Lou Donaldson (1er novembre 1926 – 9 novembre 2024) / Roy Haynes (13 mars 1925 – 12 novembre 2024)
Qu’ils reposent en paix. Mieux que le paresseux R.I.P., l’énoncé complet de la formule prend vraiment son sens lorsque les êtres qui les concernent, parvenus à l’âge où il faut bien finir par mourir, reposent enfin en paix, soulagés des malédictions du grand âge. Et dans le cas de Lou et Roy, vu ce qu’ils nous laissent, de ce qu’ils ont réalisé, de ce dont ils peuvent être fiers, ces hommes peuvent véritablement reposer en paix. Quelques jours seulement après leur cadet Quincy Jones (14 mars 1933 – 3 novembre 2024), leurs disparitions passeront probablement inaperçues auprès des médias. De Lou Donadson, on se souviendra de ce qu’il fut l’un des fondateurs du hard bop auprès de Horace Silver et l’une des premières figures emblématiques du label Blue Note : Thelonious Monk Sextet et son propre quartette avec Horace Silver (“New Faces, New Sounds”, 1952), puis son quintette partagé avec Clifford Brown (“Memorial Album”, 1953) et les débuts des Jazz Messengers d’Art Blakey et Horace Silver avec le même Clifford au Birdland (“A Night At Birdland”, 1954). Devenu l’un des leaders du soul jazz, fidèle à Blue Note jusqu’à une parenthèse entre 1964 et 1967, il y revint en 1967 avec son “Alligator Bogaloo” porteur d’un nouvel étendard, celui d’un soul jazz matiné de latin jazz et labelisé “bogaloo” ou “shing-a-ling”, qui lui valut un retour d’intérêt à la fin des années 1980 chez les amateurs de “rare groove” et d’“acid jazz”.
Quant à Roy Haynes, cadet d’un an de Max Roach, de six ans d’Art Blakey, il fut l’un des inventeurs de la batterie bop après Kenny Clarke né onze ans plus tôt (il suffit de voir le nombre de séances qu’ils se partagent auprès de Charlie Parker ou Bud Powell). Son exploit est d’avoir été avec Max Roach un inventeur constant et leader prolifique, susceptible d’être appelé par John Coltrane pour remplacer Elvin Jones, désigné pour tenir la batterie du premier disque en trio de Chick Corea. Le temps presse et le jazz vivant m’attend*, mais sans nul doute, Jazz Magazine reviendra sur son œuvre d’une manière ou d’une autre. Franck Bergerot
*Hier, à Nevers d’où j’écris ces lignes avant de courir vers un nouveau concert du festival qui bat son plein, en sortant d’un concert de Sophia Domancich avec Mark Helias et Eric McPherson, j’eus le tort de monter directement me coucher au lieu de les suivre au bar où, apprenant la mort de Roy Haynes, ils lui portèrent quelques toasts avant qu’Eric McPherson et Simon Goubert également présent ne se lance à bâtons rompus dans une grande étude comparée du style de Roy Haynes. On me l’a raconté ce matin avec des éclairs dans les yeux. Quel meilleur hommage pouvait-on lui rendre ?