Le son vivant d’Emile Parisien


Dans le cadre des soirées Timeline, conçues par Juliette Poitrenaud, Emile Parisien revisitait sa musique d’hier, d’aujourd’hui, et de demain. Ce soir-là, c’était sa musique actuelle, en quartet du très beau disque Let them cook qu’il interprétait.
Emile Parisien (sax soprano, machines), Julien Touéry (piano), Ivan Gélugne (basse) , Julien Loutellier (batterie), 7 mars 2025, Sunside

Ecouter Emile Parisien, c’est être captivé par le son qui sort de son soprano. Plus qu’aucun autre musicien, il en fait quelque chose de vivant, de mouvant, de doux et de charpenté. Quelque chose de presque tangible, dont on sent la pulpe, le noyau et le jus. Un son qu’il laisse vivre, mûrir, se dilater, qu’il transforme en tapis volant pour planer nostalgiquement dans les nuits tunisiennes (il est chez lui en Orient). Un son qu’il peut vocaliser de manière très personnelle, avec des notes entre le cri et le jappement. Un son qu’il peut aussi égrener en nappes volubiles, cinglantes, énergiques.

Emile parisien pourrait se reposer sur ce son, en faire une zone de confort, un hamac douillet pour lui-même et pour ses auditeurs, et personne ne lui en ferait le reproche. Mais quelque chose en lui le pousse à explorer, à repousser les murs, à déplacer les frontières. Et c’est ce qu’on entend dans ce quartet qui a déjà produit le remarquable Let Them cook. Emile Parisien explore les textures, les distorsions, s’aventure du côté de l’ambient music et de l’electro.

La musique est pleine d’énergie vitale, à certains moments Emile Parisien se lance dans des nappes coltraniennes aventureuses, avec des aigus frémissants. Ses complices sont au diapason, Julien Touéry le soutient par des spirales à la Mc Coy Tyner, Julien Loutellier avec efficacité et subtilité. Wine time part 1 est un grand moment de groove collectif.

Ce qui frappe dans ce quartet, c’est sa capacité à ne pas se figer dans les ambiances qu’ils créent. Les quatre musiciens tracent leur route. Par exemple, dans ce même morceau, Wine Time part 1, on débouche sur un superbe moment de lyrisme où Emile Parisien développe ses notes à mûrissement lent. La musique en définitive est comme le son: variée, lyrique, mouvante, pleine d’éclats contradictoires, vivante.
Texte JF Mondot
Dessins AC Alvoet
(Autres dessins, peintures, gravures à découvrir sur son site www.annie-claire.com)