MÂÄK QUINTET au Centre Wallonie-Bruxelles
Ce soir, Paris était une province de la Wallonie, et de son extension bruxelloise. Tandis que Bruxelles vivait un quasi couvre feu, à Paris, mimant l’insouciance, et avec un peu d’inconscience, nous allions au concert. Le Centre Wallonie-Bruxelles tourne sa vitrine en forme de salle d’exposition vers l’esplanade du Centre Pompidou. Mais on accède à la salle de concert par la rue Quincampoix, vieille venelle parisienne chargée de mémoire. Ici, dans le cadre du festival « be.jazz », le centre accueillait « Mâäk Quintet ».
MÂÄK QUINTET : Laurent Blondiau (trompette, bugle, percussion, voix), Michel Massot (soubassophone), Guillaume Orti (saxophones alto et soprano, percussion, voix), Jeroen Van Herzeele ( saxophones ténor & soprano, percussion, voix), João Lobo (batterie)
Paris, Centre Wallonie-Bruxelles, 24 novembre 2015, 20h
Près de dix-huit ans d’existence pour ce collectif (ex Mâäk’s Spirit) qui se décline par ailleurs en d’autres avatars (Big band MikMâäk, MW’Soul….). Mais c’est ici le noyau dur, circonscrit aux seuls fondateurs. Ils arrivent en fanfare, de la coulisse : il sont cinq, mais l’énergie qu’ils déploient me rappelle un big band britannique rassemblé par Keith & Julie Tippett au début des années 70, le groupe Centipède : cents pieds et cinquante musiciens, comme son nom l’indique. Eux sont seulement cinq, et dix pieds, et pourtant leur groove emporte tout sur son passage, dans un rythme qui fleure bon l’Afrique de l’Ouest autant que le shuffle de Charles Mingus. Dans le groupe, les rôles se déplacent et s’échangent. Deux souffleurs font section pour envoyer des riffs précis et percutants, pendant que le troisième s’égare dans l’ivresse de l’improvisation, ou rejoint la pulsation de la basse à vent. Le répertoire est majoritairement celui du CD « Nine », publié l’an dernier par W.E.R.F. Quelques thèmes antérieurs se glissent en fin de concert dans le déroulement de la fête. Car c’est bien d’une fête qu’il s’agit, une fête musicale, riche d’inventions et de surprises, de nuances et de subtilités aussi. Le répertoire est collectif : il assemble les compositions des uns et des autres, parfois dans des fondus-enchaînés d’une grande finesse. Au détour d’un balancement furieux, on voit surgir un thème recueilli, aux harmonies sinueuses, aux intervalles distendus, qui rappelle les climats de Paul Motian. Et les interventions des solistes procèdent du même doux tuilage, ce qui désempare un peu le public, habitué à des solos bien nets qui appellent l’applaudissement conclusif : ici on se retient d’applaudir pour mieux écouter.
Et le temps s’écoule, tous repères abolis, dans un faux désordre joyeusement rigoureux et perfectionniste. Il faut entendre l’alliage sur le fil du soprano et de la trompette avec sourdine ; l’alto qui passe d’un déboulé furieux à un velouté digne de la Côte Ouest ; le tuba basse qui emporte le swing (pour faire vivre ce balancement, Michel Massot danse en jouant, et en fin de concert, il cessera un instant de jouer pour improviser avec son instrument une chorégraphie envoutante). Et la batterie anime tout cela d’un mouvement irrépressible de vitalité et de vigueur. Dans l’enthousiasme final, Laurent Blondiau embouche simultanément trompette et bugle pour assurer la pulsation. La sensation qui tend à prévaloir, c’est celle d’un jazz idéal, qui embrasserait d’un seul geste les racines néo-orléanaises, l’effervescence des big bands, les circonvolutions virtuoses du bebop, la furia du free jazz, et les libertés nouvelles que le jazz conquiert sans repos dans les musiques d’aujourd’hui. Un concert épatant, par un groupe qui curieusement jouait pour la troisième fois seulement en France (la précédente, ce devait être à Montpellier, pour le festival du Collectif Koa, en 2013). On se demande pourquoi ses prestations se font si rares dans nos contrées : organisateurs de festivals, tendez l’oreille vers cette musique en tout point exceptionnelle !
