Laurent Coulondre Trio & Mélanie De Biasio Quintet à Marciac
Pour ma dernière soirée à Marciac, un trio de piano suivi d’un quintette avec voix. Dit comme cela, c’est parfaitement anodin. La réalité musicale transforme cette programmation en un objet plus que curieux, improbable comme pourrait l’être le passage sans transition du jour à la nuit. Vingt courtes minutes de pause en guise de crépuscule. Deux découvertes pour moi, et deux façons diamétralement opposées d’être d’abord surpris, parfois gêné, puis parfaitement ou plus doucement convaincu. C’est sans doute pour cela que nous avons deux oreilles.
Lundi 4 août, L’Astrada, Marciac (32)
Laurent Coulondre (p, org), Rémi Bouyssière (b), Martin Wangermée (d).
Mélanie De Biasio (voc, fl), Pascal Mohy (p), Pascal Paulus (kbd), Sam Gertsmans (b), Dré Pallemaerts (d).
Je n’avais jamais eu l’occasion d’entendre le trio de Laurent Coulondre, que ce soit sur scène ou dans l’un de ses deux albums « Opus 1 » ou « Interlude 21 » parus depuis 2011. On parle là, tout de même, du groupe lauréat du dernier Concours National de jazz de La Défense. L’humilité et la fraîcheur juvénile avec laquelle le pianiste et organiste se présente au public de l’Astrada dévoile rapidement une étonnante sûreté de toucher et la palette harmonique d’un musicien qui en sait déjà long. La justesse du placement collectif est à l’avenant, alors qu’on n’est qu’à l’orée d’un parcours qui se révèlera sans faute tout au long d’un étourdissant slalom dont les portes jalonnent un répertoire entièrement original. Et la pente est très raide, faite d’une alternance de métriques impossibles, d’alternances ou renversements de perspectives toujours parfaitement scénarisés et rendus par les titres (Parallel Spaces, ou le tryptique Taking off – Plane – Crash Landing) Ce qui pourrait n’être qu’habile ou impressionnant prend une dimension supplémentaire dans la mise en œuvre collective, car ces structures ne sont jamais qu’un prétexte au jeu, et à une performance de chaque instant qui est le fruit d’un groupe incroyablement complice et soudé. Il faudrait encore décrire l’énergie et la qualité d’attaque particulièrement développées à l’orgue. Les regards échangés avec Rémi Bouyssière et Martin Wangermée, tous deux d’une précision et d’une pertinence exemplaire, ne sont que la partie visible de la qualité d’interaction qui fait les trios d’exception. Difficile d’en faire une réserve, mais dans ce contexte j’ai parfois peiné à trouver mon compte de « simple auditeur » dans un propos tendu et concentré à l’extrême, le temps pouvant manquer pour équilibrer, à l’écoute, ces exigeantes qualités et le relâchement qui offrirait des pauses à cette concentration. Raison de plus de se précipiter sur les enregistrements disponibles ou à venir de ce trio, et de les goûter dans un temps moins contraint.
Dans ce contexte, même après l’interruption de circonstance, la performance de Mélanie de Biasio ne pouvait pas être mieux préparée ou mise en valeur, toute question de cohérence esthétique mise de côté. Suggestive, crépusculaire, envahie en creux par le demi-mot ou le monosyllabe, la musique tient tout entière dans l’attente qu’elle crée et qu’elle entretient avec un sens achevé de la mise en scène. Lumières, jeux de mains, textures mi-acoustiques mi-électriques savamment alimentées offrent à la voix l’écrin dans lequel elle se refuse à briller, si ce n’est d’éclats isolés au détour du claquement d’une consonne. No Deal … A stomach is burning … You’re gonna leave me, la joie ne transpire pas davantage des textes que l’exubérance ne marque la scénographie. La voix, cantonnée à une petite octave dans le grave, ne laisse à dessein qu’apercevoir des reliefs plus charnus, qu’il faut donc deviner. Quelque chose de fascinant, d’une douceur fragile et troublante, il faut bien le dire, accrue par la constance de la toile sonore tissée par le groupe et où se meut, et parfois se fixe un peu cette araignée du soir légèrement menaçante. La frustration affleure parfois de la cohérence même du propos : pas un solo n’émerge, pas même une volute de mélodie venue de l’un des claviers, chacun restant au strict service de la continuité du coloris. Pas d’improvisation donc, mais la possibilité permanente d’être surpris par une asymétrie, par un détour non entrevu, et surtout par une fine gestion du temps, du silence en particulier. Ce n’est pas si mal, après tout, et s’il y a bien des facilités à pointer, j’en retiens plutôt la qualité d’exigence et de cohérence des choix proposés – parfaitement courageux, ramenés à la réalité de la demande en matière de « jazz vocal ».
