Les Rendez Vous de l’Erdre 2018 : encore une grande réussite
La belle plaisance est une pratique populaire très prisée ici. Sur les 28 kilomètres navigables de l’Erdre, en partant du port de Nort sur Erdre, des centaines d’embarcations modestes et disparates, mais toujours pimpantes, glissent joyeusement pour arriver au pied de la grande scène nautique du festival au coeur de Nantes. A bord, des « équipages » souvent déguisés et quelques mini fanfares délurées… Des kayaks individuels côtoient de petits voiliers et des vieilles « barques ». Spectacle coloré et incroyable. En tous cas, tout sauf des « rafiots » (« mauvais bateau » selon le Petit Robert), comme l’avait écrit mal à propos l’envoyé spécial du Monde en 2016!
On est bien loin, et c’est pour nous réjouissant, des parvenus de la French Riviera sur leurs énormes yachts ostentatoires et obscènes. Souvent ridicules qui plus est avec leurs casquettes de capitaine « bidon » et leurs blazers, avec armoiries tout aussi « bidon » sur la poche poitrine.
Les Rendez Vous de l’Erdre (RDV pour les initiés), ont lieu traditionnellement, depuis 32 ans, à la toute fin d’août. Cette année du 27/08 au 02/09 elles proposaient moult animations et concerts aux ligériens (les habitants du bassin de la Loire…).
Tout débute « tranquillement » du lundi au jeudi pour atteindre son acmé pour le week-end où la très grande foule déboule.
Inauguration
L’inauguration officielle est donnée le jeudi soir dans une atmosphère de kermesse autour du charmant petit port de Nort Sur Erdre.
Francois Corneloup, artiste fil rouge de l’édition 2018 (nous y reviendrons), avec son groupe « festif » Le peuple étincelle a animé joyeusement cette soirée faisant danser la grande foule multi-générationnelle présente (les fameux « 7 à 77 ans »!).
« L’Étincelle symbolise l’invention et le renouveau. C’est ce que propose François Corneloup en ouvrant le répertoire du Peuple Étincelle à la rumba et à la biguine en passant par la polka. De la musique qui se chante, qui se danse, qui sent bon les produits du terroir… Des compositions originales qui, l’air de rien, parlent à tous ceux qui aiment la musique vivante, quelque part entre tous les “ici” du monde et les “ailleurs” de l’imaginaire » (texte de présentation du programme).
Une musique de bal groovy, jouée par des virtuoses, connaisseurs et praticiens. Compagnon de route éminent de la Compagnie Lubat, François Corneloup connaît la fête et sait la faire partager. Les compositions du Peuple Etincelle, l’air de rien, parlent à tous ceux qui aiment la musique vivante!
Parfait pour un soir de fin d’été. Mais pas que bien sûr…
Fabrice Vieira (g et voc), comme chez Lubat, est l’indispensable coeur battant du groupe, incarnation d’un infatigable « enjazzement » joyeux. Le Monde/Musique du 18 août vient de consacrer un beau portrait à Fabrice Vieira, « œuvrier » du jazz.
Le Peuple Etincelle avait aussi donné en début de semaine un concert d’ouverture (une nouveauté 2018) sur le Parvis de la Cité des Congrès de Nantes. La PQR (presse quotidienne régionale) nantaise en a dit le plus grand bien.
François Corneloup (saxes), Fabrice Vieira (g), Michael Geyre (acc), Eric Duboscq (b), Fawsy Berger et Ersoj Kazimov (perc)
Le Cd de Peuple Etincelle
Les RDV pour tous… mais pour qui ?
Dans l’édition nantaise du 31 août du journal gratuit 20 minutes Julie Urbach persifle gentiment :
« Les Rendez-vous de l’Erdre, tout le monde y va… mais qui regarde (vraiment) le programme? ».
Puis elle persiste et signe :
« La programmation n’est pas la principale raison de l’attrait qu’ont les Nantais pour cet événement.
“Tu vas aux Rendes-Vous de l’Erdre cette année ? Tu vas voir qui ?”
Si beaucoup de Nantais répondront par l’affirmative à la première partie de la question, pas sûr que la discussion aille beaucoup plus loin… »
Et enfin elle confirme :
« Si quelque 150 000 spectateurs devraient, une fois de plus répondre présents, il faut quand même se l’avouer: peu d’entre eux seront capables de citer les noms des musiciens qu’ils applaudiront.
