Malta Jazz Festival, deuxième soirée. La Valette, Malte, 19/07.
Malta Jazz Festival, deuxième soirée. La Valette, Malte, 19/07.
C’est un principe de la programmation de Sandro Serafa — directeur artistique du festival dans son île natale quand il n’est pas un membre actif du Paris Jazz Collective sur les bords de la Seine — que de commencer la soirée avec un groupe local. Occasion de découvrir la scène maltaise, mais aussi d’en mesurer les limites (et comment en serait-il autrement ?).
Secondé par Matyas Szandai (b), Romain Pillon (g) et un batteur du cru (Joe Micallef), le saxophoniste Walter Vella déroula un set sans surprise au cours duquel de sympathiques compos d’inspiration orientales, hispanisantes, hard bop ou vaguement jazz-rock étaient servies par une sonorité de ténor et un phrasé trop peu personnels pour retenir longtemps l’attention.
Le trio de Vijay Iyer (p), qui succède à ce combo de circonstance, place d’emblée la barre à un tout autre niveau, tant en ce qui concerne l’énergie que sur le plan de l’interaction. On a beau bien connaître certaines des tourneries rythmiques et autres éléments structurels des compositions ou arrangements d’Iyer, ils gagnent chaque fois à être entendus live tant il est passionnant de voir le pianiste et ses comparses les faire évoluer sous nos yeux, passant d’un thème de Heatwave à un autre d’Herbie Nichols puis à une compo personnelle ou au « Human Nature » de Michael Jackson, auxquels ils impriment la « patte Iyer ». La finesse et le drive de Tyshawn Sorey font à ce niveau merveille. On ne peut guère imaginer drumming plus dense et à la fois plus mélodique, plus rigoureux tout en étant imprévisible. Ce batteur pense comme un rythmicien et comme un compositeur (qu’il est), et la même remarque vaut pour Stephan Crump, pilier grave de cette trinité qu’il ancre dans le sol, tout en lui permettant tous les envols.
Avec le groupe de Gregory Porter (voc), on passe à une forme de surenchère parfois enthousiasmante mais parfois lassante. Si la voix du chanteur se cantonne dans un registre chaleureux et sacrifie avec sincérité aux codes d’un jazz imprégné de soul, son pianiste (Chip Crawford) frôle souvent l’hystérie, répandant une logorrhée digitale sur l’intégralité de ses 88 touches. Yosuke Satoh (as), quant à lui, réussit à être plus convaincant dans une lignée Parker/Cannonball où la vélocité de son débit excelle. Quant à la rythmique — Aaron James (b), Emanuel Harrold (dm) —, parfaite dans le style, elle ne fait évidemment pas oublier l’inventivité du bassiste et du batteur qui la précédaient sur scène. Au total, pour quelqu’un qui comme moi voyait Gregory Porter sur scène pour la première fois, c’est par une semi-déception que ce solde cette découverte. Excellent chanteur, Porter n’a cependant rien qui justifie à mes oreilles qu’il remporte aujourd’hui un succès que n’atteignit jamais un Kevin Mahogany (par exemple). Sa voix, objectivement fort belle et flexible, gagnerait par ailleurs à être entourée de musiciens d’un autre calibre. Mais il est temps pour mes trois collègues européens et moi-même (vous ai-je dit que cette visite au Malta Jazz Festival s’accompagne d’un « voyage de presse » au cours duquel nous sommes transportés, guidés et bichonnés d’une façon qui frise l’indécence ?) de regagner le minibus climatisé qui nous ramène à l’hôtel Phoenicia — luxueux établissement datant des débuts du boom du tourisme sur l’archipel maltais — où ne pas faire de beaux rêves serait à la limite de… l’indécence.
Thierry Quénum
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Malta Jazz Festival, deuxième soirée. La Valette, Malte, 19/07.
C’est un principe de la programmation de Sandro Serafa — directeur artistique du festival dans son île natale quand il n’est pas un membre actif du Paris Jazz Collective sur les bords de la Seine — que de commencer la soirée avec un groupe local. Occasion de découvrir la scène maltaise, mais aussi d’en mesurer les limites (et comment en serait-il autrement ?).
Secondé par Matyas Szandai (b), Romain Pillon (g) et un batteur du cru (Joe Micallef), le saxophoniste Walter Vella déroula un set sans surprise au cours duquel de sympathiques compos d’inspiration orientales, hispanisantes, hard bop ou vaguement jazz-rock étaient servies par une sonorité de ténor et un phrasé trop peu personnels pour retenir longtemps l’attention.