L’édition 2014 se continue avec un programme des plus alléchants ce soir, et pas seulement au Chapiteau. Pour ma part, malheureusement, l’heure du départ a sonné. J’aurais pu, avec plus de temps, évoquer la qualité des concerts du off, la belle activité qui se déploie en marge de ces événements, telle la promotion de jeunes groupes et la scène ouverte organisées tous les deux jours environ sur le parvis de l’Astrada. Coup de chapeau enfin à l’équipe de bénévoles du Festival et merci au service de presse encadré par Marie Lasserre-Cha pour la qualité de son accueil.
Mardi 5 août :
21h au Chapiteau : Nicholas Payton « Sketches of Miles & Gil » / Ahmad Jamal
21h30 à l’Astrada : Pierre Bauzerand Trio / Harold Lopez Nussa Quartet
Toute la suite du programme sur < span style="text-decoration: underline;">www.jazzinmarciac.com
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Pour ma dernière soirée à Marciac, un trio de piano suivi d’un quintette avec voix. Dit comme cela, c’est parfaitement anodin. La réalité musicale transforme cette programmation en un objet plus que curieux, improbable comme pourrait l’être le passage sans transition du jour à la nuit. Vingt courtes minutes de pause en guise de crépuscule. Deux découvertes pour moi, et deux façons diamétralement opposées d’être d’abord surpris, parfois gêné, puis parfaitement ou plus doucement convaincu. C’est sans doute pour cela que nous avons deux oreilles.
Lundi 4 août, L’Astrada, Marciac (32)
Laurent Coulondre (p, org), Rémi Bouyssière (b), Martin Wangermée (d).
Mélanie De Biasio (voc, fl), Pascal Mohy (p), Pascal Paulus (kbd), Sam Gertsmans (b), Dré Pallemaerts (d).
Je n’avais jamais eu l’occasion d’entendre le trio de Laurent Coulondre, que ce soit sur scène ou dans l’un de ses deux albums « Opus 1 » ou « Interlude 21 » parus depuis 2011. On parle là, tout de même, du groupe lauréat du dernier Concours National de jazz de La Défense. L’humilité et la fraîcheur juvénile avec laquelle le pianiste et organiste se présente au public de l’Astrada dévoile rapidement une étonnante sûreté de toucher et la palette harmonique d’un musicien qui en sait déjà long. La justesse du placement collectif est à l’avenant, alors qu’on n’est qu’à l’orée d’un parcours qui se révèlera sans faute tout au long d’un étourdissant slalom dont les portes jalonnent un répertoire entièrement original. Et la pente est très raide, faite d’une alternance de métriques impossibles, d’alternances ou renversements de perspectives toujours parfaitement scénarisés et rendus par les titres (Parallel Spaces, ou le tryptique Taking off – Plane – Crash Landing) Ce qui pourrait n’être qu’habile ou impressionnant prend une dimension supplémentaire dans la mise en œuvre collective, car ces structures ne sont jamais qu’un prétexte au jeu, et à une performance de chaque instant qui est le fruit d’un groupe incroyablement complice et soudé. Il faudrait encore décrire l’énergie et la qualité d’attaque particulièrement développées à l’orgue. Les regards échangés avec Rémi Bouyssière et Martin Wangermée, tous deux d’une précision et d’une pertinence exemplaire, ne sont que la partie visible de la qualité d’interaction qui fait les trios d’exception. Difficile d’en faire une réserve, mais dans ce contexte j’ai parfois peiné à trouver mon compte de « simple auditeur » dans un propos tendu et concentré à l’extrême, le temps pouvant manquer pour équilibrer, à l’écoute, ces exigeantes qualités et le relâchement qui offrirait des pauses à cette concentration. Raison de plus de se précipiter sur les enregistrements disponibles ou à venir de ce trio, et de les goûter dans un temps moins contraint.
