la sensibilité n’auraient pas forcément froissé son père, mais d’une génération qui en a vu d’autres et donc peu susceptible de se laisser impressionner par les détournements, collages et rêveries sonores qu’inspire aujourd’hui le répertoire du père à sa fille.
Jérôme Etcheberry, muni d’une demie douzaine de sourdines qui font apprécier sous tous les angles une sonorité moelleuse tournant le dos au cliquant, est un trompettiste clairement rattaché aux esthétiques grandies dans les années 20 et 30, et donc coutumier de ce répertoire (Moppin’ and Boppin’, Avalon, When It’s Sleepy Time Down South, Basin Street Blues, Indiana, Do You Know What It Means To Miss New Orleans, Sweet Georgia Brown, St. Louis Blues) mais aucunement intimidé par ces dérangements sur lesquels il prend la place occupée sur le disque par la tromboniste Shannon Barnett.
Aurélie Tropez sait s’imposer, du boisé profond du chalumeau aux pépiements de l’aigu auxquels la fréquentation des œuvres de Jimmy Hamilton et Buddy de Franco donne de l’autorité. Fred Couderc se présente à la tête d’une étrange instrumentarium : outre le ténor, le saxello (au bocal courbé vers le bas et au pavillon également courbé pour projeter le son vers le public, que l’on entendit chez Roland Kirk et chez Elton Dean), le coudophone (invention d’Hervé Martin et Frédéric Couderc, en fait saxophone en ut dont la forme de ténor, en légèrement plus petit, est déroulé sur le modèle du saxello), un instrument soprano à coulisse dont le nom inscrit dans mon calepin s’avère illisible (serait-ce un slide soprano ?). Il en tire des solos plus ancrés dans le bop qui lui inspire naturemment la citation de Donna Lee dans Indiana (dont la composition de Miles Davis est le démarquage). Plus appeaux, sirènes, porte-voix qui complètent une double panoplie de futuriste (notamment lorsqu’il marche sur les traces de Roland Kirk en jouant de deux saxophones simultanément) et de fantaisiste, fou de la reine, trublion…
Mais plus encore que cette performance, ce sont les arrangements qui établissent la distance voulue par Julie Saury. Des arrangements dont Philippe Milanta (hier assez réservé au piano) n’est pas officiellement crédité mais dont on voit bien qu’il a au moins prêté ses compétences harmoniques aux intentions de la directrice artistique et batteuse. Associés aux lignes de contrebasse gourmandes de cheminements mélodiques toujours nouveaux, balais, baguettes, cymbales et fûts de Julie Saury contribuent à la distanciation par un vocabulaire moderne où dominent les gestes du hard bop, plus une énergie contractée à l’écoute du funk dont on la dit gourmande. Mais où je regrette que, lorsqu’elle use des balais, elle préfère s’y disperser, comme si elle n’osait – peut-être pour éviter la convention – cette profondeur du tempo qu’installe un vrai et profond chabada. Convention ? L’art des balais est tellement perdu, qu’il ne peut s’agir de convention lorsqu’il est pratiqué dans les règles de l’art, dans la profondeur de cet art en perdition. Ce sera mon petit regret de la soirée, lorsqu’après un concert très applaudi, sera repris l’incontournable Petite Fleur, dans une version inversée, l’original retourné comme un gant, l’impression négative de l’extraversion de Bechet donnant une introversion intense et suffisamment émue pour me donner soudain envie de cette belle respiration des balais. • Franck Bergerot|Hier 23 novembre, Julie Saury jouait l’hommage à son père, Maxim Saury, qu’elle a gravé l’an passé sous le titre “For Maxim – A Jazz Love Story”. Tendre grand écart entre hier et aujourd’hui.
Jérôme Etcheberry (trompette), Aurélie Tropez (clarinette), Frédéric Couderc (saxello, sax ténor, coudophone, appeaux, divers), Philippe Milanta (piano), Bruno Rousselet (contrebasse), Julie Saury (batterie).
