Le retour du Milesdavisquintet et le départ du Bridge #5
C’était à un événement « mystère » que l’association Un Pavé dans le Jazz de Toulouse avait convié ses auditeurs l’autre soir : dévoilement du programme de l’année, pot de bienvenue à découvrir, mystérieux concert avec le Milesdavisquintet (!) et l’imprévisible musique de The Bridge #5, ce pont des merveilles (d’émerveille) lancé par Alexandre Pierrepont entre musiciens français et étatsuniens.
Toulouse (31), Théâtre du Pavé, 4 octobre 2014
1e partie : Milesdavisquintet
Xavier Camarasa (p, divers objets), Valentin Ceccaldi (vlle), Sylvain Darrifourcq (dm, cymbalum, objets divers)
Derrière le nom de groupe Milesdavisquintet se cache ainsi le trio de Sylvain Darrifourcq. Une formation à mille lieux, on s’en doute, de la célèbre formation du trompettiste. Voilà en effet une musique dont le principe repose sur la répétition de couches rythmiques qui se contrarient l’une l’autre ou, du moins, qui s’organisent en textures soit mouvantes, soit soudainement modifiées. On pense à Ligeti, bien évidemment, à Xenakis et à d’autres compositeurs de la deuxième moitié du XXe siècle. Interrogé sur ce point, Sylvain Darrifourcq répond : « Bien sûr, nous avons cela dans les oreilles et le résultat sonore du groupe possède des accointances avec cette sphère musicale. Mais cela précisément n’est pas une volonté délibérée de notre part, en dehors du fait que nous ne voulions pas développer un son qui soit proche du jazz-jazz. D’ailleurs, nous sommes parvenus à ce résultat en décantant ce que nous faisions au départ. Peu à peu nous avons supprimer toute forme de thème, de sonorité trop évidente, et ainsi de suite. » Au final, une musique avec peu de hauteurs définies, en une démarche qui associe recherche sonore (piano préparé, violoncelle modifié, batterie augmentée), recherche d’une continuité fascinante menant jusqu’à un état paroxystique. Deux pièces seulement au concert toulousain. Trop court selon l’intégralité du public présent : preuve ultime de la qualité du résultat ! Une formation à suivre de très près !!
2e partie : The Bridge #5
Sylvaine Hélary (fl), Fred Lonberg-Holm (vlle), Eve Risser (p), Mike Reed (dm)
C’est à la peur du vide auquel ont dû faire face les musiciens du Cinquième Pont. Avant le concert, Alexandre Pierrepont expliqua que deux journées de répétition pour monter un répertoire spécifique étaient prévues. Le hasard a voulu que Mike Reed ait deux concerts très importants à Houston (Texas) précisément au moment où étaient programmées ces rencontres de travail. Outre que Mike Reed n’avait donc qu’à peine dormi avant de monter sur la scène toulousaine, les musiciens s’apprêtaient ainsi à plonger dans l’inconnu.
Le début de la prestation se fit du bout des lèvres, sur la pointe des doigts. Toutefois, même si la musique produite ne fut alors pas forcément exaltante, il fut passionnant d’observer le processus mis en œuvre, chacun adoptant une stratégie particulière. Mike Reed, et dans une certaine mesure Sylvaine Hélary, adoptèrent celle du flow, c’est-à-dire alimenter en permanence le son, produire de l’énergie jusqu’à ce que le déclic ait lieu ; Eve Rissler choisit quant à elle d’intervenir ponctuellement, comme autant de tentatives testées-évaluées soit pour s’inscrire dans le flux de ses compagnons de fortune, soit plus rarement pour les contrecarrer : enfin, Fred Lonberg-Holm adopta la position de l’observant, se préparant à intervenir une fois l’esprit du moment approprié. Au cours de cette première improvisation, l’étincelle qui mit le feu aux poudres fut produite par Sylvaine Hélary lorsqu’elle abandonna ses flûtes pour se mettre à chanter. Tout à coup, tout se mit en place, la synergie étant advenue : Mike Reed posa un groove d’une haute finesse (qualité qui caractérisa l’ensemble de sa prestation du soir), Fred Lonberg-Holm distilla des sons de violoncelle saturés proche de la guitare, Eve Rissler contrepointant l’ensemble par des événements de tendance bruitiste, jusqu’à ce qu’elle lance tout à coup des harmonies quasi schumaniennes, en surimpression du reste de la musique, créant de la sorte un effet dramatique absolument inattendu dans ce contexte. Une fin envisageable dont les musiciens s’emparèrent dans l’instant.