Dans ce contexte, même après l’interruption de circonstance, la performance de Mélanie de Biasio ne pouvait pas être mieux préparée ou mise en valeur, toute question de cohérence esthétique mise de côté. Suggestive, crépusculaire, envahie en creux par le demi-mot ou le monosyllabe, la musique tient tout entière dans l’attente qu’elle crée et qu’elle entretient avec un sens achevé de la mise en scène. Lumières, jeux de mains, textures mi-acoustiques mi-électriques savamment alimentées offrent à la voix l’écrin dans lequel elle se refuse à briller, si ce n’est d’éclats isolés au détour du claquement d’une consonne. No Deal … A stomach is burning … You’re gonna leave me, la joie ne transpire pas davantage des textes que l’exubérance ne marque la scénographie. La voix, cantonnée à une petite octave dans le grave, ne laisse à dessein qu’apercevoir des reliefs plus charnus, qu’il faut donc deviner. Quelque chose de fascinant, d’une douceur fragile et troublante, il faut bien le dire, accrue par la constance de la toile sonore tissée par le groupe et où se meut, et parfois se fixe un peu cette araignée du soir légèrement menaçante. La frustration affleure parfois de la cohérence même du propos : pas un solo n’émerge, pas même une volute de mélodie venue de l’un des claviers, chacun restant au strict service de la continuité du coloris. Pas d’improvisation donc, mais la possibilité permanente d’être surpris par une asymétrie, par un détour non entrevu, et surtout par une fine gestion du temps, du silence en particulier. Ce n’est pas si mal, après tout, et s’il y a bien des facilités à pointer, j’en retiens plutôt la qualité d’exigence et de cohérence des choix proposés – parfaitement courageux, ramenés à la réalité de la demande en matière de « jazz vocal ».
L’édition 2014 se continue avec un programme des plus alléchants ce soir, et pas seulement au Chapiteau. Pour ma part, malheureusement, l’heure du départ a sonné. J’aurais pu, avec plus de temps, évoquer la qualité des concerts du off, la belle activité qui se déploie en marge de ces événements, telle la promotion de jeunes groupes et la scène ouverte organisées tous les deux jours environ sur le parvis de l’Astrada. Coup de chapeau enfin à l’équipe de bénévoles du Festival et merci au service de presse encadré par Marie Lasserre-Cha pour la qualité de son accueil.
Mardi 5 août :
21h au Chapiteau : Nicholas Payton « Sketches of Miles & Gil » / Ahmad Jamal
21h30 à l’Astrada : Pierre Bauzerand Trio / Harold Lopez Nussa Quartet
Toute la suite du programme sur < span style="text-decoration: underline;">www.jazzinmarciac.com
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Pour ma dernière soirée à Marciac, un trio de piano suivi d’un quintette avec voix. Dit comme cela, c’est parfaitement anodin. La réalité musicale transforme cette programmation en un objet plus que curieux, improbable comme pourrait l’être le passage sans transition du jour à la nuit. Vingt courtes minutes de pause en guise de crépuscule. Deux découvertes pour moi, et deux façons diamétralement opposées d’être d’abord surpris, parfois gêné, puis parfaitement ou plus doucement convaincu. C’est sans doute pour cela que nous avons deux oreilles.
Lundi 4 août, L’Astrada, Marciac (32)
Laurent Coulondre (p, org), Rémi Bouyssière (b), Martin Wangermée (d).
Mélanie De Biasio (voc, fl), Pascal Mohy (p), Pascal Paulus (kbd), Sam Gertsmans (b), Dré Pallemaerts (d).
Je n’avais jamais eu l’occasion d’entendre le trio de Laurent Coulondre, que ce soit sur scène ou dans l’un de ses deux albums « Opus 1 » ou « Interlude 21 » parus depuis 2011. On parle là, tout de même, du groupe lauréat du dernier Concours National de jazz de La Défense. L’humilité et la fraîcheur juvénile avec laquelle le pianiste et organiste se présente au public de l’Astrada dévoile rapidement une étonnante sûreté de toucher et la palette harmonique d’un musicien qui en sait déjà long. La justesse du placement collectif est à l’avenant, alors qu’on n’est qu’à l’orée d’un parcours qui se révèlera sans faute tout au long d’un étourdissant slalom dont les portes jalonnent un répertoire entièrement original. Et la pente est très raide, faite d’une alternance de métriques impossibles, d’alternances ou renversements de perspectives toujours parfaitement scénarisés et rendus par les titres (Parallel Spaces, ou le tryptique Taking off – Plane – Crash Landing) Ce qui pourrait n’être qu’habile ou impressionnant prend une dimension supplémentaire dans la mise en œuvre collective, car ces structures ne sont jamais qu’un prétexte au jeu, et à une performance de chaque instant qui est le fruit d’un groupe incroyablement complice et soudé. Il faudrait encore décrire l’énergie et la qualité d’attaque particulièrement développées à l’orgue. Les regards échangés avec Rémi Bouyssière et Martin Wangermée, tous deux d’une précision et d’une pertinence exemplaire, ne sont que la partie visible de la qualité d’interaction qui fait les trios d’exception. Difficile d’en faire une réserve, mais dans ce contexte j’ai parfois peiné à trouver mon compte de « simple auditeur » dans un propos tendu et concentré à l’extrême, le temps pouvant manquer pour équilibrer, à l’écoute, ces exigeantes qualités et le relâchement qui offrirait des pauses à cette concentration. Raison de plus de se précipiter sur les enregistrements disponibles ou à venir de ce trio, et de les goûter dans un temps moins contraint.