Le trio de Vijay Iyer (p), qui succède à ce combo de circonstance, place d’emblée la barre à un tout autre niveau, tant en ce qui concerne l’énergie que sur le plan de l’interaction. On a beau bien connaître certaines des tourneries rythmiques et autres éléments structurels des compositions ou arrangements d’Iyer, ils gagnent chaque fois à être entendus live tant il est passionnant de voir le pianiste et ses comparses les faire évoluer sous nos yeux, passant d’un thème de Heatwave à un autre d’Herbie Nichols puis à une compo personnelle ou au « Human Nature » de Michael Jackson, auxquels ils impriment la « patte Iyer ». La finesse et le drive de Tyshawn Sorey font à ce niveau merveille. On ne peut guère imaginer drumming plus dense et à la fois plus mélodique, plus rigoureux tout en étant imprévisible. Ce batteur pense comme un rythmicien et comme un compositeur (qu’il est), et la même remarque vaut pour Stephan Crump, pilier grave de cette trinité qu’il ancre dans le sol, tout en lui permettant tous les envols.
Avec le groupe de Gregory Porter (voc), on passe à une forme de surenchère parfois enthousiasmante mais parfois lassante. Si la voix du chanteur se cantonne dans un registre chaleureux et sacrifie avec sincérité aux codes d’un jazz imprégné de soul, son pianiste (Chip Crawford) frôle souvent l’hystérie, répandant une logorrhée digitale sur l’intégralité de ses 88 touches. Yosuke Satoh (as), quant à lui, réussit à être plus convaincant dans une lignée Parker/Cannonball où la vélocité de son débit excelle. Quant à la rythmique — Aaron James (b), Emanuel Harrold (dm) —, parfaite dans le style, elle ne fait évidemment pas oublier l’inventivité du bassiste et du batteur qui la précédaient sur scène. Au total, pour quelqu’un qui comme moi voyait Gregory Porter sur scène pour la première fois, c’est par une semi-déception que ce solde cette découverte. Excellent chanteur, Porter n’a cependant rien qui justifie à mes oreilles qu’il remporte aujourd’hui un succès que n’atteignit jamais un Kevin Mahogany (par exemple). Sa voix, objectivement fort belle et flexible, gagnerait par ailleurs à être entourée de musiciens d’un autre calibre. Mais il est temps pour mes trois collègues européens et moi-même (vous ai-je dit que cette visite au Malta Jazz Festival s’accompagne d’un « voyage de presse » au cours duquel nous sommes transportés, guidés et bichonnés d’une façon qui frise l’indécence ?) de regagner le minibus climatisé qui nous ramène à l’hôtel Phoenicia — luxueux établissement datant des débuts du boom du tourisme sur l’archipel maltais — où ne pas faire de beaux rêves serait à la limite de… l’indécence.
Thierry Quénum
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Malta Jazz Festival, deuxième soirée. La Valette, Malte, 19/07.
C’est un principe de la programmation de Sandro Serafa — directeur artistique du festival dans son île natale quand il n’est pas un membre actif du Paris Jazz Collective sur les bords de la Seine — que de commencer la soirée avec un groupe local. Occasion de découvrir la scène maltaise, mais aussi d’en mesurer les limites (et comment en serait-il autrement ?).
Secondé par Matyas Szandai (b), Romain Pillon (g) et un batteur du cru (Joe Micallef), le saxophoniste Walter Vella déroula un set sans surprise au cours duquel de sympathiques compos d’inspiration orientales, hispanisantes, hard bop ou vaguement jazz-rock étaient servies par une sonorité de ténor et un phrasé trop peu personnels pour retenir longtemps l’attention.
Le trio de Vijay Iyer (p), qui succède à ce combo de circonstance, place d’emblée la barre à un tout autre niveau, tant en ce qui concerne l’énergie que sur le plan de l’interaction. On a beau bien connaître certaines des tourneries rythmiques et autres éléments structurels des compositions ou arrangements d’Iyer, ils gagnent chaque fois à être entendus live tant il est passionnant de voir le pianiste et ses comparses les faire évoluer sous nos yeux, passant d’un thème de Heatwave à un autre d’Herbie Nichols puis à une compo personnelle ou au « Human Nature » de Michael Jackson, auxquels ils impriment la « patte Iyer ». La finesse et le drive de Tyshawn Sorey font à ce niveau merveille. On ne peut guère imaginer drumming plus dense et à la fois plus mélodique, plus rigoureux tout en étant imprévisible. Ce batteur pense comme un rythmicien et comme un compositeur (qu’il est), et la même remarque vaut pour Stephan Crump, pilier grave de cette trinité qu’il ancre dans le sol, tout en lui permettant tous les envols.