Dans cette pièce, comme dans les suivantes, le principe fondamental du processus à l’œuvre fut finalement celui de l’émergence, comme souvent dans ce type de musique. L’émergence d’un état qui, pour cette fois, ne fut pas à tout coup nécessairement abouti, sur le point de naître pour disparaître, émergence d’une émergence en quelque sorte.
Au total, il y eut quatre improvisations qui allèrent crescendo, avec d’excellents moments dans le rendu musical même. Les spectateurs (car la dimension scénique a son importance dans ce type de pratique : le corps exprime lui aussi) qui avaient tenté l’expérience parurent heureux d’avoir assister à ces instants éphémères et inouïs.
Les répétitions réalisées les dimanche 5 et 6 octobre à Saint-Eutrope-de-Born, le quartette donnera ainsi le premier concert tel qu’il l’avait envisagé à l’Eglise de Lugagnac ce 6 octobre à 20h.
Prochains concerts de The Bridge #5 :
– 07/10, Grâne : Hameau St-Denis
– 08/10, Dijon : Conservatoire à Rayonnement Régional
– 09/10, Poitiers : Le Carré Bleu
– 10/10, Pantin : La Dynamo
|
C’était à un événement « mystère » que l’association Un Pavé dans le Jazz de Toulouse avait convié ses auditeurs l’autre soir : dévoilement du programme de l’année, pot de bienvenue à découvrir, mystérieux concert avec le Milesdavisquintet (!) et l’imprévisible musique de The Bridge #5, ce pont des merveilles (d’émerveille) lancé par Alexandre Pierrepont entre musiciens français et étatsuniens.
Toulouse (31), Théâtre du Pavé, 4 octobre 2014
1e partie : Milesdavisquintet
Xavier Camarasa (p, divers objets), Valentin Ceccaldi (vlle), Sylvain Darrifourcq (dm, cymbalum, objets divers)
Derrière le nom de groupe Milesdavisquintet se cache ainsi le trio de Sylvain Darrifourcq. Une formation à mille lieux, on s’en doute, de la célèbre formation du trompettiste. Voilà en effet une musique dont le principe repose sur la répétition de couches rythmiques qui se contrarient l’une l’autre ou, du moins, qui s’organisent en textures soit mouvantes, soit soudainement modifiées. On pense à Ligeti, bien évidemment, à Xenakis et à d’autres compositeurs de la deuxième moitié du XXe siècle. Interrogé sur ce point, Sylvain Darrifourcq répond : « Bien sûr, nous avons cela dans les oreilles et le résultat sonore du groupe possède des accointances avec cette sphère musicale. Mais cela précisément n’est pas une volonté délibérée de notre part, en dehors du fait que nous ne voulions pas développer un son qui soit proche du jazz-jazz. D’ailleurs, nous sommes parvenus à ce résultat en décantant ce que nous faisions au départ. Peu à peu nous avons supprimer toute forme de thème, de sonorité trop évidente, et ainsi de suite. » Au final, une musique avec peu de hauteurs définies, en une démarche qui associe recherche sonore (piano préparé, violoncelle modifié, batterie augmentée), recherche d’une continuité fascinante menant jusqu’à un état paroxystique. Deux pièces seulement au concert toulousain. Trop court selon l’intégralité du public présent : preuve ultime de la qualité du résultat ! Une formation à suivre de très près !!
2e partie : The Bridge #5
Sylvaine Hélary (fl), Fred Lonberg-Holm (vlle), Eve Risser (p), Mike Reed (dm)
C’est à la peur du vide auquel ont dû faire face les musiciens du Cinquième Pont. Avant le concert, Alexandre Pierrepont expliqua que deux journées de répétition pour monter un répertoire spécifique étaient prévues. Le hasard a voulu que Mike Reed ait deux concerts très importants à Houston (Texas) précisément au moment où étaient programmées ces rencontres de travail. Outre que Mike Reed n’avait donc qu’à peine dormi avant de monter sur la scène toulousaine, les musiciens s’apprêtaient ainsi à plonger dans l’inconnu.