Xavier Prévost
|
Ce soir, Paris était une province de la Wallonie, et de son extension bruxelloise. Tandis que Bruxelles vivait un quasi couvre feu, à Paris, mimant l’insouciance, et avec un peu d’inconscience, nous allions au concert. Le Centre Wallonie-Bruxelles tourne sa vitrine en forme de salle d’exposition vers l’esplanade du Centre Pompidou. Mais on accède à la salle de concert par la rue Quincampoix, vieille venelle parisienne chargée de mémoire. Ici, dans le cadre du festival « be.jazz », le centre accueillait « Mâäk Quintet ».
MÂÄK QUINTET : Laurent Blondiau (trompette, bugle, percussion, voix), Michel Massot (soubassophone), Guillaume Orti (saxophones alto et soprano, percussion, voix), Jeroen Van Herzeele ( saxophones ténor & soprano, percussion, voix), João Lobo (batterie)
Paris, Centre Wallonie-Bruxelles, 24 novembre 2015, 20h
Près de dix-huit ans d’existence pour ce collectif (ex Mâäk’s Spirit) qui se décline par ailleurs en d’autres avatars (Big band MikMâäk, MW’Soul….). Mais c’est ici le noyau dur, circonscrit aux seuls fondateurs. Ils arrivent en fanfare, de la coulisse : il sont cinq, mais l’énergie qu’ils déploient me rappelle un big band britannique rassemblé par Keith & Julie Tippett au début des années 70, le groupe Centipède : cents pieds et cinquante musiciens, comme son nom l’indique. Eux sont seulement cinq, et dix pieds, et pourtant leur groove emporte tout sur son passage, dans un rythme qui fleure bon l’Afrique de l’Ouest autant que le shuffle de Charles Mingus. Dans le groupe, les rôles se déplacent et s’échangent. Deux souffleurs font section pour envoyer des riffs précis et percutants, pendant que le troisième s’égare dans l’ivresse de l’improvisation, ou rejoint la pulsation de la basse à vent. Le répertoire est majoritairement celui du CD « Nine », publié l’an dernier par W.E.R.F. Quelques thèmes antérieurs se glissent en fin de concert dans le déroulement de la fête. Car c’est bien d’une fête qu’il s’agit, une fête musicale, riche d’inventions et de surprises, de nuances et de subtilités aussi. Le répertoire est collectif : il assemble les compositions des uns et des autres, parfois dans des fondus-enchaînés d’une grande finesse. Au détour d’un balancement furieux, on voit surgir un thème recueilli, aux harmonies sinueuses, aux intervalles distendus, qui rappelle les climats de Paul Motian. Et les interventions des solistes procèdent du même doux tuilage, ce qui désempare un peu le public, habitué à des solos bien nets qui appellent l’applaudissement conclusif : ici on se retient d’applaudir pour mieux écouter.
Et le temps s’écoule, tous repères abolis, dans un faux désordre joyeusement rigoureux et perfectionniste. Il faut entendre l’alliage sur le fil du soprano et de la trompette avec sourdine ; l’alto qui passe d’un déboulé furieux à un velouté digne de la Côte Ouest ; le tuba basse qui emporte le swing (pour faire vivre ce balancement, Michel Massot danse en jouant, et en fin de concert, il cessera un instant de jouer pour improviser avec son instrument une chorégraphie envoutante). Et la batterie anime tout cela d’un mouvement irrépressible de vitalité et de vigueur. Dans l’enthousiasme final, Laurent Blondiau embouche simultanément trompette et bugle pour assurer la pulsation. La sensation qui tend à prévaloir, c’est celle d’un jazz idéal, qui embrasserait d’un seul geste les racines néo-orléanaises, l’effervescence des big bands, les circonvolutions virtuoses du bebop, la furia du free jazz, et les libertés nouvelles que le jazz conquiert sans repos dans les musiques d’aujourd’hui. Un concert épatant, par un groupe qui curieusement jouait pour la troisième fois seulement en France (la précédente, ce devait être à Montpellier, pour le festival du Collectif Koa, en 2013). On se demande pourquoi ses prestations se font si rares dans nos contrées : organisateurs de festivals, tendez l’oreille vers cette musique en tout point exceptionnelle !
