Loving Suite pour Birdy So par Roberto Negro
Le pianiste Roberto Negro présentait ce mardi 4 février à Puteaux sa Loving Suite pour Birdy So sur un texte de Xavier Machault avec la voix d’Elise Caron et quelques autres…
Le Palais de la Culture, Puteaux (92), le 4 février 2014.
Loving Suite pour Birdy So : Roberto Negro (composition, piano), Xavier Machault (textes) Elise Caron (voix), Federico Casagrande (guitare), Théo Ceccaldi (violon), Valentin Ceccaldi (violoncelle), Nicolas Bianco (contrebasse).
Trois journées jazz dans l’année à Puteaux, c’est toujours ça, surtout quand c’est programmé par le trompettiste David Enhco. Beaucoup de jeunes gens dans la salle, accompagnés de leurs professeurs, pour venir écouter les musiciens qu’ils ont rencontrés dans leur classe. C’est bien, ça fait baisser la moyenne d’âge, souvent assez élevée dans ces théâtres de banlieues fréquentées par une majorité de retraités. Le retraité est curieux. Normal, il n’a que ça à faire. Et puis il a de l’argent… enfin, c’est ce qu’on dit, et ça ne va pas durer.
Et qu’ai-je vu moi ce soir ? Saurai-je dire ? D’habitude, c’est facile. C’est du jazz. Le batteur est discret mais efficace, le soliste chorusse sur le blues ou sur les standards (reste à les reconnaître, ce qui occupe un moment)… ou sur des originaux et alors, on patauge un peu plus, mais on cherche les influences, on compare, on fait des métaphores…
Mais là ça ressemble à rien. Ah, ça parle d’amour… On peut déjà dire ça et que le personnage principal est un petit poussin mécanique que Roberto Negro fait de temps à temps courir sur la scène. Ça parle, ça chante-parle, ça parle-chante et ça chantre-râle, avec des fantaisies, des légèretés, des libertés qui rappelleraient l’oulipo… mais non, l’oulipo ça n’est pas ça du tout. Ces courts textes doux-amers, parfois très amers (soudain la Caron tragique dans une ambiance à la Lou Reed), puis très doux, mais toujours un peu les deux, rarement l’un sans l’autre, le kitsch toujours tenu à distance par la cocasserie des situations et des mots qui s’entrechoquent… Voilà pour les textes de Xavier Machault et la voix d’Élise, entre cabaret et mélodie française.
Pour ce qui est de la musique, ça ressemble à rien, mais ça ressemble à tout et l’on se laisse rapidement grisé par l’étendue du vocabulaire. Ici, l’ouverture n’est pas un vain mot, n’est pas cette fusion à la petite semaine, ce placage de quelques ingrédients épars qu’on nous sert souvent comme une vertu : « En fait, on n’est pas jazz, on est rock, on est classique, on est world. » Tu parles, Charles! Alors que mille références viennent à l’esprit à l’écoute des partitions de Roberto Negro telles qu’elle sont jouées par ses comparses, mais aucune ne s’impose, aucune ne laisse une trace repérable : minimalisme, contrepoint baroque, post-sérialisme, musique de chambre, rock, blues, free, piano pré ou post-jarrettien avec pointe de Bley et restes de Powell, partitions ouvertes d’ailleurs moins à la Boulez qu’à la Tim Berne… Elles miroitent l’une ou l’autre pour disparaître dans la trame d’une écriture orchestrale, tissée de gestes improvisés, qui n’a rien d’un patchwork, mais impose une matière unie irréductible. Il s’agit ici d’étendue de vocabulaire au service d’un style parfaitement original que j’observais déjà le 16 janvier dernier au Triton à l’écoute de La Scala (avec le même Roberto Negro et les frères Ceccaldi).
Final drôlatique avec une Elise-Dalida, rappel enthousiaste d’un public qui n’a jamais vu ça – et où aurait-il vu ça avec les médias qu’on a – et qui en redemande. Il en raura une peu… Et il raura du Roberto Negro s’il prend la peine de contourner Paris pour se rendre au Triton vendredi prochain, le 7 février, où le pianiste poursuit sa résidence, cette fois avec son trio et le saxophoniste Christophe Monniot en invité.
