Laïka « Come a Little Closer » au Café de la Danse.
« Ce soir, vous l’avez compris, nous allons parler d’amour » annonce-t-elle en français après l’avoir chanté en anglais et en duo avec sa batteuse et dit accompagnée du seul violoncelle. Puis le groupe au complet la rejoint pour une première ballade en apesanteur sur laquelle la trompette chetbakerienne d’Airelle Besson promène une nonchalance désabusée qui n’est guère de son âge — mais y a-t-il un âge pour savoir « what love is » ?
Laïka Fatien (voc), Airelle Besson (tp), Eric-Maria Couturier (cello), Pierre-Alain Goualch (p, claviers), Chris Thomas (b), Anne Paceo (dm). Paris, Café de la Danse, 20/04.
Airelle, Anne, Laïka… ce n’est pas par hasard si la chanteuse a choisi de s’accompagner de deux autres femmes en sus des trois hommes responsables des instruments à cordes. Question de sensibilité sans doute, par-delà les clichés ou les revendications égalitaires. Notons d’ailleurs que le violoncelle d’Eric-Maria Couturier, avec son corps de jeune fille et sa tessiture de mezzo-soprano, joue un rôle équivalent à celui de la trompette, instrument « viril » confié ici aux mains et aux lèvres féminines d’ Airelle Besson : porteurs tous deux de mélodies et de contrechants dont les lignes complètent ou enlacent celle de la voix. En jazz, comme dans la société française en général, les femmes qui prennent la parole manquent, entre autres les instrumentistes. Le sextette de Laïka ne pouvait mieux célébrer l’amour qu’en proposant cette association trans-genre de « belles personnes » (pour reprendre une expression qui lui est chère).
Mais ne nous arrêtons pas à ceci — qu’il était néanmoins bon de dire. Nous sommes là pour parler de musique, et d’abord pour l’écouter. Laïka en est à un morceau en tempo moyen au groove binaire entrainant et l’on s’émerveille, comme toujours de son art de phraser, d’étirer les voyelles, de précipiter un instant le staccato des syllabes, de filer les sons en modulant les inflexions. Le début de son arrangement du Black Narcissus de Joe Henderson sonne comme un tonnerre de contrebasse, de fûts et de cymbales avant d’installer son tempo de valse lente dans une atmosphère lourde et pesante que seule vient alléger la clarté de la voix où palpitent la gravité et le tranquille élan de la vie qui survit aux drames du coeur. Sur les ballades, comme celle qu’elle entame en duo avec Pierre-Alain Goualch, il faut une connaissance profonde et intime du placement de la mélodie dans le temps pour ne pas engendrer l’ennui ou l’indifférence, pour suspendre l’auditoire aux lèvres qui posent les mots sur les harmonies, comme un fleuve lent modifie imperceptiblement la surface de ses eaux mobiles quand il épouse le relief immuable et changeant du lit dans lequel il coule. Laïka chantera encore en anglais, en français, en portugais sans que se dissipe la magie d’un timbre unique et d’une façon de voir et de vivre la musique qui n’appartiennent qu’à elle. Chérissons ce trésor proprement inouï parmi les voix que les marchands nous vendent sous l’étiquette « jazz vocal ». Là où cette appellation recouvre souvent une superficialité abyssale ou d’ineptes artifices, Laïka nous livre un chant d’une profondeur et d’une sincérité bienvenues. La salle pleine du Café de la Danse témoignait ce soir du fait que nombre de nos contemporains ont soif de ces denrées rares. Thierry Quénum
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« Ce soir, vous l’avez compris, nous allons parler d’amour » annonce-t-elle en français après l’avoir chanté en anglais et en duo avec sa batteuse et dit accompagnée du seul violoncelle. Puis le groupe au complet la rejoint pour une première ballade en apesanteur sur laquelle la trompette chetbakerienne d’Airelle Besson promène une nonchalance désabusée qui n’est guère de son âge — mais y a-t-il un âge pour savoir « what love is » ?
Laïka Fatien (voc), Airelle Besson (tp), Eric-Maria Couturier (cello), Pierre-Alain Goualch (p, claviers), Chris Thomas (b), Anne Paceo (dm). Paris, Café de la Danse, 20/04.