C’est un hommage à la fois intime et distanciée que rend la batteuse Julie Saury à son père, le célèbre clarinettiste dixieland, qui fut l’âme du Caveau de la Huchette dans les années 1950, auprès duquel elle apprit et fit le métier ? Reprenant dans un esprit contemporain le répertoire qu’elle pratiqua avec lui, des mélodies qu’elle a aimées – ou détestées, et c’est une bien bonne raison de leur faire rendre raison en les torturant gentiment –, elle s’est entourée de musiciens dont la sensibilité n’auraient pas forcément froissé son père, mais d’une génération qui en a vu d’autres et donc peu susceptible de se laisser impressionner par les détournements, collages et rêveries sonores qu’inspire aujourd’hui le répertoire du père à sa fille.
Jérôme Etcheberry, muni d’une demie douzaine de sourdines qui font apprécier sous tous les angles une sonorité moelleuse tournant le dos au cliquant, est un trompettiste clairement rattaché aux esthétiques grandies dans les années 20 et 30, et donc coutumier de ce répertoire (Moppin’ and Boppin’, Avalon, When It’s Sleepy Time Down South, Basin Street Blues, Indiana, Do You Know What It Means To Miss New Orleans, Sweet Georgia Brown, St. Louis Blues) mais aucunement intimidé par ces dérangements sur lesquels il prend la place occupée sur le disque par la tromboniste Shannon Barnett.
Aurélie Tropez sait s’imposer, du boisé profond du chalumeau aux pépiements de l’aigu auxquels la fréquentation des œuvres de Jimmy Hamilton et Buddy de Franco donne de l’autorité. Fred Couderc se présente à la tête d’une étrange instrumentarium : outre le ténor, le saxello (au bocal courbé vers le bas et au pavillon également courbé pour projeter le son vers le public, que l’on entendit chez Roland Kirk et chez Elton Dean), le coudophone (invention d’Hervé Martin et Frédéric Couderc, en fait saxophone en ut dont la forme de ténor, en légèrement plus petit, est déroulé sur le modèle du saxello), un instrument soprano à coulisse dont le nom inscrit dans mon calepin s’avère illisible (serait-ce un slide soprano ?). Il en tire des solos plus ancrés dans le bop qui lui inspire naturemment la citation de Donna Lee dans Indiana (dont la composition de Miles Davis est le démarquage). Plus appeaux, sirènes, porte-voix qui complètent une double panoplie de futuriste (notamment lorsqu’il marche sur les traces de Roland Kirk en jouant de deux saxophones simultanément) et de fantaisiste, fou de la reine, trublion…
Mais plus encore que cette performance, ce sont les arrangements qui établissent la distance voulue par Julie Saury. Des arrangements dont Philippe Milanta (hier assez réservé au piano) n’est pas officiellement crédité mais dont on voit bien qu’il a au moins prêté ses compétences harmoniques aux intentions de la directrice artistique et batteuse. Associés aux lignes de contrebasse gourmandes de cheminements mélodiques toujours nouveaux, balais, baguettes, cymbales et fûts de Julie Saury contribuent à la distanciation par un vocabulaire moderne où dominent les gestes du hard bop, plus une énergie contractée à l’écoute du funk dont on la dit gourmande. Mais où je regrette que, lorsqu’elle use des balais, elle préfère s’y disperser, comme si elle n’osait – peut-être pour éviter la convention – cette profondeur du tempo qu’installe un vrai et profond chabada. Convention ? L’art des balais est tellement perdu, qu’il ne peut s’agir de convention lorsqu’il est pratiqué dans les règles de l’art, dans la profondeur de cet art en perdition. Ce sera mon petit regret de la soirée, lorsqu’après un concert très applaudi, sera repris l’incontournable Petite Fleur, dans une version inversée, l’original retourné comme un gant, l’impression négative de l’extraversion de Bechet donnant une introversion intense et suffisamment émue pour me donner soudain envie de cette belle respiration des balais. • Franck Bergerot