Jazz live
Publié le 7 Fév 2023

Madeleine et Salomon, le coeur en Orient

Au 360, Madeleine et Salomon (aka Clotilde Rullaud et Alexandre Saada) ont présenté leur dernier disque, Eastern Spring.

 

Madeleine et Salomon, avec Clotilde Rullaud (voix, flûte) et Alexandre Saada (piano), au 360 Music Factory, 32 rue Myrha, 75018 paris, le 2 février 2023

 

C’était l’une des dernières chansons du concert. Clotilde Rullaud a chanté « Do you love me », avec ces trois phrases du refrain : « Do you love me, Do you need me, do you want me ». Ces trois phrases si simples, elle les chante comme une incantation. Les mots brûlent, continuent de vibrer dans le silence. C’est tout l’art de Clotilde Rullaud que d’être capable d’une telle intensité. A certains moments, elle transforme une chanson en voyage intérieur. C’était le cas dans le premier disque du duo, A woman’s Journey, c’est le cas aujourd’hui avec Eastern Spring, sorti il y a quelques mois qui réunit des titres (peu connus sous nos latitudes) de la chanson arabe, israélienne, grecque des années 60-70. Ils sont chantés en Anglais, avec parfois quelques mots arabes, persans, ou turcs. Le miracle est qu’on n’oublie jamais qu’’on est en Orient, comme si Clotilde Rullaud avait trouvé une vibration orientale dans son chant.

Pour donner tant de chair et d’intensité à ces chansons, Clotilde Rullaud dispose d’un atout majeur : son pianiste, Alexandre Saada. Il a inventé un style d’accompagnement doux, lancinant, hypnotique, qui n’appartient qu’à lui, même si on discerne ici et là quelques échos de Bill Carrothers ou de Stephan Oliva, autres pianistes de l’intériorité. Ses introductions préparent l’auditeur à traverser le miroir. Il y a quelque chose dans ses accompagnements (par exemple dans De l’orient à Orion) qui évoque le balancement de la mer, avec ses flux et ses reflux. Son introduction à la chanson Matar Naem, empruntée au Love Song from Apache magnifié par Coleman Hawkins, est magnifique. Le duo semble avoir approfondi la complicité qui irriguait A woman’s journey. Alexandre Saada  avait déclaré alors à Jazz Magazine : « Accompagner suppose de connaître le moment exact où respire la chanteuse ». Funambules et jumeaux, Alexandre Saada et Clotilde Rullaud se devinent à demi-mot, demi-geste, demi-souffle.

 

Texte : JF Mondot

Dessins : AC Alvoet (autres dessins, peintures, gravures consultables sur son site www.annie-claire.com)