Xavier Prévost
|
Ce soir, Paris était une province de la Wallonie, et de son extension bruxelloise. Tandis que Bruxelles vivait un quasi couvre feu, à Paris, mimant l’insouciance, et avec un peu d’inconscience, nous allions au concert. Le Centre Wallonie-Bruxelles tourne sa vitrine en forme de salle d’exposition vers l’esplanade du Centre Pompidou. Mais on accède à la salle de concert par la rue Quincampoix, vieille venelle parisienne chargée de mémoire. Ici, dans le cadre du festival « be.jazz », le centre accueillait « Mâäk Quintet ».
MÂÄK QUINTET : Laurent Blondiau (trompette, bugle, percussion, voix), Michel Massot (soubassophone), Guillaume Orti (saxophones alto et soprano, percussion, voix), Jeroen Van Herzeele ( saxophones ténor & soprano, percussion, voix), João Lobo (batterie)
Paris, Centre Wallonie-Bruxelles, 24 novembre 2015, 20h
Près de dix-huit ans d’existence pour ce collectif (ex Mâäk’s Spirit) qui se décline par ailleurs en d’autres avatars (Big band MikMâäk, MW’Soul….). Mais c’est ici le noyau dur, circonscrit aux seuls fondateurs. Ils arrivent en fanfare, de la coulisse : il sont cinq, mais l’énergie qu’ils déploient me rappelle un big band britannique rassemblé par Keith & Julie Tippett au début des années 70, le groupe Centipède : cents pieds et cinquante musiciens, comme son nom l’indique. Eux sont seulement cinq, et dix pieds, et pourtant leur groove emporte tout sur son passage, dans un rythme qui fleure bon l’Afrique de l’Ouest autant que le shuffle de Charles Mingus. Dans le groupe, les rôles se déplacent et s’échangent. Deux souffleurs font section pour envoyer des riffs précis et percutants, pendant que le troisième s’égare dans l’ivresse de l’improvisation, ou rejoint la pulsation de la basse à vent. Le répertoire est majoritairement celui du CD « Nine », publié l’an dernier par W.E.R.F. Quelques thèmes antérieurs se glissent en fin de concert dans le déroulement de la fête. Car c’est bien d’une fête qu’il s’agit, une fête musicale, riche d’inventions et de surprises, de nuances et de subtilités aussi. Le répertoire est collectif : il assemble les compositions des uns et des autres, parfois dans des fondus-enchaînés d’une grande finesse. Au détour d’un balancement furieux, on voit surgir un thème recueilli, aux harmonies sinueuses, aux intervalles distendus, qui rappelle les climats de Paul Motian. Et les interventions des solistes procèdent du même doux tuilage, ce qui désempare un peu le public, habitué à des solos bien nets qui appellent l’applaudissement conclusif : ici on se retient d’applaudir pour mieux écouter.
Et le temps s’écoule, tous repères abolis, dans un faux désordre joyeusement rigoureux et perfectionniste. Il faut entendre l’alliage sur le fil du soprano et de la trompette avec sourdine ; l’alto qui passe d’un déboulé furieux à un velouté digne de la Côte Ouest ; le tuba basse qui emporte le swing (pour faire vivre ce balancement, Michel Massot danse en jouant, et en fin de concert, il cessera un instant de jouer pour improviser avec son instrument une chorégraphie envoutante). Et la batterie anime tout cela d’un mouvement irrépressible de vitalité et de vigueur. Dans l’enthousiasme final, Laurent Blondiau embouche simultanément trompette et bugle pour assurer la pulsation. La sensation qui tend à prévaloir, c’est celle d’un jazz idéal, qui embrasserait d’un seul geste les racines néo-orléanaises, l’effervescence des big bands, les circonvolutions virtuoses du bebop, la furia du free jazz, et les libertés nouvelles que le jazz conquiert sans repos dans les musiques d’aujourd’hui. Un concert épatant, par un groupe qui curieusement jouait pour la troisième fois seulement en France (la précédente, ce devait être à Montpellier, pour le festival du Collectif Koa, en 2013). On se demande pourquoi ses prestations se font si rares dans nos contrées : organisateurs de festivals, tendez l’oreille vers cette musique en tout point exceptionnelle !