Airelle, Anne, Laïka… ce n’est pas par hasard si la chanteuse a choisi de s’accompagner de deux autres femmes en sus des trois hommes responsables des instruments à cordes. Question de sensibilité sans doute, par-delà les clichés ou les revendications égalitaires. Notons d’ailleurs que le violoncelle d’Eric-Maria Couturier, avec son corps de jeune fille et sa tessiture de mezzo-soprano, joue un rôle équivalent à celui de la trompette, instrument « viril » confié ici aux mains et aux lèvres féminines d’ Airelle Besson : porteurs tous deux de mélodies et de contrechants dont les lignes complètent ou enlacent celle de la voix. En jazz, comme dans la société française en général, les femmes qui prennent la parole manquent, entre autres les instrumentistes. Le sextette de Laïka ne pouvait mieux célébrer l’amour qu’en proposant cette association trans-genre de « belles personnes » (pour reprendre une expression qui lui est chère).
Mais ne nous arrêtons pas à ceci — qu’il était néanmoins bon de dire. Nous sommes là pour parler de musique, et d’abord pour l’écouter. Laïka en est à un morceau en tempo moyen au groove binaire entrainant et l’on s’émerveille, comme toujours de son art de phraser, d’étirer les voyelles, de précipiter un instant le staccato des syllabes, de filer les sons en modulant les inflexions. Le début de son arrangement du Black Narcissus de Joe Henderson sonne comme un tonnerre de contrebasse, de fûts et de cymbales avant d’installer son tempo de valse lente dans une atmosphère lourde et pesante que seule vient alléger la clarté de la voix où palpitent la gravité et le tranquille élan de la vie qui survit aux drames du coeur. Sur les ballades, comme celle qu’elle entame en duo avec Pierre-Alain Goualch, il faut une connaissance profonde et intime du placement de la mélodie dans le temps pour ne pas engendrer l’ennui ou l’indifférence, pour suspendre l’auditoire aux lèvres qui posent les mots sur les harmonies, comme un fleuve lent modifie imperceptiblement la surface de ses eaux mobiles quand il épouse le relief immuable et changeant du lit dans lequel il coule. Laïka chantera encore en anglais, en français, en portugais sans que se dissipe la magie d’un timbre unique et d’une façon de voir et de vivre la musique qui n’appartiennent qu’à elle. Chérissons ce trésor proprement inouï parmi les voix que les marchands nous vendent sous l’étiquette « jazz vocal ». Là où cette appellation recouvre souvent une superficialité abyssale ou d’ineptes artifices, Laïka nous livre un chant d’une profondeur et d’une sincérité bienvenues. La salle pleine du Café de la Danse témoignait ce soir du fait que nombre de nos contemporains ont soif de ces denrées rares. Thierry Quénum
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« Ce soir, vous l’avez compris, nous allons parler d’amour » annonce-t-elle en français après l’avoir chanté en anglais et en duo avec sa batteuse et dit accompagnée du seul violoncelle. Puis le groupe au complet la rejoint pour une première ballade en apesanteur sur laquelle la trompette chetbakerienne d’Airelle Besson promène une nonchalance désabusée qui n’est guère de son âge — mais y a-t-il un âge pour savoir « what love is » ?
Laïka Fatien (voc), Airelle Besson (tp), Eric-Maria Couturier (cello), Pierre-Alain Goualch (p, claviers), Chris Thomas (b), Anne Paceo (dm). Paris, Café de la Danse, 20/04.
Airelle, Anne, Laïka… ce n’est pas par hasard si la chanteuse a choisi de s’accompagner de deux autres femmes en sus des trois hommes responsables des instruments à cordes. Question de sensibilité sans doute, par-delà les clichés ou les revendications égalitaires. Notons d’ailleurs que le violoncelle d’Eric-Maria Couturier, avec son corps de jeune fille et sa tessiture de mezzo-soprano, joue un rôle équivalent à celui de la trompette, instrument « viril » confié ici aux mains et aux lèvres féminines d’ Airelle Besson : porteurs tous deux de mélodies et de contrechants dont les lignes complètent ou enlacent celle de la voix. En jazz, comme dans la société française en général, les femmes qui prennent la parole manquent, entre autres les instrumentistes. Le sextette de Laïka ne pouvait mieux célébrer l’amour qu’en proposant cette association trans-genre de « belles personnes » (pour reprendre une expression qui lui est chère).
