Les lumières d’Allan Holdsworth au Sunset
Je crois que c’est Maître Folace qui disait : « C’est quand même curieux chez les batteurs ce besoin de faire des phrases. » Ou peut-être parlait-il des marins, je ne sais plus. Quoi qu’il en soit, le batteur d’Allan Holdsworth, Vigil Donati, ex-accompagnateur du chanteur sarkozyste Michel Polnareff, est un ultra-technicien hyper-bavard qui semble ignorer l’existence du swing et du groove. Nous a-t-il dès lors gâché la soirée ? Impossible, car Lord Holdsworth n’était pas venu, lui, « avec une moitié de boîte de doigts » (dixit un spectateur enthousiaste).
Certes, le Guitar God de la Terre des Angles a toujours privilégié le dialogue avec des manieurs de baguettes au bagage technique impressionnant, mais, on l’aura compris, il faut bien avouer que Chad Wackerman, Gary Husband, Vinnie Colaiuta ou Gary Novak (au choix) nous ont fait défaut. Heureusement, l’autre membre de la section rythmique ne manquait pas, lui, de swing et de groove ni même d’âme : Jimmy Haslip est un bassiste exceptionnel, qui pèse le poids de chaque note et fait preuve d’un goût sûr dans ses improvisations, vertigineuses mais jamais nauséeuses – faut-il rappeler qu’il est le bassiste des Yellowjackets depuis trente ans et qu’il signa notamment un chorus d’anthologie dans Brother to Brother de Gino Vannelli en 1978 ?
Mais tout bien réfléchi, qu’importent les fûts pourvu qu’on ait l’ivresse. Et comme les sommets annapurniens que Lord Holdsworth atteint immanquablement durant ses improvisations stratosphériques ont des vertus follement enivrantes, voire presque hallucinatoires, on finit par tout oublier, sinon que cet homme aux allures de livreur de lait (un livreur qui carburerait à la bière tout en se déplaçant exclusivement à vélo), quoique souvent copié, ne sera décidément jamais égalé. Oh, certes, nous n’apprîmes rien de nouveau sur lui hier soir : ces soli d’outre-jazz, si legato, presque liquides, ces myriades de notes sonnant comme des nébuleuses électriques, ces accords hors-normes aux échos nostalgiques et gris (et qui accessoirement rendent fous les guitaristes), on les connaît par cœur. On crut cependant déceler comme un spleen secret qui ne demanderait qu’à devenir prégnant, ce qui d’ailleurs ne fut pas pour nous déplaire : peu à peu, Allan Holdsworth retrouve le grain de ses années 1970/80, celles qui nous firent tous basculer dans ses mondes inouïs, celui du légendaire “Believe It” du New Tony Williams Lifetime par exemple, dans lequel il eut la bonne idée de piocher, histoire de rejouer, encore et encore, Fred et Mr. Spock.
Un disque, dit-on, est dans la boîte, qui devrait sortir avant la fin de l’année. Nous sommes tout ouïe. À très bientôt cher Maître.
Frédéric Goaty
PS : On nous informe que le dimanche midi, notre envoyé spécial Félix Marciano est allé visiter le Pays du Croque-Monsieur Géant en compagnie d’Allan Holdsworth. Compte-rendu de la ballade interstellaire dans un prochain Jazzmag.
Allan Holdsworth (guitare), Jimmy Haslip (basse électrique), Vigil Donati (batterie). Paris, Sunset, dimanche 20 mai.
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Je crois que c’est Maître Folace qui disait : « C’est quand même curieux chez les batteurs ce besoin de faire des phrases. » Ou peut-être parlait-il des marins, je ne sais plus. Quoi qu’il en soit, le batteur d’Allan Holdsworth, Vigil Donati, ex-accompagnateur du chanteur sarkozyste Michel Polnareff, est un ultra-technicien hyper-bavard qui semble ignorer l’existence du swing et du groove. Nous a-t-il dès lors gâché la soirée ? Impossible, car Lord Holdsworth n’était pas venu, lui, « avec une moitié de boîte de doigts » (dixit un spectateur enthousiaste).
Certes, le Guitar God de la Terre des Angles a toujours privilégié le dialogue avec des manieurs de baguettes au bagage technique impressionnant, mais, on l’aura compris, il faut bien avouer que Chad Wackerman, Gary Husband, Vinnie Colaiuta ou Gary Novak (au choix) nous ont fait défaut. Heureusement, l’autre membre de la section rythmique ne manquait pas, lui, de swing et de groove ni même d’âme : Jimmy Haslip est un bassiste exceptionnel, qui pèse le poids de chaque note et fait preuve d’un goût sûr dans ses improvisations, vertigineuses mais jamais nauséeuses – faut-il rappeler qu’il est le bassiste des Yellowjackets depuis trente ans et qu’il signa notamment un chorus d’anthologie dans Brother to Brother de Gino Vannelli en 1978 ?