Franck Bergerot
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Le pianiste Roberto Negro présentait ce mardi 4 février à Puteaux sa Loving Suite pour Birdy So sur un texte de Xavier Machault avec la voix d’Elise Caron et quelques autres…
Le Palais de la Culture, Puteaux (92), le 4 février 2014.
Loving Suite pour Birdy So : Roberto Negro (composition, piano), Xavier Machault (textes) Elise Caron (voix), Federico Casagrande (guitare), Théo Ceccaldi (violon), Valentin Ceccaldi (violoncelle), Nicolas Bianco (contrebasse).
Trois journées jazz dans l’année à Puteaux, c’est toujours ça, surtout quand c’est programmé par le trompettiste David Enhco. Beaucoup de jeunes gens dans la salle, accompagnés de leurs professeurs, pour venir écouter les musiciens qu’ils ont rencontrés dans leur classe. C’est bien, ça fait baisser la moyenne d’âge, souvent assez élevée dans ces théâtres de banlieues fréquentées par une majorité de retraités. Le retraité est curieux. Normal, il n’a que ça à faire. Et puis il a de l’argent… enfin, c’est ce qu’on dit, et ça ne va pas durer.
Et qu’ai-je vu moi ce soir ? Saurai-je dire ? D’habitude, c’est facile. C’est du jazz. Le batteur est discret mais efficace, le soliste chorusse sur le blues ou sur les standards (reste à les reconnaître, ce qui occupe un moment)… ou sur des originaux et alors, on patauge un peu plus, mais on cherche les influences, on compare, on fait des métaphores…
Mais là ça ressemble à rien. Ah, ça parle d’amour… On peut déjà dire ça et que le personnage principal est un petit poussin mécanique que Roberto Negro fait de temps à temps courir sur la scène. Ça parle, ça chante-parle, ça parle-chante et ça chantre-râle, avec des fantaisies, des légèretés, des libertés qui rappelleraient l’oulipo… mais non, l’oulipo ça n’est pas ça du tout. Ces courts textes doux-amers, parfois très amers (soudain la Caron tragique dans une ambiance à la Lou Reed), puis très doux, mais toujours un peu les deux, rarement l’un sans l’autre, le kitsch toujours tenu à distance par la cocasserie des situations et des mots qui s’entrechoquent… Voilà pour les textes de Xavier Machault et la voix d’Élise, entre cabaret et mélodie française.
Pour ce qui est de la musique, ça ressemble à rien, mais ça ressemble à tout et l’on se laisse rapidement grisé par l’étendue du vocabulaire. Ici, l’ouverture n’est pas un vain mot, n’est pas cette fusion à la petite semaine, ce placage de quelques ingrédients épars qu’on nous sert souvent comme une vertu : « En fait, on n’est pas jazz, on est rock, on est classique, on est world. » Tu parles, Charles! Alors que mille références viennent à l’esprit à l’écoute des partitions de Roberto Negro telles qu’elle sont jouées par ses comparses, mais aucune ne s’impose, aucune ne laisse une trace repérable : minimalisme, contrepoint baroque, post-sérialisme, musique de chambre, rock, blues, free, piano pré ou post-jarrettien avec pointe de Bley et restes de Powell, partitions ouvertes d’ailleurs moins à la Boulez qu’à la Tim Berne… Elles miroitent l’une ou l’autre pour disparaître dans la trame d’une écriture orchestrale, tissée de gestes improvisés, qui n’a rien d’un patchwork, mais impose une matière unie irréductible. Il s’agit ici d’étendue de vocabulaire au service d’un style parfaitement original que j’observais déjà le 16 janvier dernier au Triton à l’écoute de La Scala (avec le même Roberto Negro et les frères Ceccaldi).
Final drôlatique avec une Elise-Dalida, rappel enthousiaste d’un public qui n’a jamais vu ça – et où aurait-il vu ça avec les médias qu’on a – et qui en redemande. Il en raura une peu… Et il raura du Roberto Negro s’il prend la peine de contourner Paris pour se rendre au Triton vendredi prochain, le 7 février, où le pianiste poursuit sa résidence, cette fois avec son trio et le saxophoniste Christophe Monniot en invité.