S’ils constatent la présence de plus en plus de spécialistes, les organisateurs sont tout à fait conscients qu’ils ne sont pas majoritaires, et l’assument ».
Toujours dans ce même papier de Julie Urbach, Armand Meignan, directeur artistique des RDV depuis 12 ans, lui répond (« en souriant » écrit-elle):
«Ce qui est bien avec les Rendez-vous de l’Erdre, c’est que quoi qu’il arrive, il y aura du monde. Pour 80 % du public, il s’agira de leur premier contact avec cette musique. Ils nous font confiance, il faut leur proposer de nouvelles choses, mais se dire que ce n’est jamais gagné !
Et ce n’est pas si grave… s’ils ne retiennent pas tous les noms. »
Envoyé spécial en solo !
Cette année j’étais le seul représentant de Jazz Magazine aux RDV.
Généralement nous étions 3. Pascal Anquetil et Philippe Meziat m’ont bien manqué. La foultitude de concerts dispatchés sur une dizaine de scènes (certaines fort éloignées du QG du festival) et une paralysie faciale périphérique (provoquée par une inflammation virale du nerf facial gauche) m’ont « condamné » à limiter drastiquement mes activités aux RDV…
Je n’ai donc fréquenté que la Scène Sully (les jazz vifs) et la grande Scène Nautique (les concerts événements).
La programmation de la Scène Sully est exceptionnelle : que des pointures du jazz actuel proposant des projets passionnants et stimulants. J’y ai passé le plus clair de mon temps pour cette édition…
Aux RDV le public de la scène Sully (depuis qu’Armand Meignan a décidé d’y programmer exclusivement des groupes et projets « pointus ») est très différent de celui des dizaines de milliers de déambulateurs et baguenaudeurs qui sillonnent de manière erratique les bords de l’Erdre au gré de leurs humeurs, découvertes et rencontres. Et ils ont de quoi faire ! Une dizaine de scènes leur offrent ad libitum tous les styles de l’idiome jazziste : blues, jazz manouche, swing, électro… entre autres !
Devant la scène Sully, les « accros », un gros milliers de jazzfans pointus, « campent » pendant 3 jours. En plein soleil, brûlant, l’après-midi ou par une soirée frisquette. Ils sont là bien avant le début des concerts, ils assistent, enchantés, aux balances et s’épaulent mutuellement pour « garder » leur siège, le plus près possible de la scène.
Les « accros » de la Scène Sully sous un soleil de plomb!
Les concerts de la Scène Sully (épicentre du jazz de création aux RDV)
nOx.3
Jazz Magazine avait sélectionné ce groupe pour candidater au prestigieux Tremplin Jazz de Vienne en 2015 et le groupe avait gagné !
Depuis, nOx.3 a beaucoup joué dans l’hexagone (et au delà). Son electro-jazz frondeur, acéré et fortement « groove » surprend (et souvent) bouscule les publics tranquilles… Qui au final, généralement, adhérent à leur démarche.
Arrivé trop tard pour les entendre aux RDV, je les ai rencontré backstage quelques minutes après leur passage. Epanouis et souriants comme toujours. Vifs (très) comme leur musique.
nOx.3 heureux après leur prestation
Pierrick Pedron Quartet
Pierrick Pedron est un des meilleurs saxophonistes alto du jazz français et européen. En plus de 15 ans de carrière il nous a toujours étonné avec moult projets originaux et variés. A Nantes il était programmé dans la forme dite « classique », pour les hard-boppers, du quartet acoustique, accompagné d’une rythmique de luxe où Paul Lay remplaçait (pour la deuxième fois seulement) le pianiste titulaire. Lay a été énorme. Visiblement heureux de participer à ce quartet. Relançant sans cesse Pierrick avec énergie et jubilation. Une véritable « battle », pacifique et au plus haut niveau, a eu lieu entre Pierrick et Paul pour le plus grand plaisir du millier de personnes présentes.
Surprise : une étonnante version d’ « Enjoy the silence » de Depeche Mode ! A la fin du concert, sur « With the 2’bs », une composition de Pierrick, les échanges sax/piano furent intenses avec un lyrisme débridé. A la contrebasse : Thomas Bramerie, en statue du commandeur, maître de la walking bass profonde et solide, tint bien la barre pendant les tempêtes… « Du jazz au sommet qui vous prend corps et âme » a écrit Michel Contat à propos de la musique de Pierrick. Bien vu ! Confirmé ici.
le neuvième CD de Pierick en quartet acoustique
Pierrick Pédron (as), Paul Lay (p), Thomas Bramerie (b), Elie Martin Charrière (dr)
Edward Perraud Synaesthetic Trip
Le feu follet Edward Perraud paraît infatigable. Il participe à un grand nombre de projets et de groupes toujours avec une frénésie de jouer et une soif de musique qui le conduit à embrasser (et embraser aussi !) tous les genres, sans a priori. Avec Synaesthetic il propose un jazz moderne et populaire, très pétillant, où le swing côtoie le free et où le jazz flirte avec la musique classique.