Avec le groupe de Gregory Porter (voc), on passe à une forme de surenchère parfois enthousiasmante mais parfois lassante. Si la voix du chanteur se cantonne dans un registre chaleureux et sacrifie avec sincérité aux codes d’un jazz imprégné de soul, son pianiste (Chip Crawford) frôle souvent l’hystérie, répandant une logorrhée digitale sur l’intégralité de ses 88 touches. Yosuke Satoh (as), quant à lui, réussit à être plus convaincant dans une lignée Parker/Cannonball où la vélocité de son débit excelle. Quant à la rythmique — Aaron James (b), Emanuel Harrold (dm) —, parfaite dans le style, elle ne fait évidemment pas oublier l’inventivité du bassiste et du batteur qui la précédaient sur scène. Au total, pour quelqu’un qui comme moi voyait Gregory Porter sur scène pour la première fois, c’est par une semi-déception que ce solde cette découverte. Excellent chanteur, Porter n’a cependant rien qui justifie à mes oreilles qu’il remporte aujourd’hui un succès que n’atteignit jamais un Kevin Mahogany (par exemple). Sa voix, objectivement fort belle et flexible, gagnerait par ailleurs à être entourée de musiciens d’un autre calibre. Mais il est temps pour mes trois collègues européens et moi-même (vous ai-je dit que cette visite au Malta Jazz Festival s’accompagne d’un « voyage de presse » au cours duquel nous sommes transportés, guidés et bichonnés d’une façon qui frise l’indécence ?) de regagner le minibus climatisé qui nous ramène à l’hôtel Phoenicia — luxueux établissement datant des débuts du boom du tourisme sur l’archipel maltais — où ne pas faire de beaux rêves serait à la limite de… l’indécence.
Thierry Quénum
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Malta Jazz Festival, deuxième soirée. La Valette, Malte, 19/07.
C’est un principe de la programmation de Sandro Serafa — directeur artistique du festival dans son île natale quand il n’est pas un membre actif du Paris Jazz Collective sur les bords de la Seine — que de commencer la soirée avec un groupe local. Occasion de découvrir la scène maltaise, mais aussi d’en mesurer les limites (et comment en serait-il autrement ?).
Secondé par Matyas Szandai (b), Romain Pillon (g) et un batteur du cru (Joe Micallef), le saxophoniste Walter Vella déroula un set sans surprise au cours duquel de sympathiques compos d’inspiration orientales, hispanisantes, hard bop ou vaguement jazz-rock étaient servies par une sonorité de ténor et un phrasé trop peu personnels pour retenir longtemps l’attention.
Le trio de Vijay Iyer (p), qui succède à ce combo de circonstance, place d’emblée la barre à un tout autre niveau, tant en ce qui concerne l’énergie que sur le plan de l’interaction. On a beau bien connaître certaines des tourneries rythmiques et autres éléments structurels des compositions ou arrangements d’Iyer, ils gagnent chaque fois à être entendus live tant il est passionnant de voir le pianiste et ses comparses les faire évoluer sous nos yeux, passant d’un thème de Heatwave à un autre d’Herbie Nichols puis à une compo personnelle ou au « Human Nature » de Michael Jackson, auxquels ils impriment la « patte Iyer ». La finesse et le drive de Tyshawn Sorey font à ce niveau merveille. On ne peut guère imaginer drumming plus dense et à la fois plus mélodique, plus rigoureux tout en étant imprévisible. Ce batteur pense comme un rythmicien et comme un compositeur (qu’il est), et la même remarque vaut pour Stephan Crump, pilier grave de cette trinité qu’il ancre dans le sol, tout en lui permettant tous les envols.
Avec le groupe de Gregory Porter (voc), on passe à une forme de surenchère parfois enthousiasmante mais parfois lassante. Si la voix du chanteur se cantonne dans un registre chaleureux et sacrifie avec sincérité aux codes d’un jazz imprégné de soul, son pianiste (Chip Crawford) frôle souvent l’hystérie, répandant une logorrhée digitale sur l’intégralité de ses 88 touches. Yosuke Satoh (as), quant à lui, réussit à être plus convaincant dans une lignée Parker/Cannonball où la vélocité de son débit excelle. Quant à la rythmique — Aaron James (b), Emanuel Harrold (dm) —, parfaite dans le style, elle ne fait évidemment pas oublier l’inventivité du bassiste et du batteur qui la précédaient sur scène. Au total, pour quelqu’un qui comme moi voyait Gregory Porter sur scène pour la première fois, c’est par une semi-déception que ce solde cette découverte. Excellent chanteur, Porter n’a cependant rien qui justifie à mes oreilles qu’il remporte aujourd’hui un succès que n’atteignit jamais un Kevin Mahogany (par exemple). Sa voix, objectivement fort belle et flexible, gagnerait par ailleurs à être entourée de musiciens d’un autre calibre. Mais il est temps pour mes trois collègues européens et moi-même (vous ai-je dit que cette visite au Malta Jazz Festival s’accompagne d’un « voyage de presse » au cours duquel nous sommes transportés, guidés et bichonnés d’une façon qui frise l’indécence ?) de regagner le minibus climatisé qui nous ramène à l’hôtel Phoenicia — luxueux établissement datant des débuts du boom du tourisme sur l’archipel maltais — où ne pas faire de beaux rêves serait à la limite de… l’indécence.
Thierry Quénum