Le photographe Horace né Louis Grivot s’est effacé le 20 avril.
S’il était né Horace seulement et surtout lorsqu’il avait choisi de vivre en tant que photographe professionnel, il avait vu le jour bien plus tôt, le 3 mars 1941, en tant que Louis Grivot à Martigues (Bouches du Rhône), unique fils (entouré de sœurs) d’un René Grivot inspecteur d’affaires administratives de colonies africaines, dont le Dahomey ou futur Bénin – guère étonnant que ce rejeton se soit révélé rebelle anticolonialiste et antimilitariste comme le précise Michel Puech dans son bulletin A L’œil : « Photographe farouchement indépendant, il a été de tous les mouvements culturels et politiques des années 60/70. Il fut un militant actif pour la défense de la profession. » Pas seulement porteur de deux noms, c’est à deux reprises et en deux lieux que La Faucheuse semble l’avoir visé : emmené à l’hôpital de Figeac le 16 avril à cause d’un malaise cardiaque il avait été brancardé à celui de Montauban pour un examen plus profond mais seul dans une salle d’attente il s’était cogné contre l’encadrement d’une porte et en avait subi un traumatisme cranien : d’où l’ultime coma fatal. Et puis autre détail de calendrier qui ne fut peut-être pas étranger à certains échanges entre le (Jazz) magazine et le photographe : alors que je suis né le 2 mars en haut de la Casbah d’Alger (exactement, ouf, dans une clinique de la Croix Rouge), Horace/Louis Grivot était né lui le lendemain de l’autre côté de la Méditerranée. Ce qui ne nous avait pas empêchés (au contraire !) de nous fréquenter dans la jazzosphère et/ou ses marges, par exemple en voiture de Paris (mais qui était le copain d’Horace dans la bagnole ?) au festival hyperfree de Gand et en un retour ponctué de pannes désespérantes sans oublier entre deux concerts la vitrine d’un bistro de la cité flamande affichant un impitoyable “Interdit aux Nord-Africains” évidemment enregistré dans les archives horaciennes. Et c’est encore, décidément, un déplacement automobile en marge de la musique qui nous avait rapprochés : quand en 1970 le trompettiste afro-américain Clifford Thornton, qui collaborait alors avec François Tusques, à la suite de sa dédicace d’un concert parisien aux prisonniers politiques du Black Panther Party s’était vu interdire l’accès au territoire français en revenant des Etats-Unis. Après concertations téléphoniques l’échappatoire avait pu être mise au point : et c’est Horace, encore lui, qui dut prendre une voiture pour accueillir Clifford Thornton ayant atterri sur l’aéroport du Luxembourg puis, clandestinement, qui avait pris un train pour Paris. Merci Horace et grâces soient rendues pour toujours à Louis Grivot. • Philippe Carles