Gros succès et longue séance de dédicaces.
Un fan très ému déclare sa flamme à Edward « Vous êtes les Jazz Messengers du XXIème siècle ! ». Perraud ravi le remercie et approuve : « Mais oui c’est çà ! Exactement çà ».
Benoit Delbecq qui joue aux claviers un rôle central dans ce groupe, observant la longue file d’attente pour la vente des Cds, plaisante avec un humour très british : «Grosses ventes, semble t-il, j’espère qu’Edward pensera à une petite prime pour ses sidemen » !
Edward a dédicacé à tour de bras!
Edward Perraud (dr), Benoit Delbecq (claviers), Bart Maris (tp), Arnaud Cuisinier (b), Daniel Erdmann (ts)
François Corneloup Quintet « REVOLUT!ON »
François Corneloup, le « colosse du saxophone baryton » (c’est annoncé ainsi dans le programme, mais… ce n’est pas de la « com », c’est incontestable!), comme évoqué supra était le fil rouge des RDV 2018.
En solo (au lever du soleil il a donné des aubades aux plaisanciers dans plusieurs petits ports de l’Erdre), duo, quartet électro (Ursus Minor sur la scène Jazz Mix), quintet festif avec le Peuple Étincelle (déjà évoqué supra), et avec une création: « Révolut!on ».
Une semaine nantaise où il fut omniprésent (10 prestations!). Et au plus haut niveau. Chapeau l’artiste !
Révolut!on car il a choisi de s’entourer de musiciens de la nouvelle génération (« excepté la très confirmée Sophia Domancich » comme l’indique, à juste titre, le texte de présentation du groupe) pour une belle profession de foi : « La musique sera pleine et généreuse, faite de rythmiques charnues et sophistiquées, de chants virtuoses et de mélodies lumineuses… avec la joie et l’envie du renouveau » (F.C.). Au Fender Rhodes Sophia Domancich emblématique musicienne de tous les jazz vifs depuis plusieurs décennies nous a étonné, une fois de plus.
François Corneloup (saxes), Sophia Domancich (Fender Rhodes), Simon Girard (tb), Joachim Florent (b), Vincent Tortiller (dr)
Michel Benita Ethics
Michel Benita a 64 ans. Comme on dit « il ne les fait pas ».
« Dans le paysage du jazz européen, Michel Benita n’est ni le plus véhément, ni le plus envahissant des contrebassistes. La discrétion est dans sa nature. L’efficacité aussi, car si l’on se penche sur sa carrière on constate qu’elle est exceptionnelle. Il l’a démarré relativement tardivement mais, comme souvent chez ceux qui sont venus à la musique sur le tard, son investissement l’a conduit à multiplier les expériences et à trimballer son instrument auprès de tous ceux qui faisaient appel à ses services. Le nom des jazzmen auprès desquels il a apporté sa contrebasse dans ces années forme un Who’s Who du jazz qui se joue alors en France, où les légendes américaines (Lee Konitz, Horace Parlan, Archie Shepp) côtoient les valeurs sûres européennes (Daniel Humair, Bobo Stenson, Enrico Pieranunzi). Où les futurs amis de toujours (Peter Erskine, Nguyên Lê, Aldo Romano, Antoine Hervé) se mêlent aux gigs d’un soir avec des musiciens de passage. » (Extraits de sa bio sur son site remarquable: http://michelbenita.com/fr/biographie)
En 2010 Michel Benita a fondé Ethics avec la joueuse de koto Mieko Myazaki : du jazz « voyageur » ! Le premier Cd de ce projet est une réussite : audace, sensibilité, « mesclun » de pop, folk, jazz et électro, pimenté du son inoubliable du koto. Mais plus que cela : un voyage alternatif, étonnant.
Avec le second CD de 2015 (River Silver chez Ecm, carrément!) les promesses de 2010 sont confirmées et bonifiées.
