Journée portes ouvertes de l’Académie de composition
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Au Pavillon de la Sirène, l’académie, ses stagiaires et ses intervenants s’effaçaient hier au profit d’ateliers et concerts à l’initiative du collectif Real Time Music.
Milieu d’après-midi studieuse, je débarque au cours d’un exposé collectif, avec exemples sur disques et interprétations en chair en os par les étudiants du guitariste Stéphane Audard au Conservatoire à rayonnement régional de Paris, autour de la musique d’Avishai Cohen, le contrebassiste. Puis exposé d’une heure et demie sur Ornette Coleman par Eric Schultz, guitariste et enseignant à l’Edim : présentation de la “galaxie Ornette”, de Charlie Haden à Pat Metheny en passant par Paul Bley, Jan Garbarek… une indéniable nébuleuse, autour d’un musicien à la réputation de marginal que – à côté des trois grands piliers de l’histoire du jazz improvisé (Armstrong, Parker, Coltrane) et deux champions principaux repères de l’histoire orchestale) – Schultz présente avec Monk comme l’un des deux exemples en matière de distinction : “être soi-même”. Suivra un survol phonographique des grandes périodes : Contemporary, Atlantic, le trio, le 2ème 4tet considéré comme un sommet notamment à travers l’album “Science Fictoin”, le Prime Time et les dernière années avec l’irruption du piano. Enfin, un retour sur quelques compositions à l’appui de quelques écoutes et partitions.
20h on descend à la salle de concert qui est comble. Paul Wacrenier présente un groupe de sept jeunes étudiants (piano, violon et vents) auquel il a consacré deux heures en début d’après-midi pour mettre en place une parcours improvisé s’ouvrant sur un bruitisme informel qui se structure, progressivement, comme s’ouvre une chrysalide, en échappées accompagnées et réparties parmi les différents instruments pour aboutissement qui tient lieu d’épiphanie.
Paul Wacrenier enchaine avec son piano et son Healing Orchestra : Lucille Moussali (violon et trompette), Xavier Bornens (trompette), Fanny Menegoz (flûtes), Arnaud Sacase (sax alto), Jean-François Petitjean (sax ténor), Mauro Basilio (violoncelle), Victor Aubert (contrebasse) et Benoist Raffin (batterie).
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Une première pièce donne le ton avec une improvisation collective balisée évoquant le John Coltrane d’“Ascension”, d’ailleurs moins pour le ténor de Petitjean qui semble leader l’ensemble sur cette première pièce, que par le son d’ensemble. Une évocation de cette référence qui reviendra à plusieurs reprise, avec un piano navigant entre les ressassement obsédants d’un McCoy Tyner et les remous d’une Alice Coltrane, le drumming de Benoist Raffin dans une alternative entre la rationalité ternaire d’un Elvin Jones et les désordres d’un Rashied Ali. Autour de ce dispositif, on verra des pièces plus lisibles entre lyrisme pur et abstraction, avec grandes masses en homophonies et, pour ne pas citer chacun et son petit qualificatif tiré par les cheveux, je mentionnerai Arnaud Sacase pour un solo d’alto évoquant le Shepp le plus expressionniste des années 1960.
Avec Eric Schultz et son Let My People Hear Music Big Band, plaisir de l’écoute frontale sans sono, relief orchestral maximal, dans la belle acoustique de la salle de concert du Pavillon de la Sirène, avec un big band à l’ancienne, 3 trombones, 4 trompettes, cinq saxes et une rythmique complète, soit Julien Matrot, Guillaume Rouillard, Raphaël Basard, Marcel Latour (trompette), Julien Rachedi, Marc Leducq, Nathan Labbé-Weissert (trombone), Oscar Dervermelle, Jean-Michel Couchet (sax alto), Laurent Corté, Étienne Weissert (sax ténor), Yann Bakowski (sax baryton), Xavier Lebreton (guitare électrique), Vincent Jacqz (guitare), Théophile Rageau (contrebasse), Julien Catherine (batterie).
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Plaisir de voir un chef diriger avec l’enthousiasme et l’efficacité d’Éric Schultz et les sections répondre à toutes les nuances en toute précision et efficacité. Repris, réarrangé ou purement original, le répertoire emprunte à Charles Tolliver, Duke Ellington (A Tourist Poing Of View), Charles Mingus (notamment Duke Ellington’s Sound of Love arrangé par Jack Walrath) plus un original et des arrangements de Schultz sur The Sphinx d’Ornette Coleman, Armageddon de Wayne Shorter et final jubilatoire sur Ahmad The Terrible de Jack DeJohnette. Franck Bergerot