Mais tout bien réfléchi, qu’importent les fûts pourvu qu’on ait l’ivresse. Et comme les sommets annapurniens que Lord Holdsworth atteint immanquablement durant ses improvisations stratosphériques ont des vertus follement enivrantes, voire presque hallucinatoires, on finit par tout oublier, sinon que cet homme aux allures de livreur de lait (un livreur qui carburerait à la bière tout en se déplaçant exclusivement à vélo), quoique souvent copié, ne sera décidément jamais égalé. Oh, certes, nous n’apprîmes rien de nouveau sur lui hier soir : ces soli d’outre-jazz, si legato, presque liquides, ces myriades de notes sonnant comme des nébuleuses électriques, ces accords hors-normes aux échos nostalgiques et gris (et qui accessoirement rendent fous les guitaristes), on les connaît par cœur. On crut cependant déceler comme un spleen secret qui ne demanderait qu’à devenir prégnant, ce qui d’ailleurs ne fut pas pour nous déplaire : peu à peu, Allan Holdsworth retrouve le grain de ses années 1970/80, celles qui nous firent tous basculer dans ses mondes inouïs, celui du légendaire “Believe It” du New Tony Williams Lifetime par exemple, dans lequel il eut la bonne idée de piocher, histoire de rejouer, encore et encore, Fred et Mr. Spock.
Un disque, dit-on, est dans la boîte, qui devrait sortir avant la fin de l’année. Nous sommes tout ouïe. À très bientôt cher Maître.
Frédéric Goaty
PS : On nous informe que le dimanche midi, notre envoyé spécial Félix Marciano est allé visiter le Pays du Croque-Monsieur Géant en compagnie d’Allan Holdsworth. Compte-rendu de la ballade interstellaire dans un prochain Jazzmag.
Allan Holdsworth (guitare), Jimmy Haslip (basse électrique), Vigil Donati (batterie). Paris, Sunset, dimanche 20 mai.
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Je crois que c’est Maître Folace qui disait : « C’est quand même curieux chez les batteurs ce besoin de faire des phrases. » Ou peut-être parlait-il des marins, je ne sais plus. Quoi qu’il en soit, le batteur d’Allan Holdsworth, Vigil Donati, ex-accompagnateur du chanteur sarkozyste Michel Polnareff, est un ultra-technicien hyper-bavard qui semble ignorer l’existence du swing et du groove. Nous a-t-il dès lors gâché la soirée ? Impossible, car Lord Holdsworth n’était pas venu, lui, « avec une moitié de boîte de doigts » (dixit un spectateur enthousiaste).
Certes, le Guitar God de la Terre des Angles a toujours privilégié le dialogue avec des manieurs de baguettes au bagage technique impressionnant, mais, on l’aura compris, il faut bien avouer que Chad Wackerman, Gary Husband, Vinnie Colaiuta ou Gary Novak (au choix) nous ont fait défaut. Heureusement, l’autre membre de la section rythmique ne manquait pas, lui, de swing et de groove ni même d’âme : Jimmy Haslip est un bassiste exceptionnel, qui pèse le poids de chaque note et fait preuve d’un goût sûr dans ses improvisations, vertigineuses mais jamais nauséeuses – faut-il rappeler qu’il est le bassiste des Yellowjackets depuis trente ans et qu’il signa notamment un chorus d’anthologie dans Brother to Brother de Gino Vannelli en 1978 ?
Mais tout bien réfléchi, qu’importent les fûts pourvu qu’on ait l’ivresse. Et comme les sommets annapurniens que Lord Holdsworth atteint immanquablement durant ses improvisations stratosphériques ont des vertus follement enivrantes, voire presque hallucinatoires, on finit par tout oublier, sinon que cet homme aux allures de livreur de lait (un livreur qui carburerait à la bière tout en se déplaçant exclusivement à vélo), quoique souvent copié, ne sera décidément jamais égalé. Oh, certes, nous n’apprîmes rien de nouveau sur lui hier soir : ces soli d’outre-jazz, si legato, presque liquides, ces myriades de notes sonnant comme des nébuleuses électriques, ces accords hors-normes aux échos nostalgiques et gris (et qui accessoirement rendent fous les guitaristes), on les connaît par cœur. On crut cependant déceler comme un spleen secret qui ne demanderait qu’à devenir prégnant, ce qui d’ailleurs ne fut pas pour nous déplaire : peu à peu, Allan Holdsworth retrouve le grain de ses années 1970/80, celles qui nous firent tous basculer dans ses mondes inouïs, celui du légendaire “Believe It” du New Tony Williams Lifetime par exemple, dans lequel il eut la bonne idée de piocher, histoire de rejouer, encore et encore, Fred et Mr. Spock.