Dans ce contexte, même après l’interruption de circonstance, la performance de Mélanie de Biasio ne pouvait pas être mieux préparée ou mise en valeur, toute question de cohérence esthétique mise de côté. Suggestive, crépusculaire, envahie en creux par le demi-mot ou le monosyllabe, la musique tient tout entière dans l’attente qu’elle crée et qu’elle entretient avec un sens achevé de la mise en scène. Lumières, jeux de mains, textures mi-acoustiques mi-électriques savamment alimentées offrent à la voix l’écrin dans lequel elle se refuse à briller, si ce n’est d’éclats isolés au détour du claquement d’une consonne. No Deal … A stomach is burning … You’re gonna leave me, la joie ne transpire pas davantage des textes que l’exubérance ne marque la scénographie. La voix, cantonnée à une petite octave dans le grave, ne laisse à dessein qu’apercevoir des reliefs plus charnus, qu’il faut donc deviner. Quelque chose de fascinant, d’une douceur fragile et troublante, il faut bien le dire, accrue par la constance de la toile sonore tissée par le groupe et où se meut, et parfois se fixe un peu cette araignée du soir légèrement menaçante. La frustration affleure parfois de la cohérence même du propos : pas un solo n’émerge, pas même une volute de mélodie venue de l’un des claviers, chacun restant au strict service de la continuité du coloris. Pas d’improvisation donc, mais la possibilité permanente d’être surpris par une asymétrie, par un détour non entrevu, et surtout par une fine gestion du temps, du silence en particulier. Ce n’est pas si mal, après tout, et s’il y a bien des facilités à pointer, j’en retiens plutôt la qualité d’exigence et de cohérence des choix proposés – parfaitement courageux, ramenés à la réalité de la demande en matière de « jazz vocal ».
L’édition 2014 se continue avec un programme des plus alléchants ce soir, et pas seulement au Chapiteau. Pour ma part, malheureusement, l’heure du départ a sonné. J’aurais pu, avec plus de temps, évoquer la qualité des concerts du off, la belle activité qui se déploie en marge de ces événements, telle la promotion de jeunes groupes et la scène ouverte organisées tous les deux jours environ sur le parvis de l’Astrada. Coup de chapeau enfin à l’équipe de bénévoles du Festival et merci au service de presse encadré par Marie Lasserre-Cha pour la qualité de son accueil.
Mardi 5 août :
21h au Chapiteau : Nicholas Payton « Sketches of Miles & Gil » / Ahmad Jamal
21h30 à l’Astrada : Pierre Bauzerand Trio / Harold Lopez Nussa Quartet
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Pour ma dernière soirée à Marciac, un trio de piano suivi d’un quintette avec voix. Dit comme cela, c’est parfaitement anodin. La réalité musicale transforme cette programmation en un objet plus que curieux, improbable comme pourrait l’être le passage sans transition du jour à la nuit. Vingt courtes minutes de pause en guise de crépuscule. Deux découvertes pour moi, et deux façons diamétralement opposées d’être d’abord surpris, parfois gêné, puis parfaitement ou plus doucement convaincu. C’est sans doute pour cela que nous avons deux oreilles.
Lundi 4 août, L’Astrada, Marciac (32)
Laurent Coulondre (p, org), Rémi Bouyssière (b), Martin Wangermée (d).
Mélanie De Biasio (voc, fl), Pascal Mohy (p), Pascal Paulus (kbd), Sam Gertsmans (b), Dré Pallemaerts (d).
