Les 80 printemps d’Herbie Hancock
Enfant, “Herbie” désertait souvent le petit appartement familial du South Side de Chicago.
Pour aller où ? Pas bien loin…
Herbie était toujours fourré chez son copain Levester Corley, qui vivait dans le même immeuble. Pour ses 6 ans, les parents de Levester lui avaient offert un piano, et Herbie n’aimait rien tant que laisser courir ses doigts sur les touches de cet instrument qui le fascinait.
Dès qu’il rentrait chez lui, Herbie ne manquait jamais de raconter à ses parents tout le plaisir qu’il prenait à essayer de jouer des chansons sur le piano de Levester.
Alors, pour son septième anniversaire, Winnie et Wayman se dirent que « ce garçon avait vraiment besoin d’un piano », et pour la modique somme de 5 dollars, en rachetèrent un qui prenait la poussière dans le sous-sol d’une église…
« And the rest is History », comme on dit dans le pays natal d’Herbie Hancock.
Quinze ans plus tard, le 28 mai 1962, Herbie Hancock, fraîchement installé à New York sur les conseils de Donald Byrd, son découvreur, enregistrait son premier 33-tours pour Blue Note, “Takin’ Off”. A ses côtés, un maître du saxophone ténor, un vétéran du bop, un grand frère déjà âgé de 39 ans, Dexter Gordon ; à la trompette, un autre jeune surdoué, Freddie Hubbard, 24 ans ; à la contrebasse et à la batterie, deux autres youngsters, Butch Warren et Billie Higgins. D’emblée, Herbie Hancock imposait son style via six compositions originales, fait rare quand un jeune musicien faisait ses débuts sur le label d’Alfred Lion, qui villait à ce que des standards ou des airs à la mode soient interprétés par ses artistes. Il se réjouit cependant très vite grâce au succès quasi instantané du titre qui ouvrait l’album, Watermelon Man, vite repris par Mongo Santamaria.
Comme chacun sait, Watermelon Man ne sera pas le seul succès d’Herbie Hancock, car de Cantaloupe Island (extrait de “Empyrean Isles”, 1964) à Chan’s Song (Never Said) (“Round Midnight”, 1986) en passant par Maiden Voyage (“Maiden Voyage, 1965), Chamelon (“Head Hunters”, 1973) ou encore Rockit (“Future Shock”, 1983), son répertoire n’a cessé de s’enrichir au fil des années, constituant un songbook d’une originalité et d’une diversité unique en ses genres.
Jazz Magazine rendra très bientôt un hommage XXL à l’incroyable voyage musical de ce pianiste, claviériste, compositeur et visionnaire hors normes.
En attendant, bon anniversaire Monsieur Herbie Hancock !
J’imagine que pour vous, grand voyageur devant l’éternel, le confinement doit être très frustrant, mais connaissant votre sagesse, votre générosité et l’amour que vous portez à tous vos semblables, vous le vivez avec patience et philosophie, profitant de tout ce temps pour, bien sûr, « laisser courir vos doigts » sur votre piano – avec un peu plus de maîtrise qu’en 1947 ! – et, qui sait, composer d’autres classiques à venir.
Avec admiration et respect,
Frédéric Goaty
Photos extraites de l’autobiographie d’Herbie Hancock, Possibilities (éd. Penguin).