Mais ne nous arrêtons pas à ceci — qu’il était néanmoins bon de dire. Nous sommes là pour parler de musique, et d’abord pour l’écouter. Laïka en est à un morceau en tempo moyen au groove binaire entrainant et l’on s’émerveille, comme toujours de son art de phraser, d’étirer les voyelles, de précipiter un instant le staccato des syllabes, de filer les sons en modulant les inflexions. Le début de son arrangement du Black Narcissus de Joe Henderson sonne comme un tonnerre de contrebasse, de fûts et de cymbales avant d’installer son tempo de valse lente dans une atmosphère lourde et pesante que seule vient alléger la clarté de la voix où palpitent la gravité et le tranquille élan de la vie qui survit aux drames du coeur. Sur les ballades, comme celle qu’elle entame en duo avec Pierre-Alain Goualch, il faut une connaissance profonde et intime du placement de la mélodie dans le temps pour ne pas engendrer l’ennui ou l’indifférence, pour suspendre l’auditoire aux lèvres qui posent les mots sur les harmonies, comme un fleuve lent modifie imperceptiblement la surface de ses eaux mobiles quand il épouse le relief immuable et changeant du lit dans lequel il coule. Laïka chantera encore en anglais, en français, en portugais sans que se dissipe la magie d’un timbre unique et d’une façon de voir et de vivre la musique qui n’appartiennent qu’à elle. Chérissons ce trésor proprement inouï parmi les voix que les marchands nous vendent sous l’étiquette « jazz vocal ». Là où cette appellation recouvre souvent une superficialité abyssale ou d’ineptes artifices, Laïka nous livre un chant d’une profondeur et d’une sincérité bienvenues. La salle pleine du Café de la Danse témoignait ce soir du fait que nombre de nos contemporains ont soif de ces denrées rares. Thierry Quénum
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« Ce soir, vous l’avez compris, nous allons parler d’amour » annonce-t-elle en français après l’avoir chanté en anglais et en duo avec sa batteuse et dit accompagnée du seul violoncelle. Puis le groupe au complet la rejoint pour une première ballade en apesanteur sur laquelle la trompette chetbakerienne d’Airelle Besson promène une nonchalance désabusée qui n’est guère de son âge — mais y a-t-il un âge pour savoir « what love is » ?
Laïka Fatien (voc), Airelle Besson (tp), Eric-Maria Couturier (cello), Pierre-Alain Goualch (p, claviers), Chris Thomas (b), Anne Paceo (dm). Paris, Café de la Danse, 20/04.
Airelle, Anne, Laïka… ce n’est pas par hasard si la chanteuse a choisi de s’accompagner de deux autres femmes en sus des trois hommes responsables des instruments à cordes. Question de sensibilité sans doute, par-delà les clichés ou les revendications égalitaires. Notons d’ailleurs que le violoncelle d’Eric-Maria Couturier, avec son corps de jeune fille et sa tessiture de mezzo-soprano, joue un rôle équivalent à celui de la trompette, instrument « viril » confié ici aux mains et aux lèvres féminines d’ Airelle Besson : porteurs tous deux de mélodies et de contrechants dont les lignes complètent ou enlacent celle de la voix. En jazz, comme dans la société française en général, les femmes qui prennent la parole manquent, entre autres les instrumentistes. Le sextette de Laïka ne pouvait mieux célébrer l’amour qu’en proposant cette association trans-genre de « belles personnes » (pour reprendre une expression qui lui est chère).
Mais ne nous arrêtons pas à ceci — qu’il était néanmoins bon de dire. Nous sommes là pour parler de musique, et d’abord pour l’écouter. Laïka en est à un morceau en tempo moyen au groove binaire entrainant et l’on s’émerveille, comme toujours de son art de phraser, d’étirer les voyelles, de précipiter un instant le staccato des syllabes, de filer les sons en modulant les inflexions. Le début de son arrangement du Black Narcissus de Joe Henderson sonne comme un tonnerre de contrebasse, de fûts et de cymbales avant d’installer son tempo de valse lente dans une atmosphère lourde et pesante que seule vient alléger la clarté de la voix où palpitent la gravité et le tranquille élan de la vie qui survit aux drames du coeur. Sur les ballades, comme celle qu’elle entame en duo avec Pierre-Alain Goualch, il faut une connaissance profonde et intime du placement de la mélodie dans le temps pour ne pas engendrer l’ennui ou l’indifférence, pour suspendre l’auditoire aux lèvres qui posent les mots sur les harmonies, comme un fleuve lent modifie imperceptiblement la surface de ses eaux mobiles quand il épouse le relief immuable et changeant du lit dans lequel il coule. Laïka chantera encore en anglais, en français, en portugais sans que se dissipe la magie d’un timbre unique et d’une façon de voir et de vivre la musique qui n’appartiennent qu’à elle. Chérissons ce trésor proprement inouï parmi les voix que les marchands nous vendent sous l’étiquette « jazz vocal ». Là où cette appellation recouvre souvent une superficialité abyssale ou d’ineptes artifices, Laïka nous livre un chant d’une profondeur et d’une sincérité bienvenues. La salle pleine du Café de la Danse témoignait ce soir du fait que nombre de nos contemporains ont soif de ces denrées rares. Thierry Quénum