Live on retrouve parfaitement l’atmosphère si particulière des 2 Cds. Le guitariste norvégien Eivind Aarset des deux albums absent, ici c’est Manu Codjia (un vieux complice de M.Benita) qui officiait à la guitare. Comme toujours, Manu fut époustouflant.
Le koto et la voix envoûtante de Mieko Miyazaki, le bugle lunaire de Matthieu Michel (qui, avec son phrasé aéré et sensuel, fait respirer la musique), la guitare subtile de Manu, la batterie précise et attentive de Philippe Garcia et le jeu charnel de Benita emplissent l’espace intensément, d’un son très pur (le fameux son ECM retrouvé en direct…). Quiétude, ravissement mais… sous le calme apparent, brûle une intensité maîtrisée.
Beaucoup de dédicaces aussi pour Michel Benita
River Silver (Ethics) cd de M. Benita chez ECM
Mieko Myazaki « kotoiste » … en civil
Michel Benita (b), Mieko Myazaki (koto/voix), Manu Codjia (g), Matthieu Michel (bugle), Philippe Garcia (dr).
Une petite brève de backstage… La jazz life
Des centaines de musiciens participent aux RDV et ils ne trouvent généralement pas le temps de lire attentivement le copieux programme.
Le concert de Michel Benita terminé on passe jeter un œil à la balance du Multiquarium Big Band programmé le soir avec son projet Remenber Jaco Pastorius avec Bireli Lagrene.
Santi Quintans’ Lion’s Mouth vient de terminer son concert. Ramon Lopez et Sebastien Boisseau sont en train de ranger leur matériel. Ramon tout heureux m’annonce : « J’arrive de Suisse où j’ai enregistré hier avec un musicien formidable: Matthieu Michel ». Je lui dis : « Il est là à 300 mètres à vol d’oiseau. Il vient de jouer avec Michel Benita ». Ramon dégaine son portable : « Matthieu il paraît que tu es là… J’arrive ». Un peu plus tard je les ai aperçu backstage devisant gaiement…
Ramon Lopez qui a enregistré la veille avec Matthieu Michel ne sait pas qu’il a joué il y a quelques minutes à 300 mètres de là!!!
PING Machine
L’an dernier un violent orage avait empêché Ping Machine de se produire.
Cette année ce concert (un des tous derniers de Ping) était pour les musiciens ayant participé à cette belle aventure, de plus d’une dizaine d’années, particulièrement émouvant car leur « chef » Frédéric Maurin vient d’être nommé à la tête de l’ONJ… ONJ, version Maurin, qui ne sera pas, selon quelques confidences recueillies en coulisses, une « continuation » de Ping.
Quoi qu’il en soit ce concert nantais a démontré, une fois de plus, que ce big-band « moderne » (au sens très large) est l’une des grandes formations les plus passionnantes et innovantes de l’hexagone. Ping Machine propose une musique contemporaine à la fois radicale, entière et passionnée. Servie par des solistes enthousiastes et haut de gamme, Ping transporte les auditeurs au coeur d’une architecture musicale pleine de poésie et d’images sonores propices à l’évasion. Moderne et surprenant !
Franck Bergerot avait présenté ainsi dans un jazz live de mai 2016 ses sensations après un concert de Ping: « Soit, deux univers parallèles, le jazz et la musique contemporaine. Soit deux façons de penser la musique où la tradition tonale relèverait de la physique classique et où le domaine spectral correspondrait à la physique quantique. Car tels sont les deux univers sur lesquels, un pied dans chacun d’eux, le compositeur et chef d’orchestre Fred Maurin pratique le grand écart. sorte d’idéal du grand orchestre de jazz contemporain ».
Fred Maurin, nouveau patron de l’ONJ avec Paul Lay
Ping pour un ses derniers rappels. La belle aventure Ping s’arrête.
Bastien Ballaz (tb), Stephan Caracci (marimba et autres …), Guillaume Christophel, Jean-Michel Couchet , Fabien Debellefontaine, Florent Dupuit , Julien Soro (saxes), Andrew Crocker, Quentin Ghomari, Fabien Norbert (tp, bugle), Didier Havet (tuba), Rafaël Koerner (dr, perc), Paul Lay (claviers), Raphaël Schwab (b)et Frédéric Maurin (g, programmations/composition/direction).
Les concerts de la scène nautique
Des milliers de personnes assistent aux concerts de la scène nautique.
Entre le plateau et les spectateurs : de l’eau…
Beaucoup d’eau.
