Jazz live
Publié le 24 Sep 2024 • Par Xavier Prévost

Les Arches en Jazz, une escapade en Cotentin

Pour la quatrième édition du festival, le chroniqueur est enfin parvenu à faire coïncider son calendrier avec son désir de découvrir ce festival intime. C’est que j’ai un faible pour ces événements ‘à taille humaine’ créés par des musiciens pour faire entendre les musiques et les groupes que l’on entend peu ailleurs : ‘Jazz(s)à Trois Palis’ (Bruno Tocanne), ‘Les émouvantes’ (Claude Tchamitchian), ou les ‘Rencontres d’Archipels’ (Dominique Pifarély), pour ne citer que ceux-là. Ici, à Port-Bail-sur-Mer, face à Jersey et Guernesey, c’est une équipe qui s’est rassemblée autour du contrebassiste Yves Rousseau https://lesarchesenjazz.com/lequipe/

photo Xavier Prévost

La veille de mon arrivée, le festival accueillait Mazarski, un groupe de jazz manouche, puis le duo Marion Rampal / Pierre-François Blanchard. Et le jour suivant, pendant que j’étais encore dans le train vers Carentan, le Duo Brady, étonnant dialogue de violoncelles

photo Maxim François

ENSEMBLE CHÂKAM

Sogol Mirzaei (târ), Christine Zayed (quanun & voix), Marie-Suzanne de Loye (viole de gambe)

Chapelle de Denneville Plage, 21 septembre 2024, 16h30

Le festival accueille aussi les musiques du Monde. Cette fois ce sont trois musiciennes issues de trois univers musicaux : celle qui joue du târ, sorte d luth persan, vient d’Iran ; celle qui joue du quanun, (cithare sur table du Moyen-Orient), et qui chante, vient de Palestine ; et la gambiste vient de France, où les trois musiciennes se sont rencontrées. La musique, faite de compositions originales, conjugue ces trois sources : persane, arabe, et baroque. Dans ces compositions subtiles, les contrastes côtoient les nuances ; les interprétations et improvisations, d’une intense expressivité, donnent vie à cette matière musicale singulière. Les mélismes d’Orient se mêlent aux ornementations baroques : un pur bonheur de musicalité, et le plaisir d’accéder à une forme d’inouï. Bref un univers de beauté

photo Maxim François

CONGÉ SPATIAL

Pierre Lapprand (saxophone ténor, effets), Étienne Manchon (piano, piano électrique, effets)

Saint Lô d’Ourville, salle Émile Jeanne, 21 septembre 2024, 20h30

J’avais déjà écouté le pianiste, sur scène et sur disque, dans le groupe ‘Fragments’ d’Yves Rousseau, mais je découvrais le saxophoniste. Heureuse découverte que ce duo dont la musique mêle subtilement l’électronique et l’usage purement acoustique des instruments. Le concert commence par une sorte de boucle sur laquelle vient se greffer le chant incantatoire du saxophone, d’un lyrisme presque mystique. Le dialogue se noue avec les pianos, dont les sons sortent parfois de leur naturel par la magie du numérique. Peu après le saxophone s’évadera vers une mélodie rythmée presque celtique. L’utilisation des effets devient le socle d’une proposition artistique singulière, par ces tensions successives entre entre les sons intacts et les sons transformés : verve lyrique et imagination féconde chez les deux partenaires, avec une pointe d’humour et de fantaisie. Après un hommage du pianiste à l’Ami Denis Badault, disparu en juillet 2023, et dont Yolk Records vient de publier un enregistrement inédit, un vent de folie soufflera sur une valse claudicante : belle page de musiques plurielles, et public conquis

photo Maxim François

PIERRE MILLET QUARTET ‘Play Station’

Pierre Millet bugle, trompette), Fidel Fourneyron (trombone), François Chesnel (piano), Patrice Grente (contrebasse)

Saint Lô d’Ourville, salle Émile Jeanne, 21 septembre 2024, 22h

Je connaissais de longtemps la version trio de ‘Play Station’. Je connais de plus longtemps encore Fidel Fourneyron qui les a rejoints, et sa capacité à se fondre dans une foule d’univers radicalement différents avec (grand) talent et (absolue) pertinence. Plaisir que de goûter ce programme où la finesse d’arrangement des voix des deux cuivres produit instantanément une douceur mystérieuse, aussi vibrante que légèrement mélancolique. La grande liberté du pianiste dans ses improvisations, et la profondeur d’expression du contrebassiste, font un très bel écho à l’inspiration des deux souffleurs. Délectation pour le public, chroniqueur inclus

photo Maxim François

BLUES ROOTS COMBO

Arnaud Fradin (guitare & voix), Thomas Troussier (harmonica), Maxime Gilbert (contrebasse), Richard Housset (batterie)

Port Bail, au pied de l’église Notre Dame, 22 septembre 2024, midi

Le festival accueille aussi le blues. Après les fortes pluies de la nuit, un peu de soleil matinal a permis au concert de se tenir comme prévu en plein air, au pied de l’église, face au havre de Port Bail, dans le cadre des journées du patrimoine

photo Maxim François

Public très nombreux, pas assez de chaises, mais les aficionados, conquis, sont debout pour profiter du concert

photo Maxim François

Le chroniqueur, qui a l’excuse de l’âge, s’est installé sur un muret à quelques mètres de l’assistance, dos à la mer. L’écoute est optimale, et je profite pleinement du répertoire de ce groupe nantais, suggéré au collectif de programmation par Sebastian Danchin, historien spécialiste de la musique afro-américaine reconnu sur les deux rives de l’Atlantique, et membre de l’équipe du festival. Le guitariste-chanteur et l’harmoniciste, très mis en valeur par le bassiste et le batteur, nous ont offert un très beau programme où se mêlaient maintes formes et époques de cette musique, mais aussi le folk (Bob Dylan en l’occurrence). Très chaude atmosphère, et conclusion en apothéose d’un festival qui a fait cette année plusieurs fois salle comble.

Xavier Prévost