Franck Bergerot
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Le pianiste Roberto Negro présentait ce mardi 4 février à Puteaux sa Loving Suite pour Birdy So sur un texte de Xavier Machault avec la voix d’Elise Caron et quelques autres…
Le Palais de la Culture, Puteaux (92), le 4 février 2014.
Loving Suite pour Birdy So : Roberto Negro (composition, piano), Xavier Machault (textes) Elise Caron (voix), Federico Casagrande (guitare), Théo Ceccaldi (violon), Valentin Ceccaldi (violoncelle), Nicolas Bianco (contrebasse).
Trois journées jazz dans l’année à Puteaux, c’est toujours ça, surtout quand c’est programmé par le trompettiste David Enhco. Beaucoup de jeunes gens dans la salle, accompagnés de leurs professeurs, pour venir écouter les musiciens qu’ils ont rencontrés dans leur classe. C’est bien, ça fait baisser la moyenne d’âge, souvent assez élevée dans ces théâtres de banlieues fréquentées par une majorité de retraités. Le retraité est curieux. Normal, il n’a que ça à faire. Et puis il a de l’argent… enfin, c’est ce qu’on dit, et ça ne va pas durer.
Et qu’ai-je vu moi ce soir ? Saurai-je dire ? D’habitude, c’est facile. C’est du jazz. Le batteur est discret mais efficace, le soliste chorusse sur le blues ou sur les standards (reste à les reconnaître, ce qui occupe un moment)… ou sur des originaux et alors, on patauge un peu plus, mais on cherche les influences, on compare, on fait des métaphores…
Mais là ça ressemble à rien. Ah, ça parle d’amour… On peut déjà dire ça et que le personnage principal est un petit poussin mécanique que Roberto Negro fait de temps à temps courir sur la scène. Ça parle, ça chante-parle, ça parle-chante et ça chantre-râle, avec des fantaisies, des légèretés, des libertés qui rappelleraient l’oulipo… mais non, l’oulipo ça n’est pas ça du tout. Ces courts textes doux-amers, parfois très amers (soudain la Caron tragique dans une ambiance à la Lou Reed), puis très doux, mais toujours un peu les deux, rarement l’un sans l’autre, le kitsch toujours tenu à distance par la cocasserie des situations et des mots qui s’entrechoquent… Voilà pour les textes de Xavier Machault et la voix d’Élise, entre cabaret et mélodie française.
Pour ce qui est de la musique, ça ressemble à rien, mais ça ressemble à tout et l’on se laisse rapidement grisé par l’étendue du vocabulaire. Ici, l’ouverture n’est pas un vain mot, n’est pas cette fusion à la petite semaine, ce placage de quelques ingrédients épars qu’on nous sert souvent comme une vertu : « En fait, on n’est pas jazz, on est rock, on est classique, on est world. » Tu parles, Charles! Alors que mille références viennent à l’esprit à l’écoute des partitions de Roberto Negro telles qu’elle sont jouées par ses comparses, mais aucune ne s’impose, aucune ne laisse une trace repérable : minimalisme, contrepoint baroque, post-sérialisme, musique de chambre, rock, blues, free, piano pré ou post-jarrettien avec pointe de Bley et restes de Powell, partitions ouvertes d’ailleurs moins à la Boulez qu’à la Tim Berne… Elles miroitent l’une ou l’autre pour disparaître dans la trame d’une écriture orchestrale, tissée de gestes improvisés, qui n’a rien d’un patchwork, mais impose une matière unie irréductible. Il s’agit ici d’étendue de vocabulaire au service d’un style parfaitement original que j’observais déjà le 16 janvier dernier au Triton à l’écoute de La Scala (avec le même Roberto Negro et les frères Ceccaldi).
Final drôlatique avec une Elise-Dalida, rappel enthousiaste d’un public qui n’a jamais vu ça – et où aurait-il vu ça avec les médias qu’on a – et qui en redemande. Il en raura une peu… Et il raura du Roberto Negro s’il prend la peine de contourner Paris pour se rendre au Triton vendredi prochain, le 7 février, où le pianiste poursuit sa résidence, cette fois avec son trio et le saxophoniste Christophe Monniot en invité.
