Le Bonobo Jazz gang au Petit journal Saint-Michel
Le Bonobo Jazz gang au Petit journal Saint-Michel
Bonobo Jazz Gang, avec Fred Couderc (sax basse, sax tenor en ut, slide saxophone), Nicolas Montier (sax basse, sax tenor), Julien Ecrepont (trompette), Nicolas Peslier (guitare, banjo), mercredi 17 novembre 2021
On descend les marches du petit Journal Saint-Michel, après un regard distrait sur les photos sur le mur : Zanini, Claude Luter, et tiens, Woody Allen, le célèbre clarinettiste…
En bas, le concert a commencé. Un groupe joue sur cette incroyable scène de guingois, si étroite qu’il a fallu installer un miroir pour que l’on puisse avoir une chance de voir l’ensemble des musiciens. Une quinzaine de spectateurs. Quelques touristes américains (on imagine que l’endroit figure sur certains guides du typical Paris).
Et donc un groupe joue des bons vieux standards. Quand j’arrive, c’est cheek to cheek. Petites blagues, regards en coin. On se sent comme autour d’un feu de bois. Ça pourrait être du bon vieux jazz, joué à la coule, on serait déjà content, et l’on ferait semblant de ne pas entendre les pains. Sauf que là, il n’y a pas de pains, même pas des miettes. Derrière les petites vannes, les espiègleries, la décontraction, ça joue terrible. Tous ces musiciens sont de drôles de clients, piliers de tous les big-band de Paris mais pas forcément connus des amateurs. Pendant le confinement, ils se sont retrouvés pour jouer régulièrement, histoire de ne pas devenir fou, et ont fini par enregistrer (le disque s’appelle Bonobo Jazz gang, on y retrouve les standards joués ce soir).
Fred Couderc, venu avec quelques specimens de son attirail saxophonistique. En particulier un drôle de bestiau, qu’on ne voit pas tous les jours : un saxophone basse, à côté duquel le sax baryton fait figure de freluquet ridicule. Et, coup de chance, l’autre saxophoniste du groupe, Nicolas Montier, est aussi venu avec le sien. Ce qui donne (c’est pas tous les jours) un splendide duo de sax basses sur Tricotism (d’Oscar Pettiford) au cours duquel Fred Couderc et Nicolas Montier échangent les basses et les solos. Ça marche formidablement bien. Et quand Nicolas Montier, au sax basse, accompagne Fred Couderc au sax tenor en ut, où il expose All too soon avec une sonorité à la Johnny Hodges, cela offre un délicieux contraste entre le velours et le velu. Le plus beau moment du concert.
Au sax ténor Nicolas Montier ( entendu notamment aux côtés de Philippe Milanta et Stan Laferrière) fait entendre une sonorité chaude et profonde à la Coleman Hawkins. Le trompettiste Julien Ecrepont a une sonorité et un discours très limpide. Nicolas Peslier, à la guitare ou au banjo, est un soutien infaillible. Tous ces gars là jouent avec un naturel confondant, comme s’ils sifflaient sous leur douche. Les touristes américains photographient consciencieusement les sax basses. Plus le concert s’avance et plus les musiciens dévoilent leur jeu. Il n’y a pas que des standards, il y a aussi de belles compos (Huuu de Nicolas Montier) et des associations sonores inédites (It could happen to you joint à Fried Bananas de Dexter Gordon). Et entendre Fred Couderc exposer Mood Indigo au slide saxophone, avec ses glissades merveilleuses et vertigineuses dans les aigus, c’est la cerise sur le pompon.
JF Mondot