Je n’avais jamais eu l’occasion d’entendre le trio de Laurent Coulondre, que ce soit sur scène ou dans l’un de ses deux albums « Opus 1 » ou « Interlude 21 » parus depuis 2011. On parle là, tout de même, du groupe lauréat du dernier Concours National de jazz de La Défense. L’humilité et la fraîcheur juvénile avec laquelle le pianiste et organiste se présente au public de l’Astrada dévoile rapidement une étonnante sûreté de toucher et la palette harmonique d’un musicien qui en sait déjà long. La justesse du placement collectif est à l’avenant, alors qu’on n’est qu’à l’orée d’un parcours qui se révèlera sans faute tout au long d’un étourdissant slalom dont les portes jalonnent un répertoire entièrement original. Et la pente est très raide, faite d’une alternance de métriques impossibles, d’alternances ou renversements de perspectives toujours parfaitement scénarisés et rendus par les titres (Parallel Spaces, ou le tryptique Taking off – Plane – Crash Landing) Ce qui pourrait n’être qu’habile ou impressionnant prend une dimension supplémentaire dans la mise en œuvre collective, car ces structures ne sont jamais qu’un prétexte au jeu, et à une performance de chaque instant qui est le fruit d’un groupe incroyablement complice et soudé. Il faudrait encore décrire l’énergie et la qualité d’attaque particulièrement développées à l’orgue. Les regards échangés avec Rémi Bouyssière et Martin Wangermée, tous deux d’une précision et d’une pertinence exemplaire, ne sont que la partie visible de la qualité d’interaction qui fait les trios d’exception. Difficile d’en faire une réserve, mais dans ce contexte j’ai parfois peiné à trouver mon compte de « simple auditeur » dans un propos tendu et concentré à l’extrême, le temps pouvant manquer pour équilibrer, à l’écoute, ces exigeantes qualités et le relâchement qui offrirait des pauses à cette concentration. Raison de plus de se précipiter sur les enregistrements disponibles ou à venir de ce trio, et de les goûter dans un temps moins contraint.
Dans ce contexte, même après l’interruption de circonstance, la performance de Mélanie de Biasio ne pouvait pas être mieux préparée ou mise en valeur, toute question de cohérence esthétique mise de côté. Suggestive, crépusculaire, envahie en creux par le demi-mot ou le monosyllabe, la musique tient tout entière dans l’attente qu’elle crée et qu’elle entretient avec un sens achevé de la mise en scène. Lumières, jeux de mains, textures mi-acoustiques mi-électriques savamment alimentées offrent à la voix l’écrin dans lequel elle se refuse à briller, si ce n’est d’éclats isolés au détour du claquement d’une consonne. No Deal … A stomach is burning … You’re gonna leave me, la joie ne transpire pas davantage des textes que l’exubérance ne marque la scénographie. La voix, cantonnée à une petite octave dans le grave, ne laisse à dessein qu’apercevoir des reliefs plus charnus, qu’il faut donc deviner. Quelque chose de fascinant, d’une douceur fragile et troublante, il faut bien le dire, accrue par la constance de la toile sonore tissée par le groupe et où se meut, et parfois se fixe un peu cette araignée du soir légèrement menaçante. La frustration affleure parfois de la cohérence même du propos : pas un solo n’émerge, pas même une volute de mélodie venue de l’un des claviers, chacun restant au strict service de la continuité du coloris. Pas d’improvisation donc, mais la possibilité permanente d’être surpris par une asymétrie, par un détour non entrevu, et surtout par une fine gestion du temps, du silence en particulier. Ce n’est pas si mal, après tout, et s’il y a bien des facilités à pointer, j’en retiens plutôt la qualité d’exigence et de cohérence des choix proposés – parfaitement courageux, ramenés à la réalité de la demande en matière de « jazz vocal ».
L’édition 2014 se continue avec un programme des plus alléchants ce soir, et pas seulement au Chapiteau. Pour ma part, malheureusement, l’heure du départ a sonné. J’aurais pu, avec plus de temps, évoquer la qualité des concerts du off, la belle activité qui se déploie en marge de ces événements, telle la promotion de jeunes groupes et la scène ouverte organisées tous les deux jours environ sur le parvis de l’Astrada. Coup de chapeau enfin à l’équipe de bénévoles du Festival et merci au service de presse encadré par Marie Lasserre-Cha pour la qualité de son accueil.
Mardi 5 août :
21h au Chapiteau : Nicholas Payton « Sketches of Miles & Gil » / Ahmad Jamal
21h30 à l’Astrada : Pierre Bauzerand Trio / Harold Lopez Nussa Quartet
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