Franck Bergerot
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Le pianiste Roberto Negro présentait ce mardi 4 février à Puteaux sa Loving Suite pour Birdy So sur un texte de Xavier Machault avec la voix d’Elise Caron et quelques autres…
Le Palais de la Culture, Puteaux (92), le 4 février 2014.
Loving Suite pour Birdy So : Roberto Negro (composition, piano), Xavier Machault (textes) Elise Caron (voix), Federico Casagrande (guitare), Théo Ceccaldi (violon), Valentin Ceccaldi (violoncelle), Nicolas Bianco (contrebasse).
Trois journées jazz dans l’année à Puteaux, c’est toujours ça, surtout quand c’est programmé par le trompettiste David Enhco. Beaucoup de jeunes gens dans la salle, accompagnés de leurs professeurs, pour venir écouter les musiciens qu’ils ont rencontrés dans leur classe. C’est bien, ça fait baisser la moyenne d’âge, souvent assez élevée dans ces théâtres de banlieues fréquentées par une majorité de retraités. Le retraité est curieux. Normal, il n’a que ça à faire. Et puis il a de l’argent… enfin, c’est ce qu’on dit, et ça ne va pas durer.
Et qu’ai-je vu moi ce soir ? Saurai-je dire ? D’habitude, c’est facile. C’est du jazz. Le batteur est discret mais efficace, le soliste chorusse sur le blues ou sur les standards (reste à les reconnaître, ce qui occupe un moment)… ou sur des originaux et alors, on patauge un peu plus, mais on cherche les influences, on compare, on fait des métaphores…
Mais là ça ressemble à rien. Ah, ça parle d’amour… On peut déjà dire ça et que le personnage principal est un petit poussin mécanique que Roberto Negro fait de temps à temps courir sur la scène. Ça parle, ça chante-parle, ça parle-chante et ça chantre-râle, avec des fantaisies, des légèretés, des libertés qui rappelleraient l’oulipo… mais non, l’oulipo ça n’est pas ça du tout. Ces courts textes doux-amers, parfois très amers (soudain la Caron tragique dans une ambiance à la Lou Reed), puis très doux, mais toujours un peu les deux, rarement l’un sans l’autre, le kitsch toujours tenu à distance par la cocasserie des situations et des mots qui s’entrechoquent… Voilà pour les textes de Xavier Machault et la voix d’Élise, entre cabaret et mélodie française.
Pour ce qui est de la musique, ça ressemble à rien, mais ça ressemble à tout et l’on se laisse rapidement grisé par l’étendue du vocabulaire. Ici, l’ouverture n’est pas un vain mot, n’est pas cette fusion à la petite semaine, ce placage de quelques ingrédients épars qu’on nous sert souvent comme une vertu : « En fait, on n’est pas jazz, on est rock, on est classique, on est world. » Tu parles, Charles! Alors que mille références viennent à l’esprit à l’écoute des partitions de Roberto Negro telles qu’elle sont jouées par ses comparses, mais aucune ne s’impose, aucune ne laisse une trace repérable : minimalisme, contrepoint baroque, post-sérialisme, musique de chambre, rock, blues, free, piano pré ou post-jarrettien avec pointe de Bley et restes de Powell, partitions ouvertes d’ailleurs moins à la Boulez qu’à la Tim Berne… Elles miroitent l’une ou l’autre pour disparaître dans la trame d’une écriture orchestrale, tissée de gestes improvisés, qui n’a rien d’un patchwork, mais impose une matière unie irréductible. Il s’agit ici d’étendue de vocabulaire au service d’un style parfaitement original que j’observais déjà le 16 janvier dernier au Triton à l’écoute de La Scala (avec le même Roberto Negro et les frères Ceccaldi).
Final drôlatique avec une Elise-Dalida, rappel enthousiaste d’un public qui n’a jamais vu ça – et où aurait-il vu ça avec les médias qu’on a – et qui en redemande. Il en raura une peu… Et il raura du Roberto Negro s’il prend la peine de contourner Paris pour se rendre au Triton vendredi prochain, le 7 février, où le pianiste poursuit sa résidence, cette fois avec son trio et le saxophoniste Christophe Monniot en invité.
Franck Bergerot