La scène nautique de jour: la nuit le site est encore plus spectaculaire
Pas facile de programmer sur ce site. Car il faut « dénicher » des artistes et projets capables de « capter » un auditoire de plein air séparé par plusieurs dizaines de mètres de la scène par un large bassin de la rivière Erdre.
Chaque année Armand Meignan, directeur artistique des RDV, fait des « paris », toujours risqués, pour la programmation de cette scène très particulière.
Musica Nuda
Premier pari sur cette grande scène : un duo! Voix et contrebasse!
Depuis 2002 Petra et Ferrucio se produisent beaucoup et partout…
Comme elle le déclare, sourire malicieux aux lèvres, à la fin de la balance : « Impressionnée par ce lieu ? On en a vu d’autres ! Et puis moi de toutes façons je marche sur l’eau… ».
Confirmé… Pas pour la marche sur l’eau bien sûr mais pour la capacité du duo a capter l’attention de toutes sortes d’auditoire.
Et ici, comme partout, ils ont fait un malheur.
Le gros son jazzy de Ferrucio et les escapades vocales, en de multiples et étonnants territoires, de l’espiègle Petra séduisent et surprennent.
C’est frais, pimpant et drôle! Répertoire asse incroyable : de Police à Monterverdi, en passant par les Beatles ou Gainsbourg !
Petra Magoni (voc), Ferrucio Spinetti (b)
Foenix Big Band invite Andreas Schaerer
Jean-Marie Bellec est une figure incontournable du jazz à Nantes: pianiste subtil, pédagogue éclairé et grand révélateur de talents depuis 1980. Coordinateur du Département jazz au conservatoire de Nantes, il a formé toute la nouvelle génération du jazz nantais et il a fondé récemment le Foenix Big Band.
En 2016, sur la grande scène nautique, ces vingt jeunes musiciens nantais avaient emballé plus de 10 000 spectateurs avec leur jazz mixé de hip hop!
Pour les RDV 2018 Armand Meignan leur a proposé un beau projet : une création avec en guest prestigieux l’incroyable Andreas Schaerer, chanteur à la technique vocale exceptionnelle, allant du chant lyrique au scat en passant par le beatbox (improbable croisement entre Bobby Mc Ferrin et James Brown !).
Le big band sonne bien, J-M. Bellec le dirige, discrètement (sur un côté de la scène), mais de manière précise, efficace et « pêchue ».
Pourtant, au final deux regrettables déconvenues :
-
pour cause de planning un peu trop serré Andreas Schaerer n’a pas pu répéter longuement avec le big band et sa prestation sur scène étincelante, comme toujours, a été beaucoup trop courte et la « fusion » avec le big band finalement fort réduite…
-
par contre Pierre-Yves Bellec (alias PYB) fut omniprésent. Envahissant même. Multipliant les interventions tonitruantes et agaçantes. Répétant des dizaines de fois, en hurlant, les formules éculées, très mode par les temps qui courent dans le monde de la variétoche: « Vous êtes là », « Vous êtes le meilleur public du monde ». Quasi insupportable. Quel dommage ! Et quel contraste avec la discrétion et la subtilité de son père Jean-Marie.
Jean-Marie Bellec : direction
Andreas Schaerer et Pierre-Yves Bellec alias PYB (voc)
Basile Gautherot (Djing), Lilian Mille, Damien Ribeiro, Solène Haury, Paul Lugue (tp), Owen Le Gall (tuba), Balthazar Bodin, Chloé Grimault , Emile Scoubart (tb), Julien Tattevin, Jean-Baptiste Gaschard, Liova Loeve, Anissa Gaspar, Florent Pouzet (saxes), Louis Godart (g), Gaspard Berton (claviers), Luc-Antoine Duret (b), Julien Ouvrard (dr).
Bireli Lagrène + Charlier/Sourisse Multiquarium Big Band « Remember Jaco Pastorius »
Pour la soirée de clôture sur la grande scène nautique A.Meignan avait programmé un feu d’artifice… musical : le Big Band Multiquarium pour un hommage à Jaco Pastorius avec en guest-star Bireli Lagrène à la guitare basse.
L’orchestre compte dans ses rangs quelques uns des meilleurs solistes de l’hexagone. Les arrangements sont puissants et flamboyants.
Jaco Pastorius, avait en son temps révolutionné l’approche de la basse électrique. Il jouait généralement avec une guitare basse fretless (ie : sans frette. « Les frettes sont de petites barres généralement métalliques placées perpendiculaires aux cordes, subdivisant la touche en demi-tons… ». Merci wikipedia!).