Xavier Prévost
|
Ce soir, Paris était une province de la Wallonie, et de son extension bruxelloise. Tandis que Bruxelles vivait un quasi couvre feu, à Paris, mimant l’insouciance, et avec un peu d’inconscience, nous allions au concert. Le Centre Wallonie-Bruxelles tourne sa vitrine en forme de salle d’exposition vers l’esplanade du Centre Pompidou. Mais on accède à la salle de concert par la rue Quincampoix, vieille venelle parisienne chargée de mémoire. Ici, dans le cadre du festival « be.jazz », le centre accueillait « Mâäk Quintet ».
MÂÄK QUINTET : Laurent Blondiau (trompette, bugle, percussion, voix), Michel Massot (soubassophone), Guillaume Orti (saxophones alto et soprano, percussion, voix), Jeroen Van Herzeele ( saxophones ténor & soprano, percussion, voix), João Lobo (batterie)
Paris, Centre Wallonie-Bruxelles, 24 novembre 2015, 20h
Près de dix-huit ans d’existence pour ce collectif (ex Mâäk’s Spirit) qui se décline par ailleurs en d’autres avatars (Big band MikMâäk, MW’Soul….). Mais c’est ici le noyau dur, circonscrit aux seuls fondateurs. Ils arrivent en fanfare, de la coulisse : il sont cinq, mais l’énergie qu’ils déploient me rappelle un big band britannique rassemblé par Keith & Julie Tippett au début des années 70, le groupe Centipède : cents pieds et cinquante musiciens, comme son nom l’indique. Eux sont seulement cinq, et dix pieds, et pourtant leur groove emporte tout sur son passage, dans un rythme qui fleure bon l’Afrique de l’Ouest autant que le shuffle de Charles Mingus. Dans le groupe, les rôles se déplacent et s’échangent. Deux souffleurs font section pour envoyer des riffs précis et percutants, pendant que le troisième s’égare dans l’ivresse de l’improvisation, ou rejoint la pulsation de la basse à vent. Le répertoire est majoritairement celui du CD « Nine », publié l’an dernier par W.E.R.F. Quelques thèmes antérieurs se glissent en fin de concert dans le déroulement de la fête. Car c’est bien d’une fête qu’il s’agit, une fête musicale, riche d’inventions et de surprises, de nuances et de subtilités aussi. Le répertoire est collectif : il assemble les compositions des uns et des autres, parfois dans des fondus-enchaînés d’une grande finesse. Au détour d’un balancement furieux, on voit surgir un thème recueilli, aux harmonies sinueuses, aux intervalles distendus, qui rappelle les climats de Paul Motian. Et les interventions des solistes procèdent du même doux tuilage, ce qui désempare un peu le public, habitué à des solos bien nets qui appellent l’applaudissement conclusif : ici on se retient d’applaudir pour mieux écouter.
Et le temps s’écoule, tous repères abolis, dans un faux désordre joyeusement rigoureux et perfectionniste. Il faut entendre l’alliage sur le fil du soprano et de la trompette avec sourdine ; l’alto qui passe d’un déboulé furieux à un velouté digne de la Côte Ouest ; le tuba basse qui emporte le swing (pour faire vivre ce balancement, Michel Massot danse en jouant, et en fin de concert, il cessera un instant de jouer pour improviser avec son instrument une chorégraphie envoutante). Et la batterie anime tout cela d’un mouvement irrépressible de vitalité et de vigueur. Dans l’enthousiasme final, Laurent Blondiau embouche simultanément trompette et bugle pour assurer la pulsation. La sensation qui tend à prévaloir, c’est celle d’un jazz idéal, qui embrasserait d’un seul geste les racines néo-orléanaises, l’effervescence des big bands, les circonvolutions virtuoses du bebop, la furia du free jazz, et les libertés nouvelles que le jazz conquiert sans repos dans les musiques d’aujourd’hui. Un concert épatant, par un groupe qui curieusement jouait pour la troisième fois seulement en France (la précédente, ce devait être à Montpellier, pour le festival du Collectif Koa, en 2013). On se demande pourquoi ses prestations se font si rares dans nos contrées : organisateurs de festivals, tendez l’oreille vers cette musique en tout point exceptionnelle !
Xavier Prévost