Le début de la prestation se fit du bout des lèvres, sur la pointe des doigts. Toutefois, même si la musique produite ne fut alors pas forcément exaltante, il fut passionnant d’observer le processus mis en œuvre, chacun adoptant une stratégie particulière. Mike Reed, et dans une certaine mesure Sylvaine Hélary, adoptèrent celle du flow, c’est-à-dire alimenter en permanence le son, produire de l’énergie jusqu’à ce que le déclic ait lieu ; Eve Rissler choisit quant à elle d’intervenir ponctuellement, comme autant de tentatives testées-évaluées soit pour s’inscrire dans le flux de ses compagnons de fortune, soit plus rarement pour les contrecarrer : enfin, Fred Lonberg-Holm adopta la position de l’observant, se préparant à intervenir une fois l’esprit du moment approprié. Au cours de cette première improvisation, l’étincelle qui mit le feu aux poudres fut produite par Sylvaine Hélary lorsqu’elle abandonna ses flûtes pour se mettre à chanter. Tout à coup, tout se mit en place, la synergie étant advenue : Mike Reed posa un groove d’une haute finesse (qualité qui caractérisa l’ensemble de sa prestation du soir), Fred Lonberg-Holm distilla des sons de violoncelle saturés proche de la guitare, Eve Rissler contrepointant l’ensemble par des événements de tendance bruitiste, jusqu’à ce qu’elle lance tout à coup des harmonies quasi schumaniennes, en surimpression du reste de la musique, créant de la sorte un effet dramatique absolument inattendu dans ce contexte. Une fin envisageable dont les musiciens s’emparèrent dans l’instant.
Dans cette pièce, comme dans les suivantes, le principe fondamental du processus à l’œuvre fut finalement celui de l’émergence, comme souvent dans ce type de musique. L’émergence d’un état qui, pour cette fois, ne fut pas à tout coup nécessairement abouti, sur le point de naître pour disparaître, émergence d’une émergence en quelque sorte.
Au total, il y eut quatre improvisations qui allèrent crescendo, avec d’excellents moments dans le rendu musical même. Les spectateurs (car la dimension scénique a son importance dans ce type de pratique : le corps exprime lui aussi) qui avaient tenté l’expérience parurent heureux d’avoir assister à ces instants éphémères et inouïs.
Les répétitions réalisées les dimanche 5 et 6 octobre à Saint-Eutrope-de-Born, le quartette donnera ainsi le premier concert tel qu’il l’avait envisagé à l’Eglise de Lugagnac ce 6 octobre à 20h.
Prochains concerts de The Bridge #5 :
– 07/10, Grâne : Hameau St-Denis
– 08/10, Dijon : Conservatoire à Rayonnement Régional
– 09/10, Poitiers : Le Carré Bleu
– 10/10, Pantin : La Dynamo
|
C’était à un événement « mystère » que l’association Un Pavé dans le Jazz de Toulouse avait convié ses auditeurs l’autre soir : dévoilement du programme de l’année, pot de bienvenue à découvrir, mystérieux concert avec le Milesdavisquintet (!) et l’imprévisible musique de The Bridge #5, ce pont des merveilles (d’émerveille) lancé par Alexandre Pierrepont entre musiciens français et étatsuniens.
Toulouse (31), Théâtre du Pavé, 4 octobre 2014
1e partie : Milesdavisquintet
Xavier Camarasa (p, divers objets), Valentin Ceccaldi (vlle), Sylvain Darrifourcq (dm, cymbalum, objets divers)
Derrière le nom de groupe Milesdavisquintet se cache ainsi le trio de Sylvain Darrifourcq. Une formation à mille lieux, on s’en doute, de la célèbre formation du trompettiste. Voilà en effet une musique dont le principe repose sur la répétition de couches rythmiques qui se contrarient l’une l’autre ou, du moins, qui s’organisent en textures soit mouvantes, soit soudainement modifiées. On pense à Ligeti, bien évidemment, à Xenakis et à d’autres compositeurs de la deuxième moitié du XXe siècle. Interrogé sur ce point, Sylvain Darrifourcq répond : « Bien sûr, nous avons cela dans les oreilles et le résultat sonore du groupe possède des accointances avec cette sphère musicale. Mais cela précisément n’est pas une volonté délibérée de notre part, en dehors du fait que nous ne voulions pas développer un son qui soit proche du jazz-jazz. D’ailleurs, nous sommes parvenus à ce résultat en décantant ce que nous faisions au départ. Peu à peu nous avons supprimer toute forme de thème, de sonorité trop évidente, et ainsi de suite. » Au final, une musique avec peu de hauteurs définies, en une démarche qui associe recherche sonore (piano préparé, violoncelle modifié, batterie augmentée), recherche d’une continuité fascinante menant jusqu’à un état paroxystique. Deux pièces seulement au concert toulousain. Trop court selon l’intégralité du public présent : preuve ultime de la qualité du résultat ! Une formation à suivre de très près !!