Dans les années 80 Bireli a joué avec Jaco. Il avait 19 ans lors de leurs premières rencontres. Pastorius a incité Bireli à pratiquer la fretless.
Pour ce concert nantais Bireli était annoncé « à la fretless ». Pour des raisons « techniques » (sans autre précision) il a confié pendant la balance qu’il allait jouer avec une guitare basse « normale ».
Présent sur scène pendant toute la durée du concert Bireli s’est visiblement régalé à choruser sur des thèmes chers à Jaco (comme The chicken, Palladium, Speak like a child, entre autres).
Vincent Mahey (Victoires de la Musique 2018 de la prise de son) qui officiait à la console a su trouver un équilibre parfait (pas évident à priori) entre la masse sonore du big band et la basse de Bireli. Le jeu de Bireli toujours parfaitement lisible, semblait « planer » juste un peu au dessus du son global de l’orchestre : un travail d’orfèvre de Mahey.
Un concert vivant et coloré : gros succès populaire pour la clôture des RDV 2018.
Vincent Mahey s’apprête à prendre les commandes de la régie son pendant que Ramon Lopez et Sebastien Loizeau quittent la scène après leur concert
La scène nautique la nuit pendant l’hommage à Jaco Pastorius
Bireli à sa sortie de scène après un époustouflant concert de près de deux heures
Bireli Lagrène (guitare basse… normale !)
Claude Egéa , Pierre Drevet, Erick Poirier, Yves Le Carboulec (tp), Stéphane Chausse, Lucas St-Cricq, Stéphane Guillaume, Fred Couderc, Fred Borey (saxes), Denis Leloup, Damien Verherve, Philippe Georges (tb), Didier Havet (tb et tuba), Benoît Sourisse (claviers), Pierre Perchaud (g), André Charlier (dr), Nicolas Charlier (perc).
Bien sûr cette pourtant fort longue chronique, pour des raisons indiquées supra, n’a pas évoqué de nombreux concerts (rappel… il y en avait presque 150 de programmés). Témoignages d’amis jazzfans fiables et compte-rendus de la PQR nantaise me permettent d’affirmer qu’il y eut beaucoup, beaucoup d’autres concerts passionnants pendant ces RDV 2018.
Et notamment, entre autres, les très étonnantes propositions de la scène Jazzmix concoctées par Estelle Beauvineau (comme l’Ursus Minor où officiait le musicien « fil rouge » de cette édition : F.Corneloup).
Armand Meignan, directeur artistique, omniprésent …
Armand Meignan, Marie Meignan et Roger Fontanel, représentants de grands festivals hexagonaux : RDV, Le Mans et Nevers…
Coda : Souvenirs, souvenirs d’un autre temps…
Il y a 50 ans (en mai 1968) j’ai eu la grande joie de voir ma première chronique publiée dans Jazz Magazine.
A l’époque il y avait très peu de grands festivals et Jazz Magazine consacrait de nombreuses pages à rendre compte de chacun.
Aujourd’hui il y a plus de 300 festivals dans l’hexagone… Il faudrait chaque mois une édition papier de 250 pages pour en faire les compte-rendus!
Alors vive le jazzlive de jazzmagazine.com où l’on peut « gambader » sans contrainte de calibrage serré en matière de nombre de signes…
Mais à l’époque avant qu’un compte rendu soit lu par les fidèles lecteurs du Jazz Magazine « papier » il y avait un long chemin. Les articles, tapés laborieusement à la machine, étaient envoyés par courrier, rewrités par Philippe Carles et Jean Louis Ginibre, puis ils étaient envoyés « à la compo », ils revenaient sous forme d’épreuves, soigneusement relues, puis mises en page et enfin partaient à l’imprimerie, où les délais d’impression étaient assez longs…
Tout ça pour vous dire qu’à l’époque le jazz fan lecteur de Jazz Magazine lisait le compte rendu d’un festival, si tout c’était bien passé dans cette très longue chaîne d’édition, deux à trois mois après la fin du dernier concert !
Ok et alors…
Alors, aujourd’hui chers jazzfans vous pouvez lire (et gratuitement qui plus est!), selon la célérité et le tempérament du rédacteur, les compte rendus des festivals et concerts, « en numérique », sur notre site dès le lendemain ou… un mois après ! Comme cette chronique des RDV 2018…
Mais « mieux vaut tard que jamais » comme on dit…
Pierre-Henri Ardonceau