Kellylee Evans ouvre le 19ème Jazz à Saint-Germain-des-Près
C’était hier, 16 mai, à l’amphi Richelieu de la Sorbonne, après une longue absence de la scène pour avoir été victime de la foudre, la chanteuse canadienne Kellylee Evans retrouvait le public parisien qui l’avait “élue” lors des deux précédents passages au festival de Saint-Germain-des-Près.
Elle se souviendra même, lors d’une de ces confidences faites à ce public parisien qu’elle semble considérer comme un intime, que le première fois qu’elle se produisit à Pairs, c’était au Sunset, devant les mêmes 30 personnes au long de deux sets qu’elle avait eu peine à tenir, tant son répertoire était alors réduit. Avec sa nouvelle rythmique parisienne – Hervé Samb (elg), Stéphane Castry (elb), Tilo Berthelo –, il semble qu’elle pourrait chanter des heures, avec ce charisme de la voix, cette faconde qui traverse son art de ses textes à son chant, tout ça qui s’incarne sur scène où je la vois pour la première fois.
Trois raisons m’ont poussé à me déplacer ce soir en plein bouclage d’un numéro de juin, le plus lourd de l’année à mener à bien du fait de son guide complet des festivals de l’été) : l’envie d’assister à ce lancement de Jazz à Saint-Germain-des-Près (dont l’inauguration le 14 mai de l’exposition de photos “Passions Jazz”* portée par Jazz Magazine à la galerie Mandarine du 15 rue de Seine consistait un peu une avant-première), la curiosité d’entendre cette chanteuse que je n’avais entendue qu’à travers les disques passés par nos bureaux et dont le mélange de spontanéité et de métier de l’écriture et de l’interprétation m’avait impressionné, et puis le désir de voir l’amphithéâtre Richelieu de la Sorbonne où défilèrent en chaire tant d’illustres enseignants.
Et ce n’est pas le moindre des avantages de Jazz à Saint-Germain-des-Près que d’ouvrir au public des lieux comme cet amphithéâtre ou le Grand amphithéâtre d’Assas où j’entendis Komintern et Pete Brown avec son groupe Piblokto au début des années 1970 (mais où je n’entendis pas Jimi Hendrix arrivant inconnu et impromptu à Paris en mars 1967) et où l’on entendra Fred Pallem et son Sacre du Tympan le 22 mai. Ce qui n’est pas sans poser quelques problèmes. Car si voir Kellylee chanter sous le grand tableau représentant Apollon et ses muses au sommet du Parnasse faisait partie du charme de la soirée, j’avoue que l’acoustique a grandement gâché mon plaisir. D’ailleurs, faut-il incriminer l’acoustique de ce lieu destiné à diffuser la parole du Savoir, ou l’incapacité des sonorisateurs (ou des artistes) à s’adapter aux lieux. Le volume sonore pour champ de foire qui semble être devenu un impératif, contribua à faire de ce concert une pudding sonore dont le public, contemporain de la Hifi et du retour au vinyle 180 grammes (mais aussi du MP3 et de l’écoute au casque) semble se satisfaire. Etrange époque où si l’on ne veut pas porter une prothèse d’assistance auditive après 60 ans, il faut aller au concert se protéger les oreilles avec des “capotes” (comparaison d’ailleurs fort inexactes, la sensibilité des préservatifs modernes étant très supérieure à celle des protections auriculaires sur mesures comme celles auxquelles j’ai recours). Et lorsque Kellylee revint seule pour un dernier rappel a capella, je fus surpris qu’elle ne profite pas de l’acoustique du lieu pour se débarrasser du micro.
Ce soir, autre lieu, autre acoustique, autre esthétique : Richard Galliano jouera le “grand répertoire” et d’autres en l’église Saint-Germain-des-Près. Franck Bergerot (photo © X. Deher)
* Jusqu’au 21 juin.