2e partie : The Bridge #5
Sylvaine Hélary (fl), Fred Lonberg-Holm (vlle), Eve Risser (p), Mike Reed (dm)
C’est à la peur du vide auquel ont dû faire face les musiciens du Cinquième Pont. Avant le concert, Alexandre Pierrepont expliqua que deux journées de répétition pour monter un répertoire spécifique étaient prévues. Le hasard a voulu que Mike Reed ait deux concerts très importants à Houston (Texas) précisément au moment où étaient programmées ces rencontres de travail. Outre que Mike Reed n’avait donc qu’à peine dormi avant de monter sur la scène toulousaine, les musiciens s’apprêtaient ainsi à plonger dans l’inconnu.
Le début de la prestation se fit du bout des lèvres, sur la pointe des doigts. Toutefois, même si la musique produite ne fut alors pas forcément exaltante, il fut passionnant d’observer le processus mis en œuvre, chacun adoptant une stratégie particulière. Mike Reed, et dans une certaine mesure Sylvaine Hélary, adoptèrent celle du flow, c’est-à-dire alimenter en permanence le son, produire de l’énergie jusqu’à ce que le déclic ait lieu ; Eve Rissler choisit quant à elle d’intervenir ponctuellement, comme autant de tentatives testées-évaluées soit pour s’inscrire dans le flux de ses compagnons de fortune, soit plus rarement pour les contrecarrer : enfin, Fred Lonberg-Holm adopta la position de l’observant, se préparant à intervenir une fois l’esprit du moment approprié. Au cours de cette première improvisation, l’étincelle qui mit le feu aux poudres fut produite par Sylvaine Hélary lorsqu’elle abandonna ses flûtes pour se mettre à chanter. Tout à coup, tout se mit en place, la synergie étant advenue : Mike Reed posa un groove d’une haute finesse (qualité qui caractérisa l’ensemble de sa prestation du soir), Fred Lonberg-Holm distilla des sons de violoncelle saturés proche de la guitare, Eve Rissler contrepointant l’ensemble par des événements de tendance bruitiste, jusqu’à ce qu’elle lance tout à coup des harmonies quasi schumaniennes, en surimpression du reste de la musique, créant de la sorte un effet dramatique absolument inattendu dans ce contexte. Une fin envisageable dont les musiciens s’emparèrent dans l’instant.
Dans cette pièce, comme dans les suivantes, le principe fondamental du processus à l’œuvre fut finalement celui de l’émergence, comme souvent dans ce type de musique. L’émergence d’un état qui, pour cette fois, ne fut pas à tout coup nécessairement abouti, sur le point de naître pour disparaître, émergence d’une émergence en quelque sorte.
Au total, il y eut quatre improvisations qui allèrent crescendo, avec d’excellents moments dans le rendu musical même. Les spectateurs (car la dimension scénique a son importance dans ce type de pratique : le corps exprime lui aussi) qui avaient tenté l’expérience parurent heureux d’avoir assister à ces instants éphémères et inouïs.
Les répétitions réalisées les dimanche 5 et 6 octobre à Saint-Eutrope-de-Born, le quartette donnera ainsi le premier concert tel qu’il l’avait envisagé à l’Eglise de Lugagnac ce 6 octobre à 20h.
Prochains concerts de The Bridge #5 :
– 07/10, Grâne : Hameau St-Denis
– 08/10, Dijon : Conservatoire à Rayonnement Régional
– 09/10, Poitiers : Le Carré Bleu
– 10/10, Pantin : La Dynamo
|
C’était à un événement « mystère » que l’association Un Pavé dans le Jazz de Toulouse avait convié ses auditeurs l’autre soir : dévoilement du programme de l’année, pot de bienvenue à découvrir, mystérieux concert avec le Milesdavisquintet (!) et l’imprévisible musique de The Bridge #5, ce pont des merveilles (d’émerveille) lancé par Alexandre Pierrepont entre musiciens français et étatsuniens.