Un disque, dit-on, est dans la boîte, qui devrait sortir avant la fin de l’année. Nous sommes tout ouïe. À très bientôt cher Maître.
Frédéric Goaty
PS : On nous informe que le dimanche midi, notre envoyé spécial Félix Marciano est allé visiter le Pays du Croque-Monsieur Géant en compagnie d’Allan Holdsworth. Compte-rendu de la ballade interstellaire dans un prochain Jazzmag.
Allan Holdsworth (guitare), Jimmy Haslip (basse électrique), Vigil Donati (batterie). Paris, Sunset, dimanche 20 mai.
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Je crois que c’est Maître Folace qui disait : « C’est quand même curieux chez les batteurs ce besoin de faire des phrases. » Ou peut-être parlait-il des marins, je ne sais plus. Quoi qu’il en soit, le batteur d’Allan Holdsworth, Vigil Donati, ex-accompagnateur du chanteur sarkozyste Michel Polnareff, est un ultra-technicien hyper-bavard qui semble ignorer l’existence du swing et du groove. Nous a-t-il dès lors gâché la soirée ? Impossible, car Lord Holdsworth n’était pas venu, lui, « avec une moitié de boîte de doigts » (dixit un spectateur enthousiaste).
Certes, le Guitar God de la Terre des Angles a toujours privilégié le dialogue avec des manieurs de baguettes au bagage technique impressionnant, mais, on l’aura compris, il faut bien avouer que Chad Wackerman, Gary Husband, Vinnie Colaiuta ou Gary Novak (au choix) nous ont fait défaut. Heureusement, l’autre membre de la section rythmique ne manquait pas, lui, de swing et de groove ni même d’âme : Jimmy Haslip est un bassiste exceptionnel, qui pèse le poids de chaque note et fait preuve d’un goût sûr dans ses improvisations, vertigineuses mais jamais nauséeuses – faut-il rappeler qu’il est le bassiste des Yellowjackets depuis trente ans et qu’il signa notamment un chorus d’anthologie dans Brother to Brother de Gino Vannelli en 1978 ?
Mais tout bien réfléchi, qu’importent les fûts pourvu qu’on ait l’ivresse. Et comme les sommets annapurniens que Lord Holdsworth atteint immanquablement durant ses improvisations stratosphériques ont des vertus follement enivrantes, voire presque hallucinatoires, on finit par tout oublier, sinon que cet homme aux allures de livreur de lait (un livreur qui carburerait à la bière tout en se déplaçant exclusivement à vélo), quoique souvent copié, ne sera décidément jamais égalé. Oh, certes, nous n’apprîmes rien de nouveau sur lui hier soir : ces soli d’outre-jazz, si legato, presque liquides, ces myriades de notes sonnant comme des nébuleuses électriques, ces accords hors-normes aux échos nostalgiques et gris (et qui accessoirement rendent fous les guitaristes), on les connaît par cœur. On crut cependant déceler comme un spleen secret qui ne demanderait qu’à devenir prégnant, ce qui d’ailleurs ne fut pas pour nous déplaire : peu à peu, Allan Holdsworth retrouve le grain de ses années 1970/80, celles qui nous firent tous basculer dans ses mondes inouïs, celui du légendaire “Believe It” du New Tony Williams Lifetime par exemple, dans lequel il eut la bonne idée de piocher, histoire de rejouer, encore et encore, Fred et Mr. Spock.
Un disque, dit-on, est dans la boîte, qui devrait sortir avant la fin de l’année. Nous sommes tout ouïe. À très bientôt cher Maître.
Frédéric Goaty
PS : On nous informe que le dimanche midi, notre envoyé spécial Félix Marciano est allé visiter le Pays du Croque-Monsieur Géant en compagnie d’Allan Holdsworth. Compte-rendu de la ballade interstellaire dans un prochain Jazzmag.
Allan Holdsworth (guitare), Jimmy Haslip (basse électrique), Vigil Donati (batterie). Paris, Sunset, dimanche 20 mai.