Jazz live
Publié le 22 Juil 2023

Jazz à Junas, premier soir

Arrivé de Montpellier où il avait écouté la veille le quatuor Modigliani, le chroniqueur se fait une joie de revenir à Junas, pour un soir. Le plaisir est d’autant plus vif que la soirée rassemble deux artistes reliés à ses souvenirs personnels au festival Radio France -Montpellier : Gérard Pansanel, qu’il avait présenté sur scène en 1986 avec le groupe de son premier disque enregistré deux ans plus tôt, et Paolo Fresu, qu’il avait accueilli pour un concert de l’Union Européenne de Radiotélévision en 1988 dans les jardins de la DRAC. Concert devenu ensuite un disque largement primé et louangé.

Mais avant la soirée, un détour par le temple de Junas. Le festival a, pour fêter ses 30 ans d’existence, organisé deux expositions : l’une à la Médiathèque de Sommières, autour des affiches conçues depuis la première édition. Et l’autre ici, au temple, pour célébrer ses bénévoles, qui sont le cœur ardent de ce festival singulier.

On y trouve des photos prises par les bénévoles, dont un portrait de groupe, avec en guise de cartel un manifeste qui dit bien l’esprit du lieu

On y voit aussi une toile de Daniel Humair

et près de la chaire du temple est projeté un montage des vidéos réalisées au fil des ans par celles et ceux qui ont bâti cette histoire, par leur énergie et leur passion

18h : c’est le moment du concert Place de l’Avenir, avec les Petits Loups de Junas/Aujargues et le sextette de Jérôme Viollet. Le percussionniste-chanteur a élaboré un programme musical autour autour des divinités Yoruba.

C’est d’abord le groupe, avec Akemys Acosta (voix), Samantha Eysette (voix & petites percussions), Christian Fromentin (violon), Nicolas Iarossi (violoncelle) et Jean Pierre Alamy (contrebasse). La musique fleure bon l’hispanisme des caraïbes, et la source africaine bien sûr. Et parfois le violon se souvient de l’Irlande…. Pendant quelques instants, Akemys Acosta va aussi s’enflammer d’expressivité torride, façon soul music.

Puis se joignent à eux les enfants de l’école primaire Junas /Aujargues, avec qui les artistes ont travaillé régulièrement durant deux années scolaires. Passé le trac des premiers instants, les jeunes voix se libèrent dans une belle effervescence. Assurément, ces initiatives déjà anciennes à Junas (comme au festival Banlieues Bleues en Seine-Saint-Denis), contribuent et contribueront à faire émerger le public de demain

PANSANEL, SALIS, ANDERSEN, HÉRAL Quartet

Gérard Pansanel (guitare), Antonello Salis (piano, accordéon), Arild Andersen (contrebasse), Patrice Héral (batterie, percussions, improvisation vocale et traitement électronique)

Junas, Carrières du Bon Temps, 18 juillet 2023, 21h

Fidèle du festival (fidélité réciproque), Gérard Pansanel présente un groupe qui associe un complice de plusieurs décennies, le Sarde Antonello Salis ; le contrebassiste norvégien Arild Andersen, légende internationale de l’instrument ; et un partenaire languedocien (mais tout aussi international !), le percussionniste-vocaliste Patrice Héral. Le répertoire comprend des compostions récentes ou anciennes du guitariste, des thèmes du bassiste (et du pianiste), et des vertiges conceptuels du batteur. Beaucoup d’échanges ludiques (et profonds) en binôme (avec le soutien des autres), et des interventions magistrales du bassiste, des envolées de guitare au travers des langages du jazz tel qu’il s’est épanoui depuis cinq décennies, des escapades de folie sous les doigts du pianiste-accordéoniste, et des fantaisies impromptues du batteur-vocaliste qui défient toute description, mais en toute musicalité. Le groupe passe parfois de la segmentation abrupte au chabada le plus fluide. Bref le jazz, tel qu’en lui-même

PAOLO FRESU QUARTET «Ferlinghetti»

Paolo Fresu (trompette, bugle, effets), Dino Rubino (piano), Marco Bardoscia (contrebasse, effets), Daniele Di Bonaventura (accordéon)

Junas, Carrières du Bon Temps, 18 juillet 2023, 22h30

Encore un fidèle de Junas : le trompettiste sarde aime la singularité du lieu et l’exigence de la programmation. Il revient avec un nouveau répertoire, illustré par un disque paru fin 2022. C’est une évocation de l’univers d’un poète de la beat generation, Lawrence Ferlinghetti. Les thèmes ont pour titres des fragments de ses poèmes, sauf un, sobrement intitulé Ferlinghetti. La tonalité générale est nimbée de mélancolie. Le son purement acoustique se mêle au son traité, comme Fresu sait si bien le faire, avec lyrisme et expressivité. La musique est partagée, émaillée de micro-dialogues, de conversations secrètes. À certains moments, un ou deux musiciens quittent la scène pour laisser s’exprimer une composition en duo, ou en trio. Nous sommes les spectateurs discrets, et presque secrets, de ces échanges intimes. L’intensité musicale et la beauté planent sur les carrières de Junas, et quand la musique s’emballe en pulsation véhémente, le mystère reste entier. L’Ami Daniel Caux qui nous a quittés voici plus de 15 ans, et qui avait évoqué Ferlinghetti dans un formidable ‘Atelier de création radiophonique’ de France Culture au début des années 80, aurait certainement aimé être là.