L’ORCHESTRE 2035 à La Dynamo de Pantin
Courageux mais pas téméraire, le chroniqueur quitte sa banlieue, entre deux orages, pour une ville voisine
Pantin, où se tient un concert de l’Orchestre 2035, à La Dynamo. Le groupe termine une résidence ici, et cette soirée s’inscrit dans la programmation ‘Under the Radar’ de Jazz à La Villette. Sept minutes de RER, et le privilège d’un coucher de soleil sur la ville après l’orage
ORCHESTRE 2035
Basile Naudet (saxophones alto & sopranino), Théo Nguyen Duc Long – (saxophones ténor & soprano), Xavière Fertin & Juliette Adam (clarinettes), Jerome Fouquet (trompette), Fanny Meteier (tuba), Thomas Zielinski (guitare), Alexandre Du Closel (claviers), Luca Ventimiglia (vibraphone), Louis Prado & Victor Auber (guitares basses), Benoit Joblot (batterie), Julien Catherine (percussions), Augustin Bette (batterie, percussions)
Pantin, La Dynamo, 5 septembre 2022, 20h30
Je suis curieux de découvrir cet orchestre qui existe depuis plusieurs années, et dans les rangs duquel se trouvent des musiciennes et des musiciens que j’ai pu écouter au fil des ans dans quelques groupes, et aussi parfois au Conservatoire de Paris lors de leurs études, à la faveur de récitals de fin d’année et autres joyeusetés institutionnelles.
À l’entrée on me propose des bouchons d’oreille, que j’accepte volontiers pour préserver mon ouïe, déjà fragilisée par des acouphènes, conséquence des milliers de concerts auxquels j’ai assisté depuis plus de 55 ans, et aussi milliers d’heures sous casque audio pour cause de radiotage professionnel pendant plus de 3 décennies.
Le concert commence, rituellement semble-t-il, par un ostinato de saxophone qui installe une sorte d’immersion néo-répétitive. Le décor est dressé : ce sera post-moderne. Vient alors un fracas torrentiel et hyper-sophistiqué de batteries et de percussions. Un groove radical s’installe. Les protections auditives ne sont pas un luxe : ça cogne, et fort ! Un mouvement d’unissons se dessine entre les soufflants et tous les autres instruments. C’est répétitif, assurément, mais avec ce qu’il faut de micro-variations pour faire vivre la musique et entretenir le feu de la curiosité. Cela procède de la transe, c’est à la fois dionysiaque et satanique : pas étonnant car dans beaucoup de religions, les dieux et les démons sont en parenté…. Quelques auditrices et auditeurs participent à la transe en dansant sur le mode solitaire et extatique (c’est un concert ‘debout’). À la faveur d’un decrescendo, et du tacet d’une partie des sections, un autre rythme s’installe, toujours obsédant. Cette composition dramaturgique d’un concert très singulier relève du Grand Art. Il y aura aussi un moment spectral, piloté par les sons de l’orgue et les bruissements de cymbales. Et au fil du concert, au-delà de l’effet de masse, on entend un espace d’expression singulière pour tous les instrumentistes, en tendant l’oreille aux micro-variations qui émaillent le dispositif, et aux éclats transgressifs que s’autorisent la plupart des protagonistes. Bref c’est un vrai moment de musique, décoiffant, déconcertant (mais aussi concertant), riche d’audaces explicites et de subtilités masquées.
Pour le retour, comme toujours depuis plus de deux ans maintenant, plus de RER ‘E’ après 22h….. Alors ce sera le bus 249 jusqu’à l’Église de Pantin, puis le métro ligne 5 pour Bobigny-Pablo Picasso, puis le bus 303 (pour une fois pas bondé) jusqu’à la Gare de Bondy. Autrement dit un gros 50 minutes là où naguère (on dira bientôt jadis) 20 minutes suffisaient. Décidément le sort de l’amateur banlieusard fervent des transports publics est peu enviable !
Xavier Prévost