Le Tropical Jazz Trio fait le Blomet
Hier 3 octobre, dans le cadre de ses Jeudis, Jazz Magazine accueillait le Tropical Jazz Trio d’Alain Jean-Marie, Patrice Caratini et Roger Raspail, sur les compositions de chacun d’eux, ainsi que de Duke Ellington, Horace Silver, Dizzy Gillespie et Antoine Renard.
En présentant avec notre directeur de publication Édouard Rencker, je rappelais le rôle qu’avait joué Patrice Caratini pour le jazz orchestral en France… ce qui aurait pu laisser supposer qu’il est le principal arrangeur du Tropical Jazz Trio. Or, c’est de trois arrangeurs qu’il s’agit ici, le geste d’arranger étant naturel à leurs qualités d’instrumentistes, qualité d’autant plus naturelle que leurs fonctions dans les musiques antillaises, tradition qui est au cœur de leur répertoire, sont celles d’aménager cet espace polyrythmique qui s’offre aux mains du pianiste, du bassiste et du percussionniste, comme dans l’hypnotique Morena’s Rêverie qui ouvre leur programme. Et c’est cette capacité à orchestrer au naturel la mélodie, l’harmonie et le rythme qui enchanta hier le public des Jeudis de Jazz Magazine, la motricité circulaire des ostinatos caraïbes et l’art du développement improvisé propre au jazz s’enrichissant mutuellement.
Au répertoire original de chacun des trois musiciens, où Roger Raspail donna de la voix sur son ensorcelant Pytang Pytang Bang et où quelques fidèles reconnurent – rebaptisée Sambacara – la Carasamba que le Chauve et le Gaucher (Patrice Caratini et le guitariste Marc Fosset) jouaient au Caveau de la Montagne à la fin des années 1970, s’ajoutèrent les partitions d’autres très illustres arrangeurs, le Manteca de Chano Pozo et Dizzy Gillespie qui fit trembler les murs de la Salle Pleyel le 28 février 1948, la Fleurette africaine de Duke Ellington qu’orchestrèrent Charles Mingus et Max Roach sur “Money Jungle” en 1962, et celles lumineuses et jubilatoires d’Horace Silver : Señor Blues, The Cape Verdean Blues et Nica’s Dream. À quoi s’ajouta une vieille mélodie chère à l’âme faubourienne de Caratini et dont nos trois musiciens surent faire sourdre l’arrière-plan dramatique, Le Temps des cerises composé par Antoine Renard sur les paroles que Jean-Baptiste Clément dédicaça cinq ans après l’avoir écrite en 1866, à Louise, l’héroïque ambulancière de la barricade de la Fontaine-au-Roi . Et nous avons quitté le Bal Blomet « la folie en tête ». Franck Bergerot (photo © X. Deher)