Toulouse (31), Théâtre du Pavé, 4 octobre 2014
1e partie : Milesdavisquintet
Xavier Camarasa (p, divers objets), Valentin Ceccaldi (vlle), Sylvain Darrifourcq (dm, cymbalum, objets divers)
Derrière le nom de groupe Milesdavisquintet se cache ainsi le trio de Sylvain Darrifourcq. Une formation à mille lieux, on s’en doute, de la célèbre formation du trompettiste. Voilà en effet une musique dont le principe repose sur la répétition de couches rythmiques qui se contrarient l’une l’autre ou, du moins, qui s’organisent en textures soit mouvantes, soit soudainement modifiées. On pense à Ligeti, bien évidemment, à Xenakis et à d’autres compositeurs de la deuxième moitié du XXe siècle. Interrogé sur ce point, Sylvain Darrifourcq répond : « Bien sûr, nous avons cela dans les oreilles et le résultat sonore du groupe possède des accointances avec cette sphère musicale. Mais cela précisément n’est pas une volonté délibérée de notre part, en dehors du fait que nous ne voulions pas développer un son qui soit proche du jazz-jazz. D’ailleurs, nous sommes parvenus à ce résultat en décantant ce que nous faisions au départ. Peu à peu nous avons supprimer toute forme de thème, de sonorité trop évidente, et ainsi de suite. » Au final, une musique avec peu de hauteurs définies, en une démarche qui associe recherche sonore (piano préparé, violoncelle modifié, batterie augmentée), recherche d’une continuité fascinante menant jusqu’à un état paroxystique. Deux pièces seulement au concert toulousain. Trop court selon l’intégralité du public présent : preuve ultime de la qualité du résultat ! Une formation à suivre de très près !!
2e partie : The Bridge #5
Sylvaine Hélary (fl), Fred Lonberg-Holm (vlle), Eve Risser (p), Mike Reed (dm)
C’est à la peur du vide auquel ont dû faire face les musiciens du Cinquième Pont. Avant le concert, Alexandre Pierrepont expliqua que deux journées de répétition pour monter un répertoire spécifique étaient prévues. Le hasard a voulu que Mike Reed ait deux concerts très importants à Houston (Texas) précisément au moment où étaient programmées ces rencontres de travail. Outre que Mike Reed n’avait donc qu’à peine dormi avant de monter sur la scène toulousaine, les musiciens s’apprêtaient ainsi à plonger dans l’inconnu.
Le début de la prestation se fit du bout des lèvres, sur la pointe des doigts. Toutefois, même si la musique produite ne fut alors pas forcément exaltante, il fut passionnant d’observer le processus mis en œuvre, chacun adoptant une stratégie particulière. Mike Reed, et dans une certaine mesure Sylvaine Hélary, adoptèrent celle du flow, c’est-à-dire alimenter en permanence le son, produire de l’énergie jusqu’à ce que le déclic ait lieu ; Eve Rissler choisit quant à elle d’intervenir ponctuellement, comme autant de tentatives testées-évaluées soit pour s’inscrire dans le flux de ses compagnons de fortune, soit plus rarement pour les contrecarrer : enfin, Fred Lonberg-Holm adopta la position de l’observant, se préparant à intervenir une fois l’esprit du moment approprié. Au cours de cette première improvisation, l’étincelle qui mit le feu aux poudres fut produite par Sylvaine Hélary lorsqu’elle abandonna ses flûtes pour se mettre à chanter. Tout à coup, tout se mit en place, la synergie étant advenue : Mike Reed posa un groove d’une haute finesse (qualité qui caractérisa l’ensemble de sa prestation du soir), Fred Lonberg-Holm distilla des sons de violoncelle saturés proche de la guitare, Eve Rissler contrepointant l’ensemble par des événements de tendance bruitiste, jusqu’à ce qu’elle lance tout à coup des harmonies quasi schumaniennes, en surimpression du reste de la musique, créant de la sorte un effet dramatique absolument inattendu dans ce contexte. Une fin envisageable dont les musiciens s’emparèrent dans l’instant.
Dans cette pièce, comme dans les suivantes, le principe fondamental du processus à l’œuvre fut finalement celui de l’émergence, comme souvent dans ce type de musique. L’émergence d’un état qui, pour cette fois, ne fut pas à tout coup nécessairement abouti, sur le point de naître pour disparaître, émergence d’une émergence en quelque sorte.
Au total, il y eut quatre improvisations qui allèrent crescendo, avec d’excellents moments dans le rendu musical même. Les spectateurs (car la dimension scénique a son importance dans ce type de pratique : le corps exprime lui aussi) qui avaient tenté l’expérience parurent heureux d’avoir assister à ces instants éphémères et inouïs.
Les répétitions réalisées les dimanche 5 et 6 octobre à Saint-Eutrope-de-Born, le quartette donnera ainsi le premier concert tel qu’il l’avait envisagé à l’Eglise de Lugagnac ce 6 octobre à 20h.
Prochains concerts de The Bridge #5 :
– 07/10, Grâne : Hameau St-Denis
– 08/10, Dijon : Conservatoire à Rayonnement Régional
– 09/10, Poitiers : Le Carré Bleu
– 10/10